1946

Manifeste de la IV° Internationale aux travailleurs, aux exploités, aux peuples coloniaux opprimés du monde entier
Source : brochure IV° Internationale, 1946.

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Des révolutions socialistes victorieuses peuvent seules empêcher la troisième guerre mondiale

IV° Internationale


Le programme de la IV° Internationale.

Cette conférence de la IV° Internationale se réunit après que la prétendue « Organisation des Nation Unies » a ajourné ses sessions à Londres et pendant que des préparatifs sont faits pour tenir la conférence « de la Paix » en session secrète à Paris. La conférence de l'O.N.U. a été marquée par les heurts entre les représentants de l'impérialisme américain et anglais d'une part, et ceux de la bureaucratie stalinienne d'autre part. Les soucis hypocrites du sort des petites nations ont servi à masquer les heurts. Le « travailliste » Bevin gémit sur le sort de l'Iran, de la Roumanie et de la Bulgarie entre les mains du Kremlin tout en continuant à poursuivre intégralement la politique superimpérialiste de Churchill dans l'Empire britannique et en Grèce. Vichinsky, le représentant de la bureaucratie staliniste, gémit sur le sort de la Grèce et de l'Indonésie dans les mains de la Grande‑Bretagne, pendant que le Kremlin violente la conscience des ouvriers du monde entier par ses actions honteuses en Europe occidentale et en Asie. Deux bureaucrates hissés au pouvoir sur les épaules des travailleurs jouent le jeu de « maîtres du monde », selon les règles établies par la diploma­tie impérialiste pourrie. L'O.N.U. a même élu le « socialiste » Spaak de Belgique comme président et le « travailliste » Lie de Norvège comme secrétaire général. Mais rien dans ce camouflage « de gauche » ne peut dissimuler le fait que l'O.N.U. est tout simplement une nouvelle édition de cette Société des Nations impérialiste que Lénine baptisa de « caverne de brigands ». Pas un seul acte de cette assemblée ne soulève le moindre enthousiasme dans les masses du monde entier. Tous les peuples suivirent ses débats avec peur et appréhension et dans le meilleur des cas avec apathie. Personne n'exprima l'espoir qu'elle résoudrait l'un quelconque des problèmes qui se posent à l'humanité. Elle ne fut acceptée, en démenti complet de son propre nom, que comme une nouvelle arène, de combat des puissances aux prises. La Conférence de la « Paix » de Paris n'est pas envisagée avec plus d'optimisme.

Pendant même que les diplomates se font obstruction les uns aux autres à Londres et à Paris, l’orage révolutionnaire s'amoncelle aux Indes et en Egypte. Les événements qui s'y déroulent y suivent le modèle tracé non par le programme de l'O.N.U., ou d'un quelconque de ses participants, mais par celui de la IV° Internationale. C'est pourquoi nous pouvons dire avec assurance que les délibérations de notre Conférence sont d'une importance infiniment plus grande que celles de « l'Internationale » bourgeoise, en dépit de sa façade imposante et de tout le camouflage « ouvrier » que lui confèrent les traîtres du réformisme et du stalinisme.

Cette conférence de la IV° Internationale en appelle à tous les ouvriers, à tous les exploités et à tous les opprimés, non pour désespérer devant l’œuvre de leurs maîtres mais pour engager la lutte contre ceux‑ci, Non pour dédaigner simplement leurs mauvais guides, mais pour leur imposer leur propre volonté. Les maîtres actuels du monde brandissent la menace de l'épouvantable bombe atomique pour intimider le genre humain. Mais ils oublient que les bombes atomiques elles aussi ont besoin de mains ouvrières pour être produites. Ils oublient qu'il faudra des travailleurs en uniforme pour manier ces armes redoutables. Des ouvriers emplis de défiance contre leurs patrons avides, sauront faire grève dans les usines de bombes atomiques aussi bien qu'en d'autres lieux de la production. Les soldats remplis de haine pour leurs dirigeants impérialistes sauront prévenir l'emploi de cette arme d'auto‑destruction. Ils n'auront besoin que d'être conscients de la puissance de la solidarité mondiale du prolétariat et de son objectif révolutionnaire socialiste. C'est la seule voie pour faire face à la menace de la bombe atomique.

En appelant le prolétariat international à l'action, la Conférence Mondiale de la IV° Internationale salue avant tout la lutte héroïque des masses indiennes et égyptiennes qui sont entrées dans la voie du renversement révolutionnaire de l'impérialisme britannique. Elle note avec satisfaction dans ces soulèvements de masse les indices déjà évidents que la tentative de l'impérialisme américain de mettre à profit les difficultés de son rival britannique, se heurte à une hostilité ouverte et à une résistance manifeste. Elle met en garde contre les efforts de la bourgeoisie coloniale liée à l'impérialisme par ses intérêts capitalistes, pour freiner la lutte et la trahir. Pas de confiance en Gandhi, Nehru, Patel et consorts ! La lutte de l'Inde, de l'Egypte, de l'Indonésie, de l'Indochine et de tous les autres peuples coloniaux pour l'indépendance nationale, pour la libération totale de l'oppression impérialiste, ne peut triompher que dans un combat intransigeant contre les oppresseurs. Seule la jeune classe ouvrière appuyée par les masses paysannes peut conduire la lutte à son achèvement victorieux !

Formez vos propres conseils d'ouvriers et de paysans pour diriger la lutte ! Emparez‑vous des terres pour ceux qui les cultivent ! Instaurez le contrôle des usines par les comités ouvriers ! Ne permettez pas aux dirigeants bourgeois et aux traîtres staliniens de passer un compromis avec l'impérialisme ! Exigez la convocation immédiate d'une Assemblée Constituante où s'exprimeront librement la volonté du peuple et son droit à se gouverner à sa guise !

La lutte des masses coloniales pour la liberté n'est qu'une partie de la lutte des ouvriers d'Angleterre, d'Europe, d'Amérique contre les mêmes maîtres impérialistes. La IV° Internationale appelle les ouvriers des grandes métropoles à se rassembler pour la défense des masses coloniales: bas les pattes devant la révolution indienne ! Bas les pattes devant la révolution en Indochine, en Indonésie, en Egypte, en Extrême Orient et dans le Proche Orient ! Ainsi doit se faire entendre la voix résolue des ouvriers d'Angleterre, d'Amérique, de l'Europe contre les manigances de leurs maîtres capitalistes !

Au moment où l'oppression dans les vieilles colonies se heurte à la rebellion, les maîtres impérialistes, en accord avec la bureaucratie du Kremlin, s'efforcent d'imposer la même sorte d'oppression et de rapine sur les masses ces nations impérialistes vaincues : Allemagne, Japon, Italie.

La IV° Internationale appelle les travailleurs des nations « démocratiques » à se dresser contre ces plans réactionnaires. Contre les mensonges chauvins qui tentent de faire retomber la responsabilité de la guerre de tous les impérialismes sur les épaules des prolétaires d'Allemagne, du Japon et d'Italie, la IV° Internationale appelle les ouvriers américains, anglais et européens à manifester leur solidarité, de classe envers les travailleurs des pays vaincus. Retrait des troupes d'Allemagne, du Japon et d'Italie ! Pleine liberté d'expression, de presse, de réunion ! Elections libres !

Ce n'est qu'en dressant ces revendications contre les oppresseurs impérialistes et leurs acolytes du Kremlin que les ouvriers des nations « alliées » pourront gagner les masses allemandes, japonaises et italiennes à leurs buts communs « Les Etats Unis Socialistes d'Europe et du Monde ».

Dans tous les pays il faut résister à l'inflation déchaînée et à l'énorme programme d'impôts, au moyen desquels les capitalistes du monde entier s'efforcent de reporter le fardeau de leur dette de guerre sur les épaules des travailleurs, par une contre‑offensive des masses dirigée par la classe ouvrière. La IV° Internationale appelle les ouvriers à sa défense en déclenchant la lutte sous les mots d'ordre suivants:

Echelle mobile des salaires pour faire face au coût montant de la vie ! Taxez les riches, non les pauvres. Confiscation des profits de guerre des grandes sociétés !

En même temps, la bourgeoisie prémédite de se débarrasser du fardeau de la dépression qui approche, en rejetant des millions d'hommes hors de la production, de démoraliser ainsi les prolétaires et de les dresser les uns contre les autres. La IV° Internationale appelle les ouvriers à combattre les plans de dépression des capitalistes sous les mots d'ordres :

Echelle mobile des heures de travail ! Division du travail entre tous ceux qui sont aptes au travail ! Réduction de la semaine de travail sans réduction de salaire !

La guerre a révélé les prodigieux exploits de production dont l'industrie moderne était capable. Mais en régime capitaliste tous ces grands efforts productifs ne servent qu'à la guerre et à la destruction. La guerre finie, les usines ferment leurs portes. Le capitalisme ne peut pas produire pour la paix. La IV° Internationale fait appel aux ouvriers de tous les pays pour qu'ils exigent :

Ouverture des usines fermées ! Mise en marche de celles‑ci sous le contrôle ouvrier ! En réponse aux jérémiades de la bourgeoisie selon lesquelles ces mesures « mineraient » l'économie, la IV° Internationale appelle les ouvriers à revendiquer : Remise des livres des trusts à l'inspection des comités ouvriers !

Abolition des secrets commerciaux ! C'est de cette manière que seront révélée à tous le vol et le pillage du capitalisme des monopoles.

En Grande‑Bretagne, en France, dans les autres pays d'Europe occidentale, la radicalisation des masses a contraint les capitalistes de monopoles et leurs trusts à une position défensive. Aux exigences croissantes pour la socialisation de l'industrie, le gouvernement travailliste et les coalitions des socialistes‑réformistes et les stalinistes avec les partis bourgeois, répondent par des « nationalisations » qui laissent intacts les profits capitalistes. Les monopoles se trouvent ainsi en état d'utiliser de telles « nationalisations » comme couverture pour accroître leur emprise sur l'économie. La IV° Internationale met en garde contre ces mesures illusoires et appelle les ouvriers a exiger: Des nationalisations sans indemnité ni rachat ! Le contrôle ouvrier sur les industries nationalisées !

Pour réaliser ces mesures indispensables sans lesquelles il n'y a pas moyen d'empêcher la crise mondiale de plonger l'humanité plus avant dans l'agonie du capitalisme, les organisations ouvrières doivent rompre avec les partis capitulards et poursuivre une politique de classe indépendante. C'est pourquoi la IV° Internationale appelle les masses a exiger de leurs organisations traditionnelles :

Rompez la coalition avec les capitalistes ! Prenez tout le pouvoir ! Formez des gouvernements ouvriers et paysans ! Appliquez un véritable programme anti‑capitaliste sous le contrôle et la protection des ouvriers et des paysans !

La IV° Internationale avance ces mots d'ordre tout en participant acti­vement aux luttes quotidiennes des masses, en partageant leurs expériences et en tirant les leçons de celles-ci. Au cours de cette lutte commune, les partis de la IV° Internationale déploient leur programme total, le programme de la révolution socialiste et l'instauration de républiques ouvrières libres, dans une fédération mondiale d’Etats socialistes. Dans la lutte pour ce programme, la IV° Internationale appelle les ouvriers a combattre le chauvinisme aussi bien du type réformiste que, du type staliniste. Dans les pays d'Europe orientale en particulier, elle appelle les ouvriers à combattre le chauvinisme féroce du Kremlin par la fraternisation avec les troupes de l'Armée Rouge. Pour combattre la politique bureaucratique et réactionnaire, de pillage et de rapine, ils doivent, développer leur mouvement indépendant de conseils d'ou­vriers et de paysans, pour imposer la socialisation de l'industrie et la division des terres entre les paysans pauvres, pour lutter pour leurs droits démocra­tiques et pour le droit de toutes les nationalités à disposer d'elles‑mêmes. Afin de lutter victorieusement pour ces revendications, les travailleurs d'Europe orientale uniront leurs forces aux travailleurs de l'Union Soviétique pour ren­verser la bureaucratie réactionnaire de Staline et établir une véritable démocratie soviétique dans l'Etat ouvrier.

En opposition aux sociaux réformistes et, aux stalinistes, la IV° Interna­tionale n'édifie pas sa politique sur la base des desseins militaires et diploma­tiques des États capitalistes mais sur les besoins criants des ouvriers, des exploités, des opprimés, Son programme est le programme de l'émancipation totale du prolétariat de !'exploitation capitaliste, des peuples coloniaux du joug impérialiste, des masses du cancer de la bureaucratie para­lysante. La IV° Internationale ne soutient aucun des régimes existants. Elle appelle les ouvriers à renverser ces régimes et à édifier leur propre pouvoir. Le renversement du capitalisme et l'établissement du pouvoir ouvrier est une tâche qui ne peut être remplie qu'à l'échelle mondiale.

Seuls des Etats Socialistes Unis dans une Fédération Mondiale de Républiques Socialistes peuvent bannir la guerre pour toujours organiser la production pour les besoins de l'humanité et assurer l'abondance pour tous et créer une société d'hommes libres et égaux.

Seule une Fédération Socialiste Mondiale peut transformer l'énergie atomique qui menace à présent d'annihiler le genre humain en un bienfait sans précédent pour le progrès de l'humanité.

Tel est notre programme.

Travailleurs du monde entier, il n'y a pas d'autre issue que de s'unir sous le drapeau de la IV° Internationale !

Bruxelles, avril 1946

La Conférence Internationale de la IV° Internationale, Parti mondial de la Révolution Socialiste.


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