1943

LA LUTTE de CLASSES  – n° 18
Prolétaires de tous les pays, unissez-vous !
Organe du Groupe Communiste (IVème Internationale)


LA LUTTE de CLASSES  –  n° 18

Barta

10 octobre 1943


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"Les masses soulevées de la Russie de 1917 s'élèvent à la nette conscience de l'action nécessaire, des moyens, des objectifs à atteindre, par l'organe du parti bolchevik. ...Le parti leur révèle ce qu'elles pensent. Le parti est le lien qui les unit entre elles, d'un bout à l'autre du pays. Le parti est leur conscience, leur intelligence, leur organisation."(V. Serge, l'An Premier).


LES LECONS D'ITALIE

Provisoirement, la brèche ouverte dans la guerre impérialiste par le mouvement révolutionnaire en Italie a été "colmatée" par les impérialistes de Berlin et de Londres et Washington. A nouveau le fracas des bombes et le silence des "informations" officielles couvrent d'un voile épais la lutte des travailleurs de la péninsule pour la paix, le pain et la liberté.

Ayant combattu à mort le régime de Mussolini pour sortir de la guerre et de l'oppression politique, les masses italiennes se trouvent cependant plus que jamais politiquement enchaînées et, impuissantes, livrées aux ravages d'une guerre impitoyable qui se déroule sur le sol italien.

Que s'est-il passé en Italie ?

Courbés sous le régime fasciste établi par Mussolini pour sauver le capitalisme italien de la révolution prolétarienne, les ouvriers italiens, qui n'ont pas oublié les traditions de lutte de 1919 (occupation et mise en marche des usines), attendaient le moment favorable pour la reconquête de leurs droits élémentaires. Ce moment arriva le 25 juillet, avec la chute de Mussolini (voir n° 16). La lutte des masses ouvrières et populaires prit un caractère décisif et liquida le régime fasciste. En attaquant les locaux fascistes (permanences, journaux, etc...), en ouvrant les portes des prisons, en ressuscitant l'activité politique libre, en reconstruisant leurs organisations de classe (syndicats, élection de conseils ouvriers), les ouvriers italiens prenaient leur sort entre leurs propres mains.

Mais rien ne pouvait être définitivement conquis par les masses laborieuses tant que l'Italie continuait à participer au conflit impérialiste. La liquidation du régime pourri n'était que la première étape vers la solution du problème fondamental de la PAIX, sans laquelle il ne peut y avoir pour aucun peuple de pain et de liberté.

Cette paix, que désiraient ardemment les travailleurs et les soldats italiens, ne pouvait leur être accordée ni par l'impérialisme allemand, ni par l'impérialisme anglais et américain, ni par la bourgeoisie italienne. Les deux groupes impérialistes, dans leur lutte, écrasent sans se soucier les peuples plus faibles ; la bourgeoisie italienne ne balançait pas un instant entre ses intérêts impérialistes qui pouvaient être sauvés tout au moins partiellement en se vendant au plus fort et le sort du peuple italien voué au massacre.

Pour se soustraire à la guerre impérialiste les ouvriers et les soldats italiens ne pouvaient donc compter que sur la solidarité ouvrière et paysanne des soldats allemands, américains, anglais et des ouvriers du continent européen. Pour réveiller cette solidarité de classe dans un monde déchiré depuis quatre ans par un conflit impérialiste qui a livré les exploités de chaque pays à leur propre bourgeoisie, il aurait fallu que ceux-ci entendent non pas les clameurs des éléments pro-impérialistes qui occupaient le devant de la scène en Italie, mais la propre voix du prolétariat italien défendant la cause des opprimés du monde entier. S'adressant directement par dessus la tête de leurs dirigeants capitalistes (le roi, Badoglio et les partis pro-alliés) aux soldats en guerre et aux ouvriers exploités dans les usines, en dénonçant la politique capitaliste de ceux-ci qui par leur diplomatie secrète s'apprêtaient à vendre le peuple italien à de nouveaux maîtres impérialistes, en leur demandant à eux une paix démocratique, c'est-à-dire une paix sans annexions ni clauses secrètes, et en répudiant ouvertement l'exploitation d'autres peuples par le peuple italien, le prolétariat italien aurait préparé son propre avenir et celui de tous les peuples.

Car même si, pour des raisons géographiques, la transformation de l'Italie en champ de bataille était inévitable, ce langage prolétarien aurait tonné dans les oreilles des soldats et des ouvriers écrasés sous le poids de la guerre, comme l'annonce de la société socialiste qui vient ; le concert de haines impérialistes aurait été assourdi par le cri de solidarité prolétarienne.


Il eut fallu pour cela que quelqu'un exprime les véritables désirs des masses laborieuses italiennes ; il eut fallu qu'à l'heure où le fascisme a été vaincu se trouvât à la tête des masses un parti totalement dévoué aux masses travailleuses et qui, agissant au nom du prolétariat, incarnât cette volonté socialiste.

Mais un tel Parti n'existait pas en Italie. Les masses ont-elles à peine fait irruption dans l'arène politique, que les vieux partis pourris (socialistes, communistes, démocrates seulement de nom), prétendant agir au nom des masses italiennes, se sont mis à travailler pour un renversement d'alliance, quoique sachant bien le prix que cela coûterait au peuple italien. Tous ces partis sont pour "Badoglio à l'action", Badoglio, l'homme de confiance du capitalisme italien, l'assassin de l'Abyssinie, travaillant à sauver, après l'écroulement du fascisme, le roi et la bourgeoisie. Pour que la bourgeoisie puisse garder le droit d'exploiter des esclaves en Afrique, pour que le roi puisse continuer à accrocher des décorations sur la poitrine des "braves" officiers, pour que les officiers italiens puissent toucher des soldes élevées et porter de beaux uniformes, le peuple italien devait être jeté par Badoglio dans les pires souffrances. Des centaines de milliers de prisonniers en Allemagne, la dévastation de la péninsule, voilà l'œuvre des impérialistes et de leurs serviteurs conscients ou inconscients.


Ce qui se passe dans le Sud de l'Europe depuis le 25 juillet c'est l'image des événements qui demain déferleront sur tout le continent. En comprendre la signification et les leçons, c'est une question de vie ou de mort pour les masses exploitées du continent.

Il doit être maintenant clair pour tous les ouvriers que la lutte des masses, à la première occasion favorable, pour la conquête de la paix, du pain et de la liberté, se heurtera non seulement à la résistance de l'impérialisme allemand, mais également à l'impérialisme allié et à la bourgeoisie des différents pays en dépendant. Leur complicité a pour but d'empêcher tout mouvement de masses autonome, ayant ses propres buts ; les impérialistes feront tout leur possible pour que leur guerre de brigandage ne se termine pas, comme en Russie en Octobre 17, par la victoire ouvrière.

Pour combattre avec succès les plans impérialistes, la classe ouvrière doit comprendre à temps les grands dangers auxquels elle s'expose en se laissant passivement manœuvrer par la diplomatie secrète de la bourgeoisie et en faisant la moindre confiance aux impérialistes alliés, parmi lesquels figurent, les derniers mais non pas les pires, le roi d'Italie et Badoglio complices de Mussolini pendant 21 ans.

Combien de leçons sanglantes doit-on encore recevoir pour comprendre que la lutte que mènent les puissances impérialistes écrase tous les peuples, y compris les peuples qui les soutiennent ? Les prolétaires ont-ils oublié la longue expérience sanglante que la bourgeoisie a infligé aux ouvriers dans tous les pays (en particulier l'œuvre du "démocrate" Daladier de 1939-1940) ? Les morts, les martyrs, les emprisonnés, victimes du capitalisme français anglais, américain sont-ils déjà oubliés ? Les crimes de l'impérialisme allemand peuvent-ils être punis par des criminels du même genre ? Seule la classe ouvrière peut lever l'étendard de la justice sur le monde !

Ce qui s'est passé en Italie prouve une fois de plus que la classe ouvrière, les masses laborieuses sont vouées aux défaites sans l'existence d'un parti révolutionnaire. Mais la classe ouvrière française a elle aussi son propre exemple, ses propres luttes menées depuis 1934 sous tous les gouvernements – de droite ou de gauche – pour la conquête du droit à la vie. Si cette lutte n'a pas mené à la victoire, qui faut-il accuser sinon le fait que la lutte opiniâtre des masses n'a pas trouvé un guide sûr contre la bourgeoisie ?  Quel prolétaire français ne voit pas clairement que le parti dit communiste s'est servi de la lutte ouvrière pour appuyer la diplomatie soviétique au lieu de servir la classe ouvrière contre la bourgeoisie française ?

Il faut un parti révolutionnaire aux masses pour sortir de la guerre, pour renverser le capitalisme qui l'engendre, pour créer une société meilleure. Ce parti est créé par les meilleurs éléments de la société qui n'acceptent pas l'ordre bourgeois, qui ont compris les lois historiques et politiques, qui veulent construire une société socialiste basée sur l'économie planifiée dont l'URSS a prouvé l'efficacité. Mais ce parti ne peut acquérir une véritable base révolutionnaire sans l'activité consciente des meilleurs éléments prolétariens. A ceux-ci de rechercher l'activité politique, de s'organiser, de montrer au monde que la classe ouvrière accomplira son destin historique.

A bas les impérialismes allemand et allié !

A bas la diplomatie secrète !

Vive la Quatrième Internationale !


"S'ILS S'OBSTINENT, CES CANNIBALES..." (L'Inter.)

"Il est de l'intérêt de la Grande-Bretagne" a déclaré M. Churchill, "que la France redevienne un pays fort avec une armée forte". Puisqu'il s'agit d'intérêt et non pas de "démocratie" ou de "libération", on peut faire confiance à Churchill.

Il convient donc de réfléchir sérieusement aux projets de l'impérialisme britannique en ce qui concerne ses rapports avec le capitalisme français.

Tôt ou tard la guerre se déroulera sur le sol français M. Churchill, qui a besoin de la chair à canon française, sait très bien que ses agents en France (gaullistes, "communistes", etc...) ne peuvent pas mettre en branle, pour la guerre impérialiste, la masse du peuple français. Alors, il veut nous "enthousiasmer" en faisant appel aux traditions militaristes que nous a inculqué le capitalisme français.

"Une France et une armée fortes" ont été, en 1914, l'origine, pour le peuple français d'un conflit qui lui a coûté 1 500 000 morts et plusieurs générations d'éclopés.

Après 1918 la France devint même une "grande puissance". Mais cela n'empêcha ni le chômage, ni la misère, ni les troubles sociaux, ni la pourriture du régime parlementaire bourgeois, ni une deuxième guerre impérialiste. Que peut bien signifier actuellement la perspective d'une "France (capitaliste) forte" ? Ayant perdu définitivement la position de deuxième puissance coloniale du monde, économiquement et financièrement encore plus dépendante de Londres et de Washington, la France capitaliste, dans le cas d'une victoire alliée sera loin de disposer des moyens dont disposait la "grande puissance" française après 1918. La misère des grandes couches populaires ne sera plus cachée par les miettes des richesses que le capitalisme français abandonnait généreusement à une partie de la population. Misère accrue, chômage accru, troubles sociaux cruels, dictature ouverte (avec quelques dehors "démocratiques"), voilà ce que peut être une "France (capitaliste) forte" à la fin de la présente guerre.

Mais d'ores et déjà ses dirigeants présomptifs (De Gaulle, Giraud) la préparent de plus en plus ouvertement, de plus en plus odieusement, au rôle de gendarme et de mercenaire. Publiquement, Giraud s'engage à fournir à Washington, contre l'impérialisme japonais, trois cent mille "hommes" en échange de matériel (hommes et matériel destinés d'ailleurs à être réduits en poussière).

Après la "victoire", l'"armée forte" française serait sans doute indispensable pour le rôle de garde-chiourme dans les différents pays soumis ou conquis, pour le maintien de l'ordre capitaliste. Pour s'en convaincre, nous avons l'exemple de l'armée allemande d'occupation que ses maîtres mettent au service des capitalistes français toutes les fois que ceux-ci ont des difficultés avec les ouvriers.

Ce rôle infâme par lequel Churchill veut allécher les ouvriers et les paysans français ne sera pas accepté par les travailleurs de France. Les travailleurs de France luttent pour les Etats-Unis socialistes d'Europe, qui exclueront à tout jamais les conflits entre les peuples du continent. Le peuple de France ne ploiera plus sous le fardeau des impôts pour entretenir des armées "fortes" au service de ces messieurs les capitalistes !


LENINE SUR LA "DEMOCRATIE" ET LA "DICTATURE" (Extraits)

La croissance du mouvement révolutionnaire prolétarien dans tous les pays suscite les efforts convulsifs de la bourgeoisie et des agents qu'elle possède dans les organisations ouvrières pour découvrir les arguments philosophico-politiques capables de servir à la défense de la domination des exploiteurs. La condamnation de la dictature et la défense de la démocratie figurent au nombre de ces arguments.

...L'histoire enseigne qu'aucune classe opprimée n'est jamais parvenue à la domination, et n'a pu y parvenir sans passer par une période de dictature pendant laquelle elle s'empare du pouvoir politique et abat par la force la résistance désespérée, exaspérée, qui ne s'arrête devant aucun crime, qu'ont toujours opposée les exploiteurs. La bourgeoisie dont aujourd'hui la domination est soutenue par les socialistes qui pérorent sur la dictature en général et qui se démènent en faveur de la démocratie en général a conquis le pouvoir dans les pays civilisés au prix d'une série d'insurrections, de guerres civiles, de l'écrasement par la force – des rois, des nobles, des propriétaires d'esclaves – et par la répression des tentatives de restauration. Des milliers de fois, les socialistes de tous les pays ont expliqué au peuple le caractère de classe de ces révolutions bourgeoises, dans leurs livres, dans leurs brochures, dans les résolutions de leurs congrès, dans leurs discours de propagande. C'est pourquoi cette défense actuelle de la démocratie bourgeoise au moyen de discours sur la "dictature en général", tous ces cris et ces pleurs contre la dictature du prolétariat sous prétexte de condamner "la dictature en général", ne sont qu'une trahison véritable du socialisme, qu'une désertion caractérisée au profit de la bourgeoisie, qu'une négation du droit du prolétariat à sa révolution prolétarienne. C'est défendre le réformisme bourgeois, précisément à l'heure où il a fait faillite dans le monde entier, alors que la guerre a créé un état de choses révolutionnaire.

Tous les socialistes en démontrant le caractère de classe de la civilisation bourgeoise, de la démocratie bourgeoise, du parlementarisme bourgeois, ont exprimé cette idée déjà formulée, avec le maximum d'exactitude scientifique par Marx et Engels que la plus démocratique des républiques bourgeoises NE SAURAIT ETRE GUÈRE AUTRE CHOSE QU'UNE MACHINE A OPPRIMER LA CLASSE OUVRIERE A LA MERCI DE LA BOURGEOISIE, LA MASSE DES TRAVAILLEURS A LA MERCI D'UNE POIGNEE DE CAPITALISTES.

...La dictature du prolétariat ressemble à la dictature des autres classes parce qu'elle est provoquée, comme toute espèce de dictature, par la nécessité de réprimer violemment la résistance de la classe qui perd la domination politique. Le point fondamental qui sépare la dictature des éléments féodaux au moyen-âge, de la dictature de la bourgeoisie dans tous les pays civilisés capitalistes, consiste en ce que la dictature des éléments féodaux et de la bourgeoisie était l'écrasement violent de la résistance de l'énorme majorité de la population, de la classe laborieuse, TANDIS QUE LA DICTATURE DU PROLETARIAT EST L'ECRASEMENT PAR LA FORCE, DE LA RESISTANCE DES EXPLOITEURS, C'EST-A-DIRE D'UNE INFIME MINORITE DE LA POPULATION : LES PROPRIETAIRES FONCIERS ET LES CAPITALISTES.


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