1945

Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! LA LUTTE DE CLASSES Organe de l'Union Communiste (IVème Internationale).
nº 46 - Troisième année -


LA LUTTE DE CLASSES nº 46

Barta

2 Mai 1945


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COMMENT L'ETAT-CAGOULE PROTEGE ET NOURRIT LE FASCISME

Les organisations se réclamant de la classe ouvrière avaient aidé De Gaulle à prendre le pouvoir, en baptisant son gouvernement de "démocratique".

Aujourd'hui, quoique ce gouvernement, dans toutes les sphères, ait démontré son caractère parfaitement réactionnaire et son dévouement au Grand Capital, il continue à bénéficier de l'appui de ces organisations, en tant que MOINDRE MAL par rapport au fascisme. Les social-patriotes déconseillent toute manifestation anti-gouvernementale, parce que : "c'est la 5ème colonne qui en profiterait".

Un fait récent illustre cependant d'une façon vivante la portée et la signification de cette politique, soi-disant de moindre mal.

Le 6 avril, le Ministère de l'Intérieur communiquait à la presse la découverte d'une conspiration d'éléments doriotistes, francistes, etc., dans laquelle étaient impliqués 70 individus. Ce fut l'occasion pour le Ministère de l'Intérieur de louer la vigilance de la police contre les éléments de la "5ème colonne" et l'action anti-fasciste du gouvernement. Mais cela n'alla pas plus loin, car sur les 70 arrêtés, 53 furent relâchés sous le prétexte qu'ils n'avaient pas été "au courant des intentions de leurs chefs" et sur les 17 autres, un est laissé en liberté provisoire, un autre est soigné à l'hôpital. Le "complot" était enterré, bien mieux, le 18 avril le Ministre de l'Intérieur déclarait "qu'il n'y avait pas eu véritablement de complot".

La publicité de ces arrestations n'avait donc servi qu'à donner une réputation anti-fasciste au gouvernement. Car, en réalité, par la façon dont la "répression" fut menée, le gouvernement démontrait qu'en fait il protégeait les fascistes. Voit-on en effet un gréviste ou un militant ouvrier arrêté et relâché parce qu'invoquant qu'il n'était pas au courant des intentions de ses chefs ? Avec quelle morgue les policiers de la P.J. utilisent dans ces cas la formule : "il n'y a pas de fumée sans feu !"

Il n'est pas étonnant que le gouvernement protège les fascistes, car si De Gaulle a utilisé l'appui des organisations ouvrières pour bénéficier de la sympathie des masses populaires, c'est un fait acquis aujourd'hui qu'en réalité il a avant tout le soutien des capitalistes (dont il fait la politique) et il s'appuie sur les sphères bureaucratico-policières qui ont soutenu Pétain ("l'administration vichyssoise restée en place"). Or ces sphères protègent les fascistes, bandes mercenaires et spécialisées pour toutes les besognes anti-ouvrières et anti-démocratiques. Ainsi, le corps-franc pyrénéen, ancien G.M.R., a été maintenu et officiellement reconstitué sous le nom de G.S.R. (garde de sécurité "républicaine").

Mais l'Etat et le gouvernement actuels ne font pas que protéger le fascisme, ils aident à sa croissance, ils le nourrissent.

Le régime d'exception existant pour la presse (censure politique, limitation du tirage et même interdiction comme c'est le cas pour la presse révolutionnaire), la liberté de réunion et d'association entravée par l'autorisation préalable (en vertu d'une ordonnance vichyssoise), la dissolution des formations militaires autonomes (milices), concernent avant tout la classe ouvrière. Car, disposant des moyens matériels fournis par les capitalistes, les fascistes, sous des noms différents et des masques nouveaux, ne sont pas entravés dans leur propagande.

Ceux qui se rappellent 1936 savent que les fascistes craignent les ouvriers, mais ne craignent pas la police. Cependant, les ouvriers étant désarmés, Le Populaire peut rapporter (le 24 avril) que les fascistes ont organisé une manifestation antisémite dont les principaux participants étaient armés...

Sur un autre plan, l'Etat et le Gouvernement menant à l'affamement et à la spoliation des masses en faveur des capitalistes sous le masque de la démocratie tout en étouffant toute démocratie réelle ("parlons peu, travaillons" devise de De Gaulle), donnent la possibilité aux fascistes de pêcher en eau trouble, de faire auprès des couches moyennes de la ville et de la campagne la propagande de la "rénovation", du "pouvoir fort" et de "l'anti-communisme".

Mais la présence au gouvernement de ministres "socialistes" et "communistes" est une garantie contre le fascisme, argumentent les social-patriotes. Ce qu'ils oublient de dire, c'est que les ministres "socialistes" ou "communistes" qui sont au gouvernement, ne donnent pas simplement leur appui à celui-ci là où ils le jugent nécessaire, mais en sont les prisonniers. Récemment, lors d'un meeting socialiste à la Mutualité, Le Trocquer révélait que les dispositions et les décrets pris par lui au moment où il était Ministre de la Guerre n'étaient pas tous appliqués, l'étaient uniquement ceux qui convenaient à "certains" (les Bureaux). Mais il y a mieux : à la tête du Ministère de l'Intérieur, qui a découvert la récente conspiration fasciste mais en a relâché les membres, se trouve le "socialiste" Tixier. C'est donc un "socialiste" qui couvre les agissements pro-fascistes de la bureaucratie préfectorale et policière.

Déjà, en 1937 le Ministre de l'Intérieur était le "socialiste" Dormoy. Déjà alors, ce Ministre ne trouvait pour la Cagoule rien de mieux que la plaisanterie, tandis que la Garde mobile de Dormoy ouvrait le feu sur les manifestants ouvriers de Clichy...

Et depuis, l'Etat bourgeois (l'appareil administratif et judiciaire du pouvoir gouvernemental) à travers le daladiérisme et le pétainisme, à travers la guerre, a évolué, sans fascisme de masse jusqu'à devenir une monstruosité et le CENTRE PRINCIPAL DE CONSPIRATION CONTRE LES MASSES au service du Grand Capital.

Le pouvoir gouvernemental, pour exercer dans une situation d'extrême appauvrissement et épuisement du pays, un contrôle REACTIONNAIRE sur les masses, pour pouvoir maintenir la "paix sociale", c'est-à-dire rejeter tous les fardeaux sur les travailleurs sans que ceux-ci opposent de résistance, pour pouvoir continuer à sucer le sang du peuple par le travail à bas salaires, l'inflation, la famine, la mobilisation, pour que d'autant plus facilement les capitalistes puissent soutenir la concurrence avec l'étranger, élargir leurs spéculations, se gaver au marché noir et prétendre à la "grandeur", pour tout ceci le pouvoir gouvernemental doit procéder par décrets, se soustraire même au contrôle très pâle et imparfait du Parlement bourgeois, devenir un Etat-cagoule, lieu principal de conspiration contre les masses et protéger les bandes fascistes comme force supplémentaire de pression sur les masses ouvrières.

Dans ces conditions, même la collaboration des "socialistes" et des "communistes", le pouvoir gouvernemental de la bourgeoisie ne l'accepte que dans la mesure où cette collaboration s'exerce contre les masses.

Participant à toutes les mesures gouvernementales anti-ouvrières et anti-populaires par l'entremise de leurs ministres, les partis "socialiste" et "communiste français en se mettant au service de l'Etat-cagoule se font les fourriers du fascisme.

C'est la politique de collaboration gouvernementale qui a amené Thorez, dans son discours du mois de janvier, à demander aux ouvriers de faire confiance à l'administration et à la police étatiques et à approuver le désarmement des formations ouvrières armées (milices), principale force anti-fasciste.

Dans ce même discours, Thorez "tendait la main" aux officiers pétainistes "prêts à servir", tout en sachant par ailleurs les sentiments pro-fascistes de ces éléments.

C'est aussi pour satisfaire aux exigences de la collaboration de classes que les dirigeants de la CGT avaient lancé aux ouvriers le slogan "travailler d'abord, revendiquer ensuite", facilitant ainsi les décrets Pleven et Parodi.

Les bureaucrates ouvriers, loin d'être une garantie contre le fascisme, par leur politique de collaboration de classe servent de paravent à l'Etat-cagoule et empêchent les ouvriers de voir le danger. Les illusions qu'on sème dans les masses prolétariennes en les poussant à la passivité et en les empêchant de lutter contre les maux du régime capitaliste, laissent la voie libre au fascisme.

Mais pour la première fois à l'occasion du 1er mai la classe ouvrière a rejeté cette politique. Les dirigeants "socialistes" et "communistes français de la CGT voulaient faire du 1er mai une journée "d'union nationale" et de travail de choc ; les ouvriers par leur ferme décision de ne pas respecter la consigne et de chômer, ont obligé les dirigeants de la CGT, sous peine de se discréditer, à organiser une manifestation ouvrière anti-fasciste et anti-capitaliste.

De la même façon, en passant outre aux décisions des dirigeants officiels, quand c'est nécessaire, la classe ouvrière peut obliger les syndicats à mener une politique plus ferme vis-à-vis du patronat et à se protéger contre les menaces fascistes en organisant des milices ouvrières pour la défense des locaux et des militants ouvriers.

Mais pour obliger les organisations se réclamant de la classe ouvrière à passer à l'action, il faut obliger leurs dirigeants à rompre la coalition gouvernementale, leur collaboration anti-ouvrière avec les ministres capitalistes, pour prendre part à la lutte des masses sous le mot-d'ordre : A bas le gouvernement affameur !


OBEIREZ-VOUS A LA VOLONTE DES MASSES ?

Les élections ont montré la volonté communiste des masses travailleuses. La manifestation du 1er mai témoigne de leur combativité.

Mais de 1934 à 1939 ni les victoires électorales ni la volonté de lutte des masses n'ont empêché la guerre et la dictature de s'installer et d'écraser le peuple.

Efforts voués d'avance à l'échec ? C'est ce que la bourgeoisie voudrait nous faire croire, elle qui recommence à trembler.

Les travailleurs, en reprenant le combat, ne doutent pas un instant que leurs efforts n'aient finalement raison de leurs oppresseurs. Mais ce qui les handicape, c'est qu'ils se savent sans organisations dirigeantes résolues et la plupart ne comptent plus qu'à moitié ou pas du tout sur la CGT ou le PC pour les guider dans cette lutte.

Non seulement le passé, mais le présent leur donne raison.

Ayant retrouvé pour eux une situation qui leur paraît acceptable, les bureaucrates ouvriers ne sont pas pressés d'aller de l'avant.

Ils ont beaucoup de prétextes pour justifier leur attitude. Le principal, qui leur sert de justification auprès de la base et des travailleurs conscients qui leur reprochent leur attitude, c'est que les masses ne sont pas suffisamment conscientes et ne les appuient pas assez.

Mauvais prétexte ! Mais que seuls les faits pouvaient démentir.

Maintenant, Messieurs les bureaucrates, les masses ont fait leur devoir ; FAITES LE VOTRE ! Allez vous, oui ou non agir ? Allez-vous, oui ou non, hausser la voix devant les patrons au lieu de l'avoir toute craintive, ce qui fait que les travailleurs ne sont pas du tout défendus par vous ? Allez-vous, oui ou non, mettre en demeure vos collègues bourgeois du gouvernement de cesser leurs attaques contre les peuples en les menaçant de démissionner ?

Les masses françaises ont doublement manifesté leur volonté communiste et socialiste, le 29 avril et le 1er mai.

ALLEZ DE L'AVANT, sinon les travailleurs vous vomiront et rallieront le seul drapeau communiste capable de les mener à la victoire, le drapeau de la IVème INTERNATIONALE.

La Lutte de Classes


De Yalta à San-Francisco
ASSEZ DE CRIMES CONTRE LES PEUPLES !

Du système de Yalta "il en résulte que les petits Etats devront chercher à faire reposer leur sécurité sur des alliances ou sur leur dépendance à l'égard d'une grande puissance". Or, de tels systèmes (d'alliances) sont avec les "sphères d'influence", "l'équilibre des forces", "la course aux armements", et "autres vieux trucs du même genre" le plus sûr moyen de préparer une nouvelle guerre mondiale." (souligné par nous).

Voilà, sur la dictature des "trois" destinée à assurer la paix du monde l'opinion non plus de révolutionnaires "subversifs", mais d'un dirigeant conservateur de la bourgeoisie anglaise qui par conséquent ne peut être soupçonné de pousser le tableau au noir : c'est Sir John Beveridge qui l'écrit au Times (Combat 8-4). Ainsi, le seul semblant de justification de l'odieux système de hiérarchie impérialiste proclamée ouvertement (c'est-à-dire conformément à la réalité) à Yalta, est réduit à néant par ceux-là même, qui par ailleurs, comme c'est le cas pour John Beveridge, poussent le monde toujours plus bas dans l'abîme, parce que leurs propres idées sur l'organisation du monde visent avant tout au maintien de l'exploitation capitaliste.

Aussitôt après Yalta nous écrivions : "cette union est tellement chancelante, que chacun des trois tient en réserve un système d'alliances avec des moyennes et petites puissances, système qui en cas de conflit entre les trois, divisera automatiquement le monde en blocs antagonistes. Et la guerre impérialiste déferlera à nouveau (si jamais il y a une courte trêve) sur le monde." (L. de C. 21 février 1945).

Mais Beveridge, s'il dénonce les dangers à venir (tous les impérialistes mécontents reprennent cet argument) se tait sur l'aspect immédiat de la politique des "trois gros", et il ne peut pas renoncer à se taire à ce sujet sans cesser d'être un impérialiste. En effet, elle ne fait pas que préparer de nouveaux conflits à venir, elle ne signifie pas seulement l'impossibilité d'arriver à une paix juste qui exclue de futurs conflits, mais aussi L'IMPOSSIBILITE D'ARRIVER A UNE PAIX QUELCONQUE SERAIT-CE DU TYPE VERSAILLES.

Et, il s'avère maintenant d'après les aveux officiels des responsables de cette guerre qu'en Europe même il n'y aura pas de "courte trêve", c'est-à-dire de passage à un état de paix APRES l'occupation de l'Allemagne : "Il est probable que le jour de la Victoire sera marqué par une proclamation du commandement des forces alliées et non par un effondrement ou une reddition définitive de l'adversaire. Ceci nous conduirait à des opérations de guérillas qui rendraient nécessaire "l'emploi d'effectifs très importants" écrit le 31 mars Eisenhower à Roosevelt. "Il n'y aura pas de jour V", répétait-il trois semaines après.

La bourgeoisie dont les conflits économiques ont infailliblement déclenché cette guerre, avoue à mots couverts son impuissance à la finir.

Mais, d'où vient cette impuissance ? Du fait que la lutte capitaliste pour le repartage des sources de matières premières et des marchés n'a pas lieu seulement entre camps "ennemis", mais entre tous les pays capitalistes du monde, les uns contre les autres. Cette lutte de TOUS CONTRE TOUS nous en subissons les effets en Europe, plus forts que jamais, au moment même de la victoire du camp allié : les rivalités entre les trois grandes puissances (question polonaise, grecque, etc...), le panier à crabes des moyennes et petites puissances (Yougoslavie contre Italie, Grèce contre Yougoslavie, France contre Belgique) remplacent la férule de Hitler par des antagonismes aussi mortels.

C'est pour cela que de grands effectifs sont nécessaires en Europe, après la défaite des armées allemandes, non seulement aux "trois grands", mais aussi à tous les Etats européens, comme le démontre l'effort de De Gaulle pour reconstituer l'armée impérialiste française.

Et c'est pour cela que le repartage du monde par la destruction d'un des adversaires n'amène pas la trêve ; car de continuels regroupements sont provoqués par les contradictions économiques du monde capitaliste, de moins en moins capable de servir de marché à toute la production capitaliste. C'est ainsi que les Etats-Unis ont besoin à eux seuls du monde entier pour s'étendre et c'est ce qu'ils font (sous peine de mourir) autant contre l'Allemagne (par les armes) que contre la France ou l'Angleterre (par d'autres moyens politiques).

La lutte pour l'écrasement du Japon lui-même, ne mène pas à la paix générale, mais PROVOQUE de nouveaux regroupements et de nouveaux conflits. "Au moment même où la guerre en Europe touche à sa fin et approche en Asie de son point culminant, la Chine, plus encore que la Pologne, pourrait être la source de difficultés nouvelles (entre l'Amérique et l'URSS)". Le Monde 25-4-45.

Mais que signifie pour l'Europe le maintien "d'effectifs armés très importants" ? Au point de vue économique une production de guerre au lieu d'une production de paix, la charge terrible des impôts, le cloisonnement entre les Etats par les barrières douanières et les difficultés de déplacement à l'intérieur même d'un Etat. Au point de vue politique : la dictature de l'état-major, la mobilisation de la jeunesse (tandis que les prisonniers épuisés reviennent, les "classes fraîches" seront incorporées, et ainsi les nations continueront de plus en plus à se vider), le régime d'arbitraire motivé par les "états d'exception". Cela signifie le prolongement de la situation actuelle. La dictature des "grands" sur les "petits", la lutte contre le maquis allemand, les conflits armés partiels (rappelons la Grèce), l'armement jusqu'aux dents "pour maintenir la paix". MAIS CET ETAT N'EST-IL PAS CENT FOIS PLUS PRES DE LA VRAIE GUERRE IMPERIALISTE, PLUTOT QUE DE LA PAIX, MEME VERSAILLAISE ?

Ainsi, la victoire des impérialistes alliés sur l'impérialisme allemand n'arrête pas un instant la marche du Continent plus loin dans sa ruine et sa décomposition.


La guerre impérialiste et la guerre civile

Les illusions concernant "la guerre liquidée par la bourgeoisie" procèdent en réalité du fait que l'écroulement des Empires centraux aboutit à une trêve mondiale. Mais est-ce bien grâce à la bourgeoisie que l'effondrement de l'Allemagne en novembre 1918 finit par la "paix" de Versailles ?

En réalité les bourgeoisies victorieuses de "l'Entente" étaient aussi irréductiblement opposées l'une à l'autre qu'elles l'avaient été à l'Allemagne, et la continuation du conflit armé était inévitable entre les anciens alliés (Angleterre, péril jaune, intervention anti-soviétique, etc., etc...), mais la bourgeoisie de l'Entente n'avait pas liquidé elle-même la guerre contre les Empires centraux !

L'effondrement militaire de l'Allemagne en novembre 1918 n'était pas dû à l'arrivée des "alliés" à Berlin. Ce furent les idées anti-impérialistes de Lénine et Trotsky qui, pénétrant parmi les travailleurs de toute l'Europe, provoquèrent spécialement dans le pays de Karl Liebknecht et de Rosa Luxembourg, l'effondrement de l'impérialisme allemand à un moment où militairement celui-ci occupait encore plus de la moitié de l'Europe.

Lénine et Trotsky, qui en Octobre 17 avaient réussi une première brèche dans le front impérialiste en provoquant la chute de leur bourgeoisie, donnèrent la preuve vivante que la seule force au monde capable d'arrêter les criminels capitalistes dans la poursuite du carnage mondial, c'était la révolution prolétarienne : les travailleurs, au lieu de continuer à fabriquer des instruments de mort de plus en plus perfectionnés, devaient, avec leur éducation socialiste et leur parti de classe, se mettre à la tête des soldats et des paysans pour renverser la bourgeoisie impérialiste.

La révolution, en obligeant la bourgeoisie à faire face à l'ennemi intérieur, la contraignit à cesser à l'extérieur ses actes de brigandage armé. Non seulement l'écroulement de l'impérialisme russe (1917), allemand et austro-hongrois (1918), furent aussi provoqués par les travailleurs de ces pays, mais aussi l'intervention anti-soviétique de 14 nations capitalistes (vainqueurs et vaincus) échoua grâce à la guerre civile : rappelons seulement Marty et les marins de la Mer Noire. LA GUERRE CIVILE, voilà l'origine de la trêve versaillaise de 20 ans !

La bourgeoisie a provoqué depuis septembre 1939 la mort de plus de cent millions et en écrasant complètement les "vivants" : cependant il se trouve encore des travailleurs qui, comme les petits-bourgeois, craignent la guerre civile, qui est mille fois moins coûteuse en sacrifices humains, et permet d'autre part de mettre fin pour toujours aux guerres et de rebâtir toute la société sur des bases socialistes.

C'est en agitant cet épouvantail que la bourgeoisie, en face du prolétariat occidental qui manquait d'un véritable parti de classe, réussit à empêcher les travailleurs d'aller jusqu'au bout dans leur lutte socialiste... Et de ce fait, en septembre 1939, ceux-ci virent à nouveau déferler la guerre impérialiste.

Aujourd'hui encore, la crainte terrible de la guerre civile prolétarienne qu'a la bourgeoisie, elle réussit (de moins en moins il est vrai) à la faire passer pour un souci désintéressé qu'elle, bourgeoisie sanglante prête à tous les crimes, aurait pour la société entière.

Mais si les travailleurs ne se débarrassent pas de ce préjugé mortel, s'ils ne se dressent, prêts à tout et préparés devant leur propre bourgeoisie pour lui dire : "ASSEZ DE CRIMES CONTRE LES PEUPLES, arrête-toi, sinon c'est toi que nous renverserons", alors, "abandonnée à sa propre logique (bourgeoise), la guerre mondiale serait une méthode compliquée et très coûteuse de suicide de l'humanité ; on pourrait obtenir les mêmes résultats... en enfermant l'humanité dans une cage d'environ un kilomètre cube et en plongeant cette cage dans un des océans" (Trotsky).


Pour une paix démocratique !

Rompre entièrement avec la politique extérieure de la bourgeoisie, voilà la seule issue aux ouvriers.

Mais il se trouve des pseudo-révolutionnaires pour reprendre le programme de la politique extérieure des "3 gros" en lui donnant une couleur "révolutionnaire".

Ainsi, La Vérité, organe de la fraction officielle de la IVème Internationale en France, reproche à Staline de NE PAS proposer aux ouvriers allemands le programme suivant : "Renversement de Hitler, arrestation des SS et des nazis, mise en jugement de ces ennemis du peuple allemand, reconstitution des syndicats et partis ouvriers, rétablissement des libertés démocratiques, lutte pour les Etats-Unis Socialistes Soviétiques d'Europe". (La Vérité, 17 mars 1945).

Mais, n'est-ce pas là le programme de Staline lui-même, les "Etats-unis socialistes" exceptés ? Or, ce dernier point n'a aucune valeur, si on n'en précise pas le contenu. "Ces conditions", dit la Vérité, "auraient l'adhésion des masses laborieuses allemandes et hâteraient la fin du massacre".

Cependant, la "démocratisation" et "la punition de ces ennemis du peuple allemand" (les nazis) par des conquérants est en lui-même un programme mensonger. Il ne faut donc pas, comme La Vérité, s'étonner que la pratique des Alliés en Allemagne ne corresponde pas à leur programme : ce programme est mensonger, car la liberté on ne l'apporte pas à la pointe des baïonnettes !

Un programme véritablement démocratique en politique extérieure ne doit concerner que les relations ENTRE les peuples. Seul un programme assurant vraiment la vie de chaque peuple contre les entreprises venant du dehors et leur complète indépendance, peut recevoir l'adhésion du peuple allemand ET DE TOUS LES PEUPLES, et abolir toutes les causes de conflit.

C'est pourquoi les travailleurs conscients, luttant pour la révolution socialiste, doivent défendre envers et contre tout un programme de politique extérieure comme le suivant :

A bas les "réparations" !

A bas les déportations de travailleurs !

A bas l'occupation étrangère de territoires !

A bas les frontières capitalistes, à bas les annexions !

Droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, en premier lieu pour les colonies et semi-colonies y compris la séparation de leurs oppresseurs.

Démobilisation immédiate !

Libération des prisonniers de tous les pays !

Désarmement total !

Retour à une production de paix !


ON NE LE LUI FAIT PAS DIRE !...

"La vérité est, a déclaré M. Bevin, que le présent Parlement a été élu, il y a dix ans, SUR LA BASE D'UN MENSONGE, qui fut d'ailleurs avoué par M. Baldwin lui-même. Alors que le gouvernement avait promis de renforcer la sécurité collective, il conclut pendant les élections même, l'infâme accord Hoare-Laval qui encouragea Mussolini à conquérir l'Abyssinie... Ce Parlement a survécu de cinq ans à son mandat..." (Gazette de Genève 18 avril 1945).

Pour ses besoins électoraux, M. Bevin Ministre du Travail anglais, qui s'est tu pendant dix ans, dévoile l'escroquerie du parlementarisme, façade trompeuse de la bourgeoisie pour les masses, "régime sous lequel les classes opprimées recouvrent le droit de décider en un seul jour pour une période de plusieurs années quel sera le représentant des classes possédantes qui représentera et opprimera le peuple au Parlement." (Lénine).

Ceci n'empêche pas le travailliste Bevin et ses collègues social-chauvins de rester au service de la bourgeoisie, en continuant à duper les masses avec de nouveaux mensonges, tels que "l'organisation mondiale de la paix"... en régime capitaliste.

Bevin démontre ainsi, à sa manière, la pourriture de la démocratie bourgeoise et aide les ouvriers à comprendre que la seule vraie démocratie pour les masses ouvrières et paysannes, celle qui leur permet réellement de décider et d'exécuter leur volonté, c'est la démocratie de l'organisation autonome des masses laborieuses, la démocratie des soviets ouvriers et paysans, qui en brisant et détruisant le pouvoir de la bourgeoisie et son appareil gouvernemental, permettra enfin aux masses laborieuses de décider elles-mêmes de leur propre sort.


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