1946

Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! LA LUTTE de CLASSES Organe de l'Union Communiste (Trotskyste) n° 65 – 4ème année


LA LUTTE DE CLASSES nº 65

Barta

19 juillet 1946


Format MS Word/RTF Format Acrobat/PDF Téléchargement fichier zip (compressé)
Cliquer sur le format de contenu désiré

CONQUETE DE LA DEMOCRATIE

Tous les jours un peu plus, les travailleurs acquièrent, par une expérience douloureuse, la certitude que le régime actuel, dans tous les domaines, est incapable de réaliser leurs aspirations démocratiques les PLUS ELEMENTAIRES, bien que celles-ci aient servi et servent encore de prétexte aux agissements de tous les groupes et associations, bien qu'il existe un Parlement censé garantir la démocratie qui, soi-disant, règne dans toutes les sphères de la vie "nationale".

Mais pour les travailleurs, la démocratie réside dans la possibilité REELLE de jouir de leurs droits démocratiques formellement reconnus : liberté de presse, libre choix de leurs représentants, libre association, etc...

Or, même si ces droits sur le papier ne sont pas aussitôt réduits à néant par une réglementation pratique POLICIERE (par exemple l'autorisation préalable sur la presse, déclaration préalable de réunion publique, etc...), ils sont tout de même inexistants pour les ouvriers si leur degré d'exploitation (salaires, temps de travail, nourriture) dépasse une certaine limite.

Dans ces conditions, comment le régime actuel serait-il quelque peu démocratique pour les travailleurs, puisque dans la principale sphère de LEUR vie, dans l'usine, ils laissent en suant TOUTE LEUR SUBSTANCE PHYSIQUE ET INTELLECTUELLE.

Donc, la condition essentielle pour que les travailleurs puissent exercer leurs droits démocratiques, c'est qu'ils laissent moins de substance vitale pour le profit du patron, afin d'avoir plus de temps, plus d'énergie et d'intelligence à consacrer à leurs devoirs sociaux.

Cette tâche élémentaire de défendre les ouvriers contre la surexploitation patronale est celle du syndicat. Or, cette première forme d'organisation ouvrière qui devrait être leur PREMIER instrument démocratique, s'est transformé d'instrument SOUS LEUR CONTROLE ET A LEUR SERVICE, en instrument de la BUREAUCRATIE OUVRIERE qui monnaie la confiance des ouvriers aux capitalistes et leur Etat, en échange de postes et de privilèges.

Retournée contre les ouvriers, l'action bureaucratique est doublement pernicieuse. Non seulement elle empêche les ouvriers de lutter avec succès contre l'exploitation patronale (condition première de la démocratie, en général), mais pour maintenir SON MONOPOLE DES POSTES responsables, elle introduit dans les organisations ouvrières même un régime anti-démocratique dont nous avons montré l'aspect dans de nombreux échos.

La démocratie est ainsi sapée à la source, dans le sein même des organisations ouvrières qui devraient être LE PREMIER instrument démocratique. C'est dans leurs propres organisations que les ouvriers voient la démocratie leur échapper ; par conséquent, avant de parler de démocratie EN GENERAL, la première tâche des ouvriers, c'est de reconquérir la démocratie ouvrière, c'est-à-dire reprendre LEUR contrôle sur LEURS propres organisations.


Comment les chefs syndicaux s'assurent-ils le monopole des postes responsables, contre la volonté des ouvriers ?

Quand les travailleurs leur reprochent leur action, ils répondent : "Nous sommes seuls, il n'y a pas d'ouvriers conscients pour nous aider dans notre tâche." Et cela est vrai.

Car, comment de nouveaux cadres pourraient-ils se créer, si les ouvriers n'ont pas la possibilité d'éprouver de nouveaux éléments, si les jeunes ou les travailleurs conscients désireux de servir leur classe n'ont pas la possibilité de pratiquer le métier de militant, s'ils ne commencent pas par faire leur propre expérience dans la lutte réelle, par apprendre leur travail dans les petites tâches, se tromper et corriger eux-mêmes leurs erreurs, appuyés et éclairés par la masse des ouvriers ?

Seulement, quand de tels éléments se manifestent, ils sont en butte, sous divers prétextes, à la répression des bureaucrates, soucieux avant tout de conserver leurs postes. Ceux-ci ont beau jeu de parler de manque de cadres, PUISQUE EN MEME TEMPS CE SONT EUX QUI ETOUFFENT ET EMPECHENT, par leur attitude anti-démocratique, CES NOUVEAUX CADRES DE SE FORMER.

En réalité, c'est leur intérêt vital d'empêcher la formation de nouveaux cadres : ensuite, ils en prennent prétexte comme excuse de leur trahison.

Car, ni à l'intérieur de l'organisation ouvrière syndicale, ni à l'extérieur dans les usines, ils ne permettent aux masses travailleuses le libre choix de leurs représentants.

C'est pour cela que la classe ouvrière n'a pas la possibilité de former des cadres NOUVEAUX pour remplacer la direction syndicale ; et, assurée de son monopole, la direction syndicale empêche la démocratie, qui seule pourrait faire naître de nouveaux cadres.

Ainsi se crée une situation en apparence sans issue.


Mais déjà dans de nombreuses usines les ouvriers ont montré comment on peut réagir. Puisque les dirigeants syndicaux n'entendent pas respecter la démocratie et étendent leur monopole à toute l'usine, même aux ouvriers non organisés, en empêchant le libre choix des délégués, les travailleurs se sont mis à boycotter les élections. Il y a quelque temps, ce sont les ouvriers de Gnome qui ont blackboulé les candidats de la C.G.T. Très récemment, chez Thomson, ceux-ci ont obtenu de justesse le nombre de voix nécessaires et certains n'ont pas pu passer : sur 1.150 inscrits pour le collège ouvriers et employés et sur 862 votants, il y a eu 449 votes blancs et abstentions.

IL N'Y A QU'A ETENDRE ET GENERALISER CE PROCEDE. Contre le patron, nous utilisons la grève ; contre nos représentants bureaucrates, utilisons la GREVE DU VOTE, comme beaucoup d'ouvriers l'ont fait déjà même pour les élections générales au Parlement. Ne pas accorder notre voix à des gens qui nous sont imposés et qui n'agissent pas conformément à notre volonté.


Nombreux sont les ouvriers qui disent que s'il y avait un mouvement, ils seraient prêts à y adhérer pour se soustraire à la trahison et à la pourriture actuelle. MAIS AUCUN MOUVEMENT NE PEUT SURGIR EN DEHORS DE L'ACTIVITE DE CHAQUE TRAVAILLEUR. Il ne manque pas dans la classe ouvrière de milliers et de milliers de gens dévoués et conscients, capables de devenir de NOUVEAUX cadres. Mais ils ont besoin que tous les travailleurs créent autour d'eux une atmosphère de sympathie et de solidarité qui leur permette d'affronter avec succès la bureaucratie ouvrière. Dernièrement, chez Carnaud, une ouvrière qui avait déployé une certaine activité dans une grève était menacée de renvoi. Ses camarades se sont solidarisés avec elle. C'est cette solidarité pratique pour un élément oppositionnel qui a été la meilleure action de la masse ouvrière contre la bureaucratie syndicale et le patron.

Cet effort des travailleurs de refuser d'accorder leur confiance plus longtemps à leurs dirigeants (qui prétendent que sans eux ce serait pire, tout en empêchant les ouvriers de former de meilleurs cadres), cet effort de se solidariser avec les éléments qui ont la conscience et l'énergie de lutter, c'est un effort minimum que la classe ouvrière DOIT FAIRE, sous peine de se condamner à rester définitivement sous la coupe d'une bureaucratie ouvrière, et PAR CELA MEME sous la dictature de la bourgeoisie et de son Etat policier.


LEGALITE BOURGEOISE, LEGALITE OUVRIERE

Daladier et Reynaud, ayant été légalement élus, ne peuvent pas être invalidés, disent les parlementaires, du P.R.L. aux "Socialistes".

Ce n'est pas une question juridique, répondent les staliniens, mais une question de salubrité publique. On ne peut pas admettre au parlement ces hommes pourris et compromis. Se sont-ils embarrassés, eux, de prétextes juridiques, pour nous expulser, nous députés communistes, du Parlement, en 1939 ?

Mais c'est justement ce raisonnement qui permet de comprendre pourquoi les chefs staliniens, en demandant l'invalidation des Daladier, n'ont fait qu'amuser le public.

Car, en effet, ce n'est pas sous un prétexte juridique que la bourgeoisie a exclu les staliniens du Parlement en 1939, et les a jetés en prison ou dans les camps de concentration, mais parce que le Parti stalinien avait ouvertement déclaré son opposition à la politique extérieure de Daladier et de la bourgeoisie française à ce moment (pacte germano-soviétique). La bourgeoisie a pu violer sa propre légalité parlementaire, parce qu'elle menait en même temps la répression au moyen de l'appareil de l'Etat, de la police, de la justice, de l'armée, des prisons. C'est sous la pression de ces mêmes moyens que le Parlement s'est incliné en 1940 devant Pétain.

Sur quelle force s'appuient les députés "ouvriers" pour demander l'exclusion des Daladier ?

En se plaçant sur le terrain de "l'épuration" du Parlement (comme ils l'ont fait pour l'administration, la police, etc.), les staliniens jettent de la poudre aux yeux, s'en servent comme d'une diversion à leur collaboration avec les M.R.P. et autres dignes collègues des Daladier, et ne sont en réalité que les otages impuissants de la bourgeoisie, qui a montré, en 1939 et depuis, le cas qu'elle fait de son propre Parlement.

Car il n'y a pas de "légalité" au-dessus des classes. Si la bourgeoisie a plus d'une fois violé sa propre légalité conformément à ses intérêts, a-t-on jamais vu de "majorité ouvrière" redressant une institution bourgeoise au profit des intérêts du peuple ? Si le Parlement n'était pas l'institution de la bourgeoisie, aurait-on pu voir le retour des Daladier, aurait-on pu voir, après des mois et des mois de parlottes pour une Constitution "neuve et raisonnable", le retour à un projet de Constitution plus réactionnaire que celle de 1875 ?

Si les chefs staliniens ne s'embarrassent pas de prétextes juridiques, qu'ils l'expliquent aux travailleurs, qu'ils leur indiquent la voie pour se défendre contre les hommes pourris et compromis de la bourgeoisie !

A Duclos qui avait trouvé dans le "républicanisme conséquent", le prétexte fallacieux pour capituler devant De Gaulle après le référendum d'octobre, nous opposions dans La Lutte de Classes (n°54, 14-11-45), au vote et à la légalité bourgeoise, la légalité ouvrière : "Ne prenez pas prétexte de la "démocratie" pour vous empresser de vous incliner devant De Gaulle, devant les trusts, devant la bourgeoisie... Si par le suffrage plébiscitaire, la bourgeoisie a pu berner le peuple, manœuvrer les partis se réclamant de la classe ouvrière, et renforcer l'Etat bourgeois, un parti véritablement ouvrier peut recourir au vote des masses travailleuses réunies dans leurs Comités de quartier et d'usine, d'où les réactionnaires, les fascistes et toutes les catégories anti-populaires seraient exclus, et où tous les travailleurs de la ville et des champs décideraient de l'action ouvrière à opposer aux capitalistes et à la réaction. C'est devant un pareil "Parlement ouvrier et paysan; que les Partis se réclamant de la classe ouvrière doivent rendre des comptes !


Le contrôle ouvrier est-il possible ?

LA CLASSE OUVRIERE AU PIED DU MUR

Parce que "on ne peut pas dissocier le problème des salaires du problème des prix", depuis plus d'un mois se poursuit une "conférence économique" avec ce seul résultat : le patronat refuse l'augmentation des salaires, à moins d'augmenter les prix ou de voir augmenter les subventions.

Déjà les 25% ont été engloutis et dépassés par la montée des prix. Les choses restent ainsi sur place, ou plutôt elles empirent.

Les travailleurs avaient compris cette situation dès que la revendication des 25% avait été posée. De même que depuis des mois, malgré l'abondance des produits (il y autant de viande qu'avant la guerre) les ouvriers ne mangent pas, pendant que des discussions "techniques" se poursuivent sur le "problème du ravitaillement", de même malgré l'augmentation de la production industrielle, pour augmenter les salaires, il a fallu de nombreuses "discussions techniques" pour aboutir... à une nouvelle diminution du pouvoir d'achat des salariés.

Les travailleurs ont ainsi le sentiment de se heurter à un mur. Il est impossible de ne pas revendiquer l'augmentation des salaires. Mais devant la montée incessante des prix, dont aucun "blocage", aucune augmentation de la production n'ont pu venir à bout, "l'augmentation des salaires;, quand elle est acquise, ne fait que suivre, de plus en plus de loin, l'augmentation des prix.

Il n'y a pas d'issue, disent certaines catégories d'ouvriers. Mais ceux qui ne veulent pas se résigner, tirent de cet état de choses une autre conclusion : il faut un changement radical. Ce changement, des faits récents nous le font clairement comprendre.

En effet, pourquoi, malgré toutes les "conférences économiques" qui doivent soi-disant "confronter les intérêts", "partager les sacrifices", le patronat arrive-t-il à rejeter sur les travailleurs de nouvelles augmentations de prix, sous prétexte d'augmentation des salaires ?

C'est parce que, déclare l'Union des Syndicats, "de l'aveu même des services officiels, la direction des prix n'a d'autres bases d'appréciation pour la fixation des prix, que celles qui lui sont fournies par les industriels ou négociants, alors que chacun sait que ces renseignements sont faux".

"Pour contester la revendication de la C.G.T., dit Frachon, les représentants du patronat citent des chiffres, des bilans qu'eux seuls peuvent contrôler... On peut s'imaginer ce qu'il serait permis de découvrir si les bilans des sociétés pouvaient s'étaler aussi clairement que les budgets ouvriers."

En effet, dans certains cas, où la C.G.T. a pu procéder à des révélations concernant les prix de revient et les bénéfices, elle a pu faire la preuve, en publiant les bilans de diverses sociétés, de la possibilité, en réduisant les marges bénéficiaires, d'augmenter les salaires et de réduire les prix. Dans ces cas, le patron a été, en conséquence, obligé d'accorder l'augmentation.

Mais alors, si ce procédé est possible occasionnellement, s'il a été indispensable pour obtenir une simple augmentation de salaire, quel serait son effet :

s'il était généralisé et appliqué aux industries-clé ;

s'il était PERMANENT et exercé par des comités ouvriers locaux ?

On peut imaginer l'effet, sur les autres catégories pauvres et moyennes de la population, qu'on dresse contre les ouvriers sous prétexte de leurs revendications, si au lieu de discuter "technique" avec les représentants des 200 familles et de se laisser enfermer dans un cercle vicieux, les travailleurs pouvaient révéler les manigances des capitalistes, leurs profits exorbitants, leurs plans de production dirigés uniquement dans le but de satisfaire leur souci de gain, leurs responsabilités dans l'appauvrissement et la misère du peuple. Ce qui a été possible dans telle ou telle entreprise petite et moyenne peut l'être PARTOUT.

Nous lisons dans L'Humanité un exemple entre autres : "le personnel de l'entreprise a fait la démonstration à M. Prin, fabricant de chaudrons... qu'il lui était possible de diminuer ses prix de vente et d'augmenter les salaires de 25%. En effet, un chaudron revient, main-d'œuvre et matière première comprises à 60 frs., et M. Prin le vend 132...

Encore une fois, peut-on imaginer l'effet de pareilles dénonciations sur une large échelle, et avant tout en ce qui concerne non pas les petits fabricants de chaudrons, mais les gros requins de l'industrie et de la finance ?

Il ne s'agirait plus alors d'une simple augmentation des salaires.

La C.G.T. déclare que "l'on peut par des programmes rationnels donnant une large priorité à la fabrication de produits utilitaires, diminuer les prix actuels de la plupart des articles de large consommation populaire".

Mais comment faire pour qu'on produise dans les usines des articles utilitaires ? Comment faire pour empêcher que la production ne soit destinée à l'exportation pour la sauvegarde des marchés extérieurs, au bénéfice des grands trusts et au détriment de la consommation intérieure, et dont la conséquence est l'augmentation des prix intérieurs ? Comment faire pour réduire les fabrications d'armements, source majeure d'inflation et de profits pour les capitalistes ?

La classe ouvrière doit revendiquer le contrôle ouvrier sur la production et l'application sous ce contrôle d'un plan de production établi par les Syndicats ouvriers ; car seules les classes productrices peuvent mettre de l'ordre dans la production et l'orienter suivant les besoins du pays (reconstruction, machines agricoles, outillage, etc...).

Le contrôle est une chose parfaitement possible aux ouvriers groupés dans leurs puissantes organisations de masse. Si les postiers ont jeté la panique parmi les spéculateurs, rien qu'en ouvrant une fois leurs télégrammes (qui poussaient à la hausse), qu'arriverait-il si de partout, de tous les côtés, les capitalistes étaient pris dans le filet du contrôle de la part des producteurs ?

Dans tous les pays, les ouvriers sont aujourd'hui obligés de poser devant les autres catégories de la population la question du contrôle sur les capitalistes. En Belgique, le gouvernement ayant voulu berner les travailleurs avec une baisse de prix de 10%, alors que chacun sait l'écart qui existe entre prix et salaires, les ouvriers ont posé dans la grève non seulement la question de l'augmentation des salaires, mais aussi celle du contrôle sur les comptes capitalistes, par des Comités ouvriers d'entreprise sans collaboration patronale. En Amérique aussi, une des premières revendications des travailleurs pour appuyer la défense de leur salaire, a été : ouvrez les livres de compte !

Pour défendre leur niveau de vie de plus en plus bas, les ouvriers sont obligés de lutter. Pour obtenir une simple augmentation de salaire, aussitôt engloutie par la vie chère, les ouvriers sont obligés de se dépenser en efforts, manifester, opposer leur force à l'obstination des capitalistes. Mais les ouvriers ne peuvent pas indéfiniment revendiquer pour courir après les prix. C'est pour cela que des catégories de plus en plus nombreuses d'ouvriers, qui se rendent compte que d'une façon ou d'une autre les travailleurs font les frais du régime, sont prêts à lutter pour l'échelle mobile sur la base d'un salaire décent, afin de briser l'arbitrage du gouvernement en faveur des capitalistes. Car enfin, même dans les pays où les ouvriers paient le pain un million, ce n'est pas parce qu'ils avaient imposé l'échelle mobile ; c'est la faillite de l'Etat qui a obligé la bourgeoisie à l'instituer, mais à son profit, avec un écart énorme, pour permettre aux ouvriers de suivre le rythme de l'inflation sur la base d'un salaire de famine.

Ce n'est pas vrai que l'économie ne puisse pas supporter une augmentation de salaires. Ce qu'elle ne peut plus supporter c'est les profits exorbitants, énormes, scandaleux, d'une poignée de capitalistes.

Le fossé entre riches et pauvres est aujourd'hui plus grand que jamais. C'est pour cela que les questions se posent sur le tranchant du couteau. Les capitalistes le savent, et de là vient leur peur des mouvements ouvriers. "Comment négliger, écrit Le Monde, ...ces "mouvements dont la grève &8211; réussie &8211; des usines de Sochaux vient d'offrir le prodrome" ?

Est-ce pour cela que les Syndicats organisent des manifestations à la sortie du travail, est-ce pour cela qu'ils ont peur de poser devant les travailleurs la question du contrôle ouvrier, qui peut aboutir, comme dans la grève des brasseries de Lille, à la gestion des usines par les producteurs eux-mêmes ?

Beaucoup de travailleurs comprennent aujourd'hui la situation mieux que les dirigeants officiels ne le font, ou ne veulent le faire. Mais il leur faut aussi parler, convaincre, se grouper avec leurs camarades d'usine, pour faire connaître et entendre hautement la vraie volonté de la masse des travailleurs.

Car la bourgeoisie ne s'arrête pas à mi-chemin. Elle veut revenir ouvertement au régime de Pétain. Si par le contrôle ouvrier, nous ne dévoilons pas à la petite bourgeoisie ruinée par l'inflation quels sont ses véritables ennemis, c'est la bourgeoisie qui la persuadera que l'inflation est due aux "exigences démesurées" des ouvriers, et le fascisme et "l'Etat fort" submergeront le pays, comme cela s'est passé en Allemagne.

A ceux qui veulent nous effrayer par des "nous ne tiendrons pas, c'est trop difficile", il faut répondre que la lutte est aujourd'hui imposée aux ouvriers, et qu'il faut être aveugle ou traître pour nier ce fait. Sans cela, quelle est la raison des multiples grèves dispersées à travers le pays, des manifestations, etc. ? Si cette lutte peut se retourner contre la classe ouvrière, c'est seulement si elle reste non coordonnée, non unifiée pour des objectifs précis et sérieux.

C'est dans ce fait que les ouvriers puiseront la volonté de se grouper et d'agir :

Pour un salaire minimum vital garanti par l'échelle mobile ;

Pour l'abolition du secret commercial et l'ouverture des livres de compte ;

Pour le contrôle ouvrier exercé par les ouvriers eux-mêmes dans des comités d'usine locaux, et coordonnés sur le plan local, régional et national.


La Voix des Travailleurs

...ECHOS...


REUNION DES TRAVAILLEURS DU BOIS

Répondant à l'appel de la Fédération, les délégués du bois sont venus en nombre à la réunion qui leur était réservée rue de Citeaux le mercredi 26 juin. L'ordre du jour comprenait les augmentations de salaire, la propagande et le droit aux congés payés.

Si l'exposé sur la nécessité d'intensifier la propagande fut fait facilement, il fut difficile au bureau d'expliquer la position de la C.G.T. sur les augmentations de salaires et l'abandon de toute directive d'action pour les réaliser. D'après le bureau, les délégués doivent essayer d'obtenir les augmentations en "convainquant" les patrons de la possibilité de les réaliser sans augmenter les prix, grâce à l'augmentation de la production qui s'opère depuis des mois.

Beaucoup de délégués entendant un pareil langage, qui une fois de plus sentait l'équivoque, après les "phrases révolutionnaires" de la période des élections, laissaient voir leur mécontentement. Comment s'étonner de ce langage réformiste quand Arrachard dans le journal Bâtiment et Bois de juin écrit : Les patrons doivent se convaincre qu'il est immoral de profiter de l'échelle mobile progressive lorsqu'il s'agit de bénéfices, alors que les travailleurs font constamment les frais de l'opération."

Demandant la parole, des délégués firent voir ce mécontentent et exprimèrent leurs doutes sur la réussite du blocage des prix, rien ne garantissant la réussite prochaine de ce qui a échoué hier. La garantie de l'échelle mobile demandée par un délégué fut unanimement applaudie, mais aussitôt un bonze du bureau "démontra" l'impossibilité actuelle de ce mot-d'ordre. Un camarade demanda pourquoi "nos députés" (les nôtres, souligna-t-il) ont voté une loi limitant les congés payés des travailleurs des entreprises privées, et désavantageant les prisonniers ou déportés politiques, au lieu de défendre une position qui donnerait aux travailleurs des entreprises privées, ayant un certain nombre d'années de maison, les mêmes droits qu'aux fonctionnaires. Il lui fut répondu que déjà des améliorations notables ont été obtenues, que pour avoir d'autres résultats, le rôle des délégués est d'appliquer avec discipline les mots d'ordre de la C.G.T.

De plus en plus les délégués sincères, voulant exposer un point de vue, ont le dégoût de le faire, sentant très bien que s'il n'est pas celui des directives du Bureau Confédéral leur exposé ne sera d'aucun poids.

Devant cet état de fait, nous devons nous diriger et chercher notre appui dans la classe ouvrière. Ce n'est que par l'action sur le lieu des entreprises, qu'il sera possible d'obtenir des résultats et d'aider ainsi, par des résultats partiels, a empêcher la démoralisation de la classe ouvrière. Le rôle des délégués en liaison avec les ouvriers est, dès maintenant, d'établir les cahiers de revendications en dépit des directives syndicales, et d'appuyer ces revendications, après entrevue avec le patronat, si nécessaire par la grève.

R.D.


CHEZ RENAULT

Les salaires. – Tout le monde est mécontent de la paye, mais l'augmentation de 25%, revendiquée par la C.G.T. ne satisfait personne.

"Je suis seul, dit un ouvrier, je paye une chambre 800 frs. par mois, le soir je suis obligé de manger un casse-croûte". Un autre : "je suis également seul, je paye 4.000 frs. par mois de pension. J'ai 24 ans, je travaille toute la semaine, et je suis obligé de réclamer de l'argent à mes parents pour y arriver". Un troisième raconte : "Je suis marié, j'ai une femme malade et 2 enfants. Je travaille toute la semaine, et les samedis et dimanches soir je joue de la musique pour arrondir la paye. Actuellement j'en suis à 10.000 frs. de dettes".

Il faut faire quelque chose, c'est certain. Nous sommes tous partisans de faire une grève générale. Les dirigeants de la C.G.T. nous convient à déposer nos revendications isolément. Aucune réunion générale. Nous sommes tous décidés à agir, mais nous nous sentons isolés. Néanmoins nous ne pouvons rester inactifs, c'est pourquoi des camarades ont publié un tract où il est dit notamment qu'à défaut d'un mouvement de large envergure que devraient organiser les dirigeants de la C.G.T., il faut commencer par nous organiser à la base et attaquer la direction patronale, même dans les plus petites questions.

Election de délégués. – Il n'y avait que deux listes en présence : C.G.T. et C.F.T.C. Pour voter il faut six mois de présence. Comme dans ces derniers six mois, l'usine a embauché un très grand nombre d'ouvriers, beaucoup n'ont pas été admis à participer au vote. Les nouveaux embauchés ont pu apprécier ce qu'était la démocratie. Comme disait un camarade : "Puisqu'on a dépassé la période d'essai, et que l'on fait partie du personnel, on devrait pouvoir voter ; est-ce qu'on attend 6 mois pour nous retenir l'impôt cédulaire ?"

Revendication à l'atelier 31. – Il y a quelque temps, des gouttes d'eau tombant d'un tuyau de vapeur crevé menaçaient de détériorer une machine. Le chef de production s'en étant aperçu, 5 minutes après la machine était protégée par des tôles et dans la matinée même le tuyau était réparé. Mais cela fait des mois que les ouvriers réclament des vasistas et des fenêtres sur la rue Colas sans rien obtenir. Comme il fallait s'y attendre, quand les grandes chaleurs sont arrivées, les ouvriers étouffaient. On en fait moins de cas que pour une machine.

Révision des temps. – Dans de nombreux endroits les chronos révisent les "temps" et nous savons bien que ce n'est jamais pour les augmenter. C'est pourquoi, aux culasses alu (département 49), des ouvriers ont refusé de se laisser rechronométrer et ont cessé le travail pendant tout le temps que les chronos étaient là, c'est-à-dire trois quarts d'heure.

Après la politique anti-ouvrière du travail au rendement, la direction ne manque pas une occasion d'attaquer les ouvriers. On prend prétexte de la modification de quelques bécanes pour rechronométrer toute une chaîne.

Il faut imiter nos camarades des culasses et ne pas permettre à la direction de nous exploiter davantage.

Constatant que la C.G.T. ne fait rien, un vieil ouvrier refuse de prendre son timbre. Mais cet ouvrier, pour arrondir sa paye nettement insuffisante, se livre à un petit trafic. C'est alors que le collecteur répond :

"Vous voulez de l'action, eh bien je vais en faire maintenant. Et pour commencer je t'interdis de vendre des œufs ici, ou bien je te casse la gueule."

C'est ainsi que le collecteur envisage l'action.

Naturellement, l'"action" contre un ouvrier (conscient ou inconscient) qui cherche à se débrouiller est beaucoup plus facile que l'action contre la direction.

Mais c'est égal, comment ces gens-là osent-ils se prétendre les défenseurs de la classe ouvrière ?


CHEZ CARNAUD

Solidarité ouvrière

Le jeudi 4 juillet, les manœuvres ont déclenché la grève pour une augmentation de salaires. Ils ont 25 frs.5O, ils réclament 32 frs. Ils sont venus demander aux ouvrières de les appuyer et de revendiquer en même temps le prix de 30 frs. pour les manœuvres femmes. Les déléguées ont dit : "Que les ouvrières fassent ce qu'elles veulent, ce n'est pas nous qui déclenchons la grève". Celles-ci répondent : "Les déléguées et la C.G.T. ne font rien pour nous, mais nous ferons grève malgré tout".

A plusieurs reprises, les responsables syndicaux ont invité les ouvriers à reprendre le travail invoquant que : "Si la grève continue, le patron refusera de discuter".

Le lendemain, suivant l'ordre de la C.G.T., les femmes recommencent le travail, mais les manœuvres passent outre la décision. Une seule femme se solidarise avec eux. La déléguée la prévient qu'en cas de mise à la porte, le syndicat ne la défendra pas. A trois heures, satisfaction est accordée aux manœuvres et tout le monde reprend le travail après que les manœuvres ont obtenu l'assurance que la camarade qui s'était solidarisée avec eux ne serait pas mise à la porte.

Ainsi, les manœuvres qui ont fait la grève jusqu'au bout ont eu : 3O frs. de l'heure + 2 frs. de prime, alors que les femmes qui ont recommencé le travail avant ont eu 1 fr. et 1 fr.5O d'augmentation par heure.

L'expérience de chez Carnaud confirme que seule l'action décidée des ouvriers peut apporter une solution à nos revendications alors que les parlottes ne donnent jamais rien.

LA GREVE DU VOTE

A la suite d'une discussion sur le vote des délégués syndicaux, des ouvriers disent : "Mais vous voyez bien, pendant la grève les responsables n'ont rien fait pour nous, d'ailleurs nous élisons toujours les mêmes et rien de change. Tout cela s'enchaîne, au mois d'octobre prochain, lors du vote pour les députés, nous devrions montrer notre mécontentement en faisant la grève du vote, en s'abstenant tous."

Le travail est exténuant. Nous travaillons au 4° étage, sous des verrières et vu la chaleur, nous sommes obligés d'arrêter le travail et nous allons aux W.-C.. pour nous reposer, car c'est le seul endroit où il n'y a pas de chef pour nous espionner. Certaines femmes avaient la figure enflée et violacée par la réverbération du soleil sur les verrières. Une soudeuse a réclamé que l'on arrête de travailler pendant la trop grande chaleur, on lui a répondu : "Des ouvrières l'ont déjà fait l'an dernier, vous n'avez qu'à continuer, vous n'avez aucune raison". Autrement dit : marche ou crève.

NAD


CHEZ GNOME-KELLERMANN

Chez Gnome-Kellermann, beaucoup d'ouvriers ayant des enfants ont été surpris d'apprendre (bien que depuis l'an dernier leurs salaires ont été bloqués, ou pour certains à peine modifiés), que pour les envoyer en colonie de vacances, il leur fallait, cette année, payer 1.300 frs., alors que l'an dernier ils en avaient payé 500. Le surplus de la somme, payé par le Comité, étant de 2.700 frs. contre 1.000 en 1945, c'est reconnaître que si l'an dernier il fallait 1.500 francs pour l'entretien d'un enfant pendant un mois, cette année il en faut 4.000. De plus l'an dernier les enfants étaient nourris individuellement par des particuliers, cette année la colonie est collective.

La vie à Paris étant plus chère, à ce taux un ménage avec un enfant devrait, pour s'entretenir un mois, avoir un pouvoir d'achat d'au moins 12.000 frs. Nous sommes loin du compte.


CHEZ ROSENGART

Chez Rosengart, la section syndicale a demandé l'augmentation des salaires. Le patron ne voulut rien entendre, mais dès que les ouvriers menacèrent de faire grève, il a consenti à accorder 7%, et l'incorporation de la prime de vie chère au salaire de base. Ce que les ouvriers arrachent dans les petites boîtes en agissant, est un exemple de ce que pourrait arracher la classe ouvrière entière dans une grève générale.


Dans une imprimerie de cartonnages, à Clichy,

les ouvriers ont réclamé une augmentation immédiate de 28% pour les imprimeurs et 17% pour les cartonniers. Le patron a refusé d'augmenter les salaires avant d'avoir consulté son syndicat. Tous les ouvriers ont cessé sur-le-champ de faire des heures supplémentaires, menaçant de se mettre en grève si le patron tardait trop à accorder les augmentations demandées.

D'autre part, par crainte de voir ses propres ouvriers faire grève, ce même patron a refusé d'exécuter le travail urgent d'un collègue dont tous les ouvriers s'étaient mis en grève pour une augmentation immédiate de salaires.

Mais, d'un autre côté, il essaie déjà de récupérer le supplément qu'il sera sûrement obligé d'accorder à ses ouvriers en faisant livrer la marchandise sous réserve d'établir ultérieurement les prix et en menaçant ses clients récalcitrants devant une telle combinaison de ne plus les servir à l'avenir.


CHEZ CITROEN

49 millions de bénéfices, sans le contrôle ouvrier ! [*]

Dans les réfectoires de l'usine Javel, les délégués de la C.G.T. nous invitent à la réunion qui doit se tenir sous le patronage d'Hénaff, rapporteur de la conférence économique. Une voiture de La Vie Ouvrière annonce que ce dernier est retenu, ce qui fait dire à des travailleurs : "il a peur de se montrer".

L'orateur fait connaître le bilan de la direction Citroën-Boulanger pour l'année 1945, la direction accuse 49 millions et ce n'est sans doute pas l'exacte vérité. Avec un chiffre comme celui-là on peut accorder les 25% sans augmenter les prix de revient ; il nous faut donc venir nombreux montrer notre puissance dans les défilés du 14 et 19 juillet.

Mais à quoi serviront ces défilés, disent les travailleurs dans l'usine. Nos camarades ont-ils raison de poser la question ? Depuis des mois et des mois on n'a entendu que produire, mais à qui a servi notre effort, n'est-ce pas aux actionnaires de la maison Citroën, sans contrôle dans les affaires de la direction celle-ci n'a fait qu'accumuler des profits. Aussi aujourd'hui on nous affirme que Boulanger peut donner les 25%, qu'il a assez provoqué les travailleurs ; mais dans tous les coins nos discussions relatent les récentes augmentations du coût de la vie, les loyers viennent de subir une hausse de 30% ; comme le disait l'un de nous : c'est bien la peine d'avoir passé 5 ans dans un camp, quand nous payerons le bifteck 500 francs, peut-être passerons-nous à l'action...

A Grenelle, le délégué rapportait dans une assemblée : chez nous on est pour l'action, à Grenelle on est tous pour la grève, aussi la pression ouvrière est grande chez Citroën. Mais face à cette forte pression, la C.G.T. fait figure de défenseur en parlottant, à l'aide de ces manœuvres la bourgeoisie reprend d'une main ce qu'elle nous donne de l'autre.

En défilant après notre journée de travail, lutterons-nous effectivement contre notre direction qui nous affame, pourrons-nous imposer un contrôle permanent sur les livres de compte pour vérifier comment elle calcule ses prix, quelle est la part des profits et celle réservée à nos salaires ? En défilant au Champ de Mars, pourrons-nous empêcher Boulanger d'accumuler des super-bénéfices et la somme de 49 millions de francs avoués, pendant que chaque jour s'amenuise notre pouvoir d'achat ? Comme le disait avec raison un vieux travailleur de Clichy, ce n'est pas à la porte, mais dans l'usine qu'il faut nous tenir. Les métallos de chez Peugeot nous ont montré la voie par la grève victorieuse ; si au moment de passer à l'action pour le contrôle ouvrier sur les livres de compte de la direction, et lui arracher un salaire décent pour un travail décent, la C.G.T. camoufle sa carence en nous donnant en spectacle par des défilés, et que Boulanger prétend que celle-ci ne représente pas la volonté ouvrière, notre unité qui jusqu'alors consistait à payer un timbre syndical, doit se forger dans la lutte pour la grève. Car pour défendre l'avenir, seule la grève dans l'usine pourra imposer le contrôle ouvrier à Boulanger et nous apporter des avantages immédiats.

RENARD

[*] Cet article a suscité une réaction d'un lecteur, publiée dans la Lutte de Classes n° 66


CORRESPONDANCE


L'EPURATION

Au sujet de l'invalidation du mandat de Reynaud et de Daladier, un camarade, dans une discussion, nous démontre qu'ainsi que pour l'épuration, la classe ouvrière est toujours la dupe de ces débats ou jugements entièrement dans les mains de la "justice bourgeoise".

"Voulant détourner sur des responsabilités passées le mécontentement présent, la justice sous Pétain mettait en accusation le Front Populaire et ses chefs ; sous le gouvernement De Gaulle et depuis, c'est la clique fasciste de Vichy qui est mise en "accusation", et c'est ainsi, disait ce camarade, que nous assistons toujours à des "jugements" avec une période de décalage. Si nous voulons une véritable épuration des politiciens responsables de notre écrasement passé et présent, ce n'est que par le fonctionnement de tribunaux populaires élus par le peuple travailleur et mettant en accusation immédiatement tous les représentants de l'ordre bourgeois menant une politique anti-ouvrière, que nous l'obtiendrons."


UNE VIE DE CHIEN

Dans une discussion, un ouvrier donne libre cours à sa colère en montrant que les bourgeois mènent joyeuse vie, tandis que nous crevons de faim ; qu'ils roulent dans des voitures de luxe, tandis que la plupart d'entre nous ne peut même pas rouler en vélo.

Là un autre ouvrier rétorque d'un air désabusé : "Dans le fond, les bourgeois sont malheureux ; ils ont peur de la mort, car pour eux la vie est belle ; tandis que moi, j'espère tous les soirs, en me couchant, d'être crevé le lendemain pour ne plus vivre cette vie de chien."

Voilà comment le travail exténuant de l'usine, joint à la paupérisation toujours grandissante des travailleurs, les conduit au désespoir. C'est cela la vie pleinement humaine qu'on nous promettait du micro de Londres ou d'Alger (programme du C.N.R.)


Archives Trotsky Archives IV° Internationale
Précédent Haut de la page Suite Sommaire