1946

Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! – LA LUTTE de CLASSES – Organe de l'Union Communiste (Trotskyste) n° 80 – 5ème année – Hebdomadaire (B.I.) le n° 3 francs


LA LUTTE DE CLASSES nº 80

Barta

21 décembre 1946


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RESOLU PAR L'ABSURDE

Pourquoi, contrairement à toute attente, un parti qui représente à peine un sixième de l'Assemblée, le Parti Socialiste, a-t-il, sous la présidence extra-parlementaire de Léon Blum, constitué SEUL le gouvernement ? Et que signifie ce fait ?

La constitution d'un gouvernement minoritaire, avec l'appui des fractions les plus opposées de l'Assemblée, n'a été possible que parce que la constitution d'un gouvernement Blum-Herriot-Bidault, sans Thorez, était impossible.

L'absence de Thorez n'a pas eu pour conséquence la constitution d'un gouvernement MAJORITAIRE Blum-Herriot-Bidault et le rejet du P.C.F. dans l'opposition, mais le maintien de l'Union Nationale, par l'appui que tous les partis, dans l'impossibilité (temporaire ou définitive) de s'entendre sur la répartition des postes gouvernementaux, ont accordé au Gouvernement Blum. Le Gouvernement Blum minoritaire n'existe précisément que PARCE QU'IL N'EST PAS UN GOUVERNEMENT SOCIALISTE, mais une forme gouvernementale ABSURDE de l'Union Nationale de Bidault et de Thorez uniquement sur le terrain de l'Assemblée.

Exprimée jusqu'à maintenant par la coalition au pouvoir de Thorez et de Bidault, l'Union Nationale est symbolisée maintenant par un seul parti, faisant fonction d'arbitre gouvernemental dans un Parlement divisé en deux camps hostiles.

Cette hostilité ne date pas d'aujourd'hui. Elle ne fait que refléter la crise profonde DE REGIME, qui s'est ouverte en France depuis une douzaine d'années. D'un côté, le besoin qu'a la bourgeoisie d'utiliser les services des Partis dits parlementaires, notamment de gauche, pour canaliser le mouvement ouvrier revendicatif ; d'un autre côté, son besoin non moins impérieux de se débarrasser du mouvement ouvrier, du régime parlementaire dans le cadre duquel il coexiste avec la domination des capitalistes, – ce besoin contradictoire provoque des luttes de plus en plus violentes entre les partis qui se disputent le pouvoir.

Nous avons expliqué cette situation dans toute la série d'articles commençant au n°66 ("Que veut De Gaulle ?"), notamment dans l'article "Deux exemples" (n°74) dans lequel nous nous exprimions ainsi : "D'un côté, elle (la bourgeoisie) veut débarrasser son pouvoir du Parti communiste, mais d'autre part elle est obligée de préparer la variante grecque (en finir par la force avec le parlementarisme "démocratique" qui tolère les partis)".

Blum reconnaît, dans son discours devant l'Assemblée, que la crise gouvernementale est insoluble par les moyens ordinaires :

"Je n'ai pu rapprocher deux grands Partis dont la présence simultanée au Gouvernement était, dans la conjoncture politique actuelle, A LA FOIS INDISPENSABLE ET IMPOSSIBLE".


Quelle est la signification politique de l'actuel Gouvernement ?

Si la bourgeoisie veut utiliser à nouveau les services gouvernementaux des leaders staliniens (qui s'efforceront de démontrer à la bourgeoisie qu'elle ne peut pas gouverner sans eux), alors elle fera faire marche arrière au M.R.P. après l'élection du Président de la République, et nous reviendrons à un Gouvernement de coalition. Qu'elle se réserve cette éventualité, cela ressort clairement d'articles publiés par un journal comme Le Monde, qui reconnaît les concessions "qui sont allées très loin" des leaders staliniens, et les absout du "crime" d'avoir provoqué l'échec d'un Gouvernement d'union : c'est une porte ouverte pour une prochaine coalition.

Mais si, par contre, la bourgeoisie estime le moment favorable de constituer un Gouvernement sans Thorez, alors ce ne seront ni Blum, ni Bidault, mais De Gaulle qui sera SEUL capable de le mettre sur pied. Ainsi l'union nationale qui s'exprime maintenant dans un seul Parti et conserve par là une attache parlementaire, s'incarnera dans une seule personne, ANTIPARLEMENTAIRE.

Dans un cas comme dans l'autre, Blum aura constitué un premier essai de Gouvernement OUVERTEMENT au-dessus du Parlement.

Quels que soient les services que les chefs staliniens pourraient encore rendre à la bourgeoisie, dans un nouveau Gouvernement de coalition, celle-ci sera finalement obligée de trancher la question "qui est maître dans la maison". Elle tentera coûte que coûte d'en finir, à l'aide des partis de droite soudés autour de De Gaulle, avec le régime parlementaire et l'existence indépendante des par-tis, qui sont à sa base.

Le sauveur de la bourgeoisie, De Gaulle, est ainsi une menace non seulement pour les masses ouvrières, mais aussi pour les militants du P.C.F. et du P.S., malgré les trahisons de leurs chefs. La menace que présente De Gaulle unit en un sort commun tous ceux qui ne pourront pas se sauver, comme le feront les chefs du P.C.F. ou du P.S., à l'aide de passeports, après avoir épuisé toutes les combines pourries pour maintenir leur situation privilégiée.

D'un côté, De Gaulle, représentant de la bourgeoisie, d'un autre côté, les représentants directs des ouvriers et des paysans, voilà sur quelle ligne s'opère le partage véritable entre les deux camps. Ou un nouveau Gouvernement totalitaire à la Pétain, ou un Gouvernement ouvrier et paysan, voilà l'alternative à plus ou moins longue échéance.

Chaque jour qui passe accentue la décomposition d'un régime, qui n'offre plus à la grande masse de la population que, comme pain quotidien, la souffrance, et comme consolation, la résignation.

Mais chaque jour aussi les masses prolétariennes prennent de plus en plus clairement conscience des tâches à accomplir. Les preuves en sont encore fragmentaires et pas toujours nettement exprimées, mais il ne fait aucun doute, quels que soient les événements des prochains mois, que l'avant-garde ouvrière s'élèvera en fin de compte à la hauteur de ses tâches.


TOUS D'ACCORD CONTRE LES TRAVAILLEURS

La constitution du nouveau gouvernement est une déception de plus dans la longue série de déceptions qu'éprouvent les travailleurs depuis plus de deux ans. Leur espoir en un gouvernement qui aurait soulagé la situation des ouvriers et mis de l'ordre dans les affaires a été réduit à zéro --comme l'ont été, successivement, tous leurs espoirs engendrés par les promesses faites de tous les côtés.

Est-ce une question de programme qui a séparé les Partis au sujet de la constitution du Gouvernement ? De l'aveu de tous, ce n'est pas cela ; Duclos, à la Chambre, en votant pour le gouvernement Blum, a déclaré, de même que ses collègues du M.R.P. et autres : "Ce gouvernement peut compter sur nos suffrages et sur notre soutien pour lui permettre de réaliser l'œuvre que commandent les circonstances".

Blum lui-même a déclaré que sa tâche n'est pas de réaliser son programme – celui que le P.S. avait présenté au public avant les élections – mais de faire voter et exécuter "des mesures préparées par le gouvernement précédent" (celles notamment du ministre des Finances M.R.P., Robert Schuman). C'est donc avec raison que nous écrivions la semaine dernière : "En apparence, tout le monde a parlé de la difficulté de s'entendre sur un programme alors que les mesures techniques sont depuis longtemps décidées "en haut lieu ", c'est-à-dire par les maîtres de la Banque, dont les véritables porte-parole sont les Jean Monnet, les Robert Schuman, etc...).

Etait-ce pour cela que le P.S. et le P.C.F. ont demandé leurs voix aux travailleurs, était-ce pour cela qu'ils ont fait appel à leur travail, à leur patience, à leur discipline ?

Ils se valent

Il y a cependant dix jours à peine, L'Humanité protestait contre le fait que certains mettent l'accent sur les mesures impopulaires que devrait prendre le prochain Gouvernement : "Les intérêts et aspirations du peuple, écrivait-elle, seraient-elles en contradiction avec les exigences du salut national ? N'y a-t-il pas des mesures qui s'imposent tout en étant populaires ?"

Mais si le gouvernement allait avoir un programme de mesures populaires, pourquoi les chefs staliniens ont-ils renoncé à leur application ? Pour un poste ministériel ? N'était-ce pas une trahison même de refuser leur participation, sous prétexte d'avoir été lésés, de n'avoir pas eu le nombre voulu de postes ?

Si, par contre, le programme du Gouvernement n'était pas démocratique, mais "impopulaire", et si c'était au contraire les chefs staliniens qui avaient un programme en faveur du peuple, dont les autres Partis ne voulaient pas, n'auraient-ils pas dû proposer ce programme directement aux travailleurs pour obtenir leur appui au lieu de voter pour un gouvernement qui applique le programme du M.R.P. ? Demander cet appui en faveur d'un programme défendant les intérêts des opprimés, qui sont l'écrasante majorité, n'était-ce pas un acte essentiellement démocratique ? Ou le sort du peuple doit-il dépendre de négociations avec ses ennemis ?

Mais en réalité, les chefs staliniens, pas plus que le Gouvernement, n'ont de programme en faveur du peuple, et tout se réduit précisément à des disputes de places, camouflées derrière toutes sortes de raisons.

"Si les chefs staliniens – écrivions-nous avant la "crise gouvernementale" – ont farci leur programme de belles phrases de renaissance et de bien-être du peuple, ils n'en feront jamais une réalité, puisqu'ils ne proposent aucune mesure réelle contre la puissance économique et politique de la bourgeoisie. Ce n'est pour eux qu'un alibi pour justifier leurs promesses antérieures ; ensuite ils ne manqueront pas d'invoquer que l'échec est dû aux autres partis qui n'ont pas donné leur adhésion, ou qui ont repoussé la présidence de Thorez, ou bien qui ne l'ont pas assez soutenu, etc... "

Au lieu de s'occuper des ouvriers, qu'il prétend représenter, Jacques Duclos, en parlant à la Chambre de la constitution du nouveau Gouvernement, s'est écrié à l'adresse des députés M.R.P.: "NOUS VOUS VALONS !" C'est là, en effet la grande ambition des renégats de la classe ouvrière valoir les représentants de "vieille souche" de la bourgeoisie, qui a en eux une confiance solide basée sur les services passés.

Que signifie "l'équité dans les sacrifices" ?

Le ministre M.R.P. Schuman parlait hier de "mesures courageuses ". Léon Blum déclare qu'il ne fait que reprendre "les mesures préparées par le Gouvernement précédent" et que "des sacrifices vont être demandés au pays ". Mais en tant que "socialiste", Blum se sent obligé de promettre que ces sacrifices seront "répartis en pleine équité démocratique, en frappant plus lourdement ceux pour qui il existe un superflu, en ménageant ceux pour qui le travail est le plus pénible, ce qui implique avant tout la poursuite de la fraude et de la dissimulation fiscale et le recouvrement des profits illicites,... ON NE PEUT DEMANDER DE GRANDS SACRIFICES A UN PEUPLE QU'EN LUI DONNANT DE GRANDS ESPOIRS ".

Le grand espoir que le Gouvernement d"'union nationale" de Blum donne au peuple, c'est de faire payer les pauvres... avec des ménagements. Mais rogner tant soit peu encore sur les revenus des pauvres, C'EST LES AFFAMER ENCORE DAVANTAGE, C'EST LES RUINER ET LES REDUIRE AU DESESPOIR Quel rapport d'équité peut-il exister entre ce fardeau des pauvres, et les quelques prélèvements qui seront faits sur les revenus des riches pour mieux les sauver ? Disposant de tous les leviers de commande, les capitalistes n'en feront qu'un prétexte pour rejeter les quelques "sacrifices" que l'Etat leur impose sur le dos du travailleur, du petit paysan, du consommateur pauvre.

Le recouvrement des "profits illicites" ? Peut-on croire Blum sur parole, quand on a l'expérience du passé, quand on sait qu'un Gouin, "socialiste", chef de Gouvernement il y a à peine quelques mois, avait commencé, lui aussi, par parler contre les "profits illicites" (en révélant que sur 42 milliards d'amendes qui frappaient les trafics, 3 milliards seulement avaient été récupérés) et que depuis il a eu comme un bœuf sur la langue, et s'est même trouvé mêlé au scandale du vin ?

A quoi serviront les nouveaux sacrifices ?

Par la bouche de certains de ses représentants, la bourgeoisie promet qu'en 1950, grâce aux sacrifices qu'exige ce qu'elle appelle pompeusement le "plan Monnet", le niveau de vie sera supérieur à celui de 1929, la meilleure année après la guerre de 1918.

"Je crois en l'avenir du pays", dit Léon Blum. "Si nous nous procurons un complément de charbon, de main-d'œuvre et de crédits extérieurs..."

N'est-ce pas se moquer des gens que de leur faire croire qu'on relèvera le pays; par les crédits américains et le charbon de la Ruhr, alors que les propres ressources du pays, son propre effort, l'énergie des travailleurs, sont gaspillés sans aucun profit pour le peuple.

Pourquoi les travailleurs et les gens pauvres sont-ils privés de marchandises, des denrées qui existent, qui sont à la portée de leurs yeux, mais non à celle de leurs mains ? Pourquoi le pouvoir d'achat baisse-t-il tous les jours, alors que l'effort de production augmente, que les échanges internationaux des capitalistes, selon les statistiques officielles, prospèrent ? Pourquoi le budget de l'Etat n'est-il, selon le rapport financier officiel, qu'une "caisse d'assurance gratuite contre les aléas et les mécomptes des intérêts privés ou publics", lire capitalistes ?

Quelle dérision de baser la reconstruction du pays sur le charbon de la Ruhr et les capitaux américains ! Car ce que ne dit pas Léon Blum, c'est que les capitalistes américains accordent des crédits non pas pour relever les autres pays, mais pour trouver des acquéreurs de leurs propres produits industriels. Les capitalistes américains n'ont aucun intérêt à voir renaître une industrie française, et ce sont les mêmes raisons qui empêchent l'Angleterre de livrer le charbon de la Ruhr. Tant que les capitalistes seront les maîtres, le charbon de la Ruhr ira aux trusts charbonniers anglais.

Ce n'est pas la reconstruction qui est l'enjeu pour les capitalistes ; les emprunts américains s'en iront au gouffre des fabrications militaires et le charbon même, dans la mesure où il sera obtenu par les capitalistes, ne viendra pas chauffer nos foyers.

Il y a quelques jours, en parlant à l'Assemblée en faveur de "l'union nationale", Herriot disait : "Qui prétendra que la guerre soit vraiment liquidée ?"

La guerre n'est pas liquidée, malgré la fin des hostilités entre les Alliés et les pays vaincus de l'Axe. A l'exemple des capitalistes des grands pays vainqueurs, la bourgeoisie française, malgré la ruine du pays, participe à la course aux armements, entretient une armée de caste coûteuse pour l'occupation de l'Allemagne et de l'Autriche, pour faire la police dans la métropole contre les travailleurs, pour accentuer la répression en Afrique du Nord et mener la guerre en Indochine. Cette activité impérialiste, c'est le gouffre qui a déjà englouti le minimum de bien-être des travailleurs français. Comment s'imaginer que, pour le combler, les mesures envisagées par le Gouvernement seront les dernières ? La politique des sacrifices (pour les masses) sera la pratique permanente des gouvernements bourgeois quels qu'ils soient. Seulement, à chaque opération de quelque envergure, on ne manquera pas de mettre en avant le caractère "sauveur" et "national" des mesures envisagées.

Comment les ouvriers se défendront-ils ?

Tous les efforts des chefs prétendument ouvriers, "socialistes" et staliniens, c'est de montrer à la bourgeoisie qu'ils sont dignes de sa confiance. Toutes les promesses qu'ils font aux travailleurs sont constamment trahies. Si les travailleurs continuent à suivre de tels chefs, leurs souffrances ne serviront qu'à tirer, éventuellement, les marrons du feu pour eux.

La seule voie qui reste ouverte aux travailleurs pour se défendre, c'est la voie difficile mais sûre de la lutte prolétarienne. Pour renverser la vapeur, il faut préparer la riposte aux "mesures courageuses" du Gouvernement, se montrer intransigeant, vis-à-vis de la bourgeoisie, dans la défense de nos intérêts et se débarrasser de toutes les illusions par lesquelles on veut nous endormir.

La question des salaires, des conditions de travail et du niveau de vie des ouvriers ne sera résolue que dans le cadre des conventions collectives imposées à la bourgeoisie par la menace de grève générale et avec des revendications essentielles telle que l'échelle mobile des salaires.

Les questions vitales qui intéressent les travailleurs ne peuvent recevoir de solution que dans un élargissement de leur lutte. Nous voyons bien que même aux Etats-Unis où la classe ouvrière est forte, ce n'est pas par des grèves partielles, mais par des grèves générales qu'elle doit imposer ses revendications. Il faut un effort sérieux pour se préparer à de nouveaux combats. Nous n'avons rien obtenu, même le réajustement à retardement de nos salaires, autrement que par notre pression ou notre action. Car il n'y a pas d'autre voie. Ceux qui prétendent nous en enseigner une autre se sont avérés n'être que des charlatans.


ROCKEFELLER, PROPRIETAIRE DE L' O.N.U.

"Le sénateur Austin, chef de la délégation américaine à la Commission du Siège à l'O.N.U., a annoncé hier à cette Commission que la famille Rockefeller offrait 8 millions et demi de dollars (soit un milliard de francs) à l'O.N.U. pour établir le siège de cet organisme en plein New-York..", publie Le Monde du 13-12-1946.

La famille Rockefeller, riche au point de ne savoir que faire de sa fortune, vient d'offrir un terrain à l'O.N.U. Ainsi l'un des premiers magnats du capital devient "propriétaire" de l'organisation qui doit gouverner le monde. Et le sénateur américain Austin, tout heureux de voir l'O.N.U. entre si bonnes mains, se répand en éloges, insistant tout particulièrement sur l'emplacement choisi au centre de New-York... c'est-à-dire au centre des banques américaines.

A Dupont de Nemours, la bombe atomique (dont le fameux "contrôle" donne lieu à tant de discussions). A Rockefeller, l'O.N.U. Et nous voyons entre quelles mains se trouve le sort des nations et au profit de qui il sera réglé. Les travailleurs savent très bien que ce sera sur leur dos que les capitalistes et leurs valets à la Austin organiseront le monde. Ils savent très bien aussi que si les capitalistes ne parviennent pas à s'entendre pour organiser le monde au mieux de leurs intérêts respectifs, ils voudront se servir d'eux pour faire de la chair à canon pour régler le conflit...


M. BYRNES ET LE DESARMEMENT

Depuis des semaines, conférences sur la paix et le désarmement se succèdent sans arrêt, mais voici que nous apprenons : Molotov n'ayant pas soutenu la Bulgarie pour sa demande de vedettes lance-torpilles et la France ayant refusé catégoriquement que l'Italie en possédât, "Byrnes a déclaré, radieux : Voilà un nouveau progrès vers le désarmement !" (Le Monde, 712-46).

Etait-ce, par hasard, quelques malheureuses vedettes lance-torpilles aux mains des nations vaincues comme la Bulgarie, l'Italie, comme aussi l'Allemagne, déjà entièrement à la merci de leurs vainqueurs "alliés", qui menaçaient la paix ?

Ou alors, M. Byrnes, tout simplement, a-t-il voulu justifier les frais considérables qu'entraînaient, pour les Nations, les voyages, les entrevues, les conférences, les délégations, qui défrayent chaque jour la presse ? Et il nous a annoncé le désarmement de la Bulgarie et de l'Italie pour nous prouver que toutes ces démarches onéreuses avaient un résultat... et quel résultat !

Ou alors, enfin, M. Byrnes s'est-il délibérément moqué du monde, à moins d'être lui-même complètement inconscient ?

Peu nous importe !

Nulle part les travailleurs ne font confiance à ce repaire de brigands que sont l'O.N.U. et toutes les fameuses Conférences de paix. Témoin la lutte à mort des peuples asservis contre l'impérialisme, en Grèce, en Indochine, aux Indes, etc...


LES JEUNES ET LA PREPARATION MILITAIRE

On parle beaucoup de la jeunesse à présent. Ce mot est à la mode pour quiconque veut montrer qu'il est à la page des problèmes posés dans le pays. Que de promesses ont été faites à la jeunesse : statuts, programmes, conventions ! Tous les grands mots ont été remués. Mais les derniers, pas plus que leurs devanciers, n'ont fait avancer le problème d'un pas. C'est pour cela qu'ils ont dû revenir au point de départ. Limités qu'ils étaient par les "nécessités économiques", ils ont préféré s'occuper des affaires de rapport à brève échéance plutôt que d'œuvres philanthropiques. Toutefois, il faut être juste et, pour dire vrai, les hommes du capital ne sont pas restés sans rien faire pour la jeunesse. Les mesures prises il y a un mois, quand on les regarde de près, apparaissent comme faisant partie d'un vaste plan tendant à la mobilisation de toutes les ressources et richesses du pays en vue de sauver celles du capital. C'est, en tout cas, le moins que l'on puisse dire de la "prémilitaire", dernière en date des "réalisations pour la jeunesse". Ici apparaît déjà l'Etat près de sa ruine qui veut économiser un an de service militaire sur les dimanches des jeunes gens, empiétant ainsi sur leurs jours de repos.

Entraînement militaire qui consiste à reconnaître les grades et à apprendre à saluer - en piqûres faites par des "bouchers" dans des locaux ou des casernes propres à rendre les jeunes gens malades - en nombreuses journées perdues pour les piqûres et qui ne sont nullement remboursées ni par l'Etat, ni par les patrons. Tels sont les avantages réels brièvement résumés que gagnent les jeunes gens dans cette P.M.
Pour l'Etat, la question de la jeunesse semble se borner au problème militaire, c'est-à-dire à celui-là seul qui l'intéresse. Que les jeunes prêts à se marier n'aient pas d'argent pour l'installation de leur foyer, l'Etat n'en a cure et répond imperturbablement qu'il n'est pas un bureau de bienfaisance. Certes, il s'il s'agit d'appeler les jeunes à la P.M. pendant un an pour leur apprendre la discipline militaire en attendant de les envoyer aux colonies "rétablir l'ordre" par la force, il n'en est plus de même. Dans ce cas, il existe même des cinémas dans les casernes où les films sont choisis de façon à créer un état d'esprit belliqueux, véritable psychose.

Contre cet état de choses, il faut penser que les jeunes ne manqueront pas de s'organiser pour imposer la suppression de la P.M. et pour faire aboutir leurs revendications les plus immédiates.

LISER


...ECHOS...


DEMOCRATIE OUVRIERE

Comme chaque semaine, une vente de journaux révolutionnaires a eu lieu au métro Pont-de-Sèvres, le mardi 7 décembre. Ce jour-là, deux tendances vendaient : l'une La Lutte de Classes, journal trotskyste, l'autre Le Libertaire, journal anarchiste.

Selon la tactique habituelle, des Staliniens, venus spécialement du métro Billancourt, où vont les chercher les mouchards staliniens du Pont-de-Sèvres, ont attaqué les vendeurs.

Une bagarre s'est engagée entre le jeune anarchiste et un matraqueur stalinien. Mais les ouvriers, qui s'étaient amassés, se sont opposés à de telles méthodes. Ils sont intervenus au nom de la démocratie ouvrière, et sans être acheteurs de ces journaux, ils ont demandé aux Staliniens "Pourquoi n'empêchez-vous pas la vente de L'Epoque ou de L'Aube ? – C'est ça la démocratie ?- Ils ont bien le droit d'avoir des idées de gauche. Celui qui ne veut pas de leurs journaux ne les achète pas. Un point, c'est tout !"

Devant l'hostilité des ouvriers, les Staliniens ont été obligés de partir.

C'est la première fois qu'au cours de telles bagarres, les ouvriers font respecter la démocratie ou-vrière en empêchant la censure brutale des Staliniens imposant ainsi la libre expression des tendances prolétariennes.


RENAULT


Mouchardage stalinien

Chez Renault, nous avons déjà vu plusieurs fois le rôle de mouchards joué par les Staliniens qui dénoncent à la direction et font renvoyer les ouvriers révolutionnaires.

Cette semaine, des ouvriers ayant fait circuler des tracts du M.F.A. (Mouvement Français de l'Abondance) ont été dénoncés par les Staliniens et l'un d'eux s'est vu signifier "qu'il pouvait se considérer comme ne faisant plus partie du personnel de la R.N.U.R.".

Dans un secteur, un délégué a interrogé des ouvriers pour savoir qui leur avait donné des tracts du M.F.A. Comme une ouvrière s'étonnait de ce procédé, il répondit : "Ce sont des fascistes camouflés, il faut les faire mettre à la porte". Paroles qui ont indigné les ouvriers et l'un d'eux dit : "Ah ça ! par exemple, moi je suis communiste, mais là ça ne va plus."

Les ouvriers sont indignés des méthodes de délation et de mouchardage des Staliniens et ils y répondront en faisant circuler au maximum toutes les publications ouvrières et en s'opposant à toute mesure policière exercée contre leurs camarades.


Le froid à l'usine

Avec la nouvelle vague de froid, les ouvriers de la Régie Renault, comme tous les autres, ont vu s'alourdir encore leur tribut de misère.

Le thermomètre est tombé à -5° et même -9° et ils doivent travailler sans chauffage, dans des ateliers à courants d'air, le plus souvent les mains dans l'eau de potasse. Les courroies des machines brassent l'air glacial au-dessus de leurs épaules. Le midi, à la cantine, ils ont, pour se réchauffer, une salade de betterave et une bouchée de nouilles. Peut-être leur supprimera-t-on leur quart de vin...

L'été dernier, alors que la chaleur rendait l'atmosphère irrespirable, le service d'entretien installait des aérothermes... pour l'hiver. "Au moins, si nous cuisons maintenant, nous ne gèlerons pas cet hiver", disaient les ouvriers. Mais, il y a quinze jours, la direction répondait pour le chauffage : "Quand il y aura moins de zéro". Maintenant qu'il y a -5°, elle répond : "Si tous les aérothermes marchaient, il faudrait fermer l'usine." Et le bulletin patronal conclut en invitant le personnel à "poursuivre son effort de production".

Les ouvriers, un peu partout, ont allumé des braseros. Dans le département 9, le chef de secteur, le visage cramoisi par la chaleur qui règne dans son bureau (il est chauffé, lui), a interdit les braseros. Les ouvriers ont passé outre.

Dans l'atelier 309, aux roulements à billes, les femmes ont débrayé en exigeant du chauffage. La direction a consenti à chauffer cet atelier, mais a promis des sanctions.

Quant au Syndicat, il pleurniche sur la rigueur des temps, mais il ne fait rien de plus.


Chez ALSTHOM

Les ouvriers revendiquent la carte T2

Fin novembre, les ouvrières des presses donnèrent le signal du mouvement par un débrayage spontané. Dès que cette grève fut connue, les ouvriers décidèrent de poser la même revendication et les délégués furent mandatés pour parler au nom de l'ensemble des travailleurs.

Ces délégués, reçus par un bureaucrate du ministère du Ravitaillement, se virent demander pourquoi ils voulaient la carte T2. "Pour manger !", répondit un ouvrier. -"Non, pour boire !", reprit le bureaucrate. Car, comme chacun sait, les ouvriers passent leurs 48 ou 54 heures à ne rien faire et consacrent une bonne partie de leurs salaires, trop substantiels, à s'enivrer... Mais, comme les ouvriers ne cédaient pas, un inspecteur vint à l'usine effectuer un contrôle : les ouvriers doivent avoir la carte T2 pour décembre.

L'action collective des travailleurs a fait aboutir leur revendication. Mais, en réalité, à quoi leur servira d'"avoir droit", sur leurs cartes, à une plus grande quantité de produits, si leurs salaires sont insuffisants pour pouvoir les payer. Rien ne manque maintenant sur le marché, mais la ménagère doit se contenter de regarder, car tout est beaucoup trop cher.

Il arrive même souvent qu'elle ne puisse acheter certaines denrées, auxquelles ses cartes lui donnent droit, parce que leur prix est trop élevé, par exemple le beurre, les bananes, les oranges, le chocolat pour les enfants.

C'est donc avant tout pour la garantie de leur pouvoir d'achat que les travailleurs doivent mener la lutte.


CHEZ THOMSON

A l'apprentissage, le contremaître dit aux ouvriers : "Vous ne descendrez à l'atelier que lorsque vous ferez du 100 pour 100." Après une discussion à la cantine, une ouvrière conclut : "De toutes façons, les ouvrières descendues à l'atelier ne réussissent que très rarement (et les meilleures) à faire du 100 pour 100. Or, ici, à l'apprentissage, nous faisons le même travail que les ouvrières de l'atelier. D'autre part, la direction touche une subvention de l'Etat pour son école d'apprentissage. Elle a donc double intérêt à nous empêcher le plus longtemps possible de descendre à l'atelier et ne tient aucun compte des efforts des ouvrières pour arriver à la moyenne."

Mais cela ne suffit pas à la direction. C'est ainsi que, mercredi dernier, à l'apprentissage, le contremaître est venu annoncer que trois ouvrières auraient leurs payes diminuées et passeraient à 28,10 frs., 29,70 frs. et 30 francs de l'heure, alors qu'elles gagnaient auparavant, respectivement, 29,70 frs. 33 frs. et 34 frs. (un manœuvre gagne 33 frs.) Et le contremaître a conclu "C'est par mesure disciplinaire pour vous faire aller plus vite."

Non seulement la direction empêche les ouvrières de passer à l'atelier, mais elle profite de ce que les temps beaucoup trop courts coulent la plupart d'entre elles à l'apprentissage pour diminuer les salaires déjà très bas.


LES EMULES DE L'HUMANITE

En dernière minute, nous relevons la "mise en garde" suivante que publie La Vérité (sic) du 20 décembre :

ATTENTION !

Des lecteurs nous écrivent qu'ils reçoivent un journal intitulé La Lutte de Classes, organe du Groupe communiste pour la IVème Internationale. Nous précisons que ce groupe n'a rien de commun, ni avec la IVème Internationale dont il ne fait pas partie, ni avec le P.C.I.

Nous mettons en garde tous nos camarades contre la confusion volontairement créée par ce groupe qui n'exprime en aucune façon notre politique.

Nous donnerons, à ce sujet, dans notre prochain numéro, les éclaircissements indispensables pour que les militants révolutionnaires et les ouvriers conscients puissent apprécier à sa juste valeur la "loyauté" d'information de la rédaction de La Vérité.


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