1948

PRIX : 4 francs – 7 JANVIER 1948
L'EMANCIPATION DES TRAVAILLEURS SERA L'ŒUVRE DES TRAVAILLEURS EUX-MÊMES
La Voix des Travailleurs – ORGANE DE LUTTE DE CLASSE


Voix des Travailleurs nº 29

Barta

7 janvier 1948


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NOTRE FORCE

Dans son bulletin n° 4, le Syndicat Démocratique Renault prend position contre l'adhésion à la nouvelle C.G.T.-Force Ouvrière. Rappelant la complicité qu'il y a eu pendant des années entre les tendances frachoniste et jouhaussiste contre les ouvriers, le bulletin conclut : "Ce n'est pas vers des bureaucrates, mais vers les ouvriers les plus conscients, les plus dévoués et les plus combatifs de l'usine qu'il faut regarder."

Mais alors sur quoi vous appuierez-vous, nous a-t-on demandé ? Les prétendus militants, capables de poser une telle question, montrent qu'en dépit de leur "communisme", "socialisme", etc..., ils n'ont aucune confiance dans l'action révolutionnaire des masses : ces gens ne conçoivent pas qu'on puisse exister en dehors de grands appareils officiels, soutenus soit par la bourgeoisie française, comme c'est le cas de Jouhaux et Cie, que la scission n'inquiétait autrement que par la crainte de se voir privé de l'appareil syndical (le gouvernement les a déjà rassurés à ce sujet), soit, comme les frachonistes, par l'appareil de l'ancienne C.G.T. et de la bureaucratie moscovite.

C'est ainsi que des minorités syndicales, qui se prétendaient à l'origine indépendantes, comme la Fédération postale, celle du Métro, ou les Comités d'action syndicaliste, les premiers en se disputant les postes, les derniers tout en regrettant de marcher avec Jouhaux, ont donné leur adhésion à la confédération jouhaussiste. Avec ou sans regrets, ils en arrivent aux mêmes résultats : l'inféodation du mouvement ouvrier, par la bureaucratie syndicale de Jouhaux, au camp américain ; par la bureaucratie de Frachon, au camp russe.

Quant à nous, messieurs, nous nous appuierons sur une force autrement grande que vos lourds et mesquins appareils bureaucratiques, pépinières de parvenus. Nous nous appuierons sur la classe ouvrière, sur l'action des travailleurs de base.

Sur qui donc nous sommes-nous appuyés au mois de mai ? Nous étions bien moins nombreux alors qu'aujourd'hui, et cependant, contre le gouvernement, contre la bureaucratie frachoniste et jouhaussiste faisant front commun, nous avons été soutenus par la volonté de lutte des 30.000 ouvriers de chez Renault, derrière lesquels la classe ouvrière entière se tenait prête à combattre.

Bien sûr, cette volonté de lutte ne se manifeste pas tous les jours. Nous avons dû attendre pendant longtemps, de 1944 à 1947, que la classe ouvrière rompe la collaboration de classes et reprenne ses traditions de lutte gréviste contre la bourgeoisie.

Si les efforts réunis des bureaucrates, ont réussi, encore une fois, à détourner de ses buts naturels la lutte ouvrière à peine commencée, cela ne veut pas dire qu'ils ont gagné. Cela signifie seulement que de même qu'il a fallu trois ans de collaboration de classes pour convaincre la classe ouvrière que seule l'action directe était la voie du salut, de même il faudra encore du temps et des expériences pour que la lutte ouvrière aboutisse à l'élimination définitive des bureaucrates.

Il n'y a pas d'autre route, pour que la classe ouvrière arrive à s'émanciper, que sa propre expérience, qui est rude, parce que ses ennemis sont nombreux et ses défenseurs encore rares.

Il est plus difficile aujourd'hui de s'appuyer sur les travailleurs que sur des appareils bureaucratiques et des postes assurés. Mais c'est le seul moyen de s'assurer de la victoire finale. Car celle-ci appartiendra seulement à ceux qui sauront rester fidèles en toute circonstance à la classe ouvrière.

LA VOIX DES TRAVAILLEURS


Contre la politique capitaliste de spoliation,

LE TEMPS DES DEMI-MESURES EST PASSE

Depuis la fin de la grève de novembre, le gouvernement a eu largement le temps de mettre au point et donner les preuves de sa politique économique.

Dès la fin du mouvement gréviste, M. Schuman déclarait en substance : "En mettant fin à son mouvement, la classe ouvrière s'est montrée raisonnable et soucieuse des intérêts généraux ; c'est maintenant au gouvernement de montrer qu'il peut nourrir le pays et assurer son redressement."

Et qu'a fait ce gouvernement ?

Aux travailleurs "raisonnables" il a accordé une augmentation fictive des salaires : il leur a retiré d'une poche plus qu'il ne leur avait mis dans l'autre.

Il a réalisé "l'alignement des prix industriels" par une nouvelle hausse.

Il a "équilibré" – pour la nième fois – le budget, en instituant un nouvel impôt qui, devant lui rapporter 150 milliards environ, couvrira à peu près la moitié des dépenses militaires de l'année.

Il a "assaini" la monnaie, en chargeant paysans, commerçants, petits industriels et toutes les catégories moyennes de nouveaux prélèvements, taxes, contributions, etc... et, pour finir, en mettant à l'ordre du jour une nouvelle dévaluation du franc.

En somme, il n'a rien fait que n'aient déjà fait ses prédécesseurs ; le plan Mayer : augmentation des impôts et hausse des prix, fait suite au plan Moch : hausse des prix et augmentation des impôts ; ces plans ayant eux-mêmes fait suite à d'autres innombrables plans Schuman, Philip, Blum, etc... qui ont systématiquement appauvri le pays.

Mais de cette façon, à la longue, il ne s'agit plus d'une simple répétition mais d'une aggravation intolérable.

Ce qui distingue le gouvernement Schuman, c'est que, rien ne restant plus à extorquer aux ouvriers, il se tourne plus spécialement contre les classes moyennes. Mais ceux dont le tour ne vient jamais, ce sont les riches.

C'est bien pour cela que le seul bilan positif dont Schuman ne manque pas de se vanter, c'est d'avoir permis à la bourgeoisie de sortir indemne de la dernière vague gréviste, sans qu'elle ait eu à lâcher quoi que ce soit de ses privilèges.

Cependant, un bilan non moins positif dont le gouvernement n'ose pas se vanter, c'est d'avoir englobé dans une même haine contre lui tous les travailleurs, tous les gagne-petit, toutes les catégories moyennes, toute la nation, à part la minorité de gros exploiteurs qu'il sert.

C'est pour tirer profit de ce mécontentement qu'une opposition contre le gouvernement s'est manifestée à la Chambre, à droite et à gauche. Mais ce n'est pas de cette opposition que viendra la solution. Tous ces messieurs n'ont-ils pas en leur temps fait la même politique au gouvernement ?

L'opposition irréductible n'est pas entre le gouvernement et ces députés. L'opposition véritable, que ceux-ci s'efforcent, par un simulacre d'opposition, de canaliser, est entre la bourgeoisie et les classes pauvres, c'est-à-dire dans l'incompatibilité du régime capitaliste avec une existence digne pour les masses laborieuses.

Un gouvernement des pauvres se dressant contre le gouvernement des riches pourra seul apporter une solution à la misère du pays, mettre fin à l'incompatibilité entre la domination des riches et la vie des masses.

Cette incompatibilité, la classe ouvrière est aujourd'hui arrivée à la réaliser à travers l'expérience de ses luttes successives. C'est ce qui rend la bourgeoisie peu rassurée, malgré son bilan de "victoire" de décembre, et lui fait redouter un "raz de marée de printemps".


PLAFOND DE RENDEMENT OU PLAFOND DE SALAIRES

La loi Croizat avait aboli une importante conquête des travailleurs : le plafond.

Aujourd'hui, c'est le gouvernement qui rétablit le plafond.

Pour que ce soit le gouvernement lui-même qui rétablisse une conquête ouvrière, c'est certainement que ses maîtres capitalistes y trouvent leur avantage.

Avec le nouveau plafond, le patron pourra toujours justifier une descente des chronos, pour tous les temps avec lesquels l'ouvrier réalise plus de 133%. Le sabrage sera rendu encore plus facile dans les boîtes comme chez Renault, où la C.G.T., au lieu de lutter pour un salaire vital, il y a quelques mois a réussi à arracher (sic) que les temps soient établis sur une base minimum de 120%.

Là apparaît clairement comment la politique de la C.G.T., liée à la loi Croizat, a fait le jeu du patron.
En travaillant plus fort, les ouvriers ont réalisé rapidement 125% de production, puis, en se crevant, ils sont arrivés à 135, 140 et même 150%.

Les temps, qui ne permettaient pas que l'ouvrier réalise un boni suffisant, ont été réajustés pour réaliser au minimum 120%. Aujourd'hui, la direction, du fait que la production moyenne réalisée dans l'usine est de 130 à 135% et que les temps trop courts ont été "allongés" pour réaliser au minimum 120%, considère que les chronométrages sont établis sur la base de 120%, alors qu'en réalité la plus grosse partie des temps a été calculée sur la base de 100% et que ce n'est que par un effort épuisant que les ouvriers sont arrivés à réaliser 135%.

Il sera facile à la direction, sous prétexte de ramener les temps à la base de 100%, de faire descendre les chronos, et ainsi d'exiger une production réelle de 153% pour un salaire de 133% (et encore ce salaire sera ramené à 124% du fait que 9% de la production, de 100 à 109, est du travail non payé).

La C.G.T. proteste contre le rétablissement du plafond, parce que, dit-elle, cela ralentira la production. Pratiquement, le gouvernement n'a pas voulu limiter la production. Mais il a voulu donner aux patrons une possibilité légale pour limiter le salaire. Pour ce qui est de la production, ils trouveront toujours le moyen de nous faire produire. Comme cela se passe au L.M.T., où les ouvrières qui ne réalisent pas 125% sont mises à la porte.

Retour au plafond, oui ! Mais retour au plafond de la production, et non au plafond du salaire, comme la nouvelle loi le sanctionne. Car, d'après la loi, un O.S.2, qui n'est pas la catégorie la plus basse, puisqu'il est déjà au coefficient hiérarchique 127, en respectant les quarante heures par semaine ou cent soixante heures par mois, et en réglant au maximum, c'est-à-dire 133%, toucherait 38 x 1,27 x 1,33, soit 64,18 de l'heure, soit 64,18 x 160 = 10.268 francs par mois, c'est-à-dire même pas le minimum vital prévu par le gouvernement à 10.500 francs.

Le S.D.R., dans son cahier de revendications déposé au ministère du Travail, le 25 novembre 1947, a revendiqué le retour au plafond à 116% comme première étape vers la suppression du travail au rendement. Mais avec 110% de production et quarante heures de travail, un manœuvre, coefficient 100, doit gagner le minimum vital.

En dehors de cette condition, toutes les lois et les circulaires sur la hiérarchie et le salaire au rendement ne sont que duperie.

A BAS LE SALAIRE AU RENDEMENT !

Pierre Bois


LE PROGRAMME DE DE GAULLE

Il suffit de reproduire une phrase du discours prononcé à Saint-Etienne le 4 janvier :

"Il s'agit de produire avec ce dont nous disposons, beaucoup plus, beaucoup mieux, beaucoup plus vite que ce que nous produisons."


Avis aux travailleurs.

La parution de La Voix a été suspendue, pendant trois semaines, à l'occasion des fêtes, pour permettre de résorber notre déficit croissant.

Le journal reprend sa parution hebdomadaire sans que nos difficultés en soient pour autant résolues. Comme nous l'avons déjà répété, ce journal ouvrier ne peut compter que sur l'appui matériel des ouvriers. Aussi est-ce à chaque camarade de faire un effort pour soutenir le journal, principalement en intensifiant sa vente. Beaucoup de camarades, notamment, font circuler leur propre journal. Pour faire connaître La Voix, c'est très bien. Mais, une fois les nouveaux lecteurs acquis, ils doivent en faire des acheteurs. Sinon ils tarissent la principale source de revenus. Vendez le journal autour de vous et envoyez-nous des informations pour faciliter la tâche de sa rédaction !


ON PREND LES MEMES ET ON RECOMMENCE ...


A la gare de Lyon

A la suite du "recul stratégique" de la C.G.T. devant l'échec partiel de la grève générale, les grévistes et les militants de base, à la gare de Lyon, pensaient, avec juste raison, qu'il fallait refondre la direction et le conseil de notre section syndicale, c'est-à-dire, avant tout, écarter les responsables qui avaient eu une attitude peu courageuse pendant le dur combat que nous venons de mener.

Le bureau syndical et, avec lui, le conseil syndical, dans leur grosse majorité, semblaient être de cet avis. Des postes relativement importants ne pouvaient plus être occupés par des gens qui avaient "flanché". Il convenait de trouver, dans l'avant-garde combative, qui s'était signalée, pendant cette grève, à la gare de Lyon comme partout ailleurs, de nouveaux responsables capables d'assurer ces tâches au mieux des intérêts des travailleurs. Il avait même été question, pendant un moment, de dénoncer publiquement tel ou tel pour son action de "jaune" et son attitude pleutre.

Mais voilà ! Il y eut un "hic". Et ce hic fut objecté par ces messieurs de "l'Union régionale" : appliquer une telle mesure, c'était éloigner de la direction des camarades, peu encourageants certes, mais dociles et bien "dans la ligne". C'était attaquer publiquement et ouvertement des camarades plus ou moins sympathisants au P.C.F., quand ils n'en étaient pas membres actifs. C'était discréditer aux yeux de la "masse" certains hommes en qui elle avait mis sa confiance. C'était enfin porter un coup rude aux hommes du "grand parti de France", en mettant en doute les capacités, le courage, la dignité et la clairvoyance dont ils se targuent.

Mais c'était aussi abandonner les postes de commande de l'organisation syndicale à des gens dont on ne connaissait pas suffisamment la "maturité politique" (lisez "la soumission docile aux ordres venant d'en haut"). C'était glisser dans l'appareil syndical, peut-être des éléments qui risqueraient de contrecarrer les directives immuables des bureaucrates Frachon et autre Monmousseau, d'en appeler à l'Assemblée générale pour trancher les divergences. Que deviendraient, alors, la "démocratie" et la "discipline" syndicales à la mode bureaucratique ?

Non ! non ! Il vaut mieux garder des camarades moins dévoués à la cause ouvrière, mais dociles, tâcher de trouver des excuses plausibles à leur attitude pendant la grève, plutôt que risquer perdre complètement la direction du mouvement ouvrier.

La dernière grève et ses conséquences, parfois désastreuses, la scission récente aggravant encore les scissions antérieures (C.N.T. et C.A.S.) auraient pu faire croire que nos dirigeants allaient comprendre le danger de leurs méthodes anti-démocratiques et antiouvrières, de leurs méthodes bureaucratiques. En vérité, ils l'ont compris depuis longtemps et ne sont pas plus étonnés que cela des récents événements. Mais ils sont esclaves de leurs propres méthodes, au risque de perdre leurs privilèges de direction, s'ils essayaient de les modifier. Ils se trouvent ainsi dans la même situation que la bourgeoisie qu'ils prétendent combattre : la bourgeoisie, de la même façon, sait que le socialisme est la seule issue au marasme dans lequel sombre actuellement notre civilisation, mais elle ne veut pas non plus l'admettre, par crainte de perdre ses privilèges de classe dominante.

LOUIS


... et ailleurs

Conformément à son nouveau "tournant démocratique", à la suite de l'échec de la grève de novembre, la C.G.T. propose, dans beaucoup d'usines, "qu'il soit procédé dans chaque atelier ou bureau, à l'élection à bulletin secret de la C.E. d'atelier ou de bureau".

Mais comment se fait-il donc que ces "démocrates" du bureau confédéral, eux, soient inamovibles comme des papes ? Bien qu'après avoir étouffé la démocratie dans les rangs ouvriers à l'aide de leur appareil bureaucratique, ils n'aient vraisemblablement pas de concurrence à redouter, les pontifes confédéraux craignent de nouvelles élections générales dans la C.G.T.

En toute démocratie, ils proposent aux syndiqués de remplacer dans les C.E. d'ateliers de petits bureaucrates par d'autres petits bureaucrates...


CHEZ  RENAULT


Envers et contre le règlement

Début décembre, une circulaire de la direction prévenait les ouvriers de chez Renault qu'ils devraient désormais se conformer au "règlement d'usine", règlement qui, sous prétexte de maintenir l'ordre et la bonne marche du travail, inflige, en réalité, aux ouvriers le régime de caserne.

Si la direction a dû rappeler ce règlement et donner des ordres à la maîtrise pour le faire appliquer, c'est qu'à la suite de la grève du mois de mai, les ouvriers étaient en partie arrivés à s'en émanciper. Une des dispositions essentielles de ce règlement, notamment l'interdiction de faire circuler la presse syndicale et ouvrière en usine, avait complètement cessé d'être respectée.

On comprend qu'un des premiers soucis de la direction, après la grève de novembre, ait été d'en revenir au "règlement" et à ses brimades : interdiction de se laver les mains avant l'heure, de quitter la machine quelques minutes avant le coup de klaxon, de faire circuler journaux, tracts, etc...

Le patronat compte transformer l'ouvrier en une simple machine à produire. Quand le patron cherche encore, par ailleurs, à imposer à l'ouvrier des journées de 10 heures de travail avec lesquelles il lui est extrêmement difficile de trouver encore la force de se réunir, de lire la presse, etc..., le règlement patronal équivaut à la négation des droits ouvriers élémentaires.

C'est bien pour cela que, malgré le règlement, les ouvriers continuent et continueront à faire circuler, à lire et à discuter la presse ouvrière en usine. Et devant l'unanimité des ouvriers, la direction sera obligée de revenir à la "tolérance", selon sa propre expression, à laquelle, devant cette même unanimité ouvrière, elle avait dû consentir jusqu'au mois de novembre.


Ils continuent

Aux fonderies, un délégué cégétiste a dénoncé au chef d'atelier un ouvrier du S.D.R. qu'il accusait d'avoir diffusé un tract. Le mouchardage fait-il donc partie de la nouvelle orientation "démocratique" de la C.G.T. ?


Quelques chiffres

La Juvaquatre passe de 178.000 (prix du Salon 1947) à 270.000 francs, soit une augmentation de 52%. La 4 CV passe de 172.000 au Salon 1947 à 260.500 frs., soit une augmentation de 51%. Le salaire d'un O.S. taux de base, passe de 40,30 frs. à 48,26 frs. soit une augmentation de 20%.

Dans les autres usines les augmentations sont dans les mêmes proportions :

Citroën 11 CV légère, augmentation...............52%

Citroën normale augmentation.......................53%

Citroën 15 CV augmentation.........................53%

Peugeot 2O2 augmentation...........................49,9%.

On comprend pourquoi M. Lefaucheux a refusé de recevoir le S.D.R. lorsque celui-ci proposait comme solution pour mettre fin à la course entre les salaires et les prix (toujours au profit du patronat) :

– Soit que le salaire de l'ouvrier soit payé en fonction du prix de vente des voitures ;

– Soit que le prix des voitures soit calculé en fonction du prix de revient de la main-d'œuvre.


CHEZ SIMCA,

politique patronale

Depuis l'échec de la grève de novembre, la direction, chez Simca, profitant d'un état d'esprit hostile à la C.G.T. dans l'usine, mène une guerre ouverte et acharnée contre la section syndicale. D'un côté, elle procède à l'élimination directe des éléments cégétistes (le dixième délégué vient d'être licencié ces jours-ci) sous le premier prétexte venu : le lendemain de Noël, par exemple, cinq délégués, dont le secrétaire général de la section syndicale, ont été mis à la porte pour avoir utilisé, sans autorisation, la salle de la cantine pour une assemblée. D'un autre côté, la direction s'efforce de creuser le fossé entre la C.G.T. et les ouvriers en se posant en véritable défenseur des intérêts ouvriers. Elle évince notamment la C.G.T. de la gestion des cantines et du service social, évictions sanctionnées par votes des ouvriers :

– Pour la cantine, le comité d'entreprise ayant proposé, soit d'élever le prix du repas de 55 francs (avec vin) à 72 francs (sans vin ou avec vin : 11 fr. de plus), soit de fermer la cantine, la direction s'est fait forte d'assurer le repas à 60 francs, plus 11 francs de vin.

La direction ayant invité les ouvriers à voter, les résultats furent : Direction : 1.035 voix ; C.E. : 733 voix.

Pour prouver encore mieux l'incapacité du comité d'entreprise, à une affiche de celui-ci annonçant un déficit de 750.000 francs, la direction répliqua par une seconde affiche annonçant 1 million 230.000 francs.

– Pour la gestion du service social, de la même façon, la direction fit procéder à un vote qui la lui transmit, par 2.000 voix environ contre 775 voix à la C.G.T.

Enfin, pour couronner la série de succès qu'elle a déjà remportés sur la section syndicale, la direction vient de proposer un vote pour la réélection des délégués, le 10 janvier.

Mais, en réalité, la direction n'a l'air de défendre les ouvriers contre "l'emprise des politiciens du P.C.F. et de la C.G.T." que pour mieux les désorganiser et les réduire à sa merci. En effet, si les ouvriers paient 12 francs moins cher le repas, "grâce à la direction" (qui ne fait, en réalité, que payer ainsi une partie du salaire qu'elle leur doit), les brimades ne s'en multiplient pas moins de jour en jour dans l'usine : tout groupe pris en train de discuter pendant le travail est aussitôt vertement rappelé à l'ordre ; la diffusion et la vente de journaux et tracts ouvriers sont formellement interdits ; le bruit court qu'il sera bientôt interdit de fumer...

Les brimades contre la C.G.T. font donc partie d'un plan d'attaque général de la direction contre tous les ouvriers de l'usine, de même que la répression gouvernementale ne visant, soi-disant, que "les éléments troubles et les politiciens fauteurs de grève" s'est étendue, en définitive, à tous les ouvriers combatifs de base.


LA LIBERATION DE LA MAIN D'ŒUVRE

UN PROJET GOUVERNEMENTAL QUI NE DOIT PAS PASSER

Le gouvernement a récemment parlé d'un projet de décret rétablissant la liberté de licenciement.

Pourquoi cette mesure ? Tout simplement pour donner les coudées franches aux patrons.

La loi donne la possibilité de se débarrasser d'un indésirable, encore faut-il invoquer un motif professionnel. Mais pour licencier collectivement un grand nombre d'ouvriers il faut pour le moins faire faillite ou fermer l'usine. Or c'est un fait qu'un peu partout les commandes diminuent, par conséquent les patrons n'ont plus un besoin pressant de main-d'œuvre, d'où la possibilité pour les patrons de rétablir la concurrence entre ouvriers en faisant faire aux uns 60 heures et plus, tandis que les autres sont à la pêche. Dans le calcul des patrons, ceux qui travailleront craindront de remplacer ceux qui sont au chômage, ils seront plus souples et moins exigeants. C'est ce qu'"ils" appellent la liberté de licenciement. Bien sûr, cela ne se passera pas aussi simplement. On invoquera le manque de crédits, de matière première, la nécessité, quand le travail manque, de faire travailler les pères de famille de préférence aux célibataires, mais en fin de compte, c'est le régime d'avant 36 que l'on voudra rétablir. Pour faire échec à ces plans, il est indispensable que les travailleurs contrôlent le licenciement et l'embauche afin de prévenir l'arbitraire patronal. De même que nous devons opposer au projet patronal l'exigence de la répartition du travail existant entre tous les bras, avec le minimum vital assuré.


COMMENT FAUT-IL INTERPRETER LA LOI SUR LES SALAIRES ?

Le gouvernement vient de fixer le nouveau salaire garanti à 52,50 pour le manœuvre. A condition de travailler deux cents heures par mois, cela constitue le minimum vital de 10.500 francs, chiffre au-dessous duquel l'ouvrier ne saurait descendre. En principe, les autres salaires devraient être calculés sur la base de ces 52,50. Mais il paraît que cela ferait trop. Aussi, le chiffre de 38 francs a-t-il été retenu pour déterminer le nouveau barème des salaires.

Voyons ce que cela donne pour un O.S. Etant au coefficient 127, il devrait donc toucher

38 x 127
----------- = 48,26
   100

de l'heure, c'est-à-dire un chiffre inférieur au minimum garanti : 52,50. Puisque la loi prévoit qu'on ne saurait descendre en-dessous de ce chiffre, l'O.S., quand il réglera à 100, sera donc payé à ce taux, comme le manœuvre.

Mais si la maison Renault, par exemple, pratique avec le nouveau taux comme avec l'ancien, elle retiendra, pour calculer le boni, le chiffre de 48,26. Car la loi, qui est plus faite pour les patrons que pour les ouvriers, ne précise rien à ce sujet. Seulement, le salaire ouvrier ne changera pas jusqu'à ce qu'il ait atteint

100 x 48,26
-------------- = 108,78
   52,50

de coefficient de production, c'est-à-dire qu'il fera 8,78% de boni non payé. Alors que normalement, et c'est ainsi que nous devons interpréter la loi, le boni devrait être calculé sur la base de 52,50. Avec un coefficient de production de 130, par exemple (le plus courant), calculé sur la base de 48,26, on obtient 62,73 frs. de l'heure, alors que sur 52,50 on a 68,25, soit une différence de 5,52 frs. qui passeront dans la poche du patron.

Ainsi, l'ouvrier qui, pour un coefficient de production de 130%, touchera 62,73 sera payé, par rapport au minimum vital garanti, au coefficient de production de

100 x 62,73
-------------- = 119,4
   52,5O

soit en tout 10,6% de travail gratuit.

De plus, la loi rétablit le plafond du boni à 133%. Les cégétistes ont découvert que c'était pour saboter la production. N'est-ce pas plutôt pour saboter le pouvoir d'achat des travailleurs ? La production des ouvriers ne sera pas réduite, les contremaîtres continueront toujours à exiger le même nombre de pièces. Mais le boni réalisé au-dessus de 33% ne sera pas payé. En outre, c'est la porte ouverte au sabrage des temps, car le gouvernement n'interdit pas de travailler, mais de gagner "trop".

En conclusion : pour que la loi ne soit pas une fois de plus une duperie, elle doit être appliquée telle qu'elle se présente : aucun salaire de base ne doit être inférieur à 52,50 frs le boni doit être calculé sur le salaire de base, plus 10 francs de prime horaire. De plus, les primes en vigueur doivent être maintenues, car elles ne constituent pas un cadeau, mais une partie du salaire. Les heures supplémentaires doivent être majorées de 50% à partir de la quarante et unième heure, et exonérées de toutes retenues.

Sans ces conditions, nos salaires ne compenseront même pas les prix en vigueur avant la nouvelle hausse en cours. Du reste, le gouvernement avoue sa volonté de poursuivre cette politique de vie chère en refusant toutes garanties réelles du pouvoir d'achat des travailleurs. C'est pour cela, la lutte pour l'échelle mobile est plus que jamais à l'ordre du jour.

Henri DURIEUX


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