1948

Prolétaires de tous pays, unissez-vous !


Voix des Travailleurs nº 50

Barta

19 octobre 1948


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LES ORGANISATEURS DE LA DEFAITE

La grève des mineurs a été décidée par une consultation à scrutin secret et le nombre des grévistes qui s'est prononcé pour la grève représente la majorité absolue de tous les mineurs, y compris les abstentionnistes. Personne ne peut donc contester la légitimité de cette grève.

Mais, comme d'habitude, le gouvernement de vie chère, aux ordres des capitalistes nationaux et internationaux, ne s'est pas contenté de calomnier les "grévistes affameurs". Dès le début, sous prétexte d'assurer "la sécurité", il a essayé de faire occuper les mines par ses mercenaires C.R.S. Seulement, le coup d'essai de Jules Moch à Micheville échoua complètement. Ses hommes de main, sous la protection desquels on aurait fait travailler des jaunes et brisé la grève, durent battre en retraite, en même temps que les grévistes annoncèrent qu'ils allaient assurer eux-mêmes la sécurité.

Tout prétexte valable lui étant ainsi retiré, Jules Moch dut se contenter de provoquer la population en massant des troupes dans les régions minières et y guetter l'occasion favorable pour recommencer son coup.

EH BIEN, CETTE OCCASION LUI A ETE FOURNIE PAR LES RESPONSABLES DE LA C.G.T. EUX-MEMES, qui avaient annoncé qu'en représailles de la présence des troupes et de leur attitude provocatrice, ils allaient suspendre à nouveau, pour 24 heures, les mesures de sécurité. Jules Moch aussi fit marcher à nouveau ses troupes contre les mineurs et depuis, des bagarres sont en cours un peu partout.

Les responsables cégétistes pouvaient-ils un seul instant douter de la réplique de Moch à leurs représailles ? Nullement. Ils savaient très bien que, coûte que coûte, cet ennemi des travailleurs allait riposter comme il l'a fait. Que voulaient-ils donc en rendant inévitables de nouvelles bagarres de grande envergure ?

Ils voulaient masquer leur incapacité de mener à bien les revendications ouvrières. En effet, comme vient de le prouver une fois de plus la lutte des travailleurs de l'Est, de chez Peugeot à Sochaux, du Livre, etc..., les grèves limitées à des corporations, quel que soit le nombre des ouvriers engagé dans la lutte, ne mènent à rien, ou dans le meilleur des cas les quelques miettes gagnées ne compensent pas les efforts de la dure lutte qu'ils ont mené. Seule une GREVE GENERALE peut faire aboutir la revendication immédiate des travailleurs, UN SALAIRE VITAL GARANTI PAR L'ECHELLE MOBILE. Mais la C.G.T. est impuissante de conduire la classe ouvrière dans une telle lutte. Et comment le pourrait-elle, quand c'est elle qui a été depuis la "libération" le principal garde-chiourme de la bourgeoisie ("produire d'abord"), quand c'est elle qui a été le principal briseur de grève de Mai à Septembre 47, et quand c'est elle qui, en Novembre-Décembre, a mené à la défaite la grève générale, en éloignant, par son attitude bureaucratique, la majorité des ouvriers de la lutte.

Cette incapacité de la C.G.T. de mener la grève générale, qui a déjà contraint les travailleurs de l'Est de finir leur lutte par un compromis dérisoire, rendait inévitable le "pourrissement" de la grève des mineurs elle-même, isolée devant la coalition capitaliste nationale et internationale.

C'est seulement ces faits qui nous font comprendre ce que les responsables cégétistes ont cherché en offrant à Jules Moch le prétexte voulu.

Par ces incidents, ils espèrent soit contraindre d'autres couches de travailleurs, qui n'ont pas confiance dans la C.G.T., de se mettre en bagarre (ce qui lui permettrait à elle, C.G.T., de montrer "sa force"), soit, dans le cas contraire, de rejeter sur le "manque de solidarité" des travailleurs devant la répression gouvernementale, leurs propres fautes et leur échec.

Cette attitude criminelle des dirigeants cégétistes prouve une fois de plus que les travailleurs seront incapables de lutter avec succès pour leur bien-être, pour leur liberté, contre leur ennemi de classe, tant qu'ils n'auront réussi à se délivrer des éléments bureaucratiques de toutes les couleurs dans leur propre sein.

A. MATHIEU


DERRIERE LE RIDEAU DE FUMEE DE LA "LUTTE CONTRE LES SPECULATEURS" LE GOUVERNEMENT PASSE A L'OFFENSIVE CONTRE LES OUVRIERS ET LES PAYSANS

Au 6ème jour de l'offensive gouvernementale pour "faire baisser le prix de la viande", les arrivages de bétail "augmentent", malgré les achats prioritaires. Dans le même laps de temps, quelques trafiquants sont allés en prison ou ont été frappés de diverses peines ou amendes.

La preuve serait donc faite qu'avec un peu d'énergie tout irait mieux, sinon pour le mieux, dans notre pauvre pays ; et M. Rémy Roure, de l'officieux "Monde", champion, comme le Général, de l'Autorité de l'Etat, se frotte les mains, tout en ajoutant : "pourvu que cela dure".

Le gouvernement paraît, en effet, en pleine veine d'autorité. N'a-t-il pas tenu un langage énergique devant lequel, semble-t-il, la grève menaçante des cheminots est rentrée sous terre ? N'est-il pas en train d'utiliser la force contre la grève des mineurs ? Contre les revendications ouvrières et dans la répression du mouvement gréviste, il montre une énergie qui tient une place d'honneur dans les annales de la 3° force.

Mais en regard de cette activité anti-ouvrière, son bilan contre "les spéculateurs" est tellement maigre, qu'on ne peut s'empêcher de penser que son "offensive" contre la vie chère n'est une fois de plus qu'un rideau de fumée, derrière lequel il mène sa véritable offensive pour maintenir les salaires bloqués à un niveau de famine.

Rideau de fumée, car même si le gouvernement parvenait à imposer le boeuf à 435 Frs, il resterait quand même inaccessible à la consommation courante de la grosse majorité des travailleurs, écrasés par les autres hausses. Rideau de fumée, car la dernière dévaluation rend inévitables de nouvelles hausses. Rideau de fumée, car c'est le gouvernement le principal fauteur de vie chère : c'est lui qui protège les intérêts des gros capitalistes et actionnaires, trusts du lait, du sucre et ainsi de suite. C'est lui qui abrite ou protège des gros trafiquants du genre Gouin (ex premier-ministre). Et c'est lui qui émet de la fausse monnaie légale, en faisant fonctionner la planche à billets pour couvrir ses dépenses.

Seuls des naïfs incurables peuvent croire qu'un tel gouvernement, au service des grands trusts industriels et alimentaires, puisse mener une action tant soit peu sérieuse ou durable contre la spéculation.

Ceux que le gouvernement poursuit en réalité, ce ne sont pas les organisateurs de la vie chère, mais les petits et moyens paysans et les commerçants qu'il veut contraindre, à l'instar des ouvriers, à livrer leurs produits contre une monnaie qui ne vaut rien et à fournir ainsi à l'Etat et aux capitalistes les moyens de se préparer à une guerre de pillage sur le dos à la fois des ouvriers et des paysans.

La "lutte" gouvernementale contre les spéculateurs (Nième version d'ailleurs), n'atténuera pas la misère des travailleurs et leur principal moyen de défense reste la lutte pour la revalorisation des salaires, pour un salaire garanti.

La baisse des prix elle-même ne deviendra une réalité que si les ouvriers, par leur action, sont capables de mettre le nez dans les livres de compte du patronat, qui pour ses besoins de concurrence et de préparation à la guerre, organise la vie chère et veut que les paysans fournissent contre de la monnaie de singe quelques misérables produits dont les ouvriers pourront se contenter avec leurs bas salaires.


Camarades,

Nous sommes obligés, jusqu'à nouvel ordre, de nous en tenir à ce mode de parution, par suite du prix très élevé de l'impression. Pour que "La Voix des Travailleurs" puisse rapidement reparaître imprimée, nous demandons à tous les camarades de nous soutenir en souscrivant et en faisant connaître toujours plus largement le journal autour d'eux.


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