1949

Compte-rendu de la réunion d'organisation du 14 avril 1949

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Compte-rendu de la réunion d'organisation

Barta

14 avril 1949


(14 avril 1949)

L'ACTION POUR LES CONVENTIONS COLLECTIVES

C'est à la suite de l'agitation de la CGT que les conventions ont pris corps. Une affiche CGT-CFTC-CGC invitait les ouvriers à faire grève. Dans la majorité des secteurs les ouvriers se sont arrêtés de travailler, mais ne sont pas allés aux réunions cégétistes. Nous avons été contre le débrayage. Au 49, nos camarades ont arrêté : les ouvriers ne comprennent pas pourquoi on est contre les conventions collectives. A la 4 CV anarchie dans le débrayage. Il semble que la majorité a continué à travailler. Au 50 le rassemblement s'est fait assez vite, les staliniens ont fait débrayer tout le monde ; dans le vote seul notre camarade est contre. Au 38 une grande partie a travaillé, d'autres ont débrayé. La réunion cégétiste était perturbée par le bruit des machines ; intervention du camarade du P.C.I., les ouvrières étaient contentes que quelqu'un ait pris la parole. Au 29, la moitié seulement a débrayé.

Conclusions (exposé du camarade Albert) : Notre position dans cette question, comme dans toutes les autres, ne peut pas être de dire non, là où la CGT dit oui, et ainsi de suite. Qu'est-ce que les conventions collectives et qu'est-ce qui explique la réaction des ouvriers ? La CGT ne pouvait pas provoquer un grand mouvement, mais il est indéniable qu'une partie des ouvriers est sensible à cette propagande. Si les ouvriers ont réagi, c'est en réalité parce qu'ils n'ont pas d'autre base, le mouvement ouvrier ne peut pas rester indéfiniment les bras croisés, il a besoin d'aller de l'avant. A moins d'être écrasé par un pouvoir étatique, il a besoin de se manifester, et quand il n'y a personne pour donner un moyen concret de faire quelque chose de plus sérieux, c'est normal que la classe ouvrière fasse des manifestations sous cette forme, à l'appel des organisations existantes. Les conventions collectives sont posées à l'ordre du jour par toute la marche des choses, par le fait que la lutte directe pour l'augmentation des salaires a échoué, et que les conventions collectives, c'est la possibilité pour les ouvriers de débattre avec leur patron les conditions de travail.

Nous nous sommes trompés de deux façons :

l) en écrivant "assez de pitreries", parce que justement ce n'en était pas une, étant donné que la manifestation englobait des ouvriers qui voulaient faire quelque chose. Il aurait été plus juste de dire "et après ?" Etant donné l'état du mouvement n'importe quelle organisation devait commencer par là, par une première manifestation. La preuve supplémentaire qu'il fallait prendre le mouvement au sérieux, c'est que F.O. s'est ralliée à la délégation auprès de la direction.

Autre faute : nous n'avons encore rien proposé comme convention, pour ouvrir des voies autres sur le terrain de l'usine. C'est cela qu'il faut voir, avant de dire que les ouvriers se laissent tromper facilement. Le mouvement gréviste de mai à novembre 47 avait prouvé que les ouvriers agissaient en fonction de leur -expérience personnelle réelle, et non pas à l'appel des organisations. Les ouvriers agissent toujours en fonction de leur propre expérience, et non pas à l'appel de telle ou telle organisation, l'objectivité du mouvement est bien plus forte que l'action subjective d'une organisation, à moins qu'elle ne s'intègre dans le mouvement objectif.

La deuxième faute, cela a été le manque de perspective claire, c'est-à-dire que nous nous sommes trouvés désorientés sur le terrain de l'action, nous n'avons pas su intervenir d'une façon positive. V. avait pensé que s'il y avait eu une demi-heure d'arrêt, on aurait pu intervenir dans les assemblées. Or c'était une bonne idée pour nous permettre d'intervenir ; mais alors c'était à nous de proposer cela, faire connaître que le S.D.R. était prêt à appuyer la manifestation à condition que.... ou même dans le cadre du quart-d'heure faire nous-mêmes un contre-meeting. Nous devons toujours forcer les événements ; nous ne devons pas rester passifs, sous prétexte que les ouvriers le sont.

Depuis des mois nous sommes paralysés par le fait que les camarades ont perdu l'initiative politique, qui est de réfléchir par quelles interventions, par quels moyens renverser la situation. Or c'est cela qui est décisif. Notre situation maintenant n'est pas simple. Avant 47 notre situation était simple, il fallait se dévouer, pouvoir résister, mais c'était facile de fixer l'objectif, parce que à ce moment là les ouvriers avaient contre eux toutes les organisations, tout ce qui était officiel. Depuis la grève de mai, la situation est beaucoup plus compliquée ; il faut savoir garder l'initiative qui permette aux camarades dans toutes les occasions de resserrer et sauvegarder l'unité de front des ouvriers, même si les organisations qui sont à la tête les trompent. Quand nous avons proposé une action à la CGT celle-ci a refusé parce que c'était le S.D.R. ; nous ne pouvons pas faire de même, contre elle nous avons la liberté de critique. Car de deux choses l'une : ou bien ce que les organisations proposent est nettement en dessous de ce que veulent les ouvriers et alors nous pouvons proposer une action plus élevée, ou cela n'est pas possible, et nous devons participer à l'action en faisant ressortir notre point de vue.

Objections (camarade V.) : Les ouvriers ont besoin de faire quelque chose, alors ils se raccrochent aux conventions de la CGT, les autres organisations étant à sa remorque. La CGT en a déjà proposé en 1946, cela précède de quelques mois l'élection des délégués, elle met en avant les conventions sous une forme abstraite qu'on peut interpréter à toutes les sauces. Pour des revendications concrètes la CGT se dérobe. Si nous n'avons pas de conventions collectives, nous avons quand même défendu toutes les revendications pouvant entrer dans le cadre des conventions (échelle mobile, contrôle ouvrier, et même sur les questions d'apprentissage, etc.) au moment déjà de la grève de novembre, c'est-à-dire en pleine action. Nous avons proposé des choses concrètes, comme les 116% ; mais aussitôt qu'on aborde un problème concret des conventions, les autres organisations se dérobent.

Nous n'avons jamais pensé qu'il fallait avoir une position négative dans tous les cas ; mais on a vu que les ouvriers dans leur majorité n'ont pas débrayé ; quant aux autres, ils sont beaucoup plus dupés qu'ils n'ont pris conscience de quoi que ce soit. Il nous fallait la possibilité d'intervenir, dans un quart-d'heure ce n'était pas possible, on serait donc apparus comme approuvant leurs conventions.

Réponse : En ce qui concerne les possibilités d'intervenir, il suffisait de faire notre contre-proposition le lundi, nous savions que la manifestation avait lieu. V. en réalité ne propose rien, il en vient à reconnaître qu'on ne peut rien faire parce que la CGT serait là pour détourner les ouvriers. On ne veut pas reconnaître que les ouvriers agissent en fonction de leur propre expérience ; c'est la bourgeoisie qui explique que les ouvriers sont la proie de meneurs, c'est-à-dire qu'artificiellement ces meneurs dominent le mouvement ouvrier. Or notre expérience nous a appris que tout cela est très relatif et que l'appareil le plus puissant ne peut que manœuvrer au sein du mouvement lui-même. Quand Staline a octroyé au peuple russe une constitution, Trotsky a expliqué comment on pouvait utiliser cette constitution contre la bureaucratie...

On dit : "on aurait renforcé la CGT" ; ça, c'est une phrase banale. Comment peut-on dire qu'appuyer une telle action c'est appuyer la CGT ? Ce n'est pas par une position passive, en se noyant dans la masse de ceux qui sont passifs, qu'on peut réaliser quelque chose, mais en étant avec ceux qui sont en effervescence ; les femmes du 38 étaient contentes que quelqu'un se soit élevé contre la CGT dans leur propre réunion : ce fait minime est révélateur. Ou nous représentons encore quelque chose, et alors on essaie de faire quelque chose nous-mêmes. Si on ne peut rien faire on va dans les meetings organisés par les autres.

Lénine expliquait, comment éclatent les révolutions ? Elles n'éclatent pas préparées, elles commencent par un événement minime, imprévu. Mais justement Lénine expliquait comment dans une situation saturée de contradictions, on ne sait pas quel événement minime en apparence est le point de départ d'événements décisifs. Nous n'avons pas le droit de négliger tel ou tel fait ; si on est des gens sérieux on fait soit une contre-manifestation avec nos propres troupes, soit on va dans les meetings organisés par d'autres.


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