1950

Prolétaires de tous les pays, unissez-vous !
ORGANE DE L'UNION COMMUNISTE (Trotskyste)
Nouvelle série – N°9

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La Lutte de Classes

Barta

30 mars 1950


LA LUTTE N'EST PAS FINIE

Pour tirer le bilan de la bataille gréviste, il ne suffit pas de compter ce que la grève a coûté aux ouvriers et ce qu'ils ont arraché, ce que les patrons ont cédé et ce qu'ils n'ont pas cédé. Il faut, avant tout, se rappeler où en était la situation avant que le mouvement n'éclatât.

Il y a trois mois, le Gouvernement inaugurait la nouvelle loi sur les conventions collectives en présentant un projet d'arbitrage obligatoire qui était en fait l'interdiction du droit de grève ; il fixait le "minimum vital" à 9.500 francs, de 3.000 francs inférieur à celui existant alors, afin de ne "préjuger d'aucune augmentation de salaires". Bidault, au prix même de la démission de ses ministres socialistes, ne voulait accorder une "prime" qu'aux salariés gagnant moins de 14.000 francs par mois. Il y a trois mois à peine, les capitalistes se promettaient, avec le retour à la liberté des salaires, sous prétexte du marasme des affaires et sous la pression du chômage, DE REDUIRE POUR L'ENSEMBLE DE LA CLASSE OUVRIERE LES SALAIRES EXISTANTS.

Or, tous ces objectifs sont tombés à l'eau. Les capitalistes n'ont pas pu imposer aux travailleurs une nouvelle réduction du niveau de vie, comme ils en avaient l'intention. La classe ouvrière s'est défendue, et sur ce point a gagné. Mais les ouvriers, qui ont lutté avec courage et au prix de grands sacrifices, ne peuvent se contenter de cette constatation, si encourageante qu'elle soit. Il leur faut voir clairement les raisons pour lesquelles ils n'ont pas atteint les objectifs qu'ils se sont posés dans la grève, pourquoi, malgré leur lutte et leur volonté de vaincre, ils n'ont pas vaincu. Comme au temps du blocage des salaires et malgré sa suppression, les ouvriers en grève ont dû faire front non pas devant leurs patrons individuels, MAIS DEVANT LA COALITION PATRONALE AVEC L'ETAT-PATRON. Malgré le retour à la liberté de discussion et d'accords, le Gouvernement a pris ouvertement parti pour la cause patronale. Le 24 février, Bidault réunissait les patrons, et leur enjoignait publiquement de n'accorder aucune augmentation de salaire. Les divisions de C.R.S. aux portes des usines ont assuré la "liberté du travail", c'est-à-dire la possibilité pour une minorité de briser l'action décidée par la majorité des travailleurs. Les Banques prirent des dispositions pour accorder des crédits aux entreprises qui se seraient trouvées en difficulté afin d'éviter la rupture du front patronal. La propagande par la presse et la radio, l'intervention de l'armée, la répression par la police, les tribunaux, les prisons, tous les moyens ont été mis en oeuvre. L'ETAT S'EST TROUVE OUVERTEMENT AU SERVICE DES TRUSTS POUR BRISER LES GREVES, PARCE QU'IL EST LUI-MEME LE PLUS GRAND DES TRUSTS, L'ETAT-PATRON.

Or, face à cette puissante coalition, la grève n'a jamais opposé, même à son point culminant, plus d'un million de travailleurs. Il n'y a pas eu d'occupation des usines en grève pour faire respecter la volonté de la majorité. Dès le début, la grève du métro, décisive pour l'extension du mouvement dans la Région parisienne, n'a pas été totale, malgré le vote de 85% pour la grève. Et les secteurs industriels qui ont fait la grève, ne se sont pas trouvés simultanément dans le mouvement. La métallurgie était en grève depuis 15 jours, que le gaz et l'électricité (où le vote était acquis depuis 8 jours) n'étaient pas encore entrés dans le mouvement et que les organisations de mineurs commençaient seulement à consulter les ouvriers. Les tergiversations, la trahison et le sabotage des dirigeants syndicaux inféodés au Gouvernement ont fait que la volonté de résistance UNANIME dans la majorité de la classe ouvrière n'a pas pu se manifester effectivement et réaliser en face du bloc patronal le bloc ouvrier qui l'aurait fait céder comme en juin 1936. Voilà pourquoi la classe ouvrière n'a pas vaincu dans cette nouvelle bataille qu'elle vient de livrer, et qui fait partie de la lutte qu'elle mène depuis 1947 pour tenir tête à une bourgeoisie qui, depuis 1939, par la guerre et la répression, l'a réduite à la misère.

Mais la lutte n'est pas finie. Pour les 3.000 francs, comme pas en avant vers le pouvoir d'achat de 1939, pour les conventions collectives, contre les sanctions et les brimades, la classe ouvrière continue son action. Dans les grèves qui viennent d'avoir lieu, les meilleurs ouvriers, de toute appartenance syndicale ou politique, ont uni leurs efforts et se sont constitués en comités de grève. Ces comités doivent subsister. C'est cette unité des ouvriers de toutes les tendances et de toutes les organisations, réalisée dans le coude-à-coude fraternel de l'action qui, pour la réussite des prochains mouvements, se révélera comme le gain le plus précieux de la lutte qui vient d'être menée.

LA LUTTE


LE P.C.F. A UN TOURNANT

A la veille du 12ème Congrès, le P.C.F. se trouve dans une situation très peu brillante. Ses dirigeants sont obligés de constater qu'il a cessé de jouer un rôle indépendant en tant que parti politique, sur le terrain de l'entreprise c'est-à-dire à l'endroit décisif pour un parti ouvrier. Son activité y est réduite aux seules revendications économiques, ses militants se bornant à intervenir devant les ouvriers comme membres de la C.G.T. et passant complètement sous silence les questions de la "lutte pour la paix" et de la lutte contre les "lois scélérates". Un tel état de choses ne laisse pas de préoccuper au plus haut point la direction stalinienne, qui, comme d'habitude, en rejette l'entière responsabilité sur la base.

C'est pourquoi la préparation du 12e Congrès revient essentiellement à semoncer les cadres inférieurs pour la "mauvaise application de la juste ligne du parti" et à éliminer de leurs postes quelques vrais ou prétendus coupables, pour l'exemple. Au préalable, ceux-ci sont dûment disqualifiés par la critique de la direction du parti, et c'est autour de cela que tournent entièrement ce que L'Humanité appelle "les discussions en vue du Congrès". Et ce sont de telles "discussions" qui sont servies aux militants et au public comme une preuve de l'existence de la démocratie au sein du P.C.F. C'est ainsi que Thorez a traité de "bureaucrates" les responsables staliniens d'Ivry qui, le 15 janvier, au lieu d'organiser immédiatement la riposte au raid gaulliste en mobilisant la population laborieuse, sont allés chercher "Monsieur le commissaire de police" pour les protéger de la racaille fasciste. Pourtant, c'est bien lui, Thorez, qui pendant de longues années, a décrété que la "juste ligne du parti" en matière de défense contre le fascisme, consistait à crier : "la police avec nous !" Et il ne s'est trouvé personne pour lui rappeler cette vérité et lui retourner le "compliment" ! On n'a encore jamais vu, et on ne verra jamais, dans ce parti dominé par des bureaucrates, qu'un militant quel qu'il soit puisse émettre le moindre doute quant à la politique de ses dirigeants.

Or, c'est là que gît le lièvre. Si les membres du P.C.F. n'osent pas présenter devant l'ensemble des travailleurs les positions politiques de leur parti, ce n'est pas seulement  à cause de leur insuffisance politique personnelle, comme le décrètent Thorez et Marty, mais à cause de la politique du P.C.F. elle-même, qui est indéfendable.

Les dirigeants staliniens ont beau vouloir obliger leurs militants à faire de la politique dans les usines, leur politique laisse les masses ouvrières indifférentes.

En quoi consiste, par exemple, leur politique de paix ? Malgré les mots ronflants dont elle se couvre, la politique stalinienne dite de paix n'est qu'un lamentable fatras. Car il ne suffit pas de dire aux ouvriers de ne pas fabriquer et transporter les armes, et de boycotter les envois d'armes américaines. Pour obtenir cela des ouvriers, pour susciter leur confiance et leur initiative, il faut d'abord les convaincre que les buts de paix du P.C.F sont réalistes et progressifs. Or, Courtade définit ainsi les buts de paix du P.C.F. (Huma, 16-3-50) : "L'union Soviétique ne pose pas des conditions irréalisables, elle ne propose pas de faire tourner le cours de l'histoire à l'envers. Elle demande simplement que l'on recherche les conditions d'une paix durable par le règlement d'un certain nombre de questions très précises, comme celle du désarmement, de la destruction et de l'interdiction de l'arme atomique, le renforcement de l'O.N.U., etc."

Allez donc parler de ces choses-là aux ouvriers qui ont fait l'expérience de la duperie du désarmement, de l'interdiction des "armes inhumaines" (sic) et du renforcement de la Société des Nations (à laquelle l'U.R.S.S. a appartenu) avant 39 ! Allez leur parler du retour à l'entente de Potsdam de 1945 entre l'U.R.S.S. et les Etats-Unis ! Allez leur expliquer, monsieur Courtade, qu'il ne s'agit pas là de "faire tourner le cours de l'histoire à l'envers" !

A la vérité, le P.C.F. n'a pas de véritable politique de paix, sa démagogie n'a pour but que d'embrigader les masses ouvrières dans le camp russe. De cela, les ouvriers ne peuvent pas ne pas s'apercevoir et c'est ce qui paralyse les membres du P.C.F. quand ils veulent défendre la politique "de paix" de leur parti devant les masses.

Il en va de même de la lutte contre les lois scélérates. Il ne suffit pas de protester verbalement contre ces lois. Il faut entraîner les masses ouvrières à l'action, et pour les entraîner à l'action, comme dans la lutte pour la paix, il faut un but progressif et réaliste. Il faut donner comme but à cette lutte le renversement du gouvernement policier bourgeois et son remplacement par un gouvernement des masses exploitées. Là aussi, la direction du P.C.F. n'a rien d'autre à proposer qu'une formule équivoque, dont elle n'a jamais précisé et dont elle est incapable de préciser le contenu exact : le Gouvernement d'Union Démocratique. La seule définition que L'Humanité en ait donné jusqu'à maintenant, c'est "Gouvernement d'hommes propres". Mais même si les travailleurs pouvaient oublier que ces soi-disant hommes propres (les dirigeants du P.C.F.) ont trempé dans toutes les combinaisons politiques de la bourgeoisie - avant guerre avec le Front Populaire, après guerre avec De Gaulle - cela ne suffirait pas encore. Les hommes propres doivent-ils s'appuyer sur le Parlement actuel ? Cela, les dirigeants staliniens n'osent pas le dire, car leurs députés ne constituent que le tiers de l'Assemblée. Faut-il lutter pour sa dissolution et pour de nouvelles élections ? Là, silence complet de la part des dirigeants staliniens. Peut-être s'agit-il d'un gouvernement révolutionnaire ? Les dirigeants du P.C.F. ne fournissent aucune réponse à cette question non plus. Alors, comment le militant de base peut-il mener la lutte contre les "lois scélérates" ?

Il serait archifaux, par ailleurs, de croire que la majorité des travailleurs français seraient "apolitiques" et que c'est cela qui expliquerait les difficultés du P.C.F. et des organisations ouvrières en général. Rappelons que le plus grand mouvement de la classe ouvrière française d'avant guerre, celui de juin 36, a débuté le 12 février 1934, comme mouvement politique, contre le fascisme, contre la réaction.

Mais la défense de la paix et la lutte contre les lois scélérates qui préparent le fascisme ne peuvent être menées à bien que par une politique véritablement révolutionnaire. C'est seulement en luttant pour les Etats-Unis SOCIALISTES d'Europe et du monde et pour un Gouvernement ouvrier et paysan imposé par la grève générale, que les militants révolutionnaires pourront défendre efficacement la paix et la liberté.

A. MATHIEU

APPEL AUX SYMPATHISANTS ET AUX LECTEURS

Les ressources financières que nous escomptions nous procurer par la vente des cartes de soutien ont été retardées par l'éclatement des grèves, qui par ailleurs ont imposé à nos camarades un surcroît de travail et de gêne matérielle. Nous avons été dans l'obligation de suspendre jusqu'à ce jour la parution du journal.

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