1919

Un ouvrage qui servira de manuel de base aux militants communistes durant les années de formation des sections de l'Internationale Communiste.


L'ABC du communisme

N.I. Boukharine


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La deuxième et la troisième Internationales


40 : La Troisième Internationale Communiste

Les social-chauvins et le centre, nous l’avons vu, lancèrent pendant la guerre le mot d’ordre de la défense nationale (bourgeoise), c’est-à-dire de la défense de l’Etat des ennemis du prolétariat.

Ce fut « l’union sacrée », c’est-à-dire la soumission complète à l’Etat bourgeois. Défense de faire grève, par exemple, et à plus forte raison de se soulever contre la bourgeoisie criminelle. Les social-traîtres raisonnaient ainsi : « D’abord en finir avec l’ennemi extérieur, ensuite on verra. »

C’est ainsi que les ouvriers de tous les pays se vendirent à la bourgeoisie. Toutefois, dès le début de la guerre, des groupes de socialistes honnêtes reconnurent que la « défense nationale » et « l’union sacrée », qui liaient pieds et poings au prolétariat, n’étaient qu’une trahison du prolétariat.

Le parti des bolcheviks, dès 1914, déclara que ce n’était pas l’union sacrée avec la bourgeoisie criminelle qui était nécessaire, mais la guerre civile contre la bourgeoisie, c’est-à-dire la révolution. Avant tout, le devoir du prolétariat était de renverser sa propre bourgeoisie. En Allemagne, un groupe de camarades, avec Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg, prit le nom de Groupe international et déclara que la solidarité internationale du prolétariat était au-dessus de tout. Peu après, Karl Liebknecht proclama ouvertement la nécessité de la guerre civile et se mit à appeler la classe ouvrière à l’insurrection armée contre la bourgeoisie. Ainsi prit naissance le parti des bolcheviks allemands, ou spartakistes.

En Suède, se forma le Parti socialiste de gauche; en Norvège, les gauches conquirent tout le Parti. Les socialistes italiens se sont bien tenus tout le temps de la guerre. Ainsi grandirent petit à petit les partis qui voulaient la révolution. Sur ce terrain se fit, en Suisse, leur première tentative d’unification. Aux conférences de Zimmerwald et de Kienthal fut créé l’embryon de la Troisième Internationale. Mais bientôt on s’aperçut que s’étaient glissés là des gens suspects du Centre, qui ne faisaient que freiner le mouvement. A l’intérieur des groupements internationalistes de Zimmerwald prit naissance la gauche de Zimmerwald, avec le camarade Lénine à sa tête. La gauche de Zimmerwald réclamait une action résolue et critiquait âprement le Centre que dirigeait Kautsky.

Depuis la Révolution d’Octobre et l’avènement du pouvoir des Soviets, la Russie est devenue le foyer principal du mouvement international. Notre Parti, pour rompre avec les social-traîtres, revint à son ancien et glorieux nom de bataille, Parti communiste. Sous l’influence de la Révolution russe, il se forma des partis communistes dans d’autres pays. La Ligue des Spartakistes prit le nom de Parti communiste d’Allemagne; des partis communistes se formèrent en Hongrie, en Finlande, etc.; plus tard, un parti communiste s’est formé également en France. En Amérique, le Centre a exclu du Parti socialiste les gauches, qui se formèrent alors en Parti communiste; en Angleterre, ce parti fut fondé en l’automne de 1919. De ces partis sortit l’Internationale Communiste. En mars 1919, à Moscou, dans l’ancien château du tsar, le Kremlin, eut lieu le premier Congrès international communiste où fut fondée la Troisième Internationale. Assistèrent à ce Congrès, les représentants des communistes allemands, russes, autrichiens, hongrois, suédois, norvégiens, finlandais, ainsi que des camarades français, américains et anglais.

Le Congrès adopta la plate-forme proposée par les communistes allemands et russes. Les débats montrèrent que le prolétariat s’est rangé résolument sous le drapeau de la dictature ouvrière, du pouvoir des Soviets et du communisme.

La Troisième Internationale a pris le nom d’Internationale Communiste, comme jadis la Ligue des Communistes, à la tête de laquelle se trouvait Karl Marx. Par toute son action, la Troisième Internationale prouve qu’elle suit les traces de Marx, c’est-à-dire la voie révolutionnaire qui mène au renversement violent du régime capitaliste.

Rien d’étonnant si tout ce qu’il y a de vivant, d’honnête, de révolutionnaire dans le prolétariat international, adhère de plus en plus à la nouvelle Internationale, qui groupe les efforts des pionniers de la classe ouvrière.

Par son nom seul, l’Internationale Communiste montre qu’elle n’a rien de commun avec les social-traîtres. Marx et Engels estimaient déjà le nom de social-démocrate inexact pourle parti du prolétariat révolutionnaire. « Démocrate » veut dire partisan d’une certaine forme d’Etat. Mais, comme nous l’avons vu, dans la société future, il n’y aura point d’Etat du tout. Et dans la période de transition doit règner la dictature ouvrière. Les traîtres de la classe ouvrière ne vont pas plus loin que la république bourgeoise. Nous, nous allons vers le communisme.
Dans la préface du Manifeste Communiste, Engels écrivait que le mot socialiste s’appliquait de son temps au mouvement des intellectuels avancés, tandis que le communisme était un mouvement purement ouvrier. La chose se reproduit sous nos yeux. Les communistes s’appuient uniquement sur les ouvriers; les social-traîtres sur l’aristocratie ouvrière, les intellectuels, les cafetiers, boutiquiers, en général sur la petite bourgeoisie.
Ainsi l’Internationale Communiste réalise la doctrine de Marx en la débarrassant des excroissances qui y étaient apparues pendant la période « pacifique » du développement capitaliste. Les prédictions du grand penseur communistes se réalisent aujourd’hui, après soixante-dix ans, sous la direction de l’Internationale Communiste.

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