1848-49

Marx et Engels journalistes au coeur de la révolution...

Une publication effectuée en collaboration avec la bibliothèque de sciences sociales de l'Université de Québec.


La Nouvelle Gazette Rhénane

K. Marx - F. Engels

Hüser


n°1, 1° juin 1848

Cologne, 31 mai

M. Hüser de Mayence, grâce à de vieux règlements de forteresse et à des lois fédérales qui sentent le renfermé, a inventé une nouvelle méthode pour rendre les Prussiens et les autres Allemands encore plus esclaves qu'ils ne l'étaient avant le 22 mai 1815 [1]. Nous conseillons à M. Hüser de prendre un brevet pour sa nouvelle invention : ce qui pourrait, en tout cas, être d'un très bon rapport. Suivant cette méthode, en effet, on envoie en ville deux ou plusieurs soldats ivres qui, naturellement, se prennent spontanément de querelle avec des civils. La force publique intervient, arrête les soldats. Voilà qui suffît pour que l'état-major de n'importe quelle forteresse puisse déclarer la ville en état de siège, pour que toutes les armes soient confisquées et les habitants livrés à la brutalité de la soldatesque. Il est à noter que ce plan est d'autant plus rentable, notamment en Allemagne, qu'on y trouve plus de forteresses tournées vers l'intérieur que vers l'extérieur; il doit devenir tout particulièrement rentable, car n'importe quel commandant de place, payé par le peuple, un Hüser, un Roth von Schreckenstein et autres noms moyenâgeux, peuvent se permettre d'aller plus loin que le roi ou l'empereur lui-même, parce qu'ils peuvent étouffer la liberté de la presse, et qu'ils peuvent par exemple interdire aux Mayençais, qui ne sont pas des Prussiens, d'exprimer leur antipathie à l'égard du roi de Prusse et du régime prussien.

Le projet de M. Hüser n'est qu'une partie du plan général de la réaction de Berlin qui aspire à désarmer aussi vite que possible toutes les gardes civiques, notamment sur les bords du Rhin, à mettre progressivement un terme à l'essor naissant de la levée en armes du peuple - et à nous livrer sans défense à l'armée, composée pour l'essentiel d'étrangers à la région, faciles à exciter, ou déjà excités contre nous.

C'est arrivé à Aix-la-Chapelle, à Trèves, à Mannheim, à Mayence, et cela peut se produire aussi autre part.


Notes

[1] Le 22 mai 1815 parut un « décret sur la formation de la représentation du peuple » dans lequel le roi de Prusse promettait la création d'assemblées provisoires par corps, la convocation d'un organisme représentant l'ensemble de la Prusse et l'introduction d'une constitution. Mais on aboutit seulement, par la loi du 5 juin 1823, à la formation d'assemblées par corps dans les provinces (Diètes provinciales); elles n'avaient que des fonctions consultatives et limitées.


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