1848-49

Marx et Engels journalistes au coeur de la révolution...

Une publication effectuée en collaboration avec la bibliothèque de sciences sociales de l'Université de Québec.


La Nouvelle Gazette Rhénane

Friedrich Engels

Marrast et Thiers


n° 33, 3 juillet 1848

Nous n'avons cessé d'attirer l'attention des lecteurs de la Nouvelle Gazette rhénane sur les intrigues du parti du National incarné par Marrast. Nous avons suivi les chemins détournés par lesquels ce parti cherche à s'emparer de la dictature. Nous avons indiqué en même temps comment la dictature de Marrast entraîne une dictature de Thiers.

Quelques faits prouvent de façon frappante à quel point le parti du National, par sa victoire, est déjà dominé par le parti de Thiers [1], maintenant confondu avec l'opposition dynastique.

La nomination de Carnot, un homme du National, à un poste de ministre, a soulevé une tempête de protestations à l'Assemblée nationale. Marie, candidat à la présidence de l’Assemblée nationale, avait pour rival Dufaure; il s'imposa, disent les Débats, pour la seule raison qu'il était considéré comme « l'homme le plus sage et le plus modéré de la Commission exécutive », c'est-à-dire qu'il a fait au vieux parti dynastique le plus de concessions, qu'il a exposé et défendu à l'Assemblée nationale la loi sur les attroupements, suite aux lois de septembre [2]. Le fait est que la présidence de l'Assemblée nationale s'est jouée entre Marrast et Thiers.

Mais cela ne suffit pas à l'opposition dynastique. Une des premières lois qu'elle prépare est une loi sur les conseils municipaux, loi dirigée directement contre la dictature et l'influence de Marrast, maire de Paris. Et il tombera.

En quelques jours, toute l'Assemblée nationale s'entre-déchirera. La réaction continuera jusqu'à ce qu'elle élimine de tous les postes de commande, le parti du National. « République » et « opposition dynastique » s'affronteront encore une fois, mais la république ne triomphera plus dans les conditions de février.

Le peuple ne s'enthousiasmera plus. Il ne mettra plus la vengeance « dans le sac », comme dit Caussidière, et ne « précipitera » plus les « sentiments d'animosité dans les flots du Styx [3] ». Qui vivra verra.


Notes

Texte surligné : en français dans le texte.

[1] Parti de la bourgeoisie royaliste en France groupé autour de Thiers. Partisans de la maison d'Orléans, ils étaient contre les républicains bourgeois et petits-bourgeois; avant février 1848, ils furent partisans d'une monarchie aux institutions républicaines et après 1848 d'une république aux institutions monarchiques. Après les journées de juin 1848, ce parti se fondit étroitement avec l'opposition monarchique.

[2] Après l'attentat de Fieschi contre Louis-Philippe le 28 juillet 1835, trois lois de répression dites « lois de septembre » furent votées. La plus importante était la loi sur la presse qui aggravait à la fois le nombre et la pénalité des délits.

[3] « Mais citoyens, qu'on se rappelle qu'il y a quatre mois le peuple était omnipotent, que celui qui pouvait avoir des vengeances à exercer était à la tête de ce peuple, il a tout mis, le peuple, dans le sac aux oublis, il a tout précipité dans le fleuve du Styx ». (Moniteur universel, compte rendu des débats, pp. 276-48).


Archives Lenine Archives Internet des marxistes
Début Précédent Haut de la page Sommaire Suite Fin