1848-49

Marx et Engels journalistes au coeur de la révolution...

Une publication effectuée en collaboration avec la bibliothèque de sciences sociales de l'Université de Québec.


La Nouvelle Gazette Rhénane

F. Engels

L’armée prussienne et le soulèvement populaire révolutionnaire

n°292, 8 mai 1849, supplément extraordinaire


Cologne, le 7 mai.

Les éléments en fermentation en Allemagne se décantent chaque jour davantage; les choses prennent des contours précis.

Tandis qu'un des centres de la contre-révolution allemande, l'Autriche, est bien trop occupé avec les Hongrois, l'autre, la Prusse, envoie ses hordes armées dans toutes les directions contre le soulèvement populaire révolutionnaire.

À Dresde , la ville d'art et de luxe, la cité patiente et noble, le peuple prend les armes et répond par des barricades et des coups de fusil aux actes de haute trahison que sont les proclamations du gouvernement royal [1] . Les militaires passent pour la plupart du côté du peuple; l'issue de la lutte est quasiment réglée; c'est alors qu'arrivent des bataillons prussiens qui se mettent aux côtés du traître royal, contre le peuple.
Dans le Palatinat, le peuple prend aussi les armes contre la contre-révolution bavaroise, chaque jour plus insolente; ici aussi des bataillons prussiens sont prêts à intervenir au bon moment pour disperser, et l'Assemblée de Francfort, et le soulèvement palatin.
Où que nous nous tournions dans l'Allemagne du Nord et du Sud-Ouest, partout des bataillons prussiens se tiennent prêts à imposer la contre-révolution par les armes.
Et pour qu'il ne manque de bataillons prussiens ni dans leur propre pays, ni dans les États voisins, on rappelle partout la territoriale conformément aux règles de notre magnifique organisation militaire.

Là-bas, l'armée autrichienne, ici l'armée prussienne constituent le centre de la contre-révolution. C'est ainsi que la nouvelle révolution s'oppose chaque jour avec plus de force et plus d'ampleur à la contre-révolution.

Le gouvernement provisoire de Dresde est encore là et rassemble, dans tout le pays, les forces populaires.

Le comité palatin de défense est encore là et groupe chaque jour des Palatins de plus en plus nombreux autour du drapeau de la révolution.

En Prusse rhénane enfin, la territoriale se refuse à marcher . Même à Elberfeld dans le Wuppertal noir et blanc, elle se refuse à aller plus loin que son lieu de rassemblement [2] .
Et finalement en Autriche, la révolution magyare , l'événement essentiel, progresse irrésistiblement . Le courrier de Vienne n'est pas arrivé - peut-être parce que les Magyars ont détruit le chemin de fer morave. Il est certain qu'ils ont pénétré en Moravie . On nous écrit de Ratibor qu'il y a huit jours déjà, on entendait tonner les canons de batteries entières à Golkowitz, à la frontière autrichienne, et le 3 mai à Loslau également, en Haute-Silésie prussienne. En tout cas les combats ont dû avoir lieu de ce côté-ci, du col de Jablunka [3] .
La victoire des Hongrois est d'ailleurs plus certaine que jamais . Il est établi que les Russes ne viennent pas . Encore quelques jours donc et les Hongrois seront à Vienne; la révolution magyare sera finie et la seconde révolution allemande fera une entrée grandiose.

Notes

[1] Le soulèvement armé de Dresde du 3 au 8 mai 1849 marqua le début des combats pour la défense de la Constitution d'empire adoptée par l'Assemblée nationale de Francfort. Les ouvriers jouèrent le rôle principal sur les barricades tandis que la bourgeoisie et la petite bourgeoisie ne prirent pratiquement que très peu part au soulèvement. Ce soulèvement resta isolé et succomba à l'écrasante supériorité des troupes prussiennes et saxonnes.

[2] Au début de mai 1849, des soulèvements se produisirent dans la province rhénane, le Palatinat bavarois et le Bade pour défendre la Constitution d'empire adoptée par l'Assemblée nationale de Francfort le 28 mars 1849, mais repoussée par les gouvernements d'une série d'États allemands : la Prusse, la Saxe, la Bavière et le Hanovre. Les masses populaires voyaient dans la Constitution d'empire la seule de leurs conquêtes qui ne soit pas encore anéantie. Mais les soulèvements, dirigés la plupart du temps par des démocrates petits-bourgeois, avaient un caractère isolé et spontané et furent réprimés avec cruauté vers le milieu de juillet 1849. Sur la nature et le déroulement de ces combats auxquels Engels prit part personnellement, Cf. « La campagne pour la Constitution d'empire ».

[3] Chaîne de montagnes des Carpathes occidentales ou Beskides.


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