1921

Texte paru dans le numéro 8 du Bulletin communiste, 2ème année, 24 février 1921, précédé de l'introduction suivante :
« Loriot et Souvarine ont été unanimement désignés par le Parti comme candidats à l'élection législative partielle de la Seine, du 27 février. Une campagne communiste est menée avec vigueur sur le nom des deux emprisonnés, qui ont publié l'appel que voici : »


Voix de prison

Fernand Loriot et Boris Souvarine


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Travailleurs Parisiens

L'Europe est en ruines, l'Humanité est en deuil. Cent millions de mères, de veuves, d'orphelins pleurent l'assassinat de vingt millions d'êtres humains. Les fruits du travail de plusieurs générations sont anéantis.

Les travailleurs se sont entr'égorgés pendant quatre ans sur un mot d'ordre menteur de défense nationale que tous les gouvernants ont donné à tous les peuples.

En France et en Allemagne, en Angleterre et en Russie, en Autriche et en Serbie, dans tous les pays, à la même heure, les dirigeants, masquant leurs propres responsabilités, trompaient les dirigés et les jetaient dans une guerre, fratricide, dans une mêlée sauvage et insensée.

Au lieu de tourner leurs armes contre leurs ennemis communs, contre les exploiteurs cosmopolites, les exploités se sont stupidement entremassacrés, croyant défendre leur patrie, croyant faire le sacrifice de leur vie pour abolir à jamais les guerres, croyant verser leur sang pour la démocratie et la civilisation.

Aujourd'hui, travailleurs parisiens, que reste-t-il de vos espérances ? Que reste-t-il des promesses de vos maîtres ? Où est la démocratie ? Où est la civilisation ? Où est la paix ?

Commencez-vous à prendre conscience de l'immensité de votre erreur ? Voyez-vous maintenant que vos ennemis sont dans votre propre pays ?

Cherchez à qui le crime profite.

Le crime a profité à une minorité opulente et insolente qui décide de votre sort, vous exploite, vous opprime.

Dans tous les pays, la même minorité capitaliste exploite et opprime la majorité des producteurs.

La dictature des millionnaires écrase sans vergogne une multitude laborieuse courbée par habitude sous la domination de la bourgeoisie profiteuse, et à laquelle ne manque que la conscience de sa force pour secouer la tutelle des seigneurs du capital, pour abolir l'exploitation du travail, pour faire de milliers d'esclaves des hommes libres.

En France, la Chambre hideuse du bloc national, la Chambre des 130 millionnaires, la Chambre des profiteurs de la mort, fait peser sur le peuple travailleur le joug ignominieux d'une meurtrière réaction.

Les mutilés, les victimes de la guerre sont laissés dans le dénuement. Les régions dévastées ne reçoivent que des décorations et des discours. Les travailleurs sont par milliers privés de travail, et le chômage ne fait que commencer. Des impôts de plus en plus lourds dépouillent les humbles et épargnent les riches. Les milliards de la France sont gaspillés dans des entreprises de meurtre et de dévastation. Ils sont donnés à des brigands pillards comme Pilsudski et Wrangel, exterminateurs d'ouvriers et de paysans russes. Au lieu du désarmement promis, le service militaire à long terme est maintenu. Les soldats français sont envoyés en Asie Mineure pour voler des territoires. La réaction prépare cyniquement de nouvelles guerres contre la Russie. Elle prépare aussi une nouvelle guerre contre l'Allemagne pour réduire en esclavage le peuple allemand sous prétexte d'appliquer l'inapplicable et monstrueux traité de Versailles. Jamais les menaces de guerre n'ont été plus nombreuses qu'aujourd'hui.

La réaction française est à la tête des bandes noires de la réaction mondiale. En Russie, en Pologne, en Ukraine, en Hongrie, partout où les ouvriers sont mitraillés, où les juifs sont torturés, où les révolutionnaires sont pendus ou fusillés, c'est le militarisme français, digne successeur du militarisme prussien, qui prend la responsabilité des crimes accomplis. Le nom de la France, autrefois vénéré par tous les peuples en souvenir de la grande Révolution, est aujourd'hui maudit sur toute la terre comme symbole des innombrables forfaits de ses gouvernants, de ses impérialistes, de sa réaction.

Travailleurs, avez-vous voulu cela ? Combien de temps encore allez-vous supporter ces hontes, tolérer ces crimes ?

Attendez-vous qu'un Poincaré, qu'un André Lefèvre, qu'un Forgeot, vous jettent dans une nouvelle tuerie, vous poussent sous de nouveaux charniers ?

L'Internationale Communiste et sa section française, le Parti Socialiste, vous appellent à l'action virile contre le régime d'exploitation et d'oppression qui meurtrit les masses travailleuses, les affame, les décime. Soyez des nôtres dans la lutte sans merci que nous soutenons contre la caste des profiteurs, contre l'oligarchie des capitalistes.

Vous n'aurez pas de démocratie tant que le prolétariat, et lui seul, ne sera pas maître du pouvoir, tant qu'il n'aura pas détruit les institutions bourgeoises et créé une société communiste.

Vous ignorerez la civilisation tant que vous n'aurez pas abattu et désarmé les barbares militaristes et impérialistes.

Vous ne connaîtrez pas la Paix tant que vous laisserez subsister le capitalisme, ce régime de guerre perpétuelle.

La démocratie, la civilisation, la paix, c'est le socialisme réalisé, c'est le communisme.

Les travailleurs qui prennent conscience des réalités, qui comprennent les leçons de la guerre et ses conséquences se rangeront en masse autour du Parti Socialiste (S.F.I.C.), leur guide dans l'action politique et émancipatrice du prolétariat.

Le gouvernement peut emprisonner les militants communistes du Parti socialiste et des syndicats ; la police peut fabriquer des complots ; la magistrature peut rendre des arrêts par ordre, la vérité communiste vaincra. La Révolution sociale est inévitable et elle trouvera chaque jour de nouveaux champions, parce que le salut de l'humanité est en elles.

F. LORIOT, B. SOUVARINE


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