1922

Cet article a paru dans le numéro 27 de Clarté, du 20 décembre 1922, précédé de la mention suivante : « N. Kroupskaïa, la dévouée compagne de Lénine, qui s'est consacrée aux œuvres d'enseignement, d'hygiène, de protection de la mère et de l'enfant, nous envoie ce message que, par une touchante intention, elle a rédigé elle-même en français. ». Numérisé par l'association Ra.d.a.r.


Cinq ans

Nadjeda Kroupskaïa


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Cinq ans se sont écoulés depuis que les ouvriers et les paysans de Russie ont pris en mains le pouvoir et, de ce pouvoir qui n'était auparavant qu'un moyen d'asservissement de la classe ouvrière, ont fait le moyen de son affranchissement.

La guerre impérialiste s'était abattue avec toutes ses horreurs sur les pays arriérés, sur la Russie. Le tsarisme n'accordait aucune attention aux masses, les généraux tsaristes ne ménageaient pas les soldats. L'existence devenait intolérable. Le pays ne ressentait que haine pour les propriétaires de terres et les patrons d'usines ; les ouvriers et les paysans refusaient de tolérer plus longtemps ce régime, les soldats ne voulaient plus se battre. La coupe était pleine.

La révolution de février ne fut que le prélude de celle de novembre ; les ouvriers, les paysans, les soldats s'emparèrent enfin du pouvoir pour terminer la guerre, pour rendre au peuple la terre que lui avaient volée les propriétaires et pour donner au prolétariat la haute direction des usines.

La résolution d'octobre était inévitable. Quiconque vivait alors à Pétrograd et s'entretenait avec les ouvriers et les soldats, voyait nettement cette nécessité. Quelques jours avant le 7 novembre, à une grande réunion, les délégués des faubourgs avaient voté l'insurrection.

Dans la nuit du 7 novembre, personne ne se dans coucha les faubourgs. Personne ne se demandait plus si l'insurrection réussirait ou non. Le Comité du parti se transforma en quartier général ; les ouvriers s'armaient fiévreusement. Les ouvrières ne dormaient pas non plus. Dans les clubs, dans les écoles, elles s'exerçaient toute la nuit à faire des pansements. Les casernes veillaient aussi...

Quelles dures années nous avons vécues depuis cette nuit-là. La guerre civile, la famine... Nul pays ne serait en état de supporter de telles privations, hormis celui des ouvriers et des paysans qui ont vaincu dans la révolution. Nul pays n'aurait pu s'en relever, tandis que la Russie soviétiste guérit ; on ne sent déjà plus ni abattement, ni faiblesse. Les démonstrations qui ont eu lieu le 5 novembre l'ont prouvé avec évidence au monde entier.

Le pays a totalement changé d'aspect. Comme la charrue travaille une terre en friche, les événements ont labouré notre pays agricole. Dans les plus lointains villages, les nouvelles idées révolutionnaires ont pénétré. Pendant les années 1917, 1918, 1919, les ouvriers, les paysans, les soldats se sont montrés à toute heure disposés à écouter les orateurs dans les meetings. Actuellement, les réunions sont moins fréquentées, mais les ouvriers se pressent aux cours du soir, dans les écoles d'adultes, etc. Dans le courant de l'année dernière, le chiffre des auditeurs des écoles d'adultes à Pétrograd a augmenté de plus du double. Comme une terre aride a soif de pluie, le pays est avide de savoir. Pour édifier une existence nouvelle, il faut savoir s'y prendre — et tout le monde, chez nous, veut apprendre, veut étudier. En Russie, l'ouvrier a mis de côté son fusil et il a pris le livre ; il étudie. Armé par la science, il sera mille fois plus fort. Mais sa révolution de novembre et les cinq années qui suivirent, il ne les oubliera jamais.


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