1910

Source : — LUXEMBURG Rosa, Vive la lutte ! Correspondance 1891-1914, Textes réunis, traduits et annotés sous la direction de Georges HAUPT par Claudie WEILL, Irène PETIT, Gilbert BADIA, Editions François Maspero, Bibliothèque Socialiste n°31, Paris, 1975, p. 322-323.

luxemburg

Rosa Luxemburg

Rosa Luxemburg à Luise Kautsky

17 mars 1910

 

Les suites de l’article polémique sur la grève de masse

17 mars 1910

Très chère Loulou,

Je vis ici dans une telle fièvre que je n’arrive simplement pas à t’écrire bien que j’en sente tout le temps le besoin pressant. Parlons donc du « théâtre des opérations ». L’article que Karl [1] a refusé, je l’ai encore travaillé (il est plus clair et plus incisif) et il a déjà paru dans la Dortmunder Arbeiterzeitung (Konrad Haenisch [2]). Le journal de Leipzig et celui de Brême l’ont déjà reproduit ; j’espère que d’autres vont suivre.

Avant-hier le 15, mardi soir, on a organisé ici 48 réunions, dans l’intention évidente de prévenir toute action pour demain, le 18 [3]. Comme orateurs des gens de 4e et 5e zone et surtout des permanents syndicaux ! En outre, d’avance, le Vorwärts avait interdit d’organiser des manifestations dans la rue, par exemple après les meetings. Le 12, à l’école [4], j’ai appris qu’il manquait un orateur, j’acceptai sur le champ de le remplacer et je prononçai donc un discours dans la IVe circonscription. La salle était pleine à s’en trouver mal (environ 1500), l’atmosphère magnifique. J’attaquai naturellement comme il faut et rencontrai l’approbation frénétique de l’auditoire. (Hannes, Gert., Kostia et Eckstein [5] étaient venus, ce dernier s’est depuis hier converti à mon point de vue, à ce qu’il m’a dit.)

Aujourd’hui de Brême, par téléphone, et d’Essen, par lettre, j’ai reçu une invitation pressante à faire des meetings sur la grève de masse [6].

Je me demande si je ne vais pas très prochainement envoyer paître l’école pour parcourir le pays afin de faire monter la température partout. Je t’enverrai mes articles. Ce soir je vais faire un saut jusqu’à la Niedstr [7]. Ecris-moi vite ! Tu me manques tant !

Je t’embrasse à la hâte.

Ta Rosa

Notes

[1] Après tergiversations, demandes de corrections pour émousser l’article de Rosa Luxemburg, Karl Kautsky refusa finalement sa parution dans la Neue Zeit.

[2] Voir la lettre qui lui est adressé peu avant le 12 mars.

[3] Le 18 mars est l’anniversaire du début de la Commune et de la révolution de mars 1848 à Berlin.

[4] Il s’agit de l’école centrale du parti social-démocrate où Rosa Luxemburg est professeur.

[5] Dans l’ordre : Hans Diefenbach ; Gertrud Zlottko qui tenait la maison de Rosa Luxemburg ; Kostia Zetkin, fils de Clara Zetkin ; Gustav Eckstein, collaborateur de Kautsky à la rédaction de la Neue Zeit.

[6] Voir le compte-rendu que Rosa Rulxemburg en fait dans sa lettre à Leo Jogiches du 27 mars.

[7] Où habitaient les Kautsky.