1843-50

"On remarquera que, dans tous ces écrits, et notamment dans ce dernier, je ne me qualifie jamais de social-démocrate, mais de communiste... Pour Marx, comme pour moi, il est donc absolument impossible d'employer une expression aussi élastique pour désigner notre conception propre.." F. Engels, 1894.

Une publication effectuée en collaboration avec la bibliothèque de sciences sociales de l'Université de Québec.


Le parti de classe

K. Marx - F. Engels

Questions d'organisation

Lutte de Marx-Engels pour le parti social-démocrate interdit


Mais la prétention de dépouiller le parti de son caractère révolutionnaire, qui découle des conditions historiques, devient proprement ridicule, lorsqu'on commence par le mettre hors le droit commun, c'est-à-dire hors la loi, pour lui demander ensuite de reconnaître le terrain légal que l'on a précisément supprimé à son encontre.

ENGELS, préface de 1885 à Karl Marx devant les jurés de Cologne

Les choses vont de plus en plus mal avec l'organe du parti allemand, réfugié à Zurich [1]. La commission zurichoise de rédaction, qui est chargée de surveiller et de contrôler le journal sous la responsabilité de la centrale des camarades de Leipzig, est composée de Höchberg, Schramm et Bernstein. Or, voilà que Schramm, Höchberg et Bernstein viennent de confectionner un article intitulé « Rétrospective du mouvement socialiste en Allemagne » pour les Annales de sciences politiques et sociales éditées à Zurich par Höchberg, article dans lequel ils se présentent tous trois comme des bourgeois tout à fait ordinaires, voire de paisibles philanthropes. Ils accusent le parti d'être trop exclusivement un « parti ouvrier », d'avoir provoqué la haine de la bourgeoisie, et ils revendiquent la direction du mouvement pour des bourgeois « cultivés » de leur acabit.

Par bonheur, Höchberg a fait une soudaine apparition chez moi avant-hier, et j'ai pu lui dire alors ses quatre vérités. Le pauvre garçon est au fond un bon bougre. mais terriblement naïf : il tomba des nues lorsque je lui expliquai que l'idée ne nous effleurait même pas de laisser tomber le drapeau prolétarien que nous tenons bien haut depuis près de quarante ans, et de nous joindre au chœur petit-bourgeois de l'édulcorante vague de fraternisation générale que nous combattons également depuis près de quarante ans. Bref, à présent, je sais enfin où il en est avec nous et pourquoi nous ne pouvons marcher avec lui et ses semblables, quoique disent et fassent les camarades de Leipzig [2].

Nous adresserons aussi à Bebel une déclaration catégorique de notre position eu égard à ces alliés du parti allemand, et nous verrons alors ce qu'ils feront. Si l'organe du parti accepte cet article bourgeois, nous nous déclarerons publiquement contre. Cependant, ils ne laisseront probablement pas aller les choses jusque-là.


Notes

[1] Cf. Engels à Johann Philipp Becker, 15 septembre 1879.
Un autre épisode lourd de conséquence pour la social-démocratie allemande a été la promulgation par le gouvernement de Bismarck de la loi antisocialiste en octobre 1878.
Le parti était confronté subitement avec le problème de la violence, et devait changer radicalement ses méthodes d'organisation et d'action. On peut dire qu'il réagit très mal, n'étant pas adapté à l'illégalité. Les premiers temps, il y eut plus que des flottements; Marx-Engels sauvèrent littéralement le parti à ce moment-là. Celui-ci finit cependant par se reprendre, et comme Marx-Engels l'ont souvent dit, il s'avéra, une fois de plus, que le parti se porte le mieux quand il est interdit.
De fait, c'est finalement la menace d'un coup de force du gouvernement allemand contre les social-démocrates qui s'avéra plus tard le moyen le plus efficace pour cantonner le parti allemand dans le strict cadre de la légalité, d'où il finit par glisser dans le réformisme et le révisionnisme. On le voit, l’adversaire sait tirer, lui aussi, les leçons de la lutte des classes.
Le mouvement ouvrier se trouve désormais confronté au problème cardinal de la violence, légale ou illégale.

[2] August Bebel, Wilhelm Liebknecht et Louis Viereck étaient restés à Leipzig, tandis que Carl Hirsch était à Paris, Karl Höchberg, Eduard Bernstein et Carl Schramm étant à Zurich pour y organiser la presse à l'abri des tracasseries policières.
La promulgation de la loi antisocialiste eut pour effet d'aggraver la lutte directe entre gouvernement et socialistes, par une lutte des fractions au sein du parti social-démocrate. Ce n'est qu'en sauvegardant son organisation et son programme révolutionnaires, face à cette double attaque, que le parti put forger les moyens de surmonter finalement la crise.


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