1867

Une publication réalisée en collaboration avec le site le.capital.free.fr.


Le Capital - Livre premier

Le développement de la production capitaliste

Karl MARX

VI� section : Le salaire

Chapitre XXI : Le salaire aux pièces


Le salaire aux pièces n'est qu'une transformation du salaire au temps, de même que celui-ci n'est qu'une transformation de la valeur ou du prix de la force de travail.

Le salaire aux pièces semble prouver à première vue que ce que l'on paye à l'ouvrier soit non pas la valeur de sa force, mais celle du travail déjà réalisé dans le produit, et que le prix de ce travail soit déterminé non pas comme dans le salaire au temps par la fraction

(Valeur journalière de la force de travail) / (Journée de travail d'un nombre d'heures donné)

mais par la capacité d'exécution du producteur [1].

Ceux qui se laissent tromper par cette apparence devraient déjà se sentir ébranlés fortement dans leur foi par ce simple fait que les deux formes du salaire existent l'une à côté de l'autre, dans les mêmes branches d'industrie. « Les compositeurs de Londres, par exemple, travaillent ordinairement aux pièces, et ce n'est qu'exceptionnellement qu'ils sont payés à la journée. C'est le contraire pour les compositeurs de la province, où le salaire au temps est la règle et le salaire aux pièces l'exception. Les charpentiers de marine, dans le port de Londres, sont payés aux pièces; dans tous les autres ports anglais, à la journée, à la semaine, etc [2]. » Dans les mêmes ateliers de sellerie, à Londres, il arrive souvent que les Français sont payés aux pièces et les Anglais au temps. Dans les fabriques proprement dites, où le salaire aux pièces prédomine généralement, certaines fonctions se dérobent à ce genre de mesure et sont par conséquent payées suivant le temps employé [3]. Quoi qu'il en soit, il est évident que Ies différentes formes du payement ne modifient en rien la nature du salaire, bien que telle forme puisse être plus favorable que telle autre au développement de la production capitaliste.

Mettons que la journée de travail ordinaire soit de douze heures, dont six payées et six non payées, et que la valeur produite soit de six francs. Le produit d'une heure de travail sera par conséquent zéro franc cinquante centimes. Il est censé établi expérimentalement qu'un ouvrier qui travaille avec le degré moyen d'intensité et d'habileté, qui n'emploie par conséquent que le temps de travail socialement nécessaire à la production d'un article, livre en douze heures vingt-quatre pièces, soit autant de produits séparés, soit autant de parties mesurables d'un tout continu. Ces vingt-quatre pièces, déduction faite des moyens de production qu'elles contiennent, valent six francs, et chacune d'elles vaut vingt-cinq centimes. L'ouvrier obtient par pièce douze centimes et demi et gagne ainsi en douze heures trois francs. De même que dans le cas du salaire à la journée on peut indifféremment dire que l'ouvrier travaille six heures pour lui-même et six pour le capitaliste, ou la moitié de chaque heure pour lui-même et l'autre moitié pour son patron, de même ici il importe peu que l'on dise que chaque pièce est à moitié payée et à moitié non payée, ou que le prix de douze pièces n'est qu'un équivalent de la force de travail, tandis que la plus-value s'incorpore dans les douze autres.

La forme du salaire aux pièces est aussi irrationnelle que celle du salaire au temps. Tandis que, par exemple, deux pièces de marchandise, déduction faite des moyens de production consommés, valent cinquante centimes comme produit d'une heure de travail, l'ouvrier reçoit pour elles un prix de vingt-cinq centimes. Le salaire aux pièces n'exprime en réalité aucun rapport de valeur immédiat. En effet, il ne mesure pas la valeur d'une pièce au temps de travail qui s'y trouve incorporé, mais au contraire le travail que l'ouvrier dépense au nombre de pièces qu'il a produites. Dans le salaire au temps le travail se mesure d'après sa durée immédiate, dans le salaire aux pièces d'après le quantum de produit où il se fixe quand il dure un certain temps [4]. Le prix du temps de travail reste toujours déterminé par l'équation

Valeur d'une journée de travail = Valeur journalière de la force de travail.

Le salaire aux pièces n'est donc qu'une forme modifiée du salaire au temps.

Examinons maintenant de plus près les particularités caractéristiques du salaire aux pièces.

La qualité du travail est ici contrôlée par l'ouvrage même, qui doit être d'une bonté moyenne pour que la pièce soit payée au prix convenu. Sous ce rapport, le salaire aux pièces devient une source inépuisable de prétextes pour opérer des retenues sur les gages de l'ouvrier et pour le frustrer de ce qui lui revient.

Il fournit en même temps au capitaliste une mesure exacte de l'intensité du travail. Le seul temps de travail qui compte comme socialement nécessaire et soit par conséquent payé, c'est celui qui s'est incorporé dans une masse de produits déterminée d'avance et établie expérimentalement. Dans les grands ateliers de tailleurs de Londres, une certaine pièce un gilet, par exemple, s'appelle donc une heure, une demi heure , etc., l'heure étant payée six pence. On sait par la pratique quel est le produit d'une heure en moyenne. Lors des modes nouvelles, etc., il s'élève toujours une discussion entre le patron et l'ouvrier pour savoir si tel ou tel morceau équivaut à une heure etc. jusqu'à ce que l'expérience ait décidé. Il en est de même dans les ateliers de menuiserie, d'ébénisterie, etc. Si l'ouvrier ne possède pas la capacité moyenne d'exécution, s'il ne peut pas livrer un certain minimum d'ouvrage dans sa journée, on le congédie [5].

La qualité et l'intensité du travail étant assurées ainsi par la forme même du salaire, une grande partie du travail de surveillance devient superflue. C'est là dessus que se fonde non seulement le travail à domicile moderne, mais encore tout un système d'oppression et d'exploitation hiérarchiquement constitué. Ce dernier possède deux formes fondamentales. D'une part, le salaire aux pièces facilite l'intervention de parasites entre le capitaliste et le travailleur, le marchandage (subletting of labour). Le gain des intermédiaires, des marchandeurs, provient exclusivement de la différence entre le prix du travail tel que le paye le capitaliste, et la portion de ce prix qu'ils accordent à l'ouvrier [6]. Ce système porte en Angleterre, dans le langage populaire, le nom de « Sweating system [7] ». D'autre part, le salaire aux pièces permet au capitaliste de passer un contrat de tant par pièce avec l’ouvrier principal, dans la manufacture avec le chef de groupe, dans les mines avec le mineur proprement dit, etc.,   cet ouvrier principal se chargeant pour le prix établi d'embaucher lui-même ses aides et de les payer. L'exploitation des travailleurs par le capital se réalise ici au moyen de l'exploitation du travailleur par le travailleur [8].

Le salaire aux pièces une fois donné, l'intérêt personnel pousse l'ouvrier naturellement à tendre sa force le plus possible, ce qui permet au capitaliste d'élever plus facilement le degré normal de l’intensité du travail [9]. L'ouvrier est également intéressé à prolonger la journée de travail, parce que c'est le moyen d'accroître son salaire quotidien ou hebdomadaire [10]. De là une réaction pareille à celle que nous avons décrite à propos du salaire au temps, sans compter que la prolongation de la journée même lorsque le salaire aux pièces reste constant, implique par elle-même une baisse dans le prix du travail.

Le salaire au temps présuppose, à peu d'exceptions près, l’égalité de rémunération pour les ouvriers chargés de la même besogne. Le salaire aux pièces, où le prix du temps de travail est mesuré par un quantum déterminé de produit, varie naturellement suivant que le produit fourni dans un temps donné dépasse le minimum admis. Les degrés divers d'habileté, de force, d'énergie, de persévérance des travailleurs individuels causent donc ici de grandes différences dans leurs recettes [11]. Cela ne change naturellement rien au rapport général entre le capital et le salaire du travail. Premièrement ces différences individuelles se balancent pour l'ensemble de l'atelier, si bien que le produit moyen est à peu près toujours obtenu dans un temps de travail déterminé et que le salaire total ne dépasse guère en définitive le salaire de la branche d'industrie à laquelle l'atelier appartient. Secondement la proportion entre le salaire et la plus-value ne change pas, puisqu'au salaire individuel de l'ouvrier correspond la masse de plus-value fournie par lui. Mais en donnant une plus grande latitude à l'individualité, le salaire aux pièces tend à développer d'une part avec l'individualité l'esprit de liberté, d'indépendance et d'autonomie des travailleurs, et d'autre part la concurrence qu'ils se font entre eux. Il s'ensuit une élévation de salaires individuels au dessus du niveau général qui est accompagnée d'une dépression de ce niveau lui-même. Mais là où une vieille coutume avait établi un salaire aux pièces déterminé, dont la réduction présentait par conséquent des difficultés exceptionnelles, les patrons eurent recours à sa transformation violente en salaire à la journée. De là, par exemple, en 1860, une grève considérable parmi les rubaniers de Coventry [12]. Enfin le salaire aux pièces est un des principaux appuis du système déjà mentionné de payer le travail à l'heure sans que le patron s'engage à occuper l'ouvrier régulièrement pendant la journée ou la semaine [13].

L'exposition précédente démontre que le salaire aux pièces est la forme du salaire la plus convenable au mode de production capitaliste. Bien qu'il ne soit pas nouveau   il figure déjà officiellement à côté du salaire au temps dans les lois françaises et anglaises du XIV° siècle   ce n'est que pendant l'époque manufacturière proprement dite qu'il prit une assez grande extension. Dans la première période de l'industrie mécanique, surtout de 1797 à 1815, il sert de levier puissant pour prolonger la durée du travail et en réduire la rétribution. Les livres bleus : « Report and Evidence from the select Committee on Petitions respecting the Corn Laws. » (Session du Parlement 1813 1814) et : « Reports from the Lords' Committee, on the state Of the Growth, Commerce, and Consumption of Grain, and all Laws relating thereto. » (Session, 1814 1815), fournissent des preuves incontestables que depuis le commencement de la guerre anti jacobine, le prix du travail baissait de plus en plus. Chez les tisseurs par exemple, le salaire aux pièces était tellement tombé, que malgré la grande prolongation de la journée de travail, le salaire journalier ou hebdomadaire était en 1814 moindre qu'à la fin du XVIII° siècle.

« La recette réelle du tisseur est de beaucoup inférieure à ce qu'elle était; sa supériorité sur l'ouvrier ordinaire, auparavant fort grande, a presque disparu. En réalité il y a aujourd'hui bien moins de différence entre les salaires des ouvriers ordinaires et des ouvriers habiles qu'à n'importe quelle autre période antérieure [14]. » Tout en augmentant l'intensité et la durée du travail, le salaire aux pièces ne profita en rien au prolétariat agricole, comme l'on peut s'en convaincre par le passage suivant, emprunté à un plaidoyer en faveur des landlords et fermiers anglais :

« La plupart des opérations agricoles sont exécutées par des gens loués à la journée ou à la pièce. Leur salaire hebdomadaire s'élève environ à douze shillings et bien que l'on puisse supposer qu'au salaire à la pièce, avec un stimulant supérieur pour le travail, un homme gagne un ou peut-être deux shillings de plus qu'au salaire à la semaine, on trouve cependant, tout compte fait, que la perte causée par le chômage dans le cours de l'année balance ce surplus... On trouve en outre généralement que les salaires de ces gens ont un certain rapport avec le prix des moyens de subsistance nécessaires, en sorte qu'un homme avec deux enfants est capable d'entretenir sa famille sans avoir recours à l'assistance paroissiale [15]. » Si cet homme avait trois enfants, il était donc condamné à la pitance de la charité publique. L'ensemble des faits publiés par le Parlement frappa alors l'attention de Malthus : « J'avoue, s'écria t il, que je vois avec déplaisir la grande extension donnée à la pratique du salaire aux pièces. Un travail réellement pénible qui dure douze ou quatorze heures par jour pendant une période plus ou moins longue, c'en est trop pour une créature humaine [16]. »

Dans les établissements soumis aux lois de fabrique le salaire aux pièces devient règle générale, parce que là le capitaliste ne peut agrandir le travail quotidien que sous le rapport de l'intensité [17].

Si le travail augmente en productivité, la même quantité de produits représente une quantité diminuée de travail. Alors le salaire aux pièces, qui n'exprime que le prix d'une quantité déterminée de travail, doit varier de son côté.

Revenons à notre exemple et supposons que la productivité du travail vienne à doubler. La journée de douze heures produira alors quarante-huit pièces au lieu de vingt-quatre, chaque pièce ne représentera plus qu'un quart d'heure de travail au lieu d'une demi heure, et, par conséquent, le salaire à la pièce tombera de douze centimes et demi à six un quart, mais la somme du salaire quotidien restera la même, car 24 x 12,5 centimes = 48 x 6,25 centimes = 3 francs. En d'autres termes : le salaire à la pièce baisse dans la même proportion que s'accroît le nombre des pièces produites dans le même temps [18], et que par conséquent le temps de travail consacré à la même pièce diminue. Cette variation du salaire, bien que purement nominale, provoque des luttes continuelles entre le capitaliste et l'ouvrier; soit parce que le capitaliste s'en fait un prétexte pour abaisser réellement le prix du travail; soit parce que l'augmentation de productivité du travail entraîne une augmentation de son intensité; soit parce que l'ouvrier prenant au sérieux cette apparence créée par le salaire aux pièces   que ce qu'on lui paye c'est son produit et non sa force de travail   se révolte contre une déduction de salaire à laquelle ne correspond pas une réduction proportionnelle dans le prix de vente de la marchandise. « Les ouvriers surveillent soigneusement le prix de la matière première ainsi que le prix des articles fabriqués et sont ainsi à même d'estimer exactement les profits de leurs patrons [19]. » Le capital repousse justement de pareilles prétentions comme entachées d'erreur grossière sur la nature du salaire [20]. Il les flétrit comme une usurpation tendant à lever des impôts sur le progrès de l'industrie et déclare carrément que la productivité du travail ne regarde en rien le travailleur [21].


Notes

[1] « Le système du travail aux pièces constitue une époque dans l'histoire des travailleurs; il est à mi chemin entre la position des simples journaliers, qui dépendent de la volonté du capitaliste, et celle des ouvriers coopératifs, qui promettent de combiner dans un avenir assez proche l'artisan et le capitaliste en leur propre personne. Les travailleurs aux pièces sont en réalité leurs propres maîtres, même lorsqu'ils travaillent avec le capital de leur patron et à ses ordres. » (John Watts : Trade societies and strikes machinery and coopérative societies. Manchester, 1865, p. 52, 53.) Je cite cet opuscule parce que c'est un vrai pot pourri de tous les lieux communs apologétiques usés depuis long temps. Ce même Watts travailla autrefois dans l'Owenisme, et publia, en 1842, un petit écrit: Facts and Fictions of Political Economy, où il déclare, entre autre, que la propriété est un vol. Les temps sont depuis bien changés.

[2] T. J. Dunning: Trades Unions and strikes, Lond., 186 1, p. 22.

[3] L'existence côte à côte de ces deux formes du salaire favorise la fraude de la part des fabricants : « Une fabrique emploie quatre cents personnes, dont la moitié travaille aux pièces et a un intérêt direct à travailler longtemps. L'autre moitié est payée à la journée, travaille aussi longtemps et ne reçoit pas un liard pour son temps supplémentaire. Le travail de ces deux cents personnes, unir demi heure par jour, est égal à celui d'une personne pendant cinquante heures ou aux cinq sixièmes du travail d'une personne dans une semaine, ce qui constitue pour l'entrepreneur un gain positif. » (Rep. of Insp. of Fact. 31 st. october 1860. p. 9.) « L'excès de travail prédomine toujours à un degré vraiment considérable, et la plupart du temps avec cette sécurité que la loi elle même assure au fabricant qui ne court aucun risque d'être découvert et puni. Dans un grand nombre de rapports antérieurs... j'ai montré le dommage que subissent ainsi les personnes qui ne travaillent pas aux pièces, mais sont payées à la semaine. » (Leonard Horner dans Rep. of Insp. of Fact. 30 th. apriI 1859, p. 8, 9.)

[4] « Le salaire peut se mesurer de deux manières : ou sur la durée du travail, ou sur son produit. » (Abrégé élémentaire des principes de l'Econ. polit. Paris 1796, p. 32.) L'auteur de cet écrit anonyme est G. Garnier.

[5] « Le fileur reçoit un certain poids de coton préparé pour lequel il doit rendre, dans un espace de temps donné, une quantité voulue de fil ou de coton filé, et il est payé à raison de tant par livre d'ouvrage rendu. Si le produit pèche en qualité, la faute retombe sur lui; s'il y a moins que la quantité fixée pour Ie minimum, dans un temps donné, on le congédie et on le remplace par un ouvrier plus habile. » (Ure, l. c., t. II, p. 61.)

[6] « C'est quand le travail passe par plusieurs mains, dont chacune prend part du profit, tandis que la dernière seule fait la besogne, que le salaire que reçoit l'ouvrière est misérablement disproportionné. » (Child. Empl. Comm. Il Rep., P. lxx, n. 424.)

[7] En effet, si le prêteur d'argent, selon l'expression française, fait suer ses écus, c'est le travail lui même que le marchandeur fait suer directement.

[8] L'apologiste Watts dit lui même à ce propos : « Ce serait une grande amélioration dans le système du travail aux pièces, si tous les gens employés a un même ouvrage étaient associés dans le contrat, chacun suivant son habileté, au lieu d'être subordonnés à un seul d'entre eux, qui est intéressé à les faire trimer par son propre bénéfice. » (L. c., p. 53.) Pour voir tout ce que ce système a d'ignoble, consulter Child. Empl. Comm. Rep. III, p. 66, n. 22, p. 11, n. 124, p. xi, n. 13, 53, 59 et suiv.

[9] Bien que ce résultat se produise de lui même, on emploie souvent des moyens pour le produire artificiellement. A Londres, par exemple, chez les mécaniciens, l'artifice en usage est « que le capitaliste choisit pour chef d'un certain nombre d'ouvriers, un homme de force physique supérieure et prompt à la besogne. Il lui paye tous les trimestres ou à d'autres termes un salaire supplémentaire, à condition qu'il fera tout son possible pour entraîner ses collaborateurs, qui ne reçoivent que le salaire ordinaire, à rivaliser de zèle avec lui... Ceci explique, sans commentaire, les plaintes des capitalistes, accusant les sociétés de résistance de paralyser l'activité, l'habileté supérieure et la puissance du travail. (Stinting the action, superior skill and working power.) Dunning, l. c. p. 22, 23. Comme l'auteur est lui même ouvrier et secrétaire d'une Trade's Union, on pourrait croire qu'il a exagéré Mais que l'on consulte par exemple la highly respectable encyclopédie agronomique de J. Ch. Morton, art., Labourer, on y verra cette méthode est recommandée aux fermiers comme excellente.

[10] « Tous ceux qui sont payés aux pièces... trouvent leur profit à travailler plus que le temps légal. Quant à l'empressement à accepter ce travail en plus, on le rencontre surtout chez les femmes employées à tisser et à dévider. » (Rep. of Insp. of Fact. 30 th. april 1858, p. 9.) « Ce système du salaire aux pièces, si avantageux pour le capitaliste, tend directement à exciter le jeune potier à à un travail excessif, pendant les quatre ou cinq ans où il travaille aux pièces, mais à bas prix. C'est là une des grandes causes auxquelles il faut attribuer la dégénérescence des potiers ! » (Child. Empl. Comm. Rep., p. xiii.)

[11] « Là où le travail est payé à tant la pièce... le montant des salaires peut différer matériellement... Mais dans le travail à la journée, il y a généralement un taux uniforme... reconnu également par l'employé et l'employeur comme l'étalon des salaires pour chaque genre de besogne. » (Dunning, 1. c., p. 17.)

[12] « Le travail des compagnons artisans sera réglé à la journée ou à la pièce... Ces maîtres artisans savent à peu près combien d'ouvrage un compagnon artisan peut faire par jour dans chaque métier, et les payent souvent à proportion de l'ouvrage qu'ils font; ainsi, ces compagnons travaillent autant qu'ils peuvent, pour leur propre intérêt, sans autre inspection. » (Cantillon : Essai sur la nature du commerce en général. Amsterdam, éd. 1756, p. 185 et 202. La première édition parut en 1755.) Cantillon, chez qui Quesnay, Sir James Steuart et Adam Smith ont largement puisé, présente déjà ici le salaire aux pièces comme une forme simplement modifiée du salaire au temps. L'édition française de Cantillon s'annonce sur ce titre comme une traduction de l'anglais; mais l'édition anglaise : The Analysis of Trade, Commerce, etc., by Philippe Cantillon, late of the City of London, Merchant, n'a pas seulement paru plus tard (1759); elle montre en outre par son contenu qu'elle a été remaniée à une époque ultérieure. Ainsi, par exemple, dans l'édition française, Hume n'est pas encore mentionné, tandis qu'au contraire, dans l'édition anglaise, le nom de Petty ne reparaît presque plus. L'édition anglaise a moins d'importance théorique; mais elle contient une foule de détails spéciaux sur le commerce anglais, le commerce de lingots, etc., qui manquent dans le texte français. Les mots du titre de cette édition, d'après lesquels l'écrit est tiré en grande partie du manuscrit d'un défunt, et arrangés, etc., semblent donc être autre chose qu'une simple fiction, alors fort en usage.

[13] « Combien de fois n'avons nous pas vu, dans certains ateliers, embaucher plus d'ouvriers que ne le demandait le travail à mettre en main ? Souvent, dans la prévision d'un travail aléatoire, quelquefois même imaginaire, on admet des ouvriers : comme on les paye aux pièces, on se dit qu'on ne court aucun risque, parce que toutes les pertes de temps seront à la charge des inoccupés. » (H. Grégoire : Les Typographes devant le tribunal correctionnel de Bruxelles. Bruxelles, 1865, p. 9.)

[14] Remarks on the Commercial Policy of Great Britain. London, 1815, p. 48.

[15] A Défence of the Landowners and Farmers of Great Britain. Lond., 1814, p. 4, 5.

[16] Malthus, l. c.

[17] « Les travailleurs aux pièces forment vraisemblablement les quatre cinquièmes de tout le personnel des fabriques. » (Reports of Insp. of Fact. for 30 april 1858, p. 9.)

[18] « On se rend un compte exact de la force productive de son métier (du fileur), et l'on diminue la rétribution du travail à mesure que la force productive augmente... sans cependant que cette diminution soit proportionnée à l'augmentation de la force. » (Ure, l. c., p. 61.) Ure supprime lui même cette dernière circonstance atténuante. Il dit, par exemple, à propos d'un allongement de la mule Jenny : « quelque surcroît de travail provient de cet allongement ». (L. c. II. p. 34). Le travail ne diminue donc pas dans la même proportion que sa productivité augmente. Il dit encore : « Ce surcroît augmentera la force productive d'un cinquième. Dans ce cas, on baissera le prix du fileur; mais comme on ne le réduira pas d'un cinquième, le perfectionnement augmentera son gain dans le nombre d'heures donné; mais   il y a une modification à faire -... C'est que le fileur a des frais additionnels à déduire sur les six pence, attendu qu'il faut qu'il augmente le nombre de ses aides non adultes, ce qui est accompagné d'un dêplacement d'une partie des adultes » (l. c., p. 66, 67), et n'a aucune tendance à faire monter le salaire.

[19] H. Fawcett : The Economic Position of the British Labourer. Cambridge and London, 1865, p. 178.

[20] On trouve dans le Standard de Londres du 26 octobre 1861, le compte rendu d'un procès intenté par la raison sociale John Bright et Cie, devant le, magistrats de Rochdale, dans le but de poursuivre, pour intimidation, les agent, de la Carpet Weavers Trades' Union. « Les associés de Bright ont introduit une machine nouvelle, qui permet d'exécuter deux cent quarante mètres de tapis, dans le même temps et avec le même travail (!) auparavant requis pour en produire cent soixante. Les ouvriers n'ont aucun droit de réclamer une part quelconque dans les profits qui résultent pour leur patron de la mise de son capital dans des machines perfectionnées. En conséquence, M. Bright a proposé d'abaisser le taux de la paye de un penny et demi par mètre à un penny, ce qui laisse le gain des ouvriers exactement le même qu'auparavant pour le même travail. Mais c'était là une réduction nominale, dont les ouvriers, comme on l'assure, n'avaient pas reçu d'avance le moindre avertissement. »

[21] « Les sociétés de résistance, dont le but constant est de maintenir le salaires, cherchent à prendre part au profit qui résulte du perfectionnement de, machines ! (Quelle horreur !)... Elles demandent un salaire supérieur, parce que le travail est raccourci... en d'autres termes, elles tendent à établir un impôt sur les améliorations industrielles. » (On Combination of Trades. New Edit. Lond., 1834, p. 42.)


Archives Lenine Archives Internet des marxistes
D�but Pr�c�dent Haut de la page Sommaire Suite Fin