1865

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Le Capital - Livre III

Le procès d'ensemble de la production capitaliste

K. Marx


§ 5 : Subdivision du profit en intérêt et profit d'entreprise. Le capital productif d'intérêts.


Chapître XXI : Le capital productif d’intérêts.

L'étude que nous avons faite dans la deuxième partie de ce volume du taux général ou moyen du profit ne nous a pas fait connaître la forme définitive de celui-ci ; nous n'avions, en effet, envisagé que le capital industriel et les différentes branches de production dans lesquelles il peut être engagé. Nous savons maintenant qu'il y a également un profit commercial et que le capital commercial intervient dans l'égalisation des taux des profits. La notion du taux moyen et du taux général est donc enserrée dans des limites plus étroites, et il conviendra dans la suite de cette étude de ne pas perdre de vue que c'est de cette notion que partiront dorénavant nos raisonnements, de sorte que lorsque nous parlerons du taux moyen du profit, nous ne penserons plus à une distinction entre le capital commercial et le capital industriel. (Que le capital fonctionne industriellement dans la production ou commercialement dans la circulation, il est soumis au même taux moyen du profit et il rapporte un profit annuel moyen qui est en rapport avec sa grandeur.)

Une somme d'argent - qu'elle existe en espèces ou sous forme de marchandises - peut être transformée en capital dans la production capitaliste, et cette transformation fait d'une valeur déterminée une valeur capable de s'augmenter d'elle-même. Cet argent devenu capital rapporte du profit et permet au capitaliste d'extraire des ouvriers du travail non payé et de s'approprier du surproduit et de la plus-value. A sa valeur d'usage comme argent s'ajoute ainsi une autre valeur d'usage, résultant de ce qu'il fonctionne comme capital et consistant dans le profit qu'il rapporte comme tel. Considéré à ce point de vue, envisagé comme une valeur susceptible de devenir un capital et de rapporter du profit, il devient une marchandise d'un genre spécial. On peut donc dire que le capital en tant que capital est une marchandise [1].

Supposons que le taux moyen du profit annuel soit de 20 %. Appliquée comme capital dans les conditions ordinaires, par un capitaliste d'une intelligence moyenne et d'une activité suffisante, une machine d'une valeur de 100 £ donnera un profit de 20 £. Un homme qui dispose de 100 £ détient donc la puissance d'en faire 120 £. S'il cède son argent à un autre qui l'applique comme capital, il lui transmet la puissance de produire 20 £ de profit et de recueillir une plus-value qui ne lui coûte rien, pour laquelle il ne paie pas d'équivalent. Si cet autre lui remet pour ce service 5 £ par an, c'est-à-dire une fraction du profit qu'il recueille, il lui paie la valeur d'usage des 100 £, la valeur d'usage de leur fonction comme capital. Cette fraction du profit constitue l'intérêt, qui n'est donc que la partie du profit que celui qui fait fonctionner le capital paie au propriétaire de ce dernier au lieu de l'empocher lui-même.

Il est évident que celui qui possède les 100 £, par le fait qu'il en est le propriétaire, a le pouvoir de prélever l'intérêt, de se faire remettre une partie du profit que produit son capital. S'il ne remettait pas ses 100 £ à un autre, celui-ci ne pourrait pas recueillir le profit et ne serait pas capitaliste, du moins pour ces 100 £ [2]. Il est absurde d'invoquer ici la justice naturelle comme le fait Gilbart (voir la note). Les transactions entre les agents de la production sont justes parce qu'elles sont des conséquences naturelles des conditions de la production, et leur valeur n'est pas déterminée par les formes juridiques sous lesquelles elles apparaissent comme l'expression de la volonté commune de ceux qui y participent et comme un contrat dont le pouvoir judiciaire peut exiger l'exécution. Leur teneur est juste ou injuste suivant qu'elles sont adéquates on non au système de production : l'esclavage et la tromperie sur la qualité de la marchandise sont également injustes dans le système capitaliste de production.

Les 100 £ donnent un profit de 20 £ parce qu'elles fonctionnent comme capital, soit industriel, soit commercial, et elles ne peuvent fonctionner comme tel qu'à la condition d'être avancées, soit pour l'achat de moyens de production (capital industriel), soit pour l'achat de marchandises (capital commercial). Si X dépensait pour ses besoins personnels les 100 £ dont il est propriétaire ou s'il les conservait simplement dans son coffre-fort, elles ne pourraient pas être engagées comme capital par le capitaliste Y, qui ne dépense pas son capital mais celui de X, et qui ne peut le faire qu'avec le consentement de X. En remontant à l'origine des choses, on peut donc dire que c'est X qui dépense les 100 £ comme capital, sa fonction de capitaliste s'arrêtant là, et que c'est à cette condition que Y peut agir comme capitaliste.

Nous étudierons d'abord la circulation particulière du capital productif d'intérêts ; nous examinerons ensuite comment il est vendu comme marchandise, c'est-à-dire prêté au lieu d'être aliéné définitivement.

Le point de départ est l'argent que X avance à Y. Cette avance peut être couverte par un gage ; mais cette forme est surannée, à moins qu'il ne s'agisse d'un prêt sur marchandises ou sur titres de crédit (lettres de change, actions, etc.), et en tout cas elle ne nous intéresse pas ici, où nous ne nous occuperons que de la forme ordinaire du capital produisant des intérêts.

Utilisé comme capital par Y, l'argent parcourt la circulation A-M-A' et revient à X en quantité A + ΔA, l'intérêt étant représenté par à A. Pour simplifier le raisonnement, nous ne considérons pas le cas où l’argent reste aux mains de Y pendant un temps assez long et où celui-ci paie périodiquement les intérêts.

Le mouvement est donc :

A-A-M-A'-A'

L'argent A dépensé comme capital figure deux fois dans cette expression, de même que le capital réalisé A' = A + ΔA.

La circulation A-M-A' du capital commercial fait passer la même marchandise par au moins deux et souvent plusieurs possesseurs, chaque changement de possesseur correspondant à une vente et les choses se répétant de la sorte jusqu'à ce que la marchandise soit achetée par celui qui la consommera. Dans la circulation M-A-M l'argent change deux fois de place et la transformation de la marchandise, qui devient d'abord argent et redevient ensuite marchandise, est complète. Au contraire, dans le mouvement du capital productif d'intérêts, l'argent change d'abord de possesseur, et ce transfert ne correspond ni à la transformation d'une marchandise, ni à la reproduction d'un capital. Cette dernière opération ne se présentera qu'au dernier déplacement de A, lorsqu'il sera dépensé par un capitaliste, industriel ou commerçant en action. Le premier mouvement de A est son transfert de X à Y, sous certaines formes et réserves juridiques.

Cette avance en deux actes de l'argent à engager comme capital (le premier acte est la remise de l'argent de X à Y) a son pendant lorsque la circulation le restitue. Il revient d'abord à Y en quantité A' = A + ΔA et Y le restitue à X en quantité A + ΔA, dans laquelle à A ne représente plus qu'une partie du profit, l'intérêt. L'argent reste aux mains de Y aussi longtemps qu'il fonctionne comme capital et il cesse d'agir comme tel dès qu’il est restitué à X qui n'a pas cessé un instant d'en être le propriétaire légal. L'argent a donc été prêté à Y et non pas vendu ; cette forme du prêt qui se substitue à la vente est caractéristique (bien qu'elle se rencontre aussi dans d'autres transactions) de ce que le capital est ici une marchandise ou de ce qu'en devenant capital l'argent devient une marchandise.

Dans le chapitre I de notre deuxième volume, nous avons vu que dans le procès de circulation l'argent agit comme capital-marchandise et comme capital-argent ; mais sous aucune de ces formes il n'est marchandise. Lorsque le capital productif transformé en capital-marchandise est envoyé au marché, il fonctionne simplement comme marchandise, et le capitaliste est vendeur de marchandise absolument comme l'acheteur est acheteur de marchandise. Engagé dans le procès de circulation, le produit doit être vendu et reconverti en argent, et il est sans importance qu'il soit acheté comme objet de consommation ou comme moyen de production. C'est donc uniquement comme marchandise et non comme capital que le capital-marchandise fonctionne dans la circulation; mais il est capital-marchandise par opposition à la marchandise pure et simple

De même, lorsque dans la circulation il a la forme de capital-argent, le capital productif agit simplement comme argent, c'est-à-dire comme moyen d'achat d'une marchandise (les moyens de production). Que cet argent soit en même temps capital-argent, cela ne résulte nullement de la fonction acquisitive qu'il accomplit en tant qu'argent, mais de la connexion de cet acte (qui ouvre le procès de production) avec le mouvement d'ensemble du capital.

Par conséquent, dans le procès de circulation le capital-marchandise et le capital-argent fonctionnent uniquement comme marchandise et comme argent; à aucun moment le capitaliste ne vend la marchandise comme capital à l'acheteur et ne remet l'argent comme capital au vendeur, bien que dans les deux cas la marchandise et l'argent représentent pour lui du capital. Ce n'est qu'au moment où une rotation s’enchaîne à l'autre, lorsque le point terminus de l'une est le point initial de l'autre, que le capital en rotation apparaît comme capital; mais alors les intermédiaires ont disparu, on se trouve en présence de A'= A + ΔA (ΔA en argent, en marchandise ou en moyens de production), c'est-à-dire une somme d'argent égale a la somme avancée plus un excédent. A ce moment - que ce soit un instant de repos réel ou fictif - le capital, sous forme de capital réalisé, n'est plus en circulation ; il représente le résultat de l'ensemble du procès. Si alors il est de nouveau dépensé, il n'est jamais aliéné comme capital, mais vendu comme marchandise ou donné en paiement comme argent. Dans la circulation, le capital productif apparaît donc exclusivement comme marchandise et comme argent, et ce sont les seules formes sous lesquelles il existe pour les autres. La marchandise et l'argent y représentent le capital, non parce que la marchandise se convertit en argent et l'argent en marchandise, non à cause de leurs rapports réels avec l'acheteur, mais à cause de leurs rapports idéaux, au point de vue subjectif, avec le capitaliste et, au point de vue objectif, avec le procès de reproduction. Le capital est capital, non dans la circulation, mais uniquement dans la production où se fait l'exploitation de la force de travail.

Il en est autrement du capital productif d'intérêts et c'est ce qui le caractérise. Celui qui veut faire de son argent un capital rapportant un intérêt, le lance dans la circulation, l'aliène à un tiers, en fait une marchandise. Alors l'argent n'est pas seulement capital pour lui, il l'est pour d'autres ; il est cédé à des tiers comme une valeur d'usage ayant la propriété d'engendrer de la plus-value et du profit, comme une valeur qui se conserve pendant qu'elle circule et qui lorsqu'elle a fonctionné revient à celui qui l'a avancée. L'argent ne passe ainsi que temporairement de celui qui le possède à celui qui le fera valoir comme capital; ni remis en paiement, ni vendu, simplement prêté, il doit faire retour au bout d'un certain temps à celui qui l'a émis, à l'état de capital réalisé, augmenté d'une plus-value.

Alors qu'une marchandise ne peut être prêtée, selon sa nature, que sous forme de capital fixe ou de capital circulant, l'argent peut être prêté sous les deux formes et entre autres comme capital fixe, lorsqu'il doit être restitué en rentes viagères, remboursant chaque année avec l'intérêt une partie du capital. Certaines marchandises, comme une maison, un navire, une machine, ont une valeur d'usage telle qu'elles ne peuvent faire l'objet que d'un prêt de capital fixe. Elles doivent néanmoins, comme tout capital prêté, quelle qu'en soit la forme et quelqu'influence celle-ci puisse avoir sur le mode de remboursement, être considérées comme capital-argent, car c'est toujours d'après une somme d'argent que se calcule l'intérêt. Quant au remboursement, s'il s'agit d'un prêt qui n'a été fait ni en argent, ni en capital circulant, il doit être effectué suivant les règles qui président à la reconstitution du capital fixe : le prêteur reçoit périodiquement, outre l'intérêt, l'équivalent de l'usure de l'objet prêté. Si le capital prêté est du capital circulant, il fait retour au prêteur suivant les règles que nous avons étudiées pour le reflux du capital. Or ce reflux dépend, dans chaque cas particulier, de la nature et du mode de reproduction. Quand il s'agit d'un capital prêté, il doit évidemment avoir la forme d'un remboursement, étant donné que l'avance a la forme d'un prêt.

Dans ce chapitre, nous ne nous occuperons que du capital-argent proprement dit, dont dérivent d'ailleurs les autres formes sous lesquelles il est possible de prêter du capital.

Le capital prêté reflue à deux personnes : d'abord, par le procès de reproduction, au capitaliste qui l'a fait valoir; ensuite au prêteur, au capitaliste d'argent, qui en est resté propriétaire.

Dans la circulation, le capital existe ou comme marchandise ou comme argent, et son mouvement, qui consiste en une série d'achats et de ventes, se ramène à la transformation de la marchandise. Il en est autrement lorsque l'on envisage l'ensemble du procès de reproduction. Quand nous partons de l'argent ou de la marchandise (celle-ci devant être considérée au point de vue de sa valeur, doit être en définitive ramenée à l'argent), nous pouvons dire qu'une somme d'argent est dépensée pour parcourir un cycle déterminé, après lequel elle revient à son point de départ, non seulement conservée, mais augmentée de plus-value. Ce mouvement circulatoire avec l'accroissement de valeur qui l'accompagne caractérise également l'argent prêté comme capital. Mais cet argent n'est dépensé ni comme argent servant à acheter des marchandises, ni comme marchandise devant être convertie en argent; il est dépensé comme capital. Alors que la conception de l'argent engagé dans la production ne va pas sans l'idée de tous les mouvements intermédiaires qui lui permettent d'engendrer de l'argent, cette dernière propriété est considérée simplement comme caractéristique du capital prêté et c'est pour cette raison qu'il peut être aliéné comme capital-argent.

Proudhon a une singulière conception du rôle du capital-argent (Gratuité du crédit. Discussion entre M. F. Bastiat et M. Proudhon, Paris 1850). Prêter lui paraît mauvais, parce que prêter n'est pas vendre. Prêter à intérêt

« est la faculté de vendre toujours de nouveau le même objet et d'en recevoir toujours de nouveau le prix sans jamais céder la propriété de ce qu'on vend » (p. 9) [3].

L'objet prêté, que ce soit de l'argent ou une maison, ne change pas, il est vrai, de propriétaire comme dans la vente-achat; mais - et c'est ce que Proudhon ne voit pas - celui qui remet à un autre de l'argent comme capital devant lui rapporter un intérêt n'en reçoit aucun équiva­lent. Dans la vente-achat on donne l'objet et on en cède la propriété, mais on n'en donne pas la valeur : lorsqu'il s'agit d'une vente, on reçoit en échange de la marchandise cédée sa contre-valeur sous forme d'argent ou d'une créance, et lorsqu'il est question d'un achat, on ne remet l'argent qu'en échange d'une marchandise. De sorte que pendant tout le procès de reproduction, le capitaliste indus­triel retient en sa possession la même valeur (abstraction faite de la plus-value) sous des formes différentes.

De ce qu'il y a échange d'objets, il ne résulte pas qu'il y a changement de valeurs : le même capitaliste détient toujours la même valeur. De même l'échange n'est pas créateur de plus-value, car lorsqu'il a lieu la plus-value est déjà incorporée à la marchandise. Lorsque l'on considère, non des actes isolés d'échange, mais l'ensemble du capital social dans la circulation A - M - A', on voit que continuellement une valeur est engagée dans la circulation pour en être retirée plus lard, lorsqu'elle est augmentée de plus-value ou de profit. Les opérations qui déterminent ce résultat ne sont pas visibles dans les simples actes d'échange, bien qu'elles soient l’origine et la base de l'intérêt du prêteur.

« En effet, dit Proudhon, le chapelier qui vend des chapeaux ne s’en prive pas. Non, car il reçoit de ses chapeaux, il est censé du moins en recevoir immédiatement la valeur, ni plus ni moins. Mais le capitaliste prêteur non seulement n'est pas privé, puisqu'il rentre intégralement dans son capital; il perçoit plus que le capital, plus que ce qu'il apporte à l'échange ; il reçoit, en sus du capital, un intérêt. » (p. 169)

Le chapelier représente, dans l'exemple, le capitaliste producteur par opposition au prêteur. Proudhon n'a évidemment pas pénétré le mystère qui fait que le capitaliste producteur peut vendre la marchandise à sa valeur (l'égalisation des prix de production est sans impor­tance pour sa conception) et recevoir un profit en sus du capital qu'il verse à l'échange. Supposons que le prix de production de 100 chapeaux soit de 115 £ et que le hasard veuille que ce prix soit égal à la valeur des chapeaux, c'est­ à-dire que le capital produisant ces derniers ait la compo­sition moyenne. Si le taux du profit est de 15 %, le chapelier réalisera un profit de 15 £ en vendant ses chapeaux à 115 £, ce qui indiquera qu'ils ne lui ont coûté que 100 £. S'il a opéré avec un capital qui lui appartient, il empochera les 15 £; sinon il devra remettre 5 £ comme intérêt à celui qui lui a avancé l'argent. La valeur des chapeaux reste la même dans les deux cas, mais la répartition de la plus­-value ne se fait plus de la même manière, et comme la valeur n'est pas affectée par le paiement de l'intérêt, Proudhon a tort de s'écrier :

« Il est impossible que l'intérêt du capital s'ajoutant, dans le commerce, au salaire de l'ouvrier pour composer le prix de la marchandise, l'ouvrier puisse racheter ce qu'il a lui-même produit. Vivre en tra­vaillant est un principe qui, sous le régime de l'intérêt, implique une contradiction. » (p. 105) [4].

La phrase suivante dans laquelle le mouvement du capital est décrit comme mouvement d'un capital productif d'intérêts, démontre combien peu Proudhon s'est rendu compte de la nature du capital.

« Comme par l'accumulation des intérêts, le capital-argent, d'échange en échange, revient toujours à sa source il s'ensuit que la relocation toujours faite par la même main, profite toujours au même personnage ».

Mais quel est donc l'aspect qui lui échappe dans le mouvement spécial du capital productif d'intérêts ? Ce sont les catégories achat, prix, cession d'objets, et la forme immédiate de la plus-value, en un mot ce fait que le capital est devenu marchandise, que la vente s'est transformée en prêt et que le prix représente une part du profit.

La circulation de tout capital a pour caractéristique de le ramener à son point de départ, et ce retour au point initial n'est pas une propriété spéciale du capital productif d'intérêts; mais ce qui caractérise ce dernier c'est la forme du retour, indépendante de la circulation intermédiaire. Le capitaliste prêteur remet son capital au capitaliste industriel, sans en recevoir l'équivalent. Cette cession ne fait pas partie du cycle du capital : elle n'en est que la préparation. Rien n'est modifié non plus quant à la propriété du capital, car il n'y a pas eu échange ; l'acte de cession est complété par la restitution au prêteur du capital qu'il a prêté. Le procès de reproduction fait, il est vrai, refluer l'argent au capitaliste industriel ; mais comme l'argent ne lui appartenait pas lorsqu'il a été engagé, il n'est pas sien non plus quand le cycle le rend, et il doit être restitué au prêteur. La remise du capital par le prêteur à l'emprunteur est une transaction juridique, qui reste en dehors du procès de reproduction ; il en est de même de sa restitution par l'emprunteur au prêteur. La première de ces transactions prépare le procès de reproduction ; l'autre en est le complément, et au point de vue de la reproduction en elle-même, il est indifférent que le capital appartienne ou non au capitaliste industriel qui le fait valoir. Quant à la transaction entre le prêteur et l'emprunteur - si l'on fait provisoirement abstraction de l'intérêt - on peut dire que le mouvement du capital prêté comprend uniquement la remise de l'argent par le prêteur et sa restitution par l'emprunteur, ces deux opérations étant séparées par un temps plus ou moins long pendant lequel a lieu la reproduction. Et cette cession à charge de restitution est la forme spécifique de l'aliénation conditionnelle de l'argent ou de la marchandise.

Le retour de l'argent au point initial, au capitaliste, qui caractérise le mouvement du capital en général, présente, quand il s'agit du capital productif d'intérêts, une forme extérieure ne répondant nullement au mouvement réel. X donne son argent, non comme argent, mais comme capital. Cependant l'argent ne se transforme réellement en capital que dans les mains de Y, ce qui n'empêche que pour X il soit devenu capital par ce seul fait qu'il a été remis à Y. C'est à ce dernier que l'argent reflue du procès de production et de circulation; mais Y le restitue à X, qui voit donc rentrer son argent sous la même forme qu'il l'a donné. La cession de l'argent pour un temps donné, sa restitution avec un intérêt (une plus-value) déterminé, tel est tout le mouvement du capital productif d'intérêts ; quant au mouvement de l'argent agissant comme capital, il s'effectue en dehors des transactions entre le prêteur et l'emprunteur, et n'y apparaît même pas.

Comme marchandise d'une nature spéciale, le capital productif d'intérêts est caractérisé par une forme particulière d'aliénation. Il fait retour à celui qui l'a prêté, non parce que ce retour est la finale d'une série d'opérations économiques, mais parce que la convention juridique conclue entre l'acheteur et le vendeur le veut ainsi. Cependant cette convention dépend nécessairement de la durée du procès de reproduction et c'est seulement en apparence qu'elle est une stipulation arbitraire entre le prêteur et l'emprunteur. En réalité les transactions entre ces derniers sont déterminées par les conditions de la reproduction, mais rien dans ces transactions n'indique qu'il en est ainsi et parfois la pratique révèle le contraire. C'est ainsi que le capital peut ne pas revenir au point initial dans le délai qui avait été prévu, ce qui mettra l'emprunteur dans la nécessité de faire appel à d'autres ressources pour pouvoir tenir ses engagements.

La cession d'un capital A et son retour après un certain temps en quantité A + (A / x), sans que rien n'apparaisse des opérations intermédiaires qui ont amené cette transformation, n'est donc que le mouvement apparent du capital. Dans le mouvement effectif le retour est une phase du procès de circulation. En effet, l'argent est converti d'abord en moyens de production ; le procès de production en fait ensuite une marchandise, que la vente reconvertit en argent, qui reflue au capitaliste qui l'a avancé. Dans le mouvement du capital productif d'intérêts, au contraire, l'avance et le retour de l'argent sont simplement provoqués par une transaction juridique, dans laquelle n'apparaît aucune des opérations intermédiaires. Il peut en être ainsi parce que le prêteur remet son argent à un capitaliste et que l'argent engagé comme capital a la propriété de retourner à celui qui l'avance, A-M-A' étant la forme immanente du mouvement du capital revenant augmenté à son point de départ. Le prêteur donne donc son argent comme capital, parce que comme tel il a la propriété de revenir à son point de départ, c'est-à-dire au capitaliste emprunteur qui l'a appliqué et qui, lorsqu'il est revenu, peut le restituer.

Lorsque de l'argent est prêté comme capital, la condition est qu'il soit réellement appliqué comme capital, c'est-à-dire qu'il revienne à son point de départ. Le cycle du capital est donc la base de la transaction juridique qui intervient entre le prêteur et l'emprunteur. Il est loisible, il est vrai, â l'emprunteur de ne pas utiliser comme capital l'argent qu'il emprunte ; il n'est pas moins vrai que le prêteur le lui avance comme capital, c'est-à-dire à la condition qu'il fasse retour, sous forme d'argent, à son point de départ.

Les actes de circulation A–M et M-A', dans lesquels la valeur fonctionne comme argent ou comme marchandise, ne sont que des phases du mouvement d'ensemble. Comme capital la valeur accomplit tout le mouvement A-A' : avancée comme valeur en argent ou sous toute autre forme, elle revient comme valeur. Le prêteur ne la dépense pas pour acheter des marchandises ou la convertir en argent ; il l'avance comme capital, comme valeur devant, après un certain temps, revenir à son point de départ. Il la prête et le prêt est la forme qu'il choisit pour l'aliéner comme capital, ce qui ne veut pas dire que le prêt ne puisse pas être la forme adoptée pour d'autres transactions qui n'ont rien à voir avec la reproduction capitaliste.

Jusqu'ici nous n'avons considéré que le mouvement que le capital prêté accomplit entre le propriétaire et le capitaliste industriel. Nous avons maintenant à nous occuper de l’intérêt.


La somme que le prêteur remet à l'emprunteur est un capital et comme tel elle a la propriété de lui revenir. Mais ce simple retour ne suffit pas pour en faire un capital; il faut encore que le mouvement dans lequel elle se trouvera engagée, non seulement la conserve, mais l'augmente et la restitue avec une plus-value à A. Cette plus-value porte le nom d'intérêt ; c'est la partie du profit moyen qui ne reste pas à l'industriel et qui va au prêteur.

Le fait que l'argent A a été prêté comme capital signifie donc qu'il doit être restitué en quantité A + ΔA. Nous examinerons plus tard la forme de prêt qui admet que l'intérêt étant payé périodiquement, le capital ne soit restitué qu'après une période plus longue.

C'est l'acte d'aliénation qui fait de l'argent prêté un capital, une marchandise ; plus exactement, le prêt a pour conséquence que la marchandise (argent) du prêteur est remise à un tiers comme capital.

Qu'aliène-t-on dans la vente ordinaire ? Évidemment pas la valeur de la marchandise vendue, car celle-ci ne fait que changer de forme ; avant de devenir argent dans la main du vendeur, elle existait idéalement dans le prix de la marchandise et la vente l'a fait simplement passer de la forme marchandise à la forme argent. Ce qui est aliéné réellement c'est la valeur d'usage de la marchandise; c'est elle que le vendeur cède à l'acheteur avec la faculté de la faire passer dans sa consommation productive ou improductive.

Quelle est maintenant la valeur d'usage que le capitaliste d'argent aliène pour la durée du prêt au capitaliste industriel ? C'est la valeur d'usage que l'argent acquiert par ce fait que par l'aliénation il devient capital, ayant la propriété, non seulement de conserver sa valeur primitive, mais d'engendrer de la plus-value, de produire le profit moyen. Dans la marchandise ordinaire la valeur d'usage finit par être consommée et par ce fait s'évanouissent la substance de la marchandise et sa valeur. La marchandise-capital, au contraire, présente ce caractère que non seulement la consommation de sa valeur d'usage conserve celle-ci et par conséquent sa valeur, mais en outre l'augmente.

C'est cette valeur d'usage de l'argent devenu capital, cette propriété de donner du profit moyen, que le capitaliste d'argent aliène au capitaliste industriel, pendant le temps qu'il lui prête son argent.

L'argent prêté a donc une certaine analogie avec la force de travail en ce qui concerne son rapport avec le capitaliste industriel, avec cette différence cependant que celui-ci paie la valeur de la force de travail, alors qu'il ne fait que restituer la valeur du capital emprunté. La force de travail est une valeur d'usage pour l'industriel parce qu'en la consommant il en retire plus de valeur (le profit) qu'elle n'en contient et qu'elle n'en coûte; sa valeur d'usage consiste précisément dans l'excédent de valeur qu'elle fournit. De même la valeur d'usage du capital-argent prêté réside dans sa propriété d'augmenter de valeur.

L'analogie est complète entre la marchandise et la valeur d'usage qu'aliène le capitaliste prêteur lorsqu'il prête son argent. D'abord, c'est bien une valeur qui passe d'une main à une autre, avec cette différence que lorsqu'il s'agit de la vente d'une marchandise, une même valeur, en changeant, il est vrai de forme, reste au vendeur et à l'acheteur, tandis que dans le prêt d'argent, le capitaliste prêteur est seul à remettre une valeur et l'emprunteur seul à en recevoir une. En second lieu, d'un côté comme de l'autre, l'une des parties aliène une valeur d'usage que l'autre reçoit et consomme ; mais quand il s'agit du prêt, cette valeur d'usage est elle-même une valeur, en ce qu’elle représente le surcroît de valeur que rapportera le fonctionnement de l'argent comme capital; c'est le profit qui constitue cette valeur d'usage.

L'argent prêté est une valeur d'usage en ce qu'il a la propriété de pouvoir fonctionner comme capital et de produire, dans les circonstances moyennes, le profit moyen [5]. Mais que paie l'industriel qui l’emprunte et quel est, d'après cela, le prix du capital prêté ?

« L'intérêt qu'on paie, dit Massie, pour l'usage de ce que l'on emprunte, est une partie du profit que ce que l'on emprunte peut produire » [6].

En devenant acquéreur d'une marchandise ordinaire, l'acheteur en achète la valeur d'usage et en paie la valeur. L'emprunteur achète également la valeur d'usage de l'argent qu'on lui prête ; mais que paie-t-il ? Certainement pas, comme pour une autre marchandise, le prix et la valeur ; en passant du prêteur à l'emprunteur, la valeur ne change pas de forme comme lorsqu'elle passe du vendeur à l'acheteur, entre lesquels de marchandise elle devient argent et réciproquement. L'identité de ce qui est donné avec ce qui est reçu se manifeste ici d'une autre manière ; l'argent est donné sans qu'un équivalent soit cédé en échange et il est restitué après un certain temps. Le prêteur ne cesse d'en être propriétaire, même après qu'il l'a remis à l'emprunteur. Dans l’échange simple de marchandises, l'argent est toujours du côté de l'acheteur; dans le prêt il est toujours du côté du vendeur et celui-ci le cède pour une durée déterminée à l'acheteur de capital qui le reçoit comme marchandise. Évidemment il n'en est ainsi que pour autant que l'argent soit avancé pour être utilisé, comme capital. Au moment où il est cédé par le prêteur il n'est qu'un capital virtuel, comme tout capital à l'instant où il est avancé ; par l’usage, il devient réellement un capital et c'est comme capital réalisé, comme valeur augmentée de plus-value, que l'emprunteur doit le restituer ; seulement la plus-value (l'intérêt) qu'il remet au prêteur n'est qu'une partie du profit qu'il a recueilli, car l'argent qu'il a emprunté n'a été pour lui une valeur d'usage qu'à la condition qu'il lui laisse un profit. Il va sans dire que tout le profit ne peut pas être retenu par l'emprunteur; sinon il ne paierait rien pour l'usage de la valeur qui lui a été aliénée et il se bornerait à restituer l'argent simplement comme de l'argent et non comme un capital réalisé, un capital devenu A + ΔA.

Le prêteur et l’emprunteur avancent tous les deux une somme comme capital, mais cette somme, la même pour les deux, ne fonctionne comme capital que dans les mains du dernier. Aussi le profit n'est-il pas double, bien que deux personnes aient fait une avance, de capital. Au contraire, la somme prêtée ne peut fonctionner comme capital pour les deux qu'à la condition que le profit soit partagé entre elles et qu'une part, appelée intérêt, soit attribuée au prêteur.

Ainsi que nous l'avons dit en commençant, nous admettons que la transaction que nous venons d’analyser se passe entre deux capitalistes, un capitaliste d'argent et un capitaliste industriel ou commerçant. Dans cette transaction, le capital en tant que capital est une marchandise et la marchandise est un capital. Les rapports que nous avons passés en revue seraient irrationnels, si on les appliquait à la marchandise simple ou au capital fonctionnant dans le procès de reproduction comme capital-marchandise. S'il a été question de prêt et d'emprunt et non de vente et d'achat, d’intérêt et non de prix, c'est que nous avons considéré une marchandise - le capital - d'une nature spéciale, et il serait irrationnel et contraire à la conception du prix de la marchandise, d'appeler l'intérêt le prix du capital-argent [7]. Le prix est ramené ici à une forme purement abstraite ; il exprime une somme d'argent qui est payée pour quelque chose qui figure comme valeur d'usage de telle ou de telle manière, alors que le prix. dans sa conception vraie, est l'expression de la valeur d'une valeur d'usage.

Faire de l'intérêt le prix du capital reviendrait à assigner deux valeurs à une marchandise, d'abord sa valeur et ensuite un prix (or celui-ci est l'expression en argent de la valeur) différent de cette valeur. Le capital-argent n'est qu'une somme d'argent ou la valeur exprimée en argent d'une quantité déterminée de marchandises. Lorsqu'une marchandise est prêtée comme capital, c'est comme s'il s'agissait d'une somme d'argent; ce ne sont pas tant ou tant de livres de coton qui sont données en prêt, mais autant d'argent existant sous forme de coton. Le prix du capital se calcule donc d'après la somme d'argent qu'il représente et non d'après la currency, comme le croit M. Torrens (voir la note 1, p.390.) Comment une valeur pourrait-elle avoir un prix autre que son propre prix, celui qui lui vient de ce qu'elle existe en argent ? Le prix n'est-il pas la valeur de la marchandise, différente de sa valeur d'usage, et même n'en est-il pas ainsi du prix du marché qui diffère de la valeur quantitativement et non qualitativement ? Un prix, qui qualitativement serait différent de la valeur, serait un non sens [8].

Le capital ne devient capital que lorsqu'il est mis en valeur et il est d'autant plus capital que sa mise en valeur est plus productive ; le taux de la plus-value ou du profit qu'il produit ne peut donc être apprécié que pour autant que l'on rapporte la masse de plus-value ou de profit à la valeur du capital avancé. Cette règle s'applique évidemment au capital productif d'intérêts, dont le degré de mise en valeur doit être mesuré en rapportant au capital prêté la somme payée comme intérêt, c'est-à-dire la part du profit que l'emprunteur doit céder au prêteur. Par conséquent si le prix exprime la valeur de la marchandise, l'intérêt exprime la mise en valeur du capital-argent et il est le prix que le prêteur paie pour ce capital. On voit dès lors combien Proudhon est absurde lorsqu'il applique directement, dans cette circonstance, le rapport simple de la vente-achat opérée par l'intermédiaire de l'argent. La condition fondamentale est que l'argent fonctionne comme capital et c'est parce qu'il est capital en soi, capital potentiel, qu'il peut être transféré à une tierce personne.

Le capital se présente cependant ici comme une marchandise, étant donné qu'il fait l'objet d'une offre sur le marché et que c'est la valeur d'usage de l'argent qui est aliénée comme capital. Cette valeur d'usage réside dans la propriété de produire du profit. La valeur de l'argent ou des marchandises faisant office de capital n'est pas déterminée par leur valeur comme argent ou comme marchandise, mais par la quantité de plus-value qu'ils produisent pour celui qui les possède. Le produit du capital est le profit et, dans la production capitaliste, dépenser de l'argent comme argent et l'avancer comme capital sont deux opérations absolument différentes. L'argent, de même que la marchandise, de même que le travail est du capital à l'état potentiel, car :

Déjà l'appropriation individuelle du capital exprime, sans l'intervention du procès de production, l'opposition entre la richesse matérielle et le travail salarié. En effet, l'argent et également la marchandise peuvent être vendus comme capital, ayant la puissance de commander au tra­vail d'autrui et de s'en approprier le produit, d'agir par conséquent comme valeur capable de produire de la valeur.

Et c'est ce caractère et non un travail qu'il accomplirait qui constitue pour le capitaliste les titres et les moyens qui lui permettent de s'approprier le travail des autres.

La qualité de marchandise doit encore être attribuée au capital, parce que le partage du profit entre l'intérêt et le profit proprement dit est réglé par l'offre et la demande, par la concurrence, de même que les prix des marchandises. Mais à cette analogie correspond une différence qui est non moins frappante. Lorsque l'offre est égale à la demande, le prix du marché de la marchandise équivaut à son coût de production, et il est déterminé par les lois immanentes de la production capitaliste, indépendamment de la concurrence. Il en est de même du salaire, qui lorsque l'offre et la demande se paralysent, est égal à la valeur de la force de travail. Mais les choses se passent autrement pour l'intérêt. Ici la concurrence ne provoque aucune déviation de la loi, pour la bonne raison qu'elle règne en souveraine pour fixer la règle suivant laquelle se fait le partage, et qu'il n'existe pas, ainsi que nous le verrons plus loin, un taux « naturel » de l'intérêt. (Ce que l'on appelle « taux naturel » est plutôt le taux déterminé par la libre concurrence.)

Tout est apparence dans le capital productif d'intérêts l'avance du capital se présente comme un simple transfert d'argent du prêteur à l'emprunteur et le retour du capital se réalise comme une simple restitution, avec intérêt. On ne voit nullement que le taux du profit dépend, non seulement, du rapport entre la masse de profit réalisé pendant une rotation et le montant du capital avancé, mais aussi de la durée de la rotation ; le prêteur reçoit simplement un intérêt après un temps déterminé.

Avec sa pénétration profonde de la connexion intime des choses, le romantique Adam Muller, dit dans ses Elemente der Staatskunst (Berlin, 1809, p. 37) :

« Le temps, dont on ne s'inquiète pas quand il s'agit de fixer le prix des choses, est un facteur essentiel pour la fixation de l'intérêt ».

Il ne voit pas que le temps de production et le temps de circulation sont des éléments du prix des marchandises, et que le taux du profit, qui dépend de la durée de la rotation, détermine le taux de l'intérêt. Sa perspicacité s'arrête, ici comme partout, à la poussière qui recouvre les choses et elle en fait prétentieusement un phénomène mystérieux et important.


Notes

[1] Nous aurions à reproduire ici quelques passages dans lesquels les économistes considèrent les choses sous cet aspect. Bornons-nous à citer la question suivante qui fut posée à un directeur de la Banque d'Angleterre au cours de l'enquête pour le Report on Bank Acts. House of C. 1857 : « Vous (la Banque d'Angleterre) êtes des commerçants très importants de la marchandise capital ? »

[2] « C'est un principe évident de justice naturelle que celui qui emprunte de l'argent pour en retirer un profit, doit céder une partie de ce dernier au prêteur. » Gilbart, The History and Principles of Banking, London, 1834, p. 163.

[3] Cette phrase n'est pas de Proudhon. Elle est de F. Chevé qui a signé la première lettre à Bastiat sur la gratuité du crédit.

[4] « Une maison », « de l'argent », etc., doivent donc, selon Proudhon, non pas être prêtés comme « capital », mais aliénés comme « marchandise » ... au prix de revient (p. 44). Luther avait une conception un peu plus élevée que lui. Il savait déjà que le profit est indépendant de ce qu'il y a prêt ou achat : « Ils transforment également le commerce en usure. Mais ne nous occupons pas de tout en une fois. Considérons d'abord l'usure qui accompagne le prêt et quand nous aurons réprimé celle-ci (à la fin du monde), nous censurerons à son tour l'usure dans le commerce ». (M. Luther, An die Pfarherrn wider den Wucher zu predigen, Wittenberg, 1525).

[5] « L'équité de l'intérêt dépend, non de ce qu'un profit est réalisé ou non, mais de ce que la somme prêtée est capable d'en produire un lorsqu'elle est bien employée. » (An Essay of the Governing Causes of the Natural Rate of Interest, wherein the Sentiments of Sir W. Petty and Mr. Locke, on that head, are considered, Londres, 1750, p. 49. (L'auteur de cet écrit anonyme est J. Massie).

[6] « Les gens riches, au lieu d'employer leur argent eux-mêmes... le prêtent à d'autres pour que ceux-ci en retirent un profit, dont ils leur abandonnent une part.» (op. cit., p. 23).

[7] « L'expression valeur (value) employée quand il s'agit de la circulation a trois sens … 2° Circulation actuelle (currency actually) comparée à ce que sera la circulation à une date ultérieure. Alors la valeur dépend du taux de l'intérêt, du rapport entre l'offre et la demande de Capital ». R. Torrens, On the Operation of the Bank Charter Act of 1844, etc., D1 édition, 1847.

[8] « L'ambiguïté des expressions valeur de la monnaie ou valeur de la currency employées indifféremment, ainsi qu'on le fait pour désigner la valeur d'échange des marchandises et la valeur d'usage du capital, est une source permanente de confusion » (Tooke, Inquiry into the Currency Principle, p. 77). - Tooke ne voit pas que la confusion provient avant tout de ce que la valeur proprement dite (l'intérêt) est considérée comme valeur d'usage du capital.


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