1865

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Le Capital - Livre III

Le procès d'ensemble de la production capitaliste

K. Marx

§ 6 : La transformation d'une partie du profit en rente foncière


Chapître XL : La seconde forme de la rente différentielle (la rente différentielle II)

Jusqu'à présent nous n'avons considéré que la rente différentielle résultant des différences de productivité d'avances égales de capital pour des terres de même étendue et de fertilités différentes, c'est-à-dire déterminée par la différence entre le produit du capital engagé dans la terre la plus mauvaise ne donnant pas de rente, et celui du capital appliqué à des terres plus fertiles. Nous avons considéré toutes les avances de capital comme se faisant pour des terres situées l'une à côté de l'autre, de sorte qu'à toute nouvelle avance de capital correspondaient la culture d'une terre nouvelle et une extension de l'étendue cultivée. En définitive, la rente différentielle que nous avons étudiée est matériellement le résultat des inégalités de productivité de capitaux de même importance appliqués à la terre. Y aurait-il une différence si ces capitaux de productivités inégales étaient appliqués successivement à la même terre au lieu de l'être avec les mêmes résultats à des terres différentes ?

Il est indéniable qu'en ce qui concerne le surprofit, il est indiffèrent que 18 £ de surprofit soient obtenues en appliquant successivement 12 £ de frais de production (dont 10 £ de capital) à un acre d'une seule et même terre ou en appliquant 3 £ de frais de production à un acre d'une terre A produisant 1 quarter, 3 £ de frais de production à un acre d'une terre B produisant 2 quarters et par conséquent 3 £ de surprofit, 3 £ de frais de production à un acre d'une terre C produisant 3 quarters et 6 £ de surprofit, enfin 3 £ de frais de production à une terre D produisant 4 quarters et 9 £ de surprofit. D'un côté, un capital de 10 £ sera avancé par 4 parties de 2 ½  £ appliquées à 4 acres d'inégales fertilités, situés l'un à côté de l'autre ; de l'autre côté, le capital de 10 £ sera appliqué en quatre fois sur un seul et même acre. De part et d'autre les surprofits et les taux des surprofits se forment de la même manière pour les différentes parties du capital avancé. Mais il n'en est pas de même de la transformation du surprofit en rente - la rente n'est qu'une autre forme du surprofit - et celle-ci présente, quand la première métbode est appliquée, des difficultés qui expliquent l'opposition opiniâtre des fermiers anglais à l'établissement d'une statistique agricole officielle et leurs discussions avec les propriétaires quand il s'agit de constater les résultats réels de leurs avances de capitaux (Morton). La rente étant fixée au moment de la signature du bail, les fermiers empochent pendant toute la durée de celui-ci les surprofits résultant de leurs avances successives de capital ; de là leur tendance à contracter des baux à long terme, tendance qui entre en conflit avec le désir des landlords de ne conclure que des contrats pouvant être dénoncés d'année en année.

Il est donc certain que s'il est indifférent au point de vue de la formation du surprofit que des capitaux égaux soient appliqués simultanément avec des résultats inégaux sur des terres d'étendues égales ou qu'ils soient appliqués successivement sur une même terre, les deux systèmes présentent une différence importante en ce qui concerne la transformation du surprofit en rente foncière ; cette transformation se fait pour le dernier système dans des limites plus étroites et plus variables. C'est ce qui explique que dans les pays de culture intensive - nous entendons par là la concentration du capital sur une seule et même terre au lieu de son application à plusieurs terres situées l'une à côté de l'autre la profession des taxateurs, comme le constate Morton dans ses Ressources of Estates, devient très importante, très compliquée et très difficile. Lorsque les avances faites ont entraîné avant tout des améliorations permanentes du sol, l'augmentation artificielle de la fertilité différentielle se confond à la fin du bail avec la fertilité naturelle, et la rente peut être évaluée comme s'il s'agissait de terres de fertilités inégales. Au contraire, lorsque le surprofit dépend de l'importance du capital d'exploitation, la rente est déterminée, pour un capital d'exploitation donné, d'après la rente moyenne du pays, et il est indispensable que le nouveau fermier dispose d'un capital suffisant pour continuer la culture d'une manière également intensive.


Les points suivants doivent encore être mis en évidence pour l'étude de la rente différentielle Il :

Primo. - La rente différentielle Il a pour base et pour point de départ, non seulement dans la suite des temps, mais à chaque époque déterminée, la rente différentielle I, c'est-à-dire l'exploitation de terres de fertilités et de situations différentes cultivées en même temps.

Qu'il en soit ainsi historiquement, cela va de soi. Ceux qui fondent des colonies disposent de peu de capital et n'ont guère comme éléments de production que la terre et leur travail. Chaque chef de famille cherche à établir pour lui et les siens un champ d'occupation indépendant de ceux de ses compagnons. Il doit en être de même dans l'agriculture proprement dite, avant l'application de la production capitaliste. Chez les peuples pasteurs et en général chez ceux où l'élevage du bétail est érigé en branche de production indépendante, la terre est plus ou moins exploitée en commun et cette exploitation est extensive dès le début. La production capitaliste part de systèmes dans lesquels les moyens de production étaient en fait et en droit la propriété de ceux qui cultivaient la terre, et c'est lentement que les moyens de produire se transforment en capital, pendant que les producteurs immédiats deviennent des salariés. La première apparition bien caractéristique de la production capitaliste a lieu dans l'élevage des moutons et des bestiaux, et elle est suivie de la concentration du capital, non sur des terres d'étendues relativement restreintes, mais dans l'exploitation sur une grande échelle, où cette concentration permet de faire des économies de chevaux et d'autres éléments de production. Le point de départ n'est donc pas l'application de plus de capital sur la même étendue de terre, d'autant plus qu'il est conforme aux lois naturelles de l'agriculture que le capital ne devient un élément décisif de la productivité du sol que lorsque l'exploitation agricole a atteint un certain degré de développement et qu'elle a épuisé le sol jusqu'à un certain point C'est donc bien la rente différentielle I qui est le point de départ historique. D'autre part, lorsqu'on limite l'observation a un moment déterminé, on constate toujours que la rente différentielle Il ne fait son apparition que sur des terres où le barriolage de la rente différentielle I est déjà en vigueur.

Secundo. - Dans la rente différentielle Il apparaissent, à côté des différences de fertilité, les inégalités des fermiers au point de vue du capital et du crédit dont ils jouissent. Dans la manufacture, il ne tarde pas à s'établir pour chaque branche de production, un minimum d'importance des affaires, un minimum des avances de capital, au-dessous duquel aucune entreprise n'est possible. Un capital dépassant ce minimum représente le capital moyen dont doivent disposer ceux qui veulent réaliser le profit moyen, alors qu'un capital plus considérable assure un profit exceptionnel et qu'un capital moindre donne un profit moins élevé que le profit moyen. Ce n'est que lentement et inégalement, ainsi que le montre l'Angleterre, que la production capitaliste s'empare de l'agriculture. Aussi longtemps que la libre importation des céréales est interdite ou sans influence, ce sont les producteurs qui cultivent les terres les plus mauvaises et produisent dans des conditions plus défavorables que les conditions moyennes, qui fixent le prix du marché et disposent d'une grande partie du capital consacré à l'agriculture.

Le fait que le paysan cultivant une petite parcelle et y appliquant une grande quantité de travail met en œuvre un travail isolé, dépourvu des conditions tant sociales que matérielles de la productivité, a pour effet que les fermiers capitalistes peuvent s'approprier une partie du surprofit. Il n'en serait pas de même, du moins dans une mesure sensible, si la production capitaliste était développée dans l'agriculture autant que dans la manufacture.

Examinons d'abord comment se forme le surprofit dans le cas de la rente différentielle II, sans nous préoccuper des conditions qui sont nécessaires pour que ce surprofit se transforme en rente. Nue de cette manière, la rente différentielle Il n'est qu'une autre expression de la rente différentielle I. Les différences de fertilité donnent lieu à la rente différentielle I, parce que l'application de capitaux égaux fournit des résultats inégaux. Que cette inégalité se produise lorsque des capitaux différents sont appliqués successivement à la même terre ou lorsque des capitaux sont avancés pour différentes terres de qualité inégale, il n'est pas moins vrai que la rente différentielle a pour base des différences de fertilité ou de productivité et qu'elle résulte de ce que pour une même avance de capital la fertilité n'est pas la même pour les différentes espèces de terres.

Si, dans le tableau I, le capital de 10 £, qui est avancé par quatre parties de 2 ½ £ employées sur les quatre terres A, B, C, D, de fertilités inégales et d'un acre chacune, était appliqué par quatre parties successives sur la seule terre D, de telle sorte que celle-ci donnât 4 quarters après la première avance, 3 quarters après la deuxième, 2 après la troisième et 1 quarter après la dernière, ce serait le prix (3 £ par quarter) correspondant à l'avance la moins productive qui déterminerait le coût de production aussi longtemps qu'il y aurait demande pour du froment à ce prix; de plus, le lopin cultivé dans ces conditions ne donnerait pas de rente différentielle. Ce prix de 3 £, étant donné que notre hypothèse implique la production capitaliste, comprendrait le profit moyen fourni par le capital de 2 ½ £; les trois autres avances de capital donneraient lieu à des surprofits et ces surprofits ne se formeraient pas autrement que ceux dont il a été question dans le tableau I. Ce qui est une preuve nouvelle de ce que la rente différentielle Il a pour point de départ la rente différentielle I.

Nous avons admis qu'un capital de 2 ½ £ appliqué à la terre la plus mauvaise produit au moins 1 quarter. Supposons qu'outre les 2 ½ £ qui lui donnent 4 quarters (dont il doit céder 3 quarters comme rente), le fermier de la terre D applique à celle-ci 2 ½  £, et que ces 2 ½  £ ne produisent qu'un quarter, comme le fait le même capital avancé pour la terre la plus mauvaise A. Cette avance ne rapportera donc que le profit moyen et, ne donnant pas lieu à surprofit, elle ne donnera pas de rente. De même elle n'aura aucune influence sur le taux du profit, et les choses se passeront comme si les 2 ½ £ avaient été avancées pour mettre en culture un acre de plus de la terre A, ce qui ne pourrait influencer ni le surprofit, ni les rentes différentielles d'aucune des terres D, C, B. Cependant le fermier retirera de cette nouvelle avance de 2 ½ £ le même profit que de son avance primitive de 2 ½ £, bien que le produit de celle-ci ait été de 4 quarters. S'il faisait encore deux avances de 2 ½ £ chacune, dont l'une augmenterait son produit de 3 quarters et l'autre de 2, ces avances seraient, il est vrai, moins productives que la première qui a donné 4 quarters (dont 3 quarters de surprofit), mais il en résulterait uniquement, pour chacune de ces avances, un surprofit moins grand que celui de l'avance primitive, sans que cette réduction eût une influence quelconque, ni sur le profit moyen, ni sur le coût de production. Ceux-ci ne seraient affectés que si la production supplémentaire de la terre D rendait inutile la production de A et éliminait celle-ci des terres en culture; dans ce cas il y aurait une baisse du coût de production et celui-ci tomberait par exemple de 3 £ à 1 ½ £, la terre B devenant la terre ne produisant pas de rente et fixant le prix du marché. La terre D, qui primitivement produisait 4 quarters, donnerait alors 4 + 1 + 3 + 2 = 10 quarters et la différence entre sa production et celle de B serait de 10-2 = 8 quarters, ce qui, au prix du marché, qui est maintenant égal au coût de production de B, soit 1 ½ £, représenterait 1 ½ x 8=12 £. Or, primitivement, la rente de D était de 9 £. La rente par acre aurait donc augmenté de 33 ⅓ %, malgré la diminution du taux du surprofit sur les deux capitaux supplémentaires de 2 ½  £.

Cet exposé montre à quelles complications donnent lieu la rente différentielle en général et surtout la combinaison des rentes I et II, alors que Ricardo, par exemple, n'examine les choses qu'à un point de vue et sous un aspect très simple. Il peut arriver, ainsi que le suppose notre exemple, que le prix du marché baisse en même temps que hausse la rente des terres fertiles, de sorte qu'il y a augmentation absolue du produit et du surproduit. (Dans le cas de la rente différentielle I en ligne décroissante, il peut y avoir augmentation du surproduit relatif et de la rente par acre pendant que le surproduit absolu par acre reste constant ou même diminue.) Mais en même temps les nouvelles avances de capital, qui sont faites successivement pour la même terre, voient diminuer leur productivité, bien qu'elles soient consacrées pour la plus grande partie aux terres fertiles. Quant à la productivité du travail, elle augmente si l'on se place au point de vue des quantités produites et des coûts de production; elle diminue si l'on considère que le taux du surprofit et le surproduit par acre diminuent pour les avances successives de capital pour la même terre.

La productivité des avances successives allant en diminuant, la rente différentielle Il ne serait accompagnée nécessairement d'un relèvement du coût de production et d'une diminution absolue de la productivité, que si les avances de capital ne pouvaient être faites que pour la terre la plus mauvaise (A). En effet, cette terre, avec une première avance de 2 ½ £ produit un quarter de blé, dont le coût de production est de 3 £. Après une nouvelle avance de 2 ½ £, soit une avance totale de 5 £, elle produirait en tout 1 ½ quarter, dont le coût de production serait de 6 £, soit un coût de production de 4 £ par quarter. Dans ce cas, la diminution de productivité qui accompagne chaque nouvelle avance de capital se traduirait par une diminution relative de la production par acre, alors que pour les terres les plus fertiles elle n'entraînerait qu'une diminution du surproduit.

La pratique montre que ce sont de préférence les terres les meilleures qui sont l'objet de la culture intensive, C'est-à-dire des avances successives de capital pour les mêmes parcelles. (Nous ne parlons pas des améliorations permanentes qui permettent la culture de terres précédemment inutilisables.) Il en est ainsi parce que ces terres contiennent en plus forte proportion que les autres les éléments naturels de la fertilité, éléments dont les avances de capital permettent de tirer parti et qui rendent ainsi ces avances productives. Lorsqu'après la suppression des lois sur les céréales, l'agriculture fut rendue encore plus intensive en Angleterre, quantité de terres qui avaient servi jusqu'alors à la culture des céréales reçurent une autre destination et furent notamment transformées en pâturages, alors que celles qui convenaient le mieux pour la production du blé furent drainées et améliorées. Le capital appliqué à la culture des céréales fut ainsi concentré sur une zone plus étroite. Dans les applications de ce genre - où tous les surprofits possibles entre le surproduit de la meilleure terre et le produit de la plus mauvaise, sont l'expression de l'augmentation, non relative, mais absolue du surproduit par acre - tout nouveau surprofit (rente éventuelle) représente, non une partie de l'ancien profit, mais un surprofit supplémentaire transformé en rente.

Par contre, ce n'est que dans le cas où la demande serait telle que le prix du marché dépasserait le coût de production de A et qu'en même temps sur les terres A, B ou une autre, le surproduit ne pourrait être fourni qu'à un prix plus élevé que 3 £, ce n'est que dans ce cas que la décroissance du rendement correspondant aux avances supplémentaires de capital pour l'une quelconque des terres A, B, C, D, serait accompagnée d'une hausse du coût de production et du prix du marché. Si cette situation durait longtemps sans qu'une extension de la culture se fit sur des terres d'une qualité au moins égale à celle de A ou que d'autres circonstances eussent pour conséquence une offre à des prix moins élevés, le renchérissement du pain aurait pour effet de faire hausser les salaires et baisser le taux du profit. Il serait indifférent alors que pour donner satisfaction à l'extension de la demande on mit en culture des terres plus mauvaises que A ou qu'on appliquât des avances supplémentaires de capital à l'une quelconque des quatre catégories de terres : la rente différentielle augmenterait à mesure que le taux du profit baisserait.

Ce cas - où la décroissance de la productivité des avances successives de capital pour des terres déjà on culture peut avoir pour effet la hausse du coût de production, la baisse du taux de la rente et l'augmentation de la rente différentielle - est considéré par Ricardo comme le cas normal et est le seul qu'il invoque pour expliquer la formation de la rente différentielle II. Il en serait ainsi si les terres de la catégorie A étaient les seules en culture et si des avances successives de capital pour ces terres n'étaient pas accompagnées d'un accroissement proportionnel de la production, c'est-à-dire si la rente différentielle Il était la seule opérante et si la rente différentielle I n'existait pas.

A part le cas où la production des terres cultivées est insuffisante et où par conséquent le prix du marché se maintient au-dessus du coût de production, soit jusqu'à ce que de nouvelles terres, plus mauvaises, soient mises en culture, soit jusqu'à ce que de nouvelles avances pour les terres cultivées fassent sentir leur effet et augmentent les quantités produites par celles-ci (à, un coût de production plus élevé), la décroissance de la productivité des avances supplémentaires n'a aucune influence ni sur le coût de production, ni sur le taux de profit. D'ailleurs, trois autres cas sont possibles :

  1. Il se peut que le capital additionnel avancé pour l’une quelconque des catégories A,B,C,D, ne donne que le profit correspondant au coût de production de A. Dans ces circonstances il n'y a pas plus lieu à surprofit et à rente que lorsqu'une extension de culture est faite par des terres de la catégorie A.
  2. Il peut arriver que le capital additionnel détermine un rendement plus grand. Il en résultera évidemment, si le prix du marché ne varie pas, un nouveau surprofit (la possibilité d'une rente). Mais ce résultat n'est pas inévitable; il ne se réalise pas lorsque l'accroissement de la production a pour effet d'éliminer les terres de la catégorie A des terres en culture et par conséquent de faire baisser le prix du marché. Dans ce cas, on constaterait une hausse du taux du profit, pour autant que la variation du prix du marché fut accompagnée d'une baisse des salaires ou que le produit devenu moins cher fut un élément constitutif du capital constant. Si l'accroissement de la productivité dû à l'avance additionnelle de capital se manifestait sur les terres les plus fertiles C et D, l'augmentation du surprofit (de la rente) due à la baisse du prix et à la hausse du taux de profit, dépendrait du degré d'augmentation de cette productivité et de l'importance de l'avance additionnelle de capital. Quant au taux du profit, il peut hausser par la seule dépréciation des éléments du capital constant, par conséquent sans qu'il y ait diminution des salaires.
  3. Enfin, les avances additionnelles de capital peuvent être accompagnées d'une diminution des surprofits, mais dans des conditions telles qu'elles donnent lieu à une production plus grande que celle que donnerait le même capital appliqué à la terre A. Dans ce cas, il y aurait toujours formation de surprofits, possibles à la fois sur D,C,B et A, à moins que l'augmentation de l'offre n'ait pour conséquence d'éliminer la terre A des terres en culture. Si cette éventualité se réalisait, il y aurait diminution du coût de production régulateur et ce serait la quantité de quarters. constituant le surprofit qui déterminerait s'il y aura hausse ou baisse de la valeur argent du surprofit et par conséquent de la rente différentielle. Quoi qu'il en soit, on voit qu'en tout cas - et c'est là le point essentiel - le coût de production peut baisser au lieu de devoir hausser, comme on le croirait à première vue, lorsque les avances successives de capital sont accompagnées de la baisse des surprofits.

Dans ces avances additionnelles de capital accompagnées d'une baisse des surprofits, les choses se passent de la même manière que si pour quatre terres de fertilité plus grande que A et moindre que B, plus grande que B et moindre que C, plus grande que C et moindre que D, plus grande que D, on avançait quatre capitaux de 2 ½ £ chacun, rapportant respectivement 1 ½, 2 ⅓, 2 ⅔, et 3 quarters. Sur chacune de ces terres l'avance de capital additionnel donnerait un surprofit (la possibilité d'une rente), bien qu'il y aurait baisse du taux du surprofit relativement à l'application du capital à une terre meilleure, et le résultat serait le même, que les quatre capitaux fussent avancés pour D, etc., ou repartis entre D et A.

Nous arrivons maintenant à une différence essentielle entre les deux formes de la rente différentielle.

Lorsque le coût de production est invariable et que les différences entre les terres en culture restent les mêmes, la rente différentielle I rapportée à l'acre ou au capital ne varie pas, mais la rente par acre peut hausser alors que le taux de la rente (par rapport au capital avancé) reste invariable.

 

Supposons, la fertilité relative restant la même, qu'une avance de capital de 5 £ au lieu de 2 ½ £ pour chacune des terres A, B, C, D, c'est-à-dire une avance totale de 20 £ au lieu de 10 £, donne lieu à une production double. Les choses se passeront comme si, avec l'ancien coût de production, on avait cultivé 2 acres au lieu de 1 acre de chaque terre, et le taux de profit ainsi que le rapport entre ce taux et le surprofit ou la rente resteront les mêmes. En effet, si d'après notre hypothèse, A, B, C, D donnent respectivement 2, 4, 6, 8 quarters au lieu de 1, 2, 3, 4 quarters, cette augmentation est due, non à un dédoublement de la productivité, l'avance de capital restant la même, mais à un dédoublement de l'avance de capital, la productivité restant proportionnellement la même ; il en résulte que le coût de production reste également invariable et se maintient à 3 £ par quarter. L'avance de capital étant deux fois plus grande, le profit pour les quatre catégories est deux fois plus élevé et de même la rente est deux fois plus considérable : elle est de 2 quarters au lieu de 1 quarter pour la terre B, de 4 quarters au lieu de 2 pour la terre C, de 6 quarters au lieu de 2 pour la terre D, soit en argent 6, 12 et 18 £. Il en résulte que le prix de la terre, qui est la capitalisation de la rente, a également doublé ; par contre si l'on considère le taux de la rente, c'est-à-dire si l'on rapporte la rente au capital avancé, on voit que ce taux est resté invariable. En effet, le rapport entre la nouvelle rente totale (36) et l'avance de capital (20) est le même que celui entre la rente totale primitive (18) et la première avance de capital (10). Il en est de même du rapport de la rente en argent à l'avance de capital ; c'est ainsi que pour la terre C, le rapport entre la nouvelle rente (12 £) et la nouvelle avance (5 £) est le même que celui entre la rente primitive (6 £) et la première avance (2 ½ £). Il ne se crée donc aucune nouvelle différence entre les capitaux avancés, mais il se forme de nouveaux surprofits ; il en est ainsi parce que l’avance additionnelle de capital sur une quelconque des terres donnant lieu à rente ou sur toutes se fait avec la même productivité proportionnelle. Si l'avance était doublée exclusivement pour la terre C, les différences entre le taux de la rente différentielle de C et les taux de B et de D resteraient néanmoins les mêmes, car la rente doublée sur la terre C devrait être rapportée à un capital également doublé.

Le coût de production, le taux du profit et les différences (par conséquent le taux de la rente) restant les mêmes, la rente (en produits ou en argent) par acre et avec elle le prix de la rente peuvent augmenter.

Ce que nous avons dit de la hausse du taux de la rente se vérifie de même lorsque par suite d'une décroissance de la productivité des avances additionnelles, il y a baisse du taux du surprofit et par conséquent de la rente. Si après la seconde avance de 2 ½ £ la terre B ne rendait que 3 ½ quarters, la terre C n'en donnait que 5 et la terre D n'en produisait que 6, les rentes différentielles correspondant à l'avance additionnelle seraient de ½ quarter au lieu de 1 sur la terre B, de 1 quarter au lieu de 2 sur la terre C et de 2 quarters au lieu de 3 sur la terre D, et les rapports entre la rente et le capital seraient les suivants pour chacune des deux avances

 

 Première avance 

 Seconde avance 

 

Rente

Capital

Rente

Capital

 B 

3 £2 ½ £1 ½ £2 ½ £

 C 

6 £2 ½ £3 £2 ½ £

 D 

9 £2 ½ £6 £2 ½ £

Malgré la baisse de la productivité relative du capital et par conséquent la, baisse du surprofit, la rente (en blé et en argent) aurait augmenté sur chaque terre : sur la terre B elle serait de ½ quarter au lieu de 1, soit de 4 ½ £ au lieu de 3 ; sur la terre C elle serait de 3 quarters au lieu de 2, soit 9 £ au lieu de 6 ; sur la terre D elle serait de 5 quarters au lieu de 3, soit 15 £ au lieu de 9. Les différences par rapport au capital avancé pour la terre A auraient diminué pour les capitaux de la seconde avance, le coût de production serait resté le même et la rente par acre ainsi que le prix de la terre auraient augmenté.


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