1935

Paru dans "La Révolution prolétarienne" n°199 - 25 mai 1935.

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Remercions Staline

P. Monatte


La déclaration de Staline a frappé de stupeur tous les milieux ouvriers ; et même les autres. Elle est importante, certes, aussi bien d’un point de vue historique et même humain que d’un point de vue intérieur de parti ou de mouvement ; d’une telle importance qu’elle fera date, grand date.

Par elle, le 15 mai 1935 marquera dans l’histoire.

N’est-ce pas un événement capital que d’entendre le grand chef de l’Internationale communiste proclamer qu’il « comprend et approuve la politique de défense nationale faite par la France pour maintenir sa force armée au niveau de sa sécurité », cette politique imposée à un gouvernement réactionnaire par l’état-major de l’armée ?

On peut mesurer l’importance historique de l’événement et admirer le spectacle qui est offert au monde entier sans pour cela être surpris. Une foule d’événements avaient annoncé ce qui arrive. Non seulement depuis des mois, mais depuis des années. Nous avons marqué ces événements au fur et à mesure qu’ils se produisaient. Mais les actes, qui ne mentent pas, eux, ne parlent pas pour tout le monde. On se fie aux paroles qui les contredisent, qui les cachent. Cependant il arrive un jour où il est difficile, sinon impossible, d’agir d’une certaine manière et de parler d’une autre. Il faut dire ce qu’on fait et faire ce qu’on dit. C’est ce qui vient d’arriver à Staline. Remercions le pour sa franchise, pour son cynisme.

Ainsi, il n’y aurait que deux alternatives : devancer Hitler, faire la guerre préventive, écraser presque à coup sûr l’Allemagne hitlérienne ; ou bien attendre l’attaque d’Hitler dans quelques années, avec de sérieuses chances d’être alors battus.

Nous repoussons ces deux hypothèses. Que les états-majors militaires regardent le monde avec les mêmes yeux, c’est naturel. Aveugle, qui s’en étonne. Mais que les grands chefs de la révolution mondiale raisonnent comme les militaires, nous ne le comprenons pas. Loin de comprendre et à plus forte raison de l’approuver, nous disons fermement que nous ne marchons pas plus en 1935 qu’en 1914 contre le militarisme prussien. Aveugle qui ne comprend pas que les travailleurs de France, d’Allemagne, de Russie, de partout, doivent briser le cercle infernal où veulent les enfermer Staline et Laval, Vorochilov et Weygand, Hitler et Mussolini.

Dès 1919, nous avons dit que le traité de Versailles devait fatalement engendrer de nouvelles causes de guerre. Les causes sont à la veille de produire leurs effets. Hitler est le produit du traité de Versailles. On ne le détruira pas sans détruire ses racines. Mais on n’arrachera pas ces racines sans refaire un monde sans frontières, sans faire prévaloir l’esprit de classe sur l’esprit national.

 

Pendant que la diplomatie franco-russe préparait la guerre contre Hitler, comme il y a quelques dizaines d’années, elle avait préparé la destruction du militarisme allemand, la bureaucratie de la III° Internationale, interprète du patriotisme russe, préparait, elle, le moral de la classe ouvrière ; elle enrichissait le catéchisme communiste d’un chapitre sur la patrie. Tout le monde a pu entendre dans les réunions électorales communistes réciter ce nouveau chapitre, chanter ces nouveaux couplets, hélas ! bien vieux, non seulement pour Cachin, enfin à son aise, ou pour Vaillant-Couturier, content de retrouver bientôt son bel uniforme, mais pour tous ces jeunes gens qui nous reprochaient d’avoir été, lors de la dernière guerre, de simples zimmerwaldiens et non pas des défaitistes révolutionnaires.

Staline croyait sans doute la préparation des esprits assez avancée pour pouvoir parler comme il l’a fait et satisfaire ainsi aux demandes du gouvernement français. Il savait pouvoir compter sur la servitude des bons bureaucrates professionnels du parti communiste français. Il savait qu’ils obtempèreraient. Il supposait que les suiveurs suivraient. Il s’est mis le doigt dans l’œil en pensant que c’était là tout le mouvement révolutionnaire français.


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