1978

"Le titre du livre synthétise ma position : à la place de la démocratie socialiste et de la dictature du prolétariat du SU, je suis revenu aux sources, ai tenté de faire revivre la vieille formule marxiste, tant de fois reprise par Trotsky, de dictature révolutionnaire. Dit d'une autre manière, une dictature pour développer la révolution, et non pour produire de la "démocratie socialiste" immédiatement."


Nahuel Moreno

La dictature révolutionnaire du prolétariat


VII. Une supposée autocritique de Trotsky.


5. Trotsky continue à défendre ses positions.

L'opposition de gauche déjà constituée et alors qu'on se trouvait en pleine irruption de la réaction stalinienne, Trotsky continue à défendre la même position. Dans les thèses de la Révolution Permanente, de 1928, il insiste à nouveau, avec un caractère de principe et connue une de ses thèses fondamentales : "4 - Quelles que soient les premières étapes épisodiques de la révolution dans les différents pays, l'alliance révolutionnaire du prolétariat et de la paysannerie n'est concevable que sous la direction politique de l'avant-garde prolétarienne organisée en un parti communiste" (Trotsky, 1928) [10]. Il ne nomme même pas les soviets dans cette citation, ni dans les lignes suivantes, et encore moins la tranchée : la dictature du prolétariat est la dictature du parti communiste, et l'on ne pourra garantir l'alliance révolutionnaire du prolétariat et de la paysannerie que dans la mesure où c'est le cas et où cela reste le cas. Et il n'y a pas d'exceptions, puisque c'est indépendant des particularités de chaque révolution et de chaque pays.

Et la même année, après le Vlème Congrès de la IIIème Internationale, il nous dit : " ... dans un pays encerclé par les capitalistes et où la paysannerie représente une majorité écrasante, la dictature du prolétariat n'admet pas la liberté des partis. En soi, cette thèse est absolument juste". (Trotsky, 1928) [11].

Se différenciant clairement du stalinisme en disant que cette thèse "exige une politique juste et un régime approprié dans le parti" et au moment où les staliniens abusaient à fond du système du parti unique, il insiste sur l'impossibilité de la liberté pour tous les partis. Alors même que ses propres travaux sur ce thème et d'autres "passèrent de la main à la main, sous forme de manuscrits", à cause de la censure stalinienne, et que leur transmission "entraînait la déportation dans les coins perdus de la Sibérie, et même ces derniers temps la dure réclusion au bagne de Tobolsk" comme il l'écrit dans l'avant-propos de 1929 de L'Internationale Communiste après Lénine [12].

Et cinq mois après son départ en exil, en septembre 1929, lors de sa controverse avec le fameux gauchiste allemand Urbahns, il continue à soutenir les mêmes arguments. Urbahns affirmait qu'il était "nécessaire pour la classe ouvrière russe de reconquérir "toutes les libertés"" (souligné dans l'original) dans sa lutte contre le régime stalinien. Trotsky, critiquant le fait qu'Urbahns ne concrétise qu'une seule de ces libertés, "la liberté de coalition", disait que "... dans ce cas, Urbahns ne va déjà plus assez loin! Mettre en avant la liberté de coalition comme une revendication isolée, c'est la caricature d'une politique. La liberté de coalition est inconcevable sans la liberté de réunion, la liberté de la presse et toutes autres "libertés" que mentionne vaguement et sans commentaires la décision de la conférence de février du Leninbund. Mais, ces libertés sont inconcevables sans un régime de démocratie, c'est-à-dire en dehors du capitalisme. Il faut apprendre à joindre les deux bouts" (Trotsky, 1929) [13]. Et environ un an plus tard, il développe une autre discussion autour de ces mêmes problèmes. Les trotskystes indochinois élaborèrent un programme dans lequel ils disaient qu'il fallait lutter pour "la conquête des libertés démocratiques au moyen de la dictature du prolétariat". Exactement ce que dit aujourd'hui la majorité du SU. Trotsky répondit avec véhémence, disant que "cette formulation est, dans le meilleur des cas, imprécise. Pour les démocrates vulgaires, le concept de libertés démocratiques signifie liberté d'opinion et de presse, liberté de réunion, élections libres, etc. La dictature du prolétariat ne met pas entre les mains du prolétariat ces libertés abstraites, mais les moyens matériels et les outils de sa propre émancipation (en particulier, les imprimeries, les salles pour se réunir, etc.)" (Trotsky, 1930) [14]. Rappelons les dates : l929 et 1930.

Trotsky critiquait comme charlatanesque la question démocratique du programme de Souvarine pour l'U.R.S.S., et parlait à son sujet de communisme démocratique. S'il vivait aujourd'hui, il parlerait d'un trotskysme démocratique.


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