1978

"Le titre du livre synthétise ma position : à la place de la démocratie socialiste et de la dictature du prolétariat du SU, je suis revenu aux sources, ai tenté de faire revivre la vieille formule marxiste, tant de fois reprise par Trotsky, de dictature révolutionnaire. Dit d'une autre manière, une dictature pour développer la révolution, et non pour produire de la "démocratie socialiste" immédiatement."


Nahuel Moreno

La dictature révolutionnaire du prolétariat


VII. Une supposée autocritique de Trotsky.


7. La position théorique de Trotsky.

Trotsky réalisa sur ce thème son analyse théorique, la plus exhaustive rien moins qu'en 1937, date à laquelle, selon Mandel, il s'était autocritiqué.

Réaffirmant le rôle fondamental du parti révolutionnaire aussi bien au cours du processus révolutionnaire et lors de la prise du pouvoir, que sous la dictature du prolétariat, il nous dit : "Le prolétariat ne peut arriver au pouvoir qu'à travers son avant-garde. La nécessité même d'un pouvoir étatique découle du niveau culturel insuffisant des masses et leur hétérogénéité. Dans l'avant-garde révolutionnaire organisée en parti se cristallise la tendance des masses à parvenir à leur affranchissement. Sans la confiance de la classe dans l'avant-garde, sans soutien de l'avant-garde par la classe, il ne peut être question de la conquête du pouvoir. C'est dans ce sens que la révolution prolétarienne et la dictature sont la cause de toute la classe, mais pas autrement que sous la direction de l'avant-garde. Les soviets ne sont que la liaison organisée de l'avant-garde avec la classe.

"Le contenu révolutionnaire de cette forme ne peut être donné que par le parti. Cela est démontré par l'expérience positive de la Révolution d'Octobre, et par l'expérience négative des autres pays (Allemagne, Autriche, Espagne) ; enfin personne non seulement n'a montré pratiquement, mais n'a même tenté d'expliquer précisément sur le papier comment le prolétariat peut s'emparer du pouvoir sans la direction politique d'un parti qui sait ce qu'il veut. Si le parti soumet politiquement les soviets à sa direction, en lui-même, ce fait change aussi peu le système soviétique que la domination d'une majorité conservatrice change le système du parlementarisme britannique." (Idem) [16].

A savoir que c'est uniquement sous la direction du parti révolutionnaire que l'on peut envisager la conquête du pouvoir par la classe ouvrière, et que c'est du type de parti qui prendra la tête de ce processus, et non des soviets, que dépendra le caractère, révolutionnaire ou bureaucratique, de la dictature prolétarienne. C'est là l'enseignement de la victoire russe, comme des processus autrichien, allemand et espagnol.

Deux mois plus tard, en réponse à une lettre. Trotsky entreprit de préciser son interprétation de la dictature révolutionnaire : "La dictature révolutionnaire d'un parti prolétarien est pour moi une chose qu'on ne peut accepter ou rejeter librement : c'est une nécessité objective qui nous est imposée par la réalité sociale - la lutte de classes, l'hétérogénéité de la classe révolutionnaire, la nécessité d'une avant-garde révolutionnaire sélectionnée, avec pour objectif d'assurer la victoire. La dictature d'un parti, tout comme l'état, appartient à la préhistoire barbare, mais nous ne pouvons pas sauter ce chapitre, qui peut ouvrir (mais pas si on le saute) celui de la véritable histoire humaine (...).

"Le parti révolutionnaire (l'avant-garde) qui renonce à sa propre dictature livre les masses à la contre-révolution. C'est l'enseignement de toute l'histoire moderne. En parlant de manière abstraite, il serait excellent que la dictature du parti puisse être remplacée par la "dictature" de tout le peuple travailleur, sans aucun parti, mais cela suppose un niveau de développement politique parmi les masses tel qu'il ne pourra jamais être atteint dans les conditions du capitalisme. La raison de la révolution vient précisément du fait que le capitalisme ne permet pas le développement matériel et moral des masses." (Trotsky, 1937) [17].

La dictature révolutionnaire d'un parti prolétarien, et non pas du pluripartisme soviétique ou des soviets, est une nécessité objective imposée par la réalité sociale : l'existence de différents secteurs parmi les ouvriers et les travailleurs, comme du bas niveau politique et culturel de la majorité de ces secteurs. C'est pourquoi la dictature de "tout le peuple travailleur" est impossible.


[*] Cette question ne figure pas dans la traduction de la revue espagnole Comunismo. Très embarrassés, les éditeurs décidèrent de la retirer.

Notes

[1] "Sur quelques problèmes...", Critique Communiste, N° spécial, p. 163-164.

[2] "VII° Congrès de la Russie des Soviets", Oeuvres complètes, tome 30, p. 238 et 247.

[3] "Beaucoup de bruit autour de Kronstadt", La lutte contre le stalinisme, p. 198

[4] Les leçons d'Octobre, p. 48.

[5] "Our differences", The chalenge of the Left Opposition, p. 272.

[6] Idem, p. 269.

[7] Idem, p. 269.

[8] Idem, p. 273.

[9] Idem, p. 274.

[10] La révolution permanente, p. 229.

[11] L'Internationale Communiste après Lénine, p. 270.

[12] Idem, p. 2.

[13] "La défense de l'URSS et l'Opposition", La Nature de l'URSS, p. 155 et 157.

[14] "Sobre la declaración de los opposicionistas indochinos", Escritos, tome 2, vol. I, p. 43.

[15] "Bolchévisme ou stalinisme", Bolchévisme contre stalinisme, p. 99 et 100.

[16] Idem, p 99.

[17] "Dictatorship and revolution", Writings, (1936-37), p. 513-514.


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