1973

"L'erreur de la stratégie de l'entrisme « sui generis » a eu des conséquences tragiques en Bolivie en 52-55 et en Argentine en 55 ; la stratégie pour dix ans du contrôle ouvrier manifeste ses terribles dangers potentiels dans l'interprétation faite par le camarade Mandel de la grève générale de mai 68 et dans l'orientation que, selon lui, il aurait fallu appliquer."


Nahuel Moreno

Un document scandaleux


V. Les stratégies décennales

4. Une conséquence tragique : la Bolivie en 1952-55.

Si un jeune trotskyste essaie d'étudier l'histoire de notre mouvement faite par le camarade Frank, il aura des difficultés presque insurmontables pour savoir quelle fut notre orientation en Bolivie. Bien que notre action y ait été la plus importante de notre Internationale pendant des années (avec Ceylan), selon les déclarations mêmes de Pablo et ses amis, un secret jalousement gardé entoure son histoire. On dirait qu'une section importante comme celle de la Bolivie n'a jamais existé.

La raison de cette conspiration du silence est très simple : il y eut en Bolivie la plus grande, la plus parfaite, la plus classique révolution ouvrière de notre époque. Elle eut une forte influence dans notre Internationale et il s'y est exprimé, dans sa forme la plus claire, le terrible danger que comporte la « stratégie » de l'entrisme « sui generis ». Mais assez de qualificatifs, voyons les faits.

L'échec du nationalisme bourgeois

La Bolivie connaissait une situation analogue à celle de l'Argentine péroniste mais sans les bases économiques qui permirent l'épanouissement du péronisme. La Bolivie est un pays très pauvre avec un prolétariat minier très fort et concentré à Oruro et La Paz, un prolétariat industriel et une petite bourgeoisie presque totalement concentrés dans la ville la plus importante, La Paz.

La tentative par la bourgeoisie d'instaurer un gouvernement bonapartiste militaire, soutenu par le mouvement ouvrier afin de résister aux pressions américaines, comme cela s'était fait en Argentine avec le péronisme, échoua du fait de la condition misérable de l'économie bolivienne. En Argentine, ce projet bourgeois eut le vent en poupe grâce à son exceptionnelle place commerciale et financière (la 3ème place mondiale dans l'après-guerre), et Peron put faire de grandes concessions économiques aux masses et acquérir ainsi un grand prestige à leurs yeux. En Bolivie, par contre, la situation économique déplorable enleva toute marge de manœuvre au gouvernement bourgeois et celui-ci ne put pas faire de grandes concessions. La croissance du prestige du trotskysme fut massive et fulgurante.

Le trotskysme gagne une influence de masse

Les trotskystes boliviens devinrent ainsi une direction d'un grand prestige politique dans le mouvement ouvrier et des masses boliviennes, sans réussir toutefois à consolider cette influence au niveau organisationnel - les organes officiels de notre Internationale l'ont reconnu plusieurs fois - et notre influence se refléta dans les faits mêmes de la lutte de classes. Les fameuses Thèses de Pulacayo, la base programmatique du mouvement syndical bolivien, en sont un bon exemple : En no­vembre 46, à Pulacayo (une ville minière), se réunirent les délégués de toutes les mines de Bolivie, qui adoptèrent à l'unanimité les thèses élaborées par les trotskystes, rejetant celles du MNR et des staliniens. Ces thèses, qui s'intitulaient « Programme de revendications transitoires », avançaient parmi d'autres ces positions : 1) salaire minimum vital et échelle mobile des salaires 2) semaine de 40 heures et échelle mobile des heures de travail 3) occupation des mines 4) contrat collectif 5) indépendance syndicale 6) contrôle ouvrier des mines 7) armement des travailleurs 8) caisse de grève 9) réglementation des aliments de base 10) suppression du travail contractuel. Ce programme, et particulièrement la partie concernant l'armement du prolétariat dans des milices ouvrières, fut popularisé massivement par le trotskysme et l'organisation syndicale des mineurs pendant six ans, jusqu'à la révolution de 52.

Après cette fantastique victoire trotskyste parmi les mineurs, un bloc ou front ouvrier se constitua pour la présentation de candidats aux élections. Alors que 90% de la population bolivienne ne votait pas à ce moment-là (seuls pouvaient voter ceux qui savaient lire et écrire), le bloc ouvrier gagna dans les districts miniers et obtint un sénateur et 5 députés. Le plus grand leader trotskyste, Guillermo Lora, fit avec d'autres camarades une violente utilisation du parlement bourgeois en attaquant l'armée et en préconisant la nécessité de la détruire et d'imposer les milices ouvrières.

La révolution bolivienne

En 51, il y eut des élections présidentielles et le MNR les gagna, mais il ne put pas accéder au gouvernement, car face à cette victoire les militaires firent un coup d'Etat et instaurèrent un régime dictatorial, extrêmement répressif. Le 9 avril 1952, la police et un secteur de l'armée, en accord avec la direction du MNR tentèrent un contrecoup d'Etat, mais ils échouèrent et leur chef militaire se réfugia dans une ambassade. La police, se voyant vaincue par les militaires, remit des armes aux travailleurs des usines et au peuple de La Paz, pour qu'ils résistent à la contre-offensive militaire. Pendant ce temps, les mineurs commencèrent à descendre sur La Paz et, après s'être emparés d'un train militaire plein d'armements, ils liquidèrent totalement l'armée bolivienne. A La Paz, par exemple, les travailleurs battirent totalement 7 régiments (la base de l'armée bolivienne) et prirent toutes les armes. Le gouvernement dictatorial tomba et un gouvernement du MNR prit sa place.

Les milices ouvrières et paysannes étaient les seules forces armées en Bolivie après le 11 avril 1952 et elles étaient dirigées, en majeure partie, par les trotskystes. Ce n'est que le 24 juillet, plus de 3 mois après, que le gouvernement décréta la réorganisation de l'armée.

Nos camarades trotskystes, en s'appuyant sur les milices armées ouvrières et paysannes - entre 50 et 100 000 hommes (les milices paysannes à elles seules en avaient 25 000) - et sur les organisations syndicales fondèrent et organisèrent la Centrale Ouvrière Bolivienne (COB), qui regroupa toutes les milices et toutes les organisations ouvrières et paysannes de Bolivie.

Le mot d'ordre de Pablo : « Tout le pouvoir au MNR ! »

Face à cette situation, unique dans ce siècle - une révolution qui liquide l'armée bourgeoise et organise sa propre armée prolétarienne, avec une direction et un programme trotskyste -, que font Pablo et ses amis ? Ils appliquèrent une de leurs tactiques décennales : l'entrisme. Cette ligne était imposée à l'échelle mondiale, et là où il n'y avait pas de parti stalinien, on le remplaçait par des partis socialistes ou bourgeois nationalistes, puisque c'est d'eux que naîtraient les tendances centristes qui allaient diriger la révolution. Voici les prévisions de Pablo et ses amis en 51 :

« Par ailleurs, en cas de mobilisation des masses sous l'impulsion ou l'influence prépondérante du MNR, notre section doit soutenir de toutes ses forces le mouvement, ne pas s'abstenir mais au contraire intervenir énergiquement en vue de l'amener le plus loin possible, y compris jusqu'à la prise du pouvoir par le MNR, sur la base du programme progres­siste de front unique anti-impérialiste. » (3°Congrès de la IVème Internationale : tâches générales et spécifiques du mouvement prolétarien marxiste révolutionnaire en Amérique latine, QI août 51) [*].

Pas un seul mot sur le mouvement ouvrier et ses organisations de classe, les syndicats et les futures milices et soviets ! Le camarade Pablo proposait cela tout en définissant le MNR comme un parti de la basse bourgeoisie minière, c'est-à-dire comme un parti bourgeois. Donc, selon Pablo, nous ne devions pas utiliser les mobilisations pour démasquer le MNR, pour dénoncer son rôle inévitable, en dernière instance, d'agent de l'impérialisme. Nous ne devions pas lui opposer les organisations de classe, les futures milices ou soviets. Au contraire, nous devions le pousser à « prendre le pouvoir ». Et il déguisait cette capitulation devant un parti nationaliste bourgeois derrière le programme du front unique anti-impérialiste.

En réalité, cette politique allait directement contre la tactique de front unique anti-impérialiste. La base fondamentale de cette tactique consiste à proposer des actions communes qui démasquent les hésitations et les trahisons de bourgeoisies nationalistes; et son objectif est de gagner l'indépendance politique du mouvement ouvrier par rapport à ces directions bourgeoises. L'autre face, encore plus grave, de cette dénaturation de la tactique de front unique anti-impérialiste est le renoncement à la lutte pour l'organisation et la politique indépendante des travailleurs. Pablo proposait au mouvement ouvrier de suivre un parti bourgeois, ce qui est exactement le contraire de l'objectif de cette tactique.

La capitulation totale : "gouvernement commun" du MNR et des trotskystes

Cette capitulation totale, exprimée dans un autre paragraphe de la résolution, dégage une odeur nauséabonde :

« Si contradictoirement, dans le cours de ces mobilisations des masses, notre section constate qu'elle dispute au MNR son influence sur les masses révolutionnaires, elle avancera le mot d'ordre de gouvernement ouvrier et paysan commun aux deux partis, toujours sur la base du même programme, gouvernement s'appuyant sur les comités ouvriers et paysans et sur les éléments révolutionnaires de la petite bourgeoisie. » (id.p.56).

Autrement dit, si nous commençons à battre le MNR à la tête du mouvement des masses, nous n'avons pas à mener cette tâche jusqu'au bout mais nous devons proposer un gouvernement partagé entre le MNR et nous. Ce gouvernement en toute logique ne devait pas être celui des comités ouvriers et paysans, puisqu'il devait « s'appuyer » sur eux.

Pour arriver à une telle position, Pablo a dû réviser la position léniniste sur le gouvernement ouvrier et paysan. Lénine était d'accord pour impulser la prise du gouvernement par les mencheviks et les socialistes-révolutionnaires (quand le parti révolutionnaire n'avait pas encore les forces pour le faire), mais il affirma catégoriquement que l'on ne doit jamais faire un gouvernement commun (et il n'entra pas dans le gouvernement kérenskyste des mencheviks et socialistes-révolutionnaires). L'essence de la position léniniste était de se maintenir hors du gouvernement justement pour rester la seule alternative quand le réformisme serait démasqué aux yeux des masses par la démonstration de son impuissance au pouvoir.

Le soutien d'un gouvernement bourgeois qui n'avait ni armée ni police

Si en tant que ligne politique, l'orientation de Pablo et ses amis fut révisionniste et capitulatrice, en tant que prévision des événements, elle fut catastrophique. La révolution de 52 ne suivit aucun des schémas qu'ils avaient prévu en 51, au contraire. La classe ouvrière, à travers ses organisations de classe, les syndicats et les milices, liquida le régime militaire. Mais, comme toujours, même si la réalité est autre que prévue, Pablo poursuit sa stratégie. Et c'est alors que la direction du mouvement ouvrier bolivien (les trotskystes, qui faisaient ce que Pablo leur ordonnait, en première ligne) mit le MNR bourgeois au pouvoir et lui donna son soutien critique.

Nous insistons : Pablo et ses amis ont soutenu en Bolivie un gouvernement bourgeois qui n'avait ni police ni armée pour le maintenir, parce qu'ils avaient adopté cette stratégie à long terme au Congrès de 51. Pour preuve, voici ce que disait après avril 52 notre section bolivienne, directement contrôlée par Pablo et ses amis :

« Dans le moment présent, notre tactique consiste à regrouper nos forces en soudant le prolétariat et les paysans en un bloc pour défendre un gouvernement qui n'est pas le nôtre. » « Loin de lancer le mot d'ordre de renversement du régime de Paz Estenssoro, nous le soutenons pour qu'il résiste à l'attaque de la "rosca" » « Cette attitude se manifeste d'abord comme pression sur le gouvernement pour qu'il réalise les aspirations les plus vitales des ouvriers et des paysans. » (X° Conférence du POR, 10-6-53, cité par L. Justo, "La revolución derrotada").

Un an de révolution : notre mot d'ordre était « Tout le pouvoir à la COB et aux milices armées », celui de Pablo... « Soutien critique au MNR ! »

Alors que nous défendions en Bolivie le mot d'ordre de « Tout le pouvoir à la COB et aux milices armées », les camarades Frank et Germain, sans aucune honte disaient ceci, un an après la révolution de 52, dans QI :

« Le POR commença par un soutien juste mais critique au gouvernement du MNR. Cela veut dire qu'il évita de lancer le mot d'ordre « A bas le gouvernement du MNR », il le soutint critiquement contre toute attaque de la part de l'impérialisme et de la réaction, ainsi que pour toute mesure progressiste. » (QI, avril 53, p .25).

Entre parenthèses, nous ne voyons pas la relation entre ne pas lancer le mot d'ordre immédiat de « A bas le gouvernement » et le soutien critique, puisque nous pouvons ne pas le lancer sans que cela signifie soutenir le gouvernement, ni de manière critique ni autrement.

En juillet 53, la revue officielle de notre Internationale, Quatrième Internationale, dans son édition espagnole (supervisée à la virgule près par Pablo et ses amis), faisait de la situation bolivienne le tableau suivant :

« L'organisation des milices ouvrières s'amplifie parallèlement à celle des masses paysannes... » « Le régime a évolué en effet vers une espèce de « kérenskysme » très avancé, beaucoup plus accentué que celui de Mossadegh en Iran, par exemple. » (p.74).

Et dans cette situation de « kérenskysme avancé », nous continuions à ne pas lancer le mot d'ordre de « Tout le pouvoir à la COB et à ses milices ».

Deux ans de révolution : « Tout le pouvoir à la gauche du MNR », « Défense armée du gouvernement de Paz Estenssoro ! »

Un an de plus passa - deux depuis la révolution - et le IV° Congrès de l'Internationale se réunit. Pablo et ses amis y poursuivirent leur stratégie décennale, ils ne perdirent en rien leur goût profond pour les organisations non prolétariennes et pour les tendances centristes et continuèrent à refuser d'appeler la COB, l'organisation ouvrière par excellence, à prendre le pouvoir. Ils avaient trouvé une autre organisation centriste digne de leur « soutien critique » : la gauche du MNR.

« En Bolivie, le tournant à droite et réactionnaire de la politique du MNR, cédant à la pression de l'impérialisme et à la réaction indigène, rend plus impérieuse que jamais une franche dénonciation de ce tournant par le POR, qui doit enlever toute sa confiance à ce gouvernement, comme aux ministres ouvriers, en appelant constamment la COB et en travaillant systématiquement en son sein afin d'appliquer une véritable politique de classe indépendante du MNR et d'engager la centrale dans la voie du gouvernement ouvrier et paysan; la campagne systématique pour cette perspective, ainsi que pour le programme d'un tel gouvernement, la campagne pour des élections générales, avec droit de vote pour tous les hommes et les femmes de plus de 18 ans, pour élire une assemblée constituante et la présentation de listes ouvrières de la COB à ces élections. Cette politique est la seule qui puisse provoquer une différenciation au sein du MNR et obliger son aile gauche très diffuse et désorganisée à rompre définitivement avec la droite et avec ses dirigeants « ouvriers » bureaucratisés, et à s'engager dans la voie du gouvernement ouvrier et paysan. » (Résolution du IVème Congrès, QI juin 54, p.54).

La ligne aurait été parfaite, avec une modification : pour garantir tout cela (constituante, élections, etc.), il faut que la COB prenne le pouvoir. Mais Pablo et ses amis ne le disaient pas. Qui allaient donc appeler à cette constituante ? Si ce n'était pas la COB au pouvoir, il ne restait que le gouvernement de Paz Estenssoro ou un prétendu gouvernement de la gauche du MNR. Cette ligne confirmait celle que s'était donnée la section bolivienne un an plutôt, exprimée dans un manifeste publié le 23 juin 53, avec la bénédiction de Pablo et ses amis.

« La menace de conspiration réactionnaire est devenue permanente... par conséquent nous devons... défendre le gouvernement actuel... par la... défense armée du gouvernement ».

Bien que cela paraisse incroyable, c'est bien du gouvernement bourgeois qu'il s'agit, du gouvernement bourgeois de Paz Estenssoro. Peut-être que le danger de « conspiration réactionnaire » justifiait le fait de ne pas avancer momentanément le mot d'ordre de « Tout le pouvoir à la COB » et de le remplacer par le mot d'ordre décisif de « Front ouvrier contre la réaction ». Mais la stratégie consistant à ce que la COB prenne le pouvoir restait en vigueur, et en aucun cas on ne pouvait avancer le mot d'ordre de « défense » d'un gouvernement bourgeois. Cependant, quel était le mot d'ordre de pouvoir par lequel se terminait ce manifeste ?

« Toute cette lutte doit tourner autour du mot d'ordre « Contrôle total de l'Etat par l'aile gauche du MNR ! ». » (BI du POR, mai 56, p .262, dans "La revolucion derrotada").

Quatre ans de révolution : nos positions triomphent mais il est trop tard

Le temps passa et la gauche du MNR échoua. Ainsi, quatre ans après la révolution, alors que l'armée avait réussi à se restructurer, étant donné que l'on ne pouvait plus faire confiance au MNR - comme au début - ou en son aile gauche - comme ensuite - Pablo et ses amis adoptèrent la ligne pour laquelle notre parti avait lutté systématiquement depuis le début. Dans une résolution du CE du POR bolivien de mai 56, enfin (mais trop tard) il est dit :

« En renforçant et en développant tous les organes de double pouvoir, face aux conflits avec le gouvernement, avec la bourgeoisie, l'oligarchie et l'impérialisme, face au parlement et aux tentatives du gouvernement Siles pour prendre de l'influence dans les syndicats, nous impulserons la tendance des masses en lançant : « Que la COB règle tous les problèmes ! » et « Tout le pouvoir à la COB ! ». »

Enfin, ils se rendaient compte de ce que nous répétions depuis des années. C'était une victoire, tardive, de notre lutte et de notre polémique. La capitulation de Pablo et ses amis était découverte, les terribles dangers qui nous guettaient derrière les fameuses « tactiques » à long terme, basées sur des hypothèses concernant l'avenir et non la réalité présente, étaient mis en lumière.


[*] Le délégué du SWP (Clark) vota pour cette résolution. D'autres résolutions de la même teneur furent votées par le SWP. En laissant de côté le fait que Clark rompit avec le SWP pour soutenir Pablo, l'important est que le SWP soutint et contribua à construire le Comité International de la IV. Le SWP soutenait ainsi implicitement et explicitement la bataille menée par notre parti et le SLATO (l'organisation du Comité International pour l'Amérique latine) contre cette ligne en Bolivie.


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