1973

"L'erreur de la stratégie de l'entrisme « sui generis » a eu des conséquences tragiques en Bolivie en 52-55 et en Argentine en 55 ; la stratégie pour dix ans du contrôle ouvrier manifeste ses terribles dangers potentiels dans l'interprétation faite par le camarade Mandel de la grève générale de mai 68 et dans l'orientation que, selon lui, il aurait fallu appliquer."


Nahuel Moreno

Un document scandaleux


V. Les stratégies décennales

9. Hugo Blanco au Pérou, Trotsky et la Chine (25-27), la lutte contre le fascisme, et la révolution cubaine : quatre exemples interprétés par le camarade Germain.

Nous venons de voir comment les faits objectifs de la lutte de classes ont démoli la stratégie de guerre de guérillas rurale préconisée par les camarades de la majorité au IXème Congrès mondial. Cela provoqua un rapide virage tactique du camarade Germain qui, maintenant, nie avoir soutenu une telle stratégie et soutient par contre qu'il s'agissait de la « stratégie de lutte armée ». En quoi cette stratégie à long terme du camarade Germain se différencie-t-elle de celle qu'il a soutenu quatre ans auparavant ? La différence consiste à ne plus parler de la paysannerie, ni de la guérilla rurale, ni de l'entrée dans l'OLAS. En quoi reste-t-elle la même ? En ce qu'elle continue à soutenir que le parti doit prendre l'initiative de la lutte armée et doit avoir comme tâche fondamentale sa préparation technique.

Les quatre exemples du camarade Germain

Pour justifier théoriquement cette position, le camarade Germain recourt à quatre exemples historiques, énumérés dans le titre de ce sous-chapitre. Selon lui, ce que proposait Trotsky pour la Chine entre 25 et 27, ainsi que pour la lutte contre le fascisme, ce que fit Hugo Blanco au Pérou, tout cela montre que le parti doit prendre en main l'initiative de la lutte armée, après s'être préparé techniquement. Et la victoire de la révolution cubaine est un exemple de la justesse de cette ligne qui peut se répéter à nouveau.

Nous allons démontrer que tout cela est faux et que le camarade Germain essaie d'adapter la réalité àses théories, en faisant de fausses interprétations des positions de Trotsky, de l'expérience péruvienne et du cas des cubains. Nous prendrons chacun de ces exemples dans l'ordre chronologique. Commençons par la position de Trotsky sur la Chine.

Ce que Germain fait dire à Trotsky sur la Chine

Pour comprendre la position de Trotsky sur la Chine, il faut commencer par lire complètement la citation que Germain donne tronquée :

« Les ouvriers et les paysans n'auraient pas suivi la bourgeoisie indigène si nous ne les avions pas induits en erreur. Si la politique de l'Internationale Communiste avait été un peu plus juste, le résultat de la lutte du Parti Communiste pour conquérir les masses aurait été décidé d'avance : le prolétariat chinois aurait soutenu les communistes et la guerre paysanne aurait appuyé le prolétariat révolutionnaire.

« Si dès le début de la marche vers le nord, nous avions commencé à créer les soviets dans les régions « libérées » (c'était l'aspiration instinctive et profonde des masses), nous aurions gagné la base nécessaire et l'élan révolutionnaire nous aurions concentré autour de nous les insurrections paysannes, créé notre armée et détruit celle de nos ennemis. » ("El gran organizador de derrotas", Ed. Olimpo, Buenos Aires, p.223).

Selon l'interprétation de Germain, Trotsky parlait d'un parti comptant seulement 10 à 15 000 membres et dont les deux tiers étaient dans les villes, perdu dans un pays de 450 millions d'habitants. Et Trotsky : « regrettait que ces quelques milliers de communistes, pas plus, ne commencent pas à organiser une armée paysanne dirigée par les communistes » (Germain :"En défense...", p.50).

Ensuite, le camarade Germain insinue que si Trotsky a fait cela, pourquoi ne pourrions-nous pas le recommander à nos sections qui sont aussi faibles que l'était le PC d'alors ?

Le problème était politique, pas militaire

Ce n'est pas un hasard si le camarade Germain n'a pas donné la première phrase du paragraphe cité. Trotsky y dit que les ouvriers et les paysans chinois avaient suivi la bourgeoisie à cause d'une orientation erronée de l'Internationale. Cela signifie qu'il parle de problèmes politiques et non militaires.

Ce n'est pas un hasard non plus, bien qu'il le cite, si le camarade Germain ne se préoccupe pas d'interpréter ce qui suit dans le paragraphe. Trotsky ne s'y réfère pas au PC chinois mais à l'Internationale. Mais dans le cas où il aurait réellement recommandé la création d'une armée, Germain pense-t-il que nous puissions comparer l'IC de 27 à notre Internationale aujourd'hui ? Le PC chinois pouvait être plus fort ou plus faible que nos sections, mais ce qui ne fait aucun doute c'est que l'IC était infiniment et qualitativement plus forte que la nôtre de tous les points de vue mêmes militaire.

Ce que Trotsky disait véritablement sur la Chine

Mais passons au problème de contenu. La politique de Trotsky pour la Chine n'était pas celle de construire essentiellement une armée paysanne comme le pense Germain. Trotsky affirmait qu'il fallait une politique correcte, qui ne se réduisait pas à construire une armée mais à obtenir l'indépendance politique du PC et de la classe ouvrière chinois par rapport au Kuomintang et lancer le mot d'ordre de construction des soviets :

« L'orientation des soviets aurait dû consister à opposer les ouvriers et les paysans à la bourgeoisie du Kuomingtang et à son agence constituée par son aile gauche. La formule des soviets en Chine signifiait en pre­mier lieu qu'il fallait rompre le bloc honteux des « quatre classes » qui conduisait au suicide, et qu'il fallait séparer le parti communiste du Kuomingtang. Le centre de gravité ne se trouvait donc pas dan une forme aride d'organisation mais dans une ligne pour conduire des classes. » (Trotsky, idem, p. 239).

Revenons maintenant à la citation de Germain. Pour lui, la :

« conséquence la plus fatale » « de la politique du parti communiste chinois en 25-27 » fut « son refus de stimuler, organiser, coordonner et armer les soulèvements paysans et les lier à la classe ouvrière urbaine dirigée par les communistes pour créer une puissante alliance ». (Germain, p.50). Dans son interprétation n'existe pas le mot « soviets ».

Pour Trotsky, il y eut une orientation politique incorrecte. Quelle était celle correcte ? Commencer à créer les soviets dès le début :

« Si (ça c'est une proposition conditionnelle, n'est-ce pas camarade Germain ?) dès le début de la marche vers le nord, nous avions commencé à créer les soviets... nous aurions gagné la base nécessaire... nous aurions concentré autour de nous les insurrections paysannes, créé notre armée et détruit celle de nos ennemis. »

Cela veut dire que, pour Trotsky, la seule façon de gagner la base nécessaire, de concentrer autour des communistes les insurrections pay­sannes et de créer l'armée, c'était de commencer par créer les soviets. Et l'orientation de créer des soviets est une orientation bien politique, « une ligne pour conduire les classes », qui n'a rien à voir avec les fameuses « initiatives du parti pour la lutte armée » et « les préparations techniques » du camarade Germain.

La lutte contre la fascisme est une excuse pour transposer en Europe la stratégie du IXème Congrès pour l'Amérique latine

Passons maintenant au problème de la lutte contre le fascisme. Le camarade Germain transpose en Europe sa « stratégie » consistant à se « préparer techniquement » et à « prendre l'initiative de la lutte armée ». Comme la majeure partie de l'Europe n'a pas de régimes dictatoriaux contre lesquels lutter, il décide que l'objectif de nos « initiatives » doit être le « péril fasciste » :

« C'est la capacité de nos camarades, là où ils ont gagné un minimum de forces, à prendre des initiatives d'affrontements ouverts avec les fascistes, que les organisations de masse ne prennent toujours pas "(document cité, p.25).

Ce que Germain fait dire à Trotsky sur la lutte contre le fascisme

Pour justifier cette position, il fait de nouveau recours à une fausse interprétation de Trotsky. Dans la citation que donne Germain, comme dans le reste du document, il est clair comme de l'eau de roche que ce que pense Trotsky est exactement à l'opposé de ce que lui fait dire Germain. Pour arriver à cette interprétation, Germain « oublie » quelle est la question à laquelle Trotsky répond dans le paragraphe cité.

« Le parti doit-il créer le groupe de défense avec « ses propres militants » » (c'est la question « oubliée ») « Les mots d'ordre doivent être lancés dans les quartiers où nous avons des sympathisants et des ouvriers qui nous défendent. Mais un parti ne peut pas créer un organe de défense indépendant. La tâche est de créer un tel corps dans les syndicats. » (Trotsky "Writings" 1938-39, p.50).

Ensuite le camarade Germain "oublie" la phrase finale, car elle précise encore que la défense contre le fascisme est liée à notre activité syndicale :

« A Minneapolis, où nous avons des camarades très capables et très expérimentés, nous pouvons commencer et le montrer à tout le pays » (p.50).

Ce que Trotsky disait véritablement de la lutte contre le fascisme

Finalement, Germain « oublie » le reste de l'article, en particulier la réponse de Trotsky à la question sur comment lancer dans la pratique les groupes de défense contre le fascisme :

« C'est très simple. Avez-vous un piquet de grève ? Même la grève passée, nous disons que nous défendons notre syndicat en faisant un piquet permanent. » (p.50).

En résumé, toute la position de Trotsky se synthétise ainsi :

« Nous pouvons vaincre de la même de la même manière (que les fascistes, en envoyant par exemple 40 ou 50 hommes pour dissoudre une réunion fasciste), mais nous devons avoir un petit corps ouvriers. » (p.50).

Trotsky dit exactement le contraire de Germain

Il est évident que pour Trotsky ce qui est fondamental, c'est de toujours avoir le soutien de la population, de la classe ouvrière, dès le début. Il faut intervenir « dans les quartiers de sympathisants » ou « avec des ouvriers qui nous soutiennent et peuvent nous défendre » ou « à Minneapolis (le principal centre de travail syndical du parti), pour faire des piquets de nos syndicats » et ne jamais créer « une organisation de défense indépendante » ».

Tout cela n'a rien à voir, c'est même l'opposé de ce qu'affirme Germain. Pour lui, le parti doit créer un organisme de défense indépendant (la tâche fondamentale de préparation technique) qui doit intervenir même sans le soutien des ouvriers (« prendre l'initiative ») dans l'affrontement avec le fascisme. Le camarade Germain a tout à fait le droit de défendre sa stratégie décennale de lutte armée transposée à l'Europe, mais il n'a pas le droit de falsifier Trotsky pour se justifier.

Germain contre Camejo et Maïtan dans l'interprétation de la révolution cubaine

Il n'a pas non plus le droit de falsifier les faits, comme il le fait dans le troisième exemple que nous allons voir, celui de la révolution cubaine. Le camarade Germain tente de démolir l'argumentation du camarade Camejo qui soutient avec justesse que l'exemple de Cuba est pratiquement impossible à répéter.

Une des affirmations du camarade Camejo est que le mouvement révolutionnaire à Cuba a compté avec la « semi-neutralité » de l'impérialisme américain. Germain répond que :

« la formule de « semi-neutralité » de l'impérialisme des Etats-Unis est simplement grotesque. Washington armait et finançait Batista jusqu'à la veille exacte de sa chute » (document cité p.53).

Comme d'habitude, pas un mot de Germain n'est exact. Notre propre Internationale publia dans QI n°31 de juillet 67, la position suivante de Livio Maïtan :

« Malgré les liaisons étroites avec le régime de Batista, l'impérialisme nord-américain n'a pas eu, dans les années 56-59 par rapport au mouvement de Castro, une attitude d'hostilité agressive de telle sorte qu'elle enlève toute marge de manœuvre politique soutenue dans les milieux capitalistes aux Etats-Unis » (Maïtan: "la IVème Internationale et les problèmes majeurs de la révolution latino-américaine à l'étape actuelle").

La véritable politique de l'impérialisme yankee envers le mouvement castriste

Pour ne pas faire une discussion sémantique entre « semi-neutralité » et « ne pas avoir de politique d'hostilité agressive », nous passerons aux faits.

Germain dit que « Washington armait et finançait Batista jusqu'à la veille exacte de sa chute ». Nous, nous disons que Washington établit un embargo sur tous ses envois d'armes à Batista le 14 mars 58. De plus, nous disons que l'église catholique, les plus grands représentants des entreprises yankees, les diplomates américains à Cuba (sauf l'ambassadeur) et les organisations de façade de la franc-maçonnerie américaine, comme le Rotary-Club et le Lyons-Club étaient tous du côté de Fidel Castro.

Déclaration d'un agent de la CIA

« La nuit suivante, un groupe représentatif de citoyens de Santiago me fit, l'honneur de m'inviter à un banquet au Country-Club. Avec Pepin Bosh y assistaient Manuel Urrutia qui était encore juge ; Daniel Bacardi, président de la Chambre de commerce ; le recteur de l'Université d'Oriente ; le révérend Père Chabebe ; le chef du Mouvement de la Jeunesse catholique ; Fernando Ojeda, un exportateur de café très connu, les présidents du Rotary-Club et du Lyons-Club, de l'Association médicale, du Collège des avocats, des instituteurs civiques et d'autres groupes... La table était longue, à une extrémité, il y avait une chaise vide face au couvert mis, et un badge, mis soigneusement pour être bien vu, disait « réservé ». Celui qui offrait le banquet, Fernando Ojeda se leva et se dirigea vers moi. Un de nos compatriotes avait l'intention d'assister à ce dîner en son honneur - dit-il - mais il s'est excusé de ne pouvoir le faire. Nous le comprenons et acceptons ses excuses, car il est occupé par une mission importante à Cuba. Son nom est Fidel Castro. Je demandais au Père Chabebe s'il considérait Fidel Castro comme un communiste, et il répondit fermement par la négative. Castro a demandé des aumôniers pour son armée rebelle - me dit le Père Chabebe -. Le premier aumônier, le Père Guillermo Sardiñas, est arrivé au quartier général de Castro jeudi dernier, et le même jour, j'ai envoyé 40 « muchachos » rejoindre Castro dans les montagnes. La semaine passée, j'ai envoyé là-bas une quantité de médailles bénites. » (Jules Dubois : "Fidel Castro", Grijallo, Buenos Aires, 1959, p.137-138).

Ce livre est une définition en lui-même, puisqu'il a été écrit par un agent, bien connu de la CIA et du Département d'Etat américain, et qu'il est totalement en faveur de Fidel Castro. Nous ne devons donc pas nous étonner de ce que dit encore Dubois :

« Le Père Sardiñas avait laissé sa paroisse de Nueva Gerona, dans l'île de Pinos, à la charge d'un assistant et avait obtenu la permission du palais de l'Archevêché de La Havane pour rejoindre les forces rebelles. Cela contrastait avec l'armée de Batista qui n'avait pas d'aumôniers. » (idem, p.138).

Le double jeu de l'impérialisme yankee

Cela ne veut pas dire que l'impérialisme et l'église luttèrent contre Batista. L'impérialisme américain joua un double jeu : les ambassadeurs étaient avec Batista, les consuls et les hauts fonctionnaires avec Castro. Un embargo fut établi sur les armes destinées à Batista, mais la dernière livraison de missiles négociée avant l'embargo fut faite. Tout indique une politique ambivalente ou de « semi-neutralité ».

Les relations entre le mouvement castriste et le Département d'Etat existèrent et furent timides. L'impérialisme américain reconnut Castro et son mouvement bien avant que ne tombe Batista. Le 26 août 1958, le Front Civil Révolutionnaire, en accord avec Castro, envoyait une lettre de « solidarité » à Eisenhower et pour le féliciter de ses derniers discours. Il lui demandait, au nom de cette solidarité, que soient retirées les missions militaires à Cuba. Le 13 octobre le Département d'Etat répondait d'une manière très cordiale dans une note, refusant cependant de remplir la demande. C'était une reconnaissance de fait.

Le Che dément le camarade Germain

Pour terminer, nous écouterons un témoin qui connaît bien mieux la révolution cubaine que le camarade Germain, le Che Guevara. Dans ses lettres personnelles à Ernesto Sabato (un écrivain argentin connu), Guevara reconnaît que Sabato a raison quand il dit que le mouvement castriste est soutenu par l'oligarchie, les secteurs les plus réactionnaires, de l'Argentine. Il ajoute même :

« Il n'est jamais venu à l'esprit des nord-américains que ce que Fidel Castro et notre mouvement disaient d'une manière si ingénue et si brutale était réellement ce que nous pensions faire. Nous étions pour eux la grande escroquerie de cette moitié de siècle; nous disions la vérité apparemment fausse. Eisenhower dit que nous avons trahi nos principes, c'est en partie vrai, nous avons trahi l'image qu'ils se faisaient de nous, comme dans le conte du petit berger menteur, mais à l'envers, et on ne nous a pas cru non plus. » (Guevara, lettre à Sabato du 12-4-60, dans "Claves políticas" de Sabato, Alonso Editor 1972, p.90).

Et anticipant sur les objections des Germain qui allaient qualifier de « grotesque » le soutien de Fidel Castro par tout un secteur de l'impérialisme yankee (le secteur lié aux Jésuites et à une partie de la franc-maçonnerie) et par toute l'oligarchie latino-américaine, le Ché expliquait les motifs de ce soutien, en définissant Castro et son mouvement ainsi :

« En définitive, Castro était candidat à la députation pour un parti bourgeois, aussi bourgeois et respectable que peut l'être le Parti radical en Argentine, et suivait les traces d'un leader disparu, Eduardo Chibas qui avait des caractéristiques que nous pourrions comparer à celles d'Yrigoyen lui-même. » (Guevara, document cité, p.88).

Nous n'avons à ajouter à cette citation que la précision qu'Yrigoyen fut l'enfant chéri de l'impérialisme anglais (qui dominait l'Argentine comme l'impérialisme américain dominait Cuba).

Nous affirmons que l'expérience de la révolution cubaine n'a rien à voir avec celle d'une poignée de militants préparés techniquement et prenant l'initiative de la lutte armée. Les cubains avaient, bien avant de commencer la lutte, acquis une grande influence de masse à travers précisément le parti qu'avait dirigé Chibas. Que ce fut un parti bourgeois n'a rien à voir, car il s'agit de savoir s'ils ont gagné le soutien des masses avant ou après avoir commencé la lutte armée. Le reste est le thème d'une autre discussion.

Les conditions qui entourèrent la révolution cubaine peuvent-elles se répéter ?

Ce qui est clair c'est que, même si la révolution cubaine avait été le fruit de l'initiative d'une poignée de révolutionnaires dans la lutte armée, les conditions qu'elle a connues furent absolument exceptionnelles et pratiquement impossibles d'être répétées. Que Germain nous dise si un mouvement guérilléro postérieur à celui de Castro a compté avec la tolérance de l'impérialisme et le soutien des exploiteurs latino-américains. Qu'il nous dise si l'un d'eux ne s'est pas terminé comme tous les autres par un désastre total. Ils se heurtèrent dès le début à l'opposition de l'impérialisme et des bourgeoisies nationales et ne comptèrent sur aucune sorte d'appui massif, car précisément ils ont pris, isolés des masses, l'initiative de la lutte armée. A moins que le camarade Germain n'ait obtenu des garanties de semi-neutralité de la part de l'impérialisme et de soutien de la part des oligarchies latino-américaines, sa stratégie à long terme de lutte armée entraînera les sections de notre Internationale qui l'appliquent à des désastres analogues à ceux des guérillas castristes sur notre continent.

Lutte armée de Hugo Blanco au Pérou

Nous terminerons très brièvement par le quatrième exemple du camarade Germain, l'intervention de Hugo Blanco au Pérou. Nous n'avons rien à ajouter à ce que dit le camarade Hansen dans son dernier document.

Nous pouvons seulement dire que cette fausse interprétation des faits par le camarade Germain est totalement consciente. Le camarade Germain a-t-il oublié que tout ce qu'a fait le camarade Hugo Blanco, c'était avec les syndicats paysans, et non une « armée révolutionnaire » crée par le parti de par sa propre initiative ? A-t-il oublié que la lutte armée est apparue comme une nécessité pour le mouvement paysan (syndicalement organisé par Hugo Blanco) de se défendre contre la répression déchaînée par le régime face à l'occupation massive des terres ? Quel est le rapport entre cette lutte armée, fruit d'un moment de la lutte de classes au Pérou, et la stratégie de lutte armée de la majorité pour toute l'Amérique latine et pour chaque moment de la lutte de classes ? Le camarade Germain oublie-t-il que cette lutte armée est apparue comme une nécessité du mouvement des masses et non comme une initiative d'un parti ou d'une avant-garde ?

Les véritables divergences par rapport à la lutte armée

Les quatre exemples du camarade Germain, interprétés comme il se doit, éclairent avec netteté toute cette discussion. Il ne s'agit pas ici, bien que le camarade Germain insiste, de se définir pour ou contre la lutte armée. Il s'agit du fait que la majorité prétend décréter que la lutte armée, ou sa préparation, est notre tâche centrale pour toute une longue étape de la lutte de classes; du fait qu'elle prétend que cette lutte armée soit une initiative prise par le parti. Pour la minorité, la lutte armée est une tâche parmi d'autres pour le mouvement des masses, qui ne peut être menée que lorsque le mouvement des masses y sera disposé et quand la lutte de classes l'imposera, et qui ne réussira que si elle est faite à partir des organismes du mouvement des masses. En définitive, il s'agit du fait que la minorité refuse de prendre la lutte armée comme une stratégie en soi pour toute une étape de la lutte de classes, mais elle est disposée pour cette tâche, comme pour une autre, à se mettre à la tête des masses quand leur propre lutte les amènera à la nécessité de la mener. La meilleure preuve en est que le camarade Hugo Blanco, le dirigeant de masse le plus important du trotskysme de ces 20 dernières années (au moins), qui a eu entre les mains, la responsabilité de prendre les armes quand la situation de la luttes de classes l'exigeait, et qui a su assumer cette responsabilité, ce camarade n'appartient pas à la majorité mais aux rangs et à la direction de notre tendance léniniste trotskyste.


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