1938

Révolution et contre-révolution en Espagne, de Felix Morrow, reste la meilleure analyse marxiste de la révolution espagnole de 1936-1937 et de son issue tragique.
E. Mandel (1977)


Révolution et contre-révolution
en Espagne (1936-1938)

Felix  Morrow

 

ch. XVI – La lutte militaire sous Negrin-Prieto


Le jour même de sa constitution, il apparut que le « gouvernement de la victoire » poursuivrait immanquablement la politique militaire désastreuse de son prédécesseur.  Prieto conti­nuerait sa politique navale inactive, ainsi que la discrimination politique dans la répartition de l'aviation sur les différents fronts.  A présent ce dernier assumait également la direction de l'armée, ayant réuni tous les services dans un même ministère de la Défense, mais le Conseil suprême de la Guerre, établi en décembre, était déjà dominé par le bloc bourgeois-stalinien qui détenait la majorité dans les ministères. (L' « exigence » stalinienne de fonctionnement normal du Conseil du 16 mai ne faisait que renforcer le mythe qui allait faire de Caballero le bouc émissaire de la conduite de la guerre.) Le cours politique qui avait dicté la précédente stratégie militaire – refus d'allumer la flamme de la révolte en Afrique du Nord, soutien à la bour­geoisie basque contre les ouvriers, persécution de la Catalogne et de l'Aragon – se poursuivit et s'intensifia.

Le cabinet Negrin ajouta de nouveaux obstacles à la pour­suite de la guerre.

Sur la question nationale – les relations avec les mino­rités – le régime Negrin ne se situa pas seulement à droite de Caballero, mais à droite de la République de 1931-1933.  La centralisation bureaucratique que préconisaient les monarchistes et les fascistes avait été une des raisons majeures qui leur avait aliéné les peuples de Catalogne, d'Euskadi (Pays basque) et de Galice.  Lorsque la guerre civile avait commencé, l'autonomie limitée des Catalans et des Basques s'était élargie de fait.  Une déclaration d'autonomie de la Galice aurait facilité incommen­surablement la guerre de guérilla dans cette région.  On ne la fit pas, parce qu'on aurait créé un précédent dont la Catalogne aurait pu s'inspirer.  Comme nous l'avons vu, le régime de Negrin entreprit de réduire à néant l'autonomie catalane.  Alors que les bolcheviks avaient gagné des forces pour poursuivre la guerre civile dans la loyauté accrue des minorités nationales autonomes à leur égard, le gouvernement loyaliste, lui, éteignit le feu des aspirations nationales.

On réduisit la paie des miliciens de 10 pesetas à 7 par jour, tandis que la hiérarchie des salaires des officiers était la suivante : 25 pesetas pour un sous-lieutenant, 39 pour un lieu­tenant, 50 pour un capitaine et 100 pour un lieutenant-colonel.  Ces discriminations économiques renforcèrent ainsi largement les règlements militaires.  Il est inutile d'insister quant à l'effet désastreux de tout ceci sur le moral des troupes, et quant à leur subordination croissante envers les officiers.

Le front Nord tout entier allait bientôt être trahi par la bourgeoisie et les officiels basques, et par la « cinquième colonne » des sympathisants fascistes infiltrés parmi les gardes civils et d'assaut et la population civile.  La lutte contre la cin­quième colonne faisait indissolublement partie de la lutte mili­taire.  Mais, comme Camillo Berneri l'avait écrit avant même l'intensification de la répression sous Negrin :

«  Il va de soi que, pendant les mois où l'on tente d'anéan­tir les "incontrôlables " du P.O.U.M. et de la C.N.T., on ne peut résoudre le problème de l'élimination de la cinquième colonne.  La suppression de la cinquième colonne sera principalement menée à terme par une activité d'en­quête et de répression que seuls des révolutionnaires expé­rimentés peuvent accomplir.  Une politique interne de collaboration de classes et de ménagement envers les classes moyennes ne peut que conduire à la tolérance d'éléments politiquement douteux.  La cinquième colonne n'est pas seulement constituée d'éléments fascistes, mais aussi de tous les mécontents qui espèrent une république modé­rée. »

Tandis que l'on abandonnait le front Nord à la bourgeoisie basque, le front de l'Aragon fut soumis à une purge terrifiante.  En juin, le général Pozas prit l'initiative de ce qui était osten­siblement une offensive générale.  Après plusieurs jours de combat aérien et d'artillerie, on donna l'ordre d'avancer à la 291, divi­sion (ex-division Lénine du P.O.U.M.) ainsi qu'à d'autres formations.  Mais le jour de l'offensive, il ne fut fourni ni artil­lerie, ni aviation pour les protéger.  Pozas proclama plus tard que c'était parce que l'aviation défendait Bilbao.  Or, le jour de l'offensive, Franco avait pris la ville depuis trois jours... Les soldats du P.O.U.M. comprirent bien qu'ils avaient été délibé­rément exposés.  Mais refuser d'aller au feu aurait fourni un prétexte aux staliniens contre le front de l'Aragon.  Ils y allèrent.  L'un des flancs fut ostensiblement confié à une brigade inter­nationale (stalinienne), mais, peu après le début de l'offensive, elle reçut l'ordre de se replier.  Le lieutenant-colonel chargé d'une formation de gardes d'assaut sur l'autre flanc félicita plus tard les troupes du P.O.U.M. :

«  A Sarinena, on m'avait mis en garde contre vous; vous pourriez nous tirer dans le dos.  Non seulement ça n'a pas été le cas, niais grâce à votre bravoure et à votre disci­pline, nous avons évité une catastrophe.  Je suis prêt à aller protester à Sarinena contre ceux qui sèment les graines de la démoralisation pour faire triompher leurs objectifs politiques partisans. »

Cahué et Adriano Nathan, commandants du P.O.U.M., furent tués en pleine action pendant l'offensive.  Au moment où la police venait arrêter Cahué en tant que « trotsko-fasciste  ».

L'attaque finie, on renvoya le 29e à l'arrière.  D'ordinaire, cela aurait impliqué l'abandon des fusils – il n'y en avait jamais assez pour alimenter le front et les réserves en même temps.  Mais les troupes du P.O.U.M., méfiantes, refusèrent de rendre leurs armes.  Elles se déclarèrent prêtes à retourner au front.  Peu après, on ordonna à deux bataillons de la division de marcher sur Fiscal (sur le front de Jaca) afin de repousser une attaque fasciste.  Non seulement ils écrasèrent les atta­quants, mais ils reprirent les positions et le matériel perdus.  Puis on les retira pour attendre les ordres, mais sans les ren­voyer dans leur division.  Pourquoi ? Pour les désarmer.  Pozas en avait donné l'ordre.  On les concentra dans le village de Rodeano, entourés d'une brigade stalinienne.  On les dépouilla de leurs objets de valeur – montres, chaînes, et même sous-vêtements en bon état et chaussures neuves.  Leurs dirigeants furent arrêtés, et on permit aux autres de s'en aller, à pied.  Rentrant à pied chez eux, beaucoup furent arrêtés dans les villes qu'ils traversaient.  On n'employa pas les mêmes méthodes pour le reste de la division, pour la seule raison que la nouvelle s'était rapidement répandue, et que Pozas eut peur que les divisions de la C.N.T. ne prennent la défense de la 29e.  Mais, quelques semaines plus tard, elle fut officiellement dissoute, les hommes qui restaient furent éparpillés en petits groupes [1].

La division Ascazo (C.N.T.) fut également démantelée. Acraria, journal de la C.N.T. de Lerida, écrivait :

« Maintenant, nous savons exactement pourquoi Huesca ne fut pas prise.  La dernière opération de Santa Quiteria en fournit une bonne preuve.  Huesca était encerclée de toutes parts, et seule la trahison des forces aériennes (contrôlées par le P.S.U.C.) fut responsable du désastre qui marqua la fin de cette opération.  Nos miliciens ne furent pas soutenus par les forces aériennes, et on les laissa ainsi sans défense face au feu nourri des mitrail­leuses de l'aviation fasciste.  Ce n'est qu'une des multiples opérations parmi d'autres qui se terminèrent de cette manière en raison de trahisons semblables de l'aviation. »

Une session plénière du Comité central du P.S.U.C. se tint peu après à Barcelone.  Parmi ses éminents participants se trouvaient les « camarades » Pozas, général, chef du front de l'Aragon, Virgilio Llanos, commissaire politique au front et le lieutenant-colonel Gordon, chef d'état-major...

On fit valoir aux troupes de front de l'Aragon que la sou­mission au contrôle gouvernemental marquerait la fin de leurs malheurs.  Mais ce contrôle ne servit qu'à les briser davantage.  Le correspondant au front du journal anarchiste Libertaire (de Paris) écrivait le 29 juillet :

« Depuis que le gouvernement central a pris le contrôle, le boycott financier s'est accentué.  La plupart des mili­ciens n'ont pas été payés depuis longtemps.  A Buralajoz, où se trouve l'état-major de la colonne Durruti, officiers et soldats n'ont pas touché un centime ces trois derniers mois.  Ils ne peuvent pas laver leurs vêtements faute de savon.  Dans beaucoup d'endroits que j'ai visités après plu­sieurs mois d'absence, j'ai retrouvé des camarades que je connaissais bien, ils étaient maintenant pâles, maigres et visiblement affaiblis.  L'état physique des troupes est tel qu'elles ne peuvent parcourir plus de 15 kilomètres par jour.  Dans la région de Farlete, les troupes vivent de chasse, sinon ils mourraient de faim. »

La persécution systématique des principales forces du front de l'Aragon ne pouvait guère permettre d'aller à la vic­toire, bien que la 250ème  division (C.N.T.) ait fait bonne figure à Belchite et à Quinot.  Mais les prétendus succès de l'offensive de juillet sur le front de l'Aragon n'étaient que bavardages de journalistes. « Les résultats ? écrivait le journal anarchiste illégal Libertad le 1er août, deux villages perdus dans les Pyré­nées et 3 000 hommes perdus.  Voici ce qu'ils appellent un succès.  Quel succès désastreux, malheureux, honteux ! »

Après la chute de Santander, le 26 août, la persécution des troupes de la C.N.T. s'apaisa quelque peu.  Mais les consé­quences de la création de forces contre-révolutionnaires de répres­sion, telle que la division Karl Marx contrôlée par les staliniens, constituèrent alors une leçon édifiante.  Au beau milieu d'une offensive dans le secteur de Zuera,

« cinquante officiers de cette division et six cents soldats passèrent aux fascistes.  En résultat de cette désertion, un bataillon fut détruit.  En dépit de la fou­gue des forces de la C.N.T., l'opération ne pouvait pas se bien terminer.  L'ennemi avait eu le temps nécessaire de se remettre, et il était impossible de poursuivre l'attaque.  Après la convocation immédiate d'une cour martiale sommaire, trente officiers de la division Karl Marx furent fusillés.  De plus le commissaire politique de la division, Truebla, membre du P.S.U.C., a été révoqué. »

(Arrigo del pueblo, journal illégal des Amis de Durruti, du 21 septembre.)

Inutile de dire qu'inter­diction fut faite à la presse de la C.N.T. de publier les faits.

Le front Nord

Le gouvernement Negrin, plus enclin encore que celui de Caballero à verser dans la collaboration de classes, ne fit rien pour lutter contre les sabotages de plus en plus impudents de la bourgeoisie basque.  Ce front était resté inactif pendant toute la période de novembre 1936 à mai 1937, alors que les fas­cistes se rassemblaient pour l'anéantir complètement.  Ces six mois n'avaient pas davantage été utilisés pour une préparation économique et militaire.  Il faut à nouveau insister sur le fait que l'Euskadi (Pays basque) venait juste après la Catalogne en tant que région industrielle, et lui était supérieure en ce qui concerne l'industrie lourde, avec sa sidérurgie et ses aciéries parmi les mines de fer et de charbon.  On ne fit rien pour y développer une grande industrie de guerre.  Les staliniens parta­gent la responsabilité de ce crime, car deux représentants du parti étaient ministres de ce gouvernement autonome.  Le coup de mars contre la C.N.T., l'emprisonnement de son comité régional et la confiscation de ses presses, était maintenant suivi d'une répression systématique contre les ouvriers.  Les meetings publics étaient interdits.  La seule force qui aurait pu empêcher la trahison avait donc été écrasée par le bloc bourgeois-stali­nien.

Comme nous l'avons dit, des craintes constantes régnaient dans le cabinet Caballero quant à la loyauté des Basques.  Les perpétuelles menaces d'Irujo d'abandonner totalement le com­bat ne faisaient qu'exprimer l'absence d'intérêt sérieux de la bourgeoisie dans la lutte contre le fascisme, et le fait qu'elle ne combattrait pas si la propriété privée risquait d'être détruite.  Par conséquent, lorsque Franco commença de faire mouvement vers le Nord, Caballero planifia une offensive de grande enver­gure sur le front Sud de Madrid pour détourner le feu des forces fascistes.  Selon ses amis, 75 000 hommes de troupe entiè­rement équipés devaient entrer en action, mais deux ou trois jours avant le début de l'offensive, il fut contraint de démission­ner.  Le premier acte de Negrin fut de retirer ces troupes.  Quoi qu'il en soit, le fait est qu'il n'y eut pas d'offensive pour soula­ger Bilbao, ni sur le front de Madrid, ni sur celui de l'Aragon, avant juin – trop tard.

Mais la raison fondamentale de la perte de Bilbao fut la trahison ouverte.

« Même les canons lourds des rebelles n'auraient pas pu détruire certaines de ces fortifications souterraines, avec leurs trois murs de béton armé et les blockhaus espacés lotis les 4 ou 5 km jusqu´à la côte de Biscaye.  Les fascistes eux-mêmes disent que " l'anneau de fer " des fortifica­tions n'aurait pas pu être pris si les Basques n'avaient pas été trompés », écrivait le correspondant du New York Times.

« Tromper » n'était cependant qu'un euphémisme fasciste pour trahir.  Après la chute de la ville, la délégation basque à Paris reconnut les faits, et accusa un ingénieur responsable de la construction des fortifications qui avait fui chez Franco avec les plans.  L'analyse de l'histoire de la délégation révéla que l'ingénieur en question s'était enfui des mois auparavant.  Pour­quoi la période écoulée n'avait-elle pas été employée à redes­siner les fortifications ? Mais cet alibi était de la poudre aux yeux.  Car, comme n'importe quel novice en art militaire le sait, la simple possession des plans n'aurait pas pu permettre aux fascistes de briser les fortifications.  On les laissa passer à travers l'anneau de fer.

Supposons que nous acceptions l'alibi des Basques.  Pour­quoi, dans ce cas, Bilbao ne fut-elle pas défendue, en soutenant un siège tel que celui de Madrid – moins bien située?  Un axiome élémentaire de la science militaire veut qu'aucune grande ville ne puisse être prise tant que ses immeubles les plus importants – véritables fortifications – n'ont pas été rasés au point de ne plus pouvoir offrir de protection aux troupes assiégées.  Pour raser les bâtiments en les bombardant, il fallait un équipement énorme que les fascistes n'avaient pas – moins d'un huitième de Madrid avait été rasé ainsi, après un an de bombardements.

Mais la bourgeoisie n'attendit pas le bombardement de Bilbao.  Le 19 juin, elle rendit la ville, comme elle avait aban­donné San Sebastian en septembre de l'année précédente.  La politique générale d'abandon de villes intactes par les Basques n'a d'équivalent dans aucune guerre moderne, pour ne pas parler de guerre civile !

Le correspondant proloyaliste du New York Times écri­vait le 21 juin 1937 :

 « Des détails appris aujourd'hui concernant les dernières heures du pouvoir basque à Bilbao montrent que 1 200 miliciens, soldats de l'armée régulière avant la guerre civile, décidèrent, tôt le matin, après que les ponts aient été coupés, que le chaos avait assez duré, et prirent le contrôle de la ville en qualité de police.  Les miliciens des Asturies et de Santander furent chassés de la ville.  Assisté de quelques gardes civils et de la police régulière, ce bataillon accepta la reddition de leurs camarades miliciens dans la ville, s'emparèrent de leurs armes et ensuite hissèrent un drapeau blanc sur le bâtiment du téléphone.  Pendant la nuit ils firent la tournée des mai­sons pour assurer à la population qu'il n'y avait pas de motif de panique, placèrent des gardes devant les immeu­bles publics, et formèrent le soir un cordon dans la rue principale, pour empêcher les foules excitées d'approcher de trop près les troupes nationales quand celles-ci traver­sèrent la ville. »

Leisola, ministre de la Justice du gouvernement basque, resta en arrière pour superviser la trahison.  A l'exception de dix-sept personnes (dont nous entendrons bientôt reparler), tous les otages fascistes furent relâchés et renvoyés derrière les lignes fascistes en signe de bonne volonté, avant que les troupes n'aient atteint la ville.  En d'autres termes, l'armée basque régu­lière, dirigée par la bourgeoisie, se joignit à la « police républi­caine » pour attaquer les Asturiens et la milice par derrière.  Ils les désarmèrent autant qu'ils le purent et démantelèrent les maisons et les barricades que les ouvriers avaient préparées pour le combat de rue.  Peu après l'occupation, la même police arbora des bérets carlistes et devint la police régulière de Franco.

Les tentatives de la presse de la C.N.T. et de l'U.G.T. de donner l'alarme après la chute de Bilbao furent réduites à néant par la censure.  On autorisa l'état-major basque à conser­ver le commandement des troupes en retraite.  Quand les fas­cistes entreprirent une nouvelle offensive peu de semaines après, la ville industrielle de Reinosa, clef de la défense de Santander, s'effondra, et les Basques, une fois de plus, ne firent aucune tentative pour défendre la ville elle-même.

Deux jours avant la chute de Santander, l'état-major bas­que et les membres qui restaient du gouvernement s'enfuirent en France sur un navire de guerre anglais.  L'édition du New York Times du 25 août en révéla les conditions :

« Lors de la chute de Bilbao, les Basques libérèrent tous les otages, à l'exception de dix-sept d'entre eux. On considère qu'ils sont maintenant en grand péril, puisque les Basques admettent qu'il n´est plus possible de les protéger des éléments extrémistes de Santander. .« Quand l'ambassade britannique accepta d'emmener les otages, elle s'arrangea pour évacuer les Basques qui les avaient gardés, de même que les membres restants du gou­vernement basque.
« On espère que l'ensemble de la manœuvre sera terminé avant que les éléments les plus violents de Santander ne s'aperçoivent de ce qui arrive. »

Le jour suivant (25 août), le navire anglais le Keith, arriva à Santander avec à son bord les Basques et les représentants fascistes, et « délivra » les officiels basques et les dix-sept fas­cistes.

Le président Aguirre n'était pas à Santander.  Il banqueta à travers l´Espagne sans rien dire, puis rejoignit ses collègues à Bayonne, en France, d'où ils publièrent la déclaration suivante :

 « La délégation du gouvernement basque réfugiée à Bayonne prend la responsabilité de souscrire à ce qui suit : l'offensive de Franco contre Reinosa se termina par de terribles conséquences.  Les troupes de Franco avancèrent avec une rapidité incompréhensible sur un terrain de hautes montagnes entrecoupées de gorges profondes. Les techniciens militaires furent abasourdis par la rapidité de cette progression, non seulement de l'infanterie, mais aussi de l'artillerie lourde, et des services encombrants qui appartenaient aux différents régiments et aux différentes armes.
« C'était une entreprise impossible ou très difficile, qui prouve que les accidents de terrain ne furent pas utilisés pour résister à l'armée de Franco. « Face à cette progression, les troupes de l'armée de San­tander n'offrirent aucune résistance à l'ennemi.  Non seu­lement elles n'entrèrent pas en contact avec l'ennemi, mais elles ne se préparèrent pas à battre en retraite de manière à pouvoir s'organiser pour la défense. « Depuis le début de l'offensive, l'armée de Santander était défaite.  Ni les communications, ni les services sani­taires, ni les moyens d'éviter les attaques surprises ne fonctionnaient.  Aucune ligne de résistance ne put être établie, car les bataillons qui ne se rendaient pas au pre­mier choc s'enfuyaient dans la campagne dans le désordre le plus complet.
« Ni l'état-major de Santander, ni celui de l'armée du Nord ne contrôlèrent l'offensive à quelque moment que ce soit.  Une fois passée Reinosa, ils ne purent retrouver ni la position ni la situation de leurs troupes, ni la moindre unité sur laquelle compter.
« Reinosa fut rendue à l'ennemi sans que l'on prenne le temps d'évacuer la population.  L'usine d'artillerie tomba entre les mains des rebelles, ses entrepôts de construction navale presque intacts, de même que tout le matériel en construction, y compris 38 batteries d'artillerie. « La seule résistance que l'ennemi rencontra dans sa pro­gression fut celle que lui offrirent les bataillons basques qui se ruaient au front.  La conduite incompréhensible (des autres) finit par faire prendre conscience au corps de l´armée basque qu'il avait été trahi, et que l'on facilitait l'avance des troupes de Franco de telle sorte que l'armée basque tout entière puisse tomber en son pouvoir. « Les basques, qui avaient résisté près de 90 jours à une offensive brutale (contre Bilbao) incomparablement plus violente que celle de Reinosa, sans avoir à leur disposition les moyens de l'armée de Santander, ne purent donner aucune explication rationnelle à la perte de 80 km en huit jours sur un pareil terrain.  Il faut ajouter à ces faits que l'offensive contre l'Euskadi avait été une surprise, tandis que celle de Reinosa était annoncée et prévue. « Quand on lui confirma la situation réelle, le haut com­mandement de l'armée basque se préoccupa de sauver ses troupes et d'empêcher ses effectifs de tomber aux mains de l'ennemi.  Il consacra tous ses efforts à cette mission, avec l'aide du gouvernement basque qui continua à donner les preuves de sa capacité et de sa sérénité dans ce moment grave et difficile [2]. »
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Quelqu'un avait trahi, mais pas nous, telle était la subs­tance de ce document stupéfiant, mises à part les calomnies contre les miliciens des Asturies et de Santander, dont 15 000 avaient été exécutés à la mitrailleuse après avoir été encerclés dans Santander.

Une édition de la presse parisienne du 26 août donna le nom de quelques-uns des traîtres, en rapportant que le com­mandant des gardes d'assaut Pedro Vega, le commandant des troupes basques Angel Botella, et le capitaine Luis Terez se présentèrent à l'avant-poste le plus proche des troupes fas­cistes en offrant la reddition de Santander, tout en prévenant qu'un bataillon de la milice de la F.A.I. était décidé à lutter à mort.

Qui donc, connaissant un tant soit peu les miliciens de la C.N.T. et des Asturies, pourrait imaginer qu'ils n'étaient pas restés à leur poste, prêts à combattre jusqu'à la mort ?  On pourrait rapporter des milliers d'exemples de leur héroïsme suprême.  Pourquoi se seraient-ils rendus ou n'auraient-ils pas combattu, surtout les miliciens des Asturies, qui avaient appris en octobre 1934 que les réactionnaires ne respectaient pas les accords sur les représailles.  D'un autre côté, les Basques ne pouvaient citer aucune bataille dans laquelle ils auraient tenu jusqu'au bout.  Le document alibi de Aguirre était cousu de fils blancs.  Il n'y avait pas de différence notable entre le com­portement des Basques à Bilbao et les événements de San­tander.  Au contraire, ils n'avaient fait que suivre le même modèle.

Nous le répétons : la bourgeoisie n'avait aucun intérêt sérieux dans la lutte contre le fascisme.  Remettre ses biens intacts à Franco dans la perspective d'une réconciliation éven­tuelle était infiniment préférable pour elle à leur destruction dans une lutte à mort.  Ses liens avec les Britanniques l'avait empêchée de se rallier à Franco dès le départ.  Mais, pendant l'offensive contre Bilbao, le problème fut « résolu ;» Les Anglais avaient conclu un arrangement avec Franco concer­nant les provinces basques.  Comme le révéla Frédérick Bir­chall, qui sait de quoi il parle, dans le New York Times, les banques anglaises avaient fourni d'importants crédits à Franco, par l'intermédiaire des Hollandais, qui devaient être garantis par des produits de la région de Bilbao.  Puis ce fut la brèche dans « l'anneau de fer » ; mais, même sans l'arrangement final avec les Anglais, ils auraient livré Bilbao et Santander intactes aux fascistes, comme ils leur avaient donné San Sebastian en septembre précédent.

Que d'autres aient trahi aussi, nous le concédons volon­tiers à Aguirre.  Avant que les troupes fascistes n'entrent à Santander, les gardes civils et d'assaut, hier « loyaux », patrouillaient une fois de plus dans les rues, désarmant les miliciens des Asturies et empêchant les combats de rues.  Ces policiers dépendaient du ministère de l'intérieur (un homme de Prieto), et directement d'un directeur général de la police stalinien, qui avait dissous les conseils de gardes antifascistes pour avoir épuré la police de ses éléments douteux.

Qu'en était-il de ce Conseil suprême de la Guerre, dont le « fonctionnement réel » avait été l'une des revendications que Caballero n'avait pas satisfaites, ce que seul Negrin pou­vait faire ?

Qu'en était-il des deux ministres staliniens du gouver­nement basque qui s'étaient enfuis de Bilbao – sûrs qu'ils connaissaient mieux que nous leurs collègues – avant Aguirre lui-même?  Quel témoignage vécu pouvaient-ils apporter?  Il est certain que ce n'est pas par la presse stalinienne qu'on apprendra qu'ils aient jamais existé  [3].

Les Basques s'étaient lavés de tout soupçon... par de vagues accusations. ils avaient assuré avec autorité qu'il y avait eu trahison.  Mais le fait est que le gouvernement n'ordonna aucune enquête, n'entendit personne, et ne fit aucune décla­ration sur cette question  !

Les commentaires de la C.N.T. et de l'U.G.T. sur la perte de Santander furent sabrés par la censure, car ils essayaient de tirer quelques leçons.  Néanmoins une vague d'amertume secoua les masses.  Etait-ce pour cela qu'elles avaient combattu ? On aurait pu faire, au moins, des conces­sions verbales.  Même le journal de Prieto, El Socialiste du 31 août avait déclaré :

« Sans révéler aucun secret, nous pou­vons affirmer que l'on a trahi à Malaga, à Bilbao, à Santander [... ] l'état-major a abandonné Malaga sans combat ; les chefs militaires se sont enfuis en France, lorsque Bilbao a été en danger; d'autres se sont entendus avec l'ennemi pour facili­ter son entrée dans Santander. »

Les staliniens tentèrent de rejeter toute la faute sur la bourgeoisie basque dans une déclaration du bureau politique de la mi-septembre : ses paragraphes critiques corroborent notre analyse :

« On n'utilisa pas la longue inactivité [des fronts de Bilbao et de Santander] pour organiser l'armée ou for­tifier sérieusement nos positions.  Les cadres soupçonnés de trahison ne furent pas éliminés; on n'encouragea pas la promotion d'éléments nouveaux aux postes de com­mandement [... ]
« Dans les provinces basques, à Santander, on ne suivit pas une politique qui aurait satisfait les désirs des ouvriers et des paysans.  Les grands propriétaires fonciers et les propriétaires de grandes entreprises qui gardaient des relations avec les fascistes conservèrent leurs privilèges, ce qui a rafraîchi l'enthousiasme des combattants.
« Un libéralisme Pourri assura l'impunité à la cinquième colonne [... ] l´interdiction des réunions publiques isola le gouvernement et même le Front Populaire des Couches actives du peuple, et empêcha d'utiliser le courage et l'enthousiasme des citoyens pour la défense des villes. « La conduite contestable et la malhonnêteté des moyens utilisés par certains éléments (entre autres causes que nous ne pouvons examiner maintenant) contribuèrent à miner l'enthousiasme des populations, à affaiblir la force des soldats. »

(Reproduit dans le Daily Worker du 25 octobre 1937.)

Remarquez que la déclaration ne faisait pas référence et ne pouvait pas le faire – à une agitation antérieure du Parti communiste pour abolir les privilèges de la bourgeoisie, pour la bonne raison que le parti lutta contre, au nom préci­sément de l'unité contre le fascisme.  Citons pour mémoire la déclaration de Diaz, dirigeant du parti, à la précédente session première du comité central :

 « Si, au début, les diverses tentatives prématurées de «  socialisation » et de " collectivisation " qui résultaient d'une compréhension confuse du caractère de la présente lutte pouvaient se justifier par le fait que les grands pro­priétaires fonciers et les industriels avaient déserté leurs propriétés et leurs usines, alors qu'il fallait à tout prix que la production continue, aujourd'hui au contraire tout ceci ne se justifie plus.  A l'heure actuelle, sous un gouvernement de front populaire dans lequel toutes les forces engagées dans la lutte antifasciste sont représen­tées, de telles choses ne sont pas seulement indésirables, mais absolument inadmissibles. »

(L'Internationale communiste, mai 1937.)

Quelle totale hypocrisie que de se plaindre après cela de ce que « les grands propriétaires fonciers et les propriétaires de grandes entreprises qui gardaient des relations avec les fascistes aient conservé leurs privilèges » !

Plus important encore, la déclaration des staliniens se terminait non par la critique de la bourgeoisie, mais par la dénonciation habituelle des trotskystes et l'attribution des revers du Nord « à l'absence d'unité et de fermeté du front antifasciste ». On mettait ainsi une critique pseudo-marxiste au service d'un programme d'intensive collaboration de classes.

La délégation basque, dont la plupart des membres venaient de Paris et devaient y retourner après, se présenta à la première session d'octobre des Cortes.  La Pasionaria parla pour les staliniens : pas un mot sur la trahison de la bourgeoi­sie basque.  Au contraire : « Nous savons que les salaires que gagnent les ouvriers ne leur suffisent pas pour entretenir leurs maisons [... ] A cet égard, nous avons l'exemple de ce qui peut arriver quand les travailleurs ne sont pas satisfaits : nous avons l'exemple de l'Euzkadi, où les travailleurs gagnaient toujours les mêmes salaires parce que les mêmes entreprises capitalistes se perpétuaient. » Comment caractériser ces mots ignobles ? La seule conclusion que l'on pouvait en tirer, c'est que les ouvriers insatisfaits avaient perdu la guerre.  On ne blâmait la bourgeoisie que parce qu'elle n'avait pas donné de meilleurs salaires aux ouvriers.  Si la référence pseudo-radi­cales aux mêmes « entreprises capitalistes » était autre chose que de la démagogie, pourquoi la Pasionaria n'allait-elle pas jusqu'à exiger que les autres entreprises capitalistes qui res­taient en Espagne loyaliste soient données aux ouvriers?  A l'inverse, le cabinet reprenait systématiquement, comme nous l'avons vu, la terre aux travailleurs et la rendait à ses anciens propriétaires.

La chute des Asturies

Les miliciens des Asturies et de Santander – qui appar­tenaient pour la plupart à la C.N.T. ou aux socialistes de gauche – se battirent farouchement pour chaque pouce de terrain.  Ici, le terrain était encore plus favorable à la défense que la région montagneuse de Santander.  Les dynamiteurs des Asturies s'accrochaient toujours d'une main de fer, sans lâcher prise, aux faubourgs d'Oviedo, où ils immobilisaient la garnison depuis juillet 1936.  Les travailleurs détenaient une petite usine d'armes et de munitions à Trubia, et du matériel brut provenant du district des mines, et ceci, joint aux stocks militaires considérables rapportés de Santander, fournissait la base matérielle nécessaire pour tenir le Nord indéfiniment.

Près de 140 000 hommes de troupes armés se trouvaient dans la sphère loyaliste du Nord.  Aussi longtemps que le Nord tenait, Franco ne pouvait pas lancer de grande offensive ailleurs.  Le contraste éclatant entre la défense mise en place par les Asturiens et les redditions précédentes de Bilbao et Santander se manifestait par le fait qu'aucun village ne fut abandonné avant que les troupes fascistes ne l'aient rasé.  Et quand l'encerclement contraignait à la retraite, rien d'utilisa­ble n'était laissé en arrière.

« Les Asturiens en retraite sem­blent déterminés à ne laisser derrière eux que ruines fumantes et désolation quand ils finissent par être contraints d'aban­donner une ville ou un village [... ] Les rebelles les trouvèrent entièrement dynamités, et généralement brûlés jusqu'aux fondations. »

(New York Times du 19 octobre 1937.)

Chaque pouce de terrain coûta aux fascistes d'immenses dépenses en matériel et en hommes – jusqu'à la chute de Canga de Onis.

Puis il se passa quelque chose.  Non dans la région d'Oviedo, où la milice tenait bon.  Ni parmi les forces qui, après s'être retirées de Canga de Onis, avaient établi de nouvelles lignes.  Mais dans la région côtière de l'est de Gijon, où se trouvaient les troupes basques, et qui était sous le commande­ment direct de l'état-major stationné à Gijon.  Les fascistes de Navarre avancèrent le long de la côte depuis Ridadesella, pro­gressant de 45 km en trois jours à travers villes et villages... Cependant, le gros des troupes rebelles était à 23 km à l'est de Gijon quand la ville se rendit, le 27 octobre.

Pourquoi Gijon ne fut-elle pas défendue ? Il y restait des stocks de fournitures militaires suffisants pour mener la lutte pendant longtemps.  Nous devons le répéter une fois encore : une ville faite d'immeubles est une forteresse naturelle qui doit être rasée avant d'être prise.  La seule alternative – se retirer autre part – ne se posait pas, car il n'y avait aucun endroit où 140 000 soldats et civils pourraient se réfugier.  Il ne faisait aucun doute que Franco exécuterait des milliers et des milliers de gens, tout particulièrement les miliciens des Asturies.  Et pourtant, le gouvernement laissa ces hommes à la merci de Franco.  Le 16 déjà, l'Associated Press relatait l'arrivée en France du gouverneur des Asturies, et d'autres offi­ciels gouvernementaux qui, comme le rapportèrent les officiers des douanes détenaient des papiers montrant que le gouverne­ment central avait autorisé leur fuite. (L'édition du jour suivant rapporte que l'équipage espagnol du vaisseau qui les avait transportés avait refusé de les nourrir !) Le 20, l'United Press rapporta l'arrivée à l'aéroport de Biarritz de « cinq avions de guerre de l'Espagne loyaliste et d'un avion commercial fran­çais, ramenant les officiers fugitifs de Gijon ». « Les aviateurs déclarèrent qu'ils avaient quitté Gijon sur l'ordre de leur chef d'escadrille, lorsque les défenseurs de la rue eurent engagé le combat et qu'ils furent coupés de toute communication avec les autres unités militaires... Après avoir été interrogés, les aviateurs furent libérés et retournèrent auprès des autorités consulaires espagnoles de Bayonne. » De la même source, le même jour : « Le gouvernement espagnol a renouvelé aujour­d'hui ses insistances auprès des Français et des Anglais pour accélérer l'évacuation des civils de Gijon et assurer le trans­port des officiers de l'armée loyaliste de 140 000 hommes contraints de battre en retraite vers la mer. » Belarmino Tomas, gouverneur de Gijon, s'enfuit en France le 20.  Ainsi, le gouvernement sauva ses fonctionnaires, laissant les masses armées à leur sort.

Les masses n'eurent pas davantage le choix de mourir en combattant au lieu de passer devant le peloton d'exécution.  En guise de concession aux travailleurs, Tomas, un socialiste, avait été nommé gouverneur de Gijon.  Mais ce n'était qu'une caution de gauche.  Pendant les deux mois précédents, aucune mesure n'avait été prise pour épurer le corps des officiers de l'armée basque, les états-majors de Santander ou les autres officiers, ni pour créer les patrouilles ouvrières afin de net­toyer la ville de la cinquième colonne.  De la même manière, on n'épura pas le corps des gardes civils et d'assaut.  En conséquence, les masses se trouvèrent prises dans un piège mortel.

« La colonne côtière (des fascistes), l'une des quatre qui menaient l'offensive, se trouvait tout près de la ville ­22 km par la route – quand Gijon se souleva.  Radio Gijon débuta ses émissions à 10 heures du matin en annonçant soudainement : " Nous attendons avec une grande impatience... Vive Franco. « Peu avant 15 h 30, les troupes à bérets rouges entrè­rent dans la ville.  Pendant ce temps, la radio de Gijon expliquait que, la nuit précédente, tandis que les diri­geants du gouvernement s'enfuyaient, des organisations secrètes de rebelles s'étaient répandues dans les rues, en groupes armés et avaient pris la ville. »

(New York Times du octobre 1937.)

Trois jours plus tard, on a découvert quel avait été le, rôle de la « police républicaine loyaliste –. « Les forces de police qui avaient toujours maintenu l'ordre public et réglé la circu­lation étaient à leur poste aujourd'hui. » Une fois de plus, les forces prétoriennes du gouvernement et ses alliés bourgeois s'étaient ralliés à Franco.  Il était linguistiquement approprié que l'offre formelle de reddition à Franco provienne du colo­nel Franco, un « républicain loyal ». Rien n'avait été détruit.  Les petites usines de munitions, les entreprises, etc. revinrent intactes à Franco.  Ceci montrait le niveau des officiers gou­vernementaux et des fonctionnaires qui avaient fui.  Soit ils avaient directement pris part à la trahison, ce pourquoi la ville était intacte, soit, plus vraisemblablement, ils n'osèrent pas dire aux soldats que la ville ne serait pas défendue, en conséquence de quoi ils s'enfuirent discrètement sans demander aux masses armées d'organiser leur autodéfense...

La Pasionaria avait baptisé le Gouvernement « el gobierno de la victoria ». L'incongruité grotesque de ce nom avait été démontrée en six mois.  La seule justification concevable de la répression contre les travailleurs et les paysans aurait été la victoire militaire.  Mais la politique militaire désastreuse de ce gouvernement découlait précisément de sa politique réaction­naire.  Que l'Espagne demeure sous ce joug terrible et s'enfonce de plus en plus, ou qu'elle. se libère des organisateurs de la défaite et avance vers la victoire, quoi qu'il en soit, l'histoire a déjà donné au gouvernement Negrin-Staline son titre véritable « le gouvernement de la défaite ».


Notes

[1] D'après le reportage du correspondant du front Avaizii, journal de l'émigration (Paris) des maximalistes socialistes italiens, qui ne représente guère une source « trotskyste ».

[2] Du texte espagnol original (Boletin de la C.N.T., Valence, 11 septembre).

[3] Si ce n'est que, six mois après la chute de Bilbao, un des ministres fut exclu du Parti communiste – geste grossier pour fournir un bouc émissaire aux crimes de Staline.


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