1936

Paru dans La Révolution prolétarienne n°221 du 25 avril 1936.

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Lettre à La Révolution prolétarienne

Victor Serge

21 avril 1936


Chers amis de la R.P.

Je suis à Bruxelles depuis trois jours.

Je ne puis vous envoyer que quelques mots bien hâtifs. Je viens de vivre des années noires, pendant lesquelles je n'ai eu d'autre appui moral et matériel que celui des camarades dont je savais seulement qu'ils existaient et qu'ils luttaient… Je dois la liberté, je dois tout à ceux qui m'ont défendu. J'étais voué sans eux tous à la prison et à la déportation à perpétuité. Ce que l'amitié et la solidarité ont fait pour moi est très grand et constitue, par le temps qui court, une belle réussite. Sur les conditions de ma déportation et de mon départ, je vous récrirai. Je vous serre la main à tous en camarade et en ami pour une première prise de contact.

J'ai laissé derrière moi en Russie une foule de militants durement, indéfiniment, implacablement persécutés pour le seul “ crime de pensée ”, parce qu'ils ne vivent que pour la révolution. Ils remplissent les prisons, les camps de concentration, les lieux de déportation. Ils y meurent. J'apporte la nouvelle de la mort de l'un des communistes opposants les plus doués et les plus courageux. J'ai quitté ces hommes avec une tristesse sans bornes, je me suis arraché d'eux, mais ça ne doit être là qu'un arrachement physique: de toute mon âme je reste et resterai avec eux. Je ne veux pas en ce moment distinguer entre eux des tendances et des idéologies: ils représentent tous le droit de penser dans la révolution, la dignité humaine dans le socialisme. Il faut penser à eux sans cesse.

Votre

Victor Serge


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