1923

Au lendemain de la révolution, Trotsky aborde les problèmes de la vie quotidienne : rapports travail/loisirs, condition des femmes, famille, gestion des équipements collectifs, logement, culture et cadre de vie...


Léon Trotsky

Les questions du mode de vie

De l'ancienne famille à la nouvelle

Les relations et les événements internes à la famille, de par leur nature même, se soumettent plus difficilement que tout à une étude objective ou à un calcul statistique. C'est pourquoi il est difficile de dire dans quelle mesure les liens familiaux (dans la vie et non sur le papier) se détériorent plus facilement aujourd'hui qu'autrefois. Il faut dans une large mesure se contenter ici de ce que l'on peut voir. En outre, ce qui diffère actuellement de la période pré-révolutionnaire, c'est qu'autrefois les conflits et les drames d'une famille ouvrière passaient totalement inaperçus, même pour la masse ouvrière elle-même, tandis qu'à présent, la vie d'un grand nombre d'ouvriers d'avant-garde qui occupent des postes de responsabilité est étalée aux yeux de tous, si bien que chaque catastrophe familiale devient l'objet d'un jugement ou parfois même simplement de ragots.

Cependant, tout en tenant compte de cette importante restriction, il est nécessaire de, reconnaître que la famille, y compris la famille prolétaire, a été fortement ébranlée. Ce fait, clairement souligné lors de l'assemblée des agitateurs moscovites, n'a été contredit par personne. Au cours de la discussion, le problème fut envisagé de diverses façons : les uns en parlaient avec angoisse, les autres avec retenue, certains avec perplexité.

En tout cas, il était clair pour tout le monde que nous avions affaire ici à un processus important totalement chaotique, dont les formes étaient tantôt maladives, tantôt repoussantes, tantôt comiques et tantôt tragiques, processus qui n'avait pas encore laissé apparaître les possibilités du nouvel ordre familial qu'il recelait. De son côté, la presse fait très rarement état du démantèlement de la famille. Il m'est arrivé de lire dans un article une explication où l'on estimait qu'il fallait tout simplement voir dans la dégradation de la famille ouvrière une manifestation de l'"influence bourgeoise sur le prolétariat". Une telle explication est totalement fausse. Le problème est plus profond et plus complexe. Bien sûr, l'influence passée et présente de la bourgeoisie est évidente. Mais le processus fondamental consiste en une évolution maladive de la famille prolétaire en situation de crise, et nous assistons actuellement aux premières manifestations chaotiques de ce processus.

On connaît le rôle profondément destructeur de la guerre sur la famille.

La guerre agit dans ce domaine d'une façon purement mécanique, en séparant les gens pour longtemps ou en les réunissant par hasard. La révolution a prolongé et renforcé l'influence de la guerre. Dans l'ensemble, la guerre a ébranlé ce qui tenait seulement par la force d'inertie de l'histoire, le régime tsariste, les privilèges de classe, l'ancienne famille. La révolution a construit un Etat nouveau, résolvant ici le problème le plus immédiat et le plus simple. Sur le plan économique, les choses ont été beaucoup plus compliquées. La guerre avait ébranlé l'ordre économique ancien, la révolution le renversa. Aujourd'hui, nous construisons quelque chose de nouveau – pour le moment principalement à partir du passé, mais un passé réorganisé par nous d'une nouvelle manière. Dans le domaine économique, il n'y a pas longtemps que nous avons dépassé la période de destruction pour commencer à nous épanouir. Nos succès sont encore minimes et nous sommes encore bien loin des formes d'une nouvelle économie socialiste. Mais nous sommes sortis de la phase de destruction et de ruine. Le moment le plus critique fut celui des années 20-21.

En ce qui concerne le mode de vie familial, la période de destruction est loin d'être terminée, et nous nous trouvons encore en plein dans une époque de démantèlement et de dislocation. Il faut que nous ayons clairement conscience de ce phénomène. Au plan des relations familiales, nous sommes pour ainsi dire encore en 1920/21, et pas du tout en 1923. Le mode de vie est beaucoup plus conservateur que l'économie et c'est d'ailleurs la raison pour laquelle il est plus difficile à comprendre. En politique et en économie, la classe ouvrière agit comme un tout; c'est pourquoi elle place son avant-garde – le parti communiste – au premier rang, et réalise à travers elle ses tâches historiques. Dans le domaine du mode de vie, la classe ouvrière est divisée en petites cellules familiales. La transformation du pouvoir, et même celle du régime économique (les travailleurs devenant propriétaires des usines et des fabriques), tout cela, bien sûr, agit sur la famille, mais seulement de l'extérieur et de façon détournée, sans ébranler ses habitudes directement héritées du passé. Une métamorphose du mode de vie et de la famille exige de la classe ouvrière dans son ensemble une conscience aiguë des problèmes et des efforts à faire; cela suppose, dans la classe ouvrière elle-même, un énorme travail d'éducation culturelle. La charrue doit labourer la terre en profondeur. Etablir l'égalité politique de la femme et de l'homme dans l'Etat soviétique – c'est un des problèmes, le plus simple. Etablir l'égalité économique du travailleur et de la travailleuse dans la fabrique, à l'usine, au syndicat – c'est déjà beaucoup plus difficile. Mais établir légalité effective de l'homme et de la femme dans la famille – voilà qui est incomparablement plus compliqué et qui exige des efforts immenses pour révolutionner tout notre mode de vie. Et cependant, il est évident que tant que l'égalité de l’homme et de la femme ne sera pas établie dans la famille, on ne pourra pas parler sérieusement de leur égalité dans la production ni même de leur égalité politique, car si une femme est asservie à sa famille, à la cuisine, à la lessive et à la couture, ses possibilités d'agir dans la vie sociale et dans la vie de l'Etat sont réduites l'extrême.

Le plus simple a été de prendre le pouvoir. Mais cela occupa toutes nos forces durant la période de la révolution. Cela a exigé des sacrifices innombrables, La guerre civile a nécessité des mesures extrêmement austères. Les esprits triviaux et petits-bourgeois dénonçaient la sauvagerie des mœurs, la corruption sanglante du prolétariat, etc. Mais en fait, par les mesures de contrainte que lui imposait la révolution, le prolétariat luttait pour une nouvelle culture, pour un véritable humanitarisme. Dans le domaine économique, nous avons connu, durant les quatre-cinq premières années du régime, une période de destruction, de dégradation complète de la productivité. Les ennemis voyaient là, ou voulaient y voir, le pourrissement du régime soviétique. Mais en fait, il s'agissait uniquement de l'étape de destruction inévitable des anciennes formes de l'économie, et des premières faibles tentatives pour en créer de nouvelles.

Dans le domaine de la famille et du mode de vie, il y a aussi une période inévitable de dislocation de toutes les formes anciennes, traditionnelles, héritées du passé. Mais cette période de crise et de destruction est plus tardive, elle dure plus longtemps, elle est plus pénible et plus douloureuse, bien que ses formes, extrêmement parcellisées, ne soient pas toujours visibles lors d'un examen superficiel. Il est nécessaire que nous ayons une claire conscience de ces cassures dans le domaine politique, économique, et dans celui du mode de vie, afin de ne pas nous effrayer des phénomènes que nous observons, mais pour les évaluer avec justesse, c'est-à-dire comprendre pourquoi ils apparaissent dans la classe ouvrière et agir sur eux de façon consciente dans le sens d'une socialisation des formes du mode de vie.

Ne nous affolons pas, dis-je, car des voix effrayées se sont déjà fait entendre. Au cours de la réunion des agitateurs moscovites, certains camarades ont souligné, avec une inquiétude justifiée, la facilité avec laquelle se démantelaient les anciens liens familiaux et se nouaient des liens nouveaux, tout aussi peu solides. La mère et les enfants sont ceux qui en souffrent le plus. D'un autre côté, qui d'entre nous n'a pas entendu ces litanies sur la "décadence" des mœurs de la jeunesse soviétique, en particulier des komsomols. Bien sûr, ces plaintes ne sont pas toutes exagérées, on y trouve un fond de vérité. Si nous envisageons les choses de façon relative, il faut lutter pour élever la culture et la personnalité de l'individu. Mais si l'on pose correctement le problème, sans se laisser entraîner par un moralisme réactionnaire ni par une mélancolie sentimentale, on s'aperçoit qu'il faut avant tout connaître ce qui existe et comprendre ce qui se passe.

Comme on l'a déjà dit, des événements d'une importance considérable – la guerre et la révolution – ont bouleversé le mode de vie familial; ils ont amené avec eux la pensée critique, la réorganisation consciente et la réévaluation des relations familiales et du mode de vie quotidien. C'est précisément la combinaison de la force mécanique de ces événements grandioses avec la force critique de la pensée qui explique, dans le domaine de la famille, la période de destruction que nous connaissons aujourd'hui. C'est seulement aujourd'hui, après la prise du pouvoir, que l'ouvrier russe fait ses premiers pas sur la voie de la culture, Sous l'influence de puissantes secousses, sa personnalité s'arrache pour la première fois aux formes et aux relations imposées par la routine, la tradition et l'Eglise; est-il étrange que sa révolte individuelle contre l'ordre ancien prenne tout d'abord des formes anarchiques, ou pour s'exprimer plus grossièrement, des formes débridées ? Nous avons remarqué la même chose en politique, en économie, et dans l'armée : anarcho-individualisme, "gauchismes" de tous ordres, esprit partisan, manie des meetings. Est-il étrange enfin que ce processus trouve son expression la plus intime et donc la plus douloureuse dans le domaine de la famille ? Ici, la personnalité libérée qui veut construire sa vie de façon nouvelle et non suivant la tradition se manifeste par la "débauche", le "vice" et autres maux évoqués au cours de l'assemblée de Moscou.

Le mari, arraché par la mobilisation à ses conditions de vie habituelle, devient au front un citoyen révolutionnaire. Il est l'objet d'une immense révolution intérieure. Son horizon s'élargit, ses exigences spirituelles s'élèvent et deviennent plus complexes. Le voilà un autre homme. Il revient dans sa famille. Tout ou presque tout est comme avant. L'ancienne unité familiale a disparu. Une nouvelle unité ne s'établit pas. L'étonnement de part et d'autre se transforme en mécontentement. Le mécontentement en irritation. L'irritation mène à la séparation.

Le mari, communiste, mène une vie sociale active, progresse et trouve en elle le sens de sa vie personnelle. Mais la femme, communiste elle aussi, désire prendre part au travail de la collectivité, elle participe à des réunions, travaille au Soviet ou au syndicat. La famille s'anéantit peu à peu, ou bien l'intimité familiale disparaît, les conflits se multiplient, ce qui suscite une irritation mutuelle qui mène au divorce.

Le mari est communiste. La femme est sans parti. Le mari est absorbé par son travail de militant, la femme est, comme auparavant, enfermée dans le cercle familial. Les relations sont " pacifiques", fondées en fait sur l'indifférence mutuelle. Mais voilà qu'à la cellule on décide que les camarades doivent se débarrasser des icônes. Le mari considère que cela va de soi. Mais, pour la femme – c'est un drame. Et ce prétexte purement fortuit révèle quel abîme spirituel sépare le mari de la femme. Les rapports s'enveniment et aboutissent à la séparation.

Une vieille famille, dix à quinze ans de vie commune. Le mari est un ouvrier consciencieux, un bon père de famille, la femme aime son foyer et dispense toute son énergie à sa famille. Le hasard la met en contact avec une organisation féminine. Un nouveau monde s'ouvre à elle. Son énergie y trouve un champ d'action beaucoup plus vaste. Dans la famille, c'est l'écroulement. Le mari se fâche; la femme se voit offensée dans sa dignité de citoyenne. C'est le divorce.

On pourrait multiplier à l'infini le nombre de ces drames familiaux qui mènent toujours au même résultat – le divorce. Mais nous avons cité ici les exemples les plus courants. Tous ont pour point commun la ligne de partage entre les éléments communistes et sans parti. Mais la décadence de la famille (de l'ancienne famille) ne se limite pas seulement aux éléments d'avant-garde de la classe ouvrière, les plus sensibles aux conditions nouvelles; elle pénètre plus profondément. En fin de compte l'avant-garde communiste expérimente plus tôt et plus intensément ce qui est plus ou moins inévitable pour la classe dans son ensemble. Ces phénomènes – remise en cause de la vie personnelle, exigences nouvelles en ce qui concerné la famille – débordent bien évidemment le domaine où le parti communiste entre en contact avec la classe ouvrière. L'institution du mariage civil à elle seule n'a pas pu ne pas porter un coup mortel à l'ancienne famille consacrée par l'Eglise et qui n'est que façade. Plus les liens étaient faibles, plus l'unité de la famille se limitait à l'aspect extérieur, quotidien et en partie rituel des rapports. En anéantissant le rite, on a par-là même porté un coup à la famille. Le rituel, dépourvu de contenu objectif et n'étant plus reconnu par l'Etat, ne se maintient que par son inertie, et sert de béquille à la famille traditionnelle. Mais s'il n'existe pas de liens solides à l'intérieur de la famille elle-même, si celle-ci ne tient que par la force de l'inertie, chaque coup qu'on lui porte de l'extérieur est capable de la détruire en anéantissant son caractère rituel. Et des coups, à notre époque, la famille en reçoit plus qu'elle n'en a jamais reçu. Voilà pourquoi elle vacille, voilà pourquoi elle se disloque et tombe en ruine, voilà pourquoi elle se recompose et se désagrège à nouveau. Le mode de vie est soumis à rude épreuve par cette critique sévère et douloureuse de la famille. Mais on ne fait pas d'omelette sans casser des œufs.

Voit-on apparaître des éléments de la famille d'un type nouveau ? Sans aucun doute. Mais il faut se faire une idée claire de la nature de ces éléments et de la façon dont ils se forment. Comme dans d'autres domaines, il est nécessaire de distinguer ici les conditions matérielles des conditions psychiques, ou bien encore les conditions objectives des conditions subjectives, Au plan psychique, l'apparition d'une famille d'un type nouveau, de nouvelles relations humaines, équivaut pour nous dans l'ensemble au progrès culturel de la classe ouvrière, au développement de la personnalité, à une amélioration de ses besoins et de sa discipline interne. De ce point de vue, la révolution en elle-même, représente bien sûr un immense pas en avant, et les phénomènes les plus pénibles du démantèlement de la famille sont uniquement l'expression douloureuse de l'éveil de la classe ouvrière et l'épanouissement de la personnalité de l'individu dans cette classe. Ainsi, tout notre travail culturel – celui que nous faisons et particulièrement celui que nous seuls devons faire – doit servir à mettre en place des rapports et une famille d'un type nouveau. Sans une amélioration du niveau culturel individuel de l'ouvrier et de l'ouvrière, cette famille d'un type nouveau, supérieur, n'existe pas, car dans ce domaine, il ne peut être question, bien entendu, que de discipline intérieure, et non de contrainte extérieure. Et la force de cette discipline personnelle se définit par la vie que l'on mène à l'intérieur de la famille, et. par l'ensemble et la nature des liens qui unissent le mari et la femme.

Une fois encore, les conditions d'apparition d'un mode de vie et d'une famille d'un type nouveau ne peuvent être séparées de l'œuvre générale de la construction socialiste. Le gouvernement ouvrier doit s'enrichir pour qu'il soit possible d'organiser de façon sérieuse et adéquate l'éducation collective des enfants, pour qu'il soit possible de libérer la famille de la cuisine et du lavage. La collectivisation de l'économie familiale et de l'éducation des enfants est impensable sans un enrichissement de toute notre économie dans son ensemble. Nous avons besoin de l'accumulation socialiste. C'est à cette seule condition que nous pourrons libérer la famille des fonctions et des occupations qui l'accablent et la détruisent. La lessive doit être faite dans une bonne laverie collective. Les repas doivent être pris dans un bon restaurant collectif. Les vêtements doivent être taillés dans un atelier de couture. Les enfants doivent être éduqués par de bons pédagogues qui trouveront leur véritable emploi. Alors les liens du mari et de la femme ne seront plus entravés par ce qui leur est extérieur, superflu, surajouté et occasionnel. L'un et l'autre ne s'empoisonneront plus mutuellement l'existence. On verra enfin apparaître une véritable égalité de droit. Les liens seront uniquement définis par une attirance mutuelle. Et c'est précisément pour cette raison qu'ils seront plus solides, différents certes pour chacun, mais contraignants pour personne.

Ainsi, une double voie mène à la famille de type nouveau :
a. éducation de la classe et de l'individu dans la classe, et
b. enrichissement matériel de la classe qui forme l'Etat.

Ces deux mécanismes sont étroitement liés entre eux.

Ce que l'on vient de dire ne signifie nullement, bien entendu, qu'il existe un moment précis du développement matériel favorisant l'apparition immédiate de cette famille nouvelle. Non, la formation de la famille nouvelle est possible dès à présent. Il est vrai que l'Etat ne peut pas encore se charger de l'éducation collective des enfants, de la création de cuisines collectives meilleures que les cuisines familiales, de la création de laveries collectives, où le linge ne serait ni déchiré, ni volé. Mais cela n'empêche pas du tout les familles les plus progressistes de prendre l'initiative de se regrouper dès maintenant sur une base collectiviste. De telles expériences doivent, bien sûr, être menées avec la plus grande prudence afin que les moyens techniques de l'aménagement collectif correspondent aux intérêts et aux exigences du groupe lui-même, et procurent à tous ses membres des avantages évidents, même si ceux-ci sont encore minimes dans les premiers temps.

Il y a peu de temps, le camarade Semachko [1] écrivait à propos de la reconstruction de notre mode de vie familial:

"Il faut que nous soyons démonstratifs; on n'obtiendra pas grand-chose en. se limitant à des prises de position ou même à la propagande. Mais l'exemple, la démonstration, aura plus d'impact qu'un millier de brochures bien faites. La meilleure façon de mener à bien cette propagande, c'est d'utiliser la méthode que, dans la pratique chirurgicale, on appelle "transplantation". Lorsque la peau est arrachée sur une grande surface du corps (par suite d'une blessure ou d'une brûlure), lorsqu'il n'y a pas d'espoir qu'elle recouvre à nouveau cette surface, les chirurgiens découpent des morceaux de peau dans une partie saine et les appliquent sur la surface dénudée; la peau se greffe, et ces petits morceaux commencent à s'étendre, ils deviennent de plus en plus grands, et recouvrent enfin la surface tout entière. Il se passera la même chose avec cette propagande démonstrative : si, dans une fabrique ou dans une usine, on adopte un mode de vie communiste, d'autres entreprises suivront leur exemple [2]."

L'expérience de ces collectivités familiales, qui constituent une première approche, encore très imparfaite, du mode de vie communiste, doit être soumise à une étude et à une analyse minutieuses. Il faut que le pouvoir, ayant tout les conseils et les organismes économiques, apporte son soutien à ces initiatives partielles. La construction d'habitations – car nous allons tout de même nous mettre à construire du logement ! – doit être envisagée conformément aux exigences des foyers familiaux. Les premiers succès évidents et indiscutables dans ce domaine, même s'ils sont très limités, inciteront inévitablement des couches plus larges à s'organiser de la même manière. En ce qui concerne une initiative planifiée venue d'en haut, les choses ne sont pas encore mûres, ni du point de vue des ressources matérielles de l'Etat, ni du point de vue de la préparation du prolétariat lui-même. Actuellement l'affaire ne peut démarrer qu'avec la création de foyers démonstratifs. Il faudra prendre progressivement de l'assurance, sans vouloir aller trop loin et sans tomber dans le fantastique bureaucratique. A un moment donné, c'est l'Etat qui prendra les problèmes en charge, par l'intermédiaire des conseils locaux, des coopératives, etc., qui généralisera le travail déjà fait, qui le développera et l'approfondira. De cette manière, l'humanité, comme le dit Engels, "passera du royaume de la nécessité au royaume de la liberté".


Notes

[1] Semachko Nicolas Alexandrovitch (1874-1949). il fut le premier commissaire du peuple à la santé publique. Développa la prophylaxie, la politique de défense de la mère et de l'enfant, etc. (Note du traducteur).

[2] "Nouvelles du Comité Central", n° 8, 4 avril 1923. N. Semachko – "Le mort saisit le vif"


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