1930

Juin 1930 : le combat pour unifier et souder l'Opposition de Gauche Internationale face à la tourmente qui s'annonce.


Œuvres - juin 1930

Léon Trotsky

A Zvon

20 juin 1930

Cher camarade,

Je n'ai pas répondu à votre avant-dernière lettre car je venais d'écrire une lettre collective à votre groupe et vous avais envoyé la copie de ma lettre au cam. Lenorovic.

Dans votre dernière lettre, vous indiquez un point très important de notre travail: la nécessité d'un ton juste, d'une démarche juste envers la fraction prolétarienne du parti et généralement envers les masses communistes.

Si Lenine a parlé un jour de la suffisance communiste, nous pouvons parler aujourd'hui de la suffisance oppositionnelle. Il y a parmi les oppositionnels des éléments qui pensent que leur titre d'oppositionnel est en soi suffisant pour faire que tous les prolétaires, accourent. Ceux-là sont dans la pratique des bureaucrates qui ne sont nullement meilleurs que ceux du parti officiel. Tout en restant intransigeants sur les principes, nous devons aller vers les militants de base du parti avec la plus grande modestie

Nous sommes leurs aides dans la lutte pour une politique juste. Il faut indubitablement souligner cet aspect. Il est parfaitement juste et fondé de souligner le rôle et l'importance de la cellule ouvrière comme organisme vivant du parti. Cela n'exclut évidemment pas la centralisation politique. Tout réside dans l'équilibre entre les deux. Aujourd'hui, c'est la cellule ouvrière du parti qu'il faut mettre en avant.

En ce qui concerne les articles qui m'ont été envoyés (en russe), je ne comprends pas tout d'abord pourquoi ils développent le même thème. Peut-être cette impression provient-elle de ce que ces deux articles abordent beaucoup de questions sans en traiter une seule jusqu'au bout. Ils sont tous les deux très abstraits et, partant, extrêmement peu populaires. La vie de la Tchécoslovaquie et du parti tchécoslovaque ne s'y reflète qu'à travers deux ou trois noms. Cela s'explique évidemment par le fait qu'ils sont écrits par des étrangers relativement peu au courant de la vie interne de la Tchécoslovaquie et de sa classe ouvrière. Il est difficile de donner un conseil, car on ne peut pas artificiellement remplacer l'absence de liens avec le pays. Il serait bon que l'auteur ait la possibilité de lire ses articles à un groupe de quelques ouvriers tchécoslovaques de les discuter phrase à phrase avec eux, et de prêter attention non à soi-même, mais aux travailleurs, et particulièrement aux erreurs ou à la mauvaise compréhension qu'ils ont de tel ou tel passage, à leurs objections ou aux exemples vivants qu'ils apportent. La condition du succès de l'entreprise est d'exiger de l'auteur qu'il ne submerge pas les travailleurs, qu'il ne leur impose pas ses formules toute faites, mais au contraire qu'il apprenne auprès d'eux à écrire des articles pour eux, qu'il note la réaction de ces auditeurs aux différentes idées, ce qui leur manque, ce qu'il faut modifier ou écarter, etc ... Un tel exercice, à condition d'être bien mené, sera une école inestimable et pour les ouvriers et pour l'auteur.

Cette préparation conduira évidemment à retarder le premier numéro de la revue. Mais on peut s'y résigner, car il serait malheureux de bâtir dès le départ une entreprise littéraire. C'est le seul conseil que je peux donner dans la situation originale que connaît le groupe pragois.

Je ne comprends pas ce que signifie "le front unique ouvrier antibureaucratique" devant renaÎtre dans le parti.

Que signifie également "à bas les bureaucrates de droite et de gauche"? Si on ne les indique pas nommément, c'est un coup pour rien.

"C'est aux cellules de décider la politique". La formule est, dans une moindre mesure, inexacte. Le C.C. ne peut pas ne pas régler des questions politiques: le tout est de savoir comment il le fait. Dire que la cellule ouvrière doit occuper une place prépondérante dans la vie du parti sera déjà plus approprié.

Le quatrième mot d'ordre - "Vive l'U.R.S.S." est trop simpliste. Il serait plus juste de dire quelque chose comme : chaque communiste, chaque révolutionnaire, chaque travailleur honnête doit défendre l'U.R.S.S. contre l'impérialisme jusqu'à la dernière goutte de son sang. Mais dans le même temps, chaque travailleur conscient, chaque communiste, doit défendre la dictature du prolétariat d'U.R.S.S. contre la politique erronée de la bureaucratie stalinienne.

Voilà les remarques que je peux faire pour l'instant. Je ne pense pas qu'il faille envoyer d'autres articles ou projets d'articles à examiner; le renforcement d'une telle méthode aboutirait à détourner encore davantage l'attention de la rédaction de la "base" au profit du "sommet": apprenez à écrire pour les travailleurs tchèques chez les travailleurs tchèques. Je peux malheureusement bien peu vous aider malgré mon désir ardent de le faire.

C'est très bien d'avoir terminé vos examens avec succès et d'avoir le temps de vous consacrer pleinement au travail.


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