1932

Une série de lettres de Trotsky, surtout à son fils L. Sedov : l'activité quotidienne à l'aube de la prise du pouvoir par Hitler.


Œuvres - janvier 1932

Léon Trotsky

Lettre à L. Sedov

9 janvier 1932

Mon cher Ljova,

Je n’écris pas directement à Zina [1] - pas du tout parce que je ne considère pas une correspondance comme possible. Non, j’espère que la correspondance va être reprise et que les rapports vont prendre un caractère plus sain. Mais il faut laisser s'écouler un peu de temps pour compter sur un peu de sérénité et de stabilité. Au cours des derniers mois, il y a eu tant de changements et de tournants dans l'état d’esprit de Zina qu'une certaine prudence est nécessaire ; autrement, au lieu d'un rapprochement, il pourrait se produire quelque nouveau et durable déclin. La dernière carte postale de Zina, bien qu’elle témoigne d'un changement abrupt de son état d’esprit, ne dissipe pas mes appréhensions en ce qui concerne ses sentiments réels qui peuvent une fois de plus exploser dans un comportement hostile à ton égard. Elle ne dit pas un mot de Maman. Si on considère que tout est dû à une condition morbide temporaire qui est maintenant révolue, alors elle devrait avoir commencé plus ou moins à améliorer son attitude à l'égard de chacun. Pourtant elle s’est conduite de façon injuste et plus inadmissible que tout à l'égard de Maman qui l'a traitée plus tendrement (pas extérieurement, mais intérieurement) qu'aucun de nous. Pour moi, c'est un critère très important - et précisément là les indications sont défavorables. C'est pourquoi (particulièrement pourquoi) je souhaite attendre pour que tout se règle avec elle, qu'elle commence à écrire tranquillement sans tension, sans pénitence superflue, mais aussi sans arrière-pensées et j'espère fermement que ce moment arrivera bien que peut-être pas immédiatement.

Maintenant, les questions pratiques. Elle ne doit bien entendu pas quitter Berlin avant que le docteur considère qu'elle pourra supporter aussi bien le voyage que les conditions de vie en Russie.

Pour un visa de retour le mieux serait qu’elle aille au consulat et, tout en faisant cela, qu'elle explique aussi la question à Sevouchka. N'y vas pas toi-même, tu ne peux que la compromettre.

Mais il faut obtenir que Seva aille à Berlin au départ de Zina, quelques jours avant, peut-être quand la date elle-même sera fixée plus précisément. Quelqu'un pourra emmener Seva d'ici : ce sera possible à arranger. Tout ce qu'il fait, c’est nous dire en temps opportun, d’avance la date de son départ, trois semaines avant environ, voire deux, mais pas moins.

En ce qui concerne le climat, c'est beaucoup mieux de s'installer à Moscou qu'à Petrograd. Je pense aussi que du point de vue de son état nerveux, ce serait mieux qu'elle ne soit pas avec A(leksandra) L(vovna) au moins pas dans les premiers mois. Il me semble que ce dont Zina a besoin pendant un temps de vivre dans un cercle de gens avec qui les rapports ne puissent avoir qu'un caractère de " bienveillance ". Mais la question doit être tranchée aussi en fonction des conditions de logement. Peut-être peut-elle s’installer dans le Sud, en Crimée, au Caucase septentrional ?

En ce qui concerne les autres questions pratiques, il sera encore possible de correspondre avant son départ.


Notes

[1] La fille de Trotsky, Zina, était atteinte de graves troubles nerveux. Elle allait se suicider quelques mois plus tard.


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