1938

Lettre au congrès de l'Y.P.S.L. (T4383), avec la permission de la Houghton Library. Cette organisation, la Young People Socialist League, qui était l'organisation de jeunesses du Socialist Party, était restée aux mains des trotskystes lors de leur « sortie ».


Œuvres - juillet 1938

Léon Trotsky

[L’éducation de la jeunesse révolutionnaire]

18 juillet 1938


Un parti révolutionnaire doit nécessairement se fonder sur la jeunesse. On peut même dire que le caractère révolutionnaire d'un parti peut être jugé avant tout par sa capacité à attirer sous son drapeau la jeunesse ouvrière. L'attitude fondamentale de la jeunesse ‑ je pense à la véritable jeunesse, pas aux vieillards de vingt ans ‑ réside dans le fait qu'ils sont prêts à se donner pleinement et totalement à la cause du socialisme. Sans des sacrifices héroïques, sans courage, sans résolution, l'histoire, de façon générale, ne progresse pas.

Mais le sacrifice à lui seul ne suffit pas. Ce qu'il faut, c'est une compréhension claire du cours du développement et des méthodes d'action appropriées. Cela ne peut s'obtenir que par la théorie et l'expérience vivante. L'enthousiasme le plus brûlant se refroidit vite et s'évapore s'il n'est pas soutenu à temps par une compréhension claire des lois du développement historique. Combien de fois avons‑nous observé de jeunes enthousiastes qui, ayant courbé la tête, devenaient opportunistes et de gauchistes déçus qui devenaient très vite des bureaucrates conservateurs, de la même façon qu'un hors‑la‑loi se transforme rapidement en un gendarme excellent. Acquérir connaissances et expérience et, en même temps, ne pas laisser perdre l'esprit de combat, le sacrifice révolutionnaire de soi, la détermination à aller jusqu'au bout, telle est la tâche de l'éducation et de l'auto‑éducation de la jeunesse révolutionnaire.

L'intransigeance révolutionnaire est une qualité précieuse dès lors qu'elle est dirigée contre l'adaptation opportuniste à la bourgeoisie et à l'inconstance théorique comme l'hésitation pusillanime de tous les genres de bureaux et parloirs communis­tes et socialistes du type de Browder, Norman Thomas, Lovestone et leurs semblables. Mais l' « intransigeance » se transforme en son contraire quand elle sert seulement de consolation aux sectaires et aux confusionnistes pour leur propre incapacité à se lier aux masses.

La fidélité au drapeau des idées est la qualité fondamentale, indispensable, d'un révolutionnaire authentique. Mais malheur à celui qui transforme sa fidélité en entêtement doctrinaire, en répétition de formules toutes faites, apprises par cœur une fois pour toutes, sans être capable de regarder la vie et de répondre à ses exigences. Une politique marxiste authentique signifie porter les idées de la révolution prolétarienne à des masses toujours plus larges, à travers des combinaisons de conditions historiques en perpétuel changement, souvent nouvelles et inattendues.

L'ennemi principal dans nos rangs demeure bien entendu l'opportunisme, surtout sous sa forme la plus pernicieuse, le stalinisme, cette syphilis du mouvement ouvrier. Mais, pour lutter victorieusement contre l'opportunisme, il est essentiel d'en finir avec les vices du sectarisme et du pédantisme phraseur dans nos propres rangs. L'histoire de la IV° Internationale, y compris celle de la section des Etats‑Unis, nous a enseigné plusieurs leçons que nous devons comprendre et appliquer. Les Grecs anciens avaient l'habitude de montrer des ilotes ivres pour détourner les jeunes de l'alcoolisme. Tous les Oehler, les Field [1], les Vereeken et compagnie sont les ilotes du sectarisme qui agencent leurs grimaces et leurs cabrioles comme si leur objectif essentiel était de repousser la jeunesse par un sectarisme stérile et assommant.

Il reste à espérer que le prochain congrès de votre Ligue constituera une étape importante sur la route de l'acquisition d'une expérience politique sur la base de granit du programme marxiste. Ce n'est qu'à cette condition que sera assuré le destin des grands mouvements historiques dont la Ligue de la jeunesse est l'un des détachements d'avant‑garde.


Notes

[1] B. J. Field était le pseudonyme de Max Gould (1900‑1977), un économiste qui avait rendu visite à Prinkipo, puis avait été exclu ‑ pour la deuxième fois de la section américaine pour avoir refusé la discipline au cours de la grève des hôtels de New York.


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