1940

En mai 1940, Trotsky rédige le manifeste de la IV° Internationale sur la guerre. Ce texte basé sur les principes de l'internationalisme prolétarien servira de base à l'activité trotskyste durant toute cette période et sera l'un des derniers de Trotsky avant son assasinat.


Manifeste d'alarme de la IV° Internationale

Léon Trotsky

La Social‑démocratie et les Staliniens dans les colonies


Des partis liés aux exploiteurs et intéressés par les privilèges sont organiquement incapables de faire une politique honnête à l’égard des couches les plus exploitées des travailleurs et des les opprimés. La physionomie de la II° et de la III° Internationale est ainsi éclairée d'une clarté particulière par leur attitude à l'égard des colonies.

Agissant en qualité d'avocat pour les esclavagistes et d’actionnaire dans les profits de l'esclavage, la II° Internationale n’a dans les colonies aucune section, si l'on ne tient pas compte de groupes accidentels de fonctionnaires coloniaux, particulière­ment de francs‑maçons français et, de façon générale, de carriéristes « de gauche » qui vivent sur le dos de la population indigène. Ayant renoncé opportunément à l'idée non‑patriotique de dresser la population coloniale contre la « patrie démocratique », la II° Internationale s'est acquis la prérogative de fournir à la bourgeoisie des ministres des colonies, c'est‑à-dire des surveillants d'esclaves (Sidney Webb, Marius Moutet [1] et autres).

En peu de temps, la III° Internationale qui a commencé par un courageux appel révolutionnaire à tous les peuples opprimés s'est complètement prostituée sur la question coloniale. Il n'y a pas si longtemps, quelques années, quand Moscou vit s'ouvrir la possibilité d'une alliance avec les démocraties occidentales, le Comintern lança les mots d'ordre d'émancipation nationale non seulement pour l'Abyssinie et l'Albanie, mais aussi pour l'Autriche. Mais, pour les colonies de la Grande‑Bretagne et de la France, il se limita à souhaiter des réformes « raisonnables ». A cette époque, l'I.C. défendait les Indiens non contre la Grande-Bretagne mais contre des attaques possibles du Japon, et Tunis contre les griffes de Mussolini [2]. Maintenant la situation a changé d'un seul coup. Indépendance complète pour l'Inde, l'Egypte, Alger !... Dimitrov n'acceptera rien de moins. Les Arabes et les Nègres ont retrouvé une fois de plus en Staline leur meilleur ami pour ne pas parler, bien entendu, de Hitler et de Mussolini. La section allemande de l'I.C., avec l'impudence caractéristique de sa bande de parasites, défend la Pologne et la Tchécoslovaquie contre les complots de l'impérialisme britannique. Ces gens sont capables de tout et prêts à tout ! Avec un nouveau changement d'orientation du Kremlin à l'égard des démocraties occidentales, ils solliciteront de nouveau respectueusement les démocraties occidentales de bien vouloir octroyer des réformes libérales aux colonies.

Contrairement à la II° Internationale, le Comintern, du fait de sa grande tradition, exerce une indiscutable influence dans les colonies. Mais sa base sociale a changé en conformité avec son évolution politique. En ce moment, dans les pays de nature coloniale, l'I.C. repose sur la couche qui est la base traditionnelle de la Il° Internationale dans les centres des métropoles. Les miettes qui tombent de ses super‑profits ont permis à l'impérialisme de créer un semblant d'aristocratie ouvrière indigène dans les pays coloniaux et semi­-coloniaux. Insignifiante si on la compare avec son modèle des centres des métropoles, elle émerge cependant dans le contexte de pauvreté générale et maintient solidement sa prise sur ses privilèges. La bureaucratie ouvrière et l'aristocratie ouvrière des pays coloniaux et semi-coloniaux, avec les fonctionnaires publics d'Etat, fournissent aux « amis » du Kremlin des recrues particulièrement serviles. Amérique latine, l'un des représentants les plus répugnants ce type est l'avocat mexicain Lombardo Toledano dont le Kremlin a récompensé les services confidentiels en l'élevant au poste décoratif de président de la confédération des travailleurs d’Amérique latine [3].

En posant sans détours les questions de classes, la guerre les prestidigitateurs et les girouettes dans une situation de plus en plus difficile que des bolcheviks authentiques doivent utiliser pour chasser définitivement la III° Internationale des pays coloniaux.


[1] Marius Moutet (1876‑1948) avait été ministre des colonies dans le premier gouvernement Blum Front populaire; il était député socialiste de la Drôme.

[2] Cette politique qui ne faisait plus de la puissance coloniale l'adversaire n°1 devait coûter plus cher aux différents P.C. que celle de la période suivante, contrairement à ce qu'une optique un peu trop « eurocentriste » fait parfois dire à certains.

[3] C'est en septembre 1938 que s'était tenu à Mexico en présence de John L. Lewis et Léon Jouhaux un congrès qui avait fondé la C.T.A.L. (Confederacion de Trabajadores de América Latina) dont Lombardo Toledano était le secrétaire général. Vicente Lombardo Toledano (1893‑1968), avocat et professeur de droit, leader de la C.T.M., était, au compte de Moscou, le chef d’orchestre de la grande campagne de calomnie contre Trotsky.


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