15/03/2001 - Rouge : Les scores de la LCR et de l'extrême gauche, Pari tenu!

     C'est la bonne nouvelle du premier tour des municipales: les listes présentées ou soutenues par la LCR obtiennent de bons scores, et nous comptons déjà plus de vingt élus. Les résultats de l'extrême gauche confirment, une nouvelle fois, l'espace politique existant à la gauche du gouvernement.
     Dimanche soir, sur les plateaux télé et dans les médias, une grande absente: l'extrême gauche... Et pourtant, un des faits marquants de ce 1er tour des élections municipales sera les résultats des listes d'extrême gauche et de la gauche radicale. D'ailleurs, dès lundi et mardi, la presse a été obligée de corriger le tir, en notant une percée significative de ces listes.
     C'est la première fois que sur une telle échelle (même limitée puisqu'il s'agissait de 93 listes), les listes ou candidats soutenus par la Ligue font de tels résultats. Ils obtiennent à Clermont-Ferrand 8,6%, Marseille 1er secteur 6,5%, Bayonne 6,4% (1 élue), des pointes de 8 à 11% dans certaines communes de l'agglomération bordelaise (6 élus), dans la banlieue rouennaise 11,8% à Saint-Etienne-du-Rouvray et 13,4% à Canteleu, 8,13% à Blois, 14,5% à Guesnain (2 élus) dans le Nord. Les résultats sont également significatifs dans la banlieue parisienne: Gennevilliers 9,45% (2 élus), Evry 9,69%, Vitry 8,60%, Savigny-le-Temple 10%, Saint-Denis 5,9% (1 élu). A noter, les bons résultats des listes unitaires "Tous ensemble à gauche" en Bretagne, qui font 7,07% à Brest et 7,96% à Lorient, des listes "A Gauche autrement" à Lyon qui, dans le 1er secteur, obtiennent 6,45% et 7,81 dans le 4e secteur.

Une campagne positive

     Trente-neuf des listes présentées ou soutenues par la Ligue dépassent les 5%, 28 dépassent les 7,5% et 12 dépassent les 10%. Elles totaliseront plus de 25 élus. Au-delà de ces résultats, c'est une bonne campagne électorale que nous avons menée: 93 listes présentées ou soutenues, dont une trentaine constituées avec d'autres forces politiques alternatives ou des militants et sections du PCF; près de 3500 candidats sur ces listes, deux fois plus nombreuses qu'en 1995. Nous avons pu accroître l'implantation locale de la Ligue et tisser de nouvelles relations avec des équipes syndicales, associatives, des jeunes, des militants politiques. Il faut souligner l'acquis représenté par les cadres unitaires préexistants, par exemple dans le Finistère ou dans l'agglomération lyonnaise, qui confirment leur enracinement dans le paysage politique local. Il faut encore noter le travail positif, effectué au sein des listes communes, avec des militants issus du PCF à Villers-lès-Nancy et Annecy, ou avec des sections locales de ce parti comme à Antibes, Orléans, au Kremlin-Bicêtre et à Angers.
     Mais ce qui aura marqué notre campagne, c'est la construction de listes "100% à gauche" et de collectifs de campagne où se sont côtoyés des militants de la LCR et des sympathisants ou des militants, qui ont ainsi connu la Ligue et travaillé avec elle. Nous avons beaucoup appris, en intervenant sur les questions communales, sociales et démocratiques, sur les rapports entre démocratie locale et choix politiques nationaux, notamment dans l'opposition à la politique gouvernementale. A Toulouse, l'intervention de la liste "100% à gauche" contre les privatisations et Vivendi ou celle sur l'utilisation frauduleuse des fichiers municipaux ont constitué des temps forts. Les références au budget participatif de Porto Alegre - une expérience combinant la démocratie directe sur le plan communal et la gestion locale - auront été une bonne clef pour engager bien des discussions. Mais c'est au travers des contacts avec la population, au travers des réunions, rendez-vous ou du porte-à-porte, que nous avons le plus appris sur les problèmes rencontrés dans les cités et les quartiers populaires.
     Une des enjeux essentiels pour la Ligue sera de poursuivre sa construction dans ces secteurs populaires, de créer de nouvelles sections, de trouver les initiatives, la politique et les mots pour mobiliser ces secteurs. Avec celles et ceux qui ont participé aux listes "100% à gauche", il faut maintenant discuter du type d'initiatives à prendre pour consolider, dans les mois qui viennent, les acquis de cette campagne.

Au-delà de la LCR

     Toute l'extrême gauche obtient de bons résultats. LO obtient 19,44% des voix à Liévin, 10,57% à Laon, 10,45% à Colomiers ou encore 10,76% à La Courneuve en Seine-Saint-Denis. Certaines listes du Parti des travailleurs réalisent de bons scores. Les voix réunies de l'extrême gauche et de la gauche radicale atteignent, dans une série de communes, les 10% voire 15%: plus de 13% à Clermont- Ferrand, plus de 10% à Sotteville-lès-Rouen, près de 9% à Lille, de 7 à 9% dans les arrondissements de Lyon, plus de 8% à Vénissieux ou le 2e secteur de Marseille; en banlieue parisienne, plus de 10% à Saint-Denis, Montreuil, Créteil, et même près de 16% à La Courneuve, 20% à Gennevilliers...
     Cela mérite d'être indiqué, pour souligner les responsabilités et le sectarisme de LO, qui a refusé de présenter des listes communes avec la LCR. Ce scrutin, au-delà des spécificités de chaque électorat, montre qu'il existe un espace politique électoral commun aux forces radicales: espace qu'il faut occuper ensemble. En réunissant les milliers de candidats des listes "100% à gauche", ceux de LO, et ceux de la gauche opposée à la politique gouvernementale, nous aurions pu faire beaucoup mieux.

Un espace politique

     Les scores obtenus confirment l'existence de la base électorale de l'extrême gauche, base qui va s'élargissant. Depuis le score d'Arlette Laguiller à la présidentielle de 1995 (5,3%), les scores de l'extrême gauche, aux régionales, aux européennes et aujourd'hui aux municipales, ne cessent de s'accroître. C'est l'expression d'un désaveu de la politique menée par la gauche gouvernementale et de la crise que celle-ci entraîne dans le PCF, dont bon nombre d'électeurs et de militants se tournent vers l'extrême gauche. C'est une des manifestations de cette résistance à l'offensive libérale et à la globalisation capitaliste, qui imprime une dynamique aux luttes et mouvements sociaux. Certes, le vote pour la gauche radicale ou l'extrême gauche émane en partie de secteurs traditionnels du mouvement ouvrier, mais c'est surtout un vote populaire, jeune, qui exprime une aspiration sociale face à l'accompagnement du libéralisme par la gauche plurielle.
     Dans cette situation, ce que la presse a baptisé "listes citoyennes", comme les "Motivé-e-s" à Toulouse, expriment aussi une certaine radicalité et une aspiration positive à faire de la politique autrement. Mais, profitant du contenu politique limité et de leur refus de s'opposer clairement à la politique du gouvernement, les secteurs dominants de la gauche plurielle se lancent dans une opération de récupération éhontée.
     Ces élections ne sont qu'une étape. Elles indiquent, même si c'est de manière fragmentée, qu'il existe un large secteur de l'électorat populaire rejetant le libéralisme, désavouant le gouvernement de la gauche plurielle et qui recherche des voies et moyens pour une autre politique, pour un vrai changement politique.
     Même si cela dépasse largement les organisations existantes, dans cette configuration, la LCR et LO ont des responsabilités particulières pour préparer les prochaines échéances, tant dans les luttes que lors des élections présidentielle et législatives. Car ce qui est en jeu, c'est la possibilité ou non de créer ou de favoriser les conditions pour avancer dans la voie d'une nouvelle force politique, d'un nouveau parti pour les travailleurs.

François Ollivier
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