07/06/2001 - Rouge : 2002 En débats (suite)

     Le 23 juin se tiendra une conférence nationale de la LCR, qui discutera des échances électorales de 2002, présidentielle et législatives. D'ici là, les quatre positions qui se sont dégagées au sein du comité central s'exprimeront dans "Rouge".


Position C : Sortir de l'isolement

     Notre conférence nationale est décisive pour porter un coup d'arrêt à une dérive qui a brouillé notre identité politique et diminué dangereusement nos capacités d'initiative.
     Dès le lendemain de municipales qui venaient de démontrer le bien-fondé de la démarche d'ouverture symbolisée par les collectifs " 100 % à gauche ", qu'avons-nous fait ? Au lieu de prendre appui sur la demande de nouvelles solutions politiques exprimée à ces élections, nous sommes passés à l'élection suivante ! Nous avons proclamé que les bases d'un accord avec Lutte ouvrière étaient réunies et que rien d'essentiel ne distinguait les deux organisations. Nous avons relativisé les acquis de notre campagne, dans le but de faciliter cette unique alliance. Nous n'avons rien fait pour nous adresser au large éventail des listes qui portaient une critique de gauche du gouvernement. Nous avons réduit à l'invective notre politique en direction d'un PCF en crise (pour éviter que n'apparaissent nos divergences avec LO sur cette question ?). Et nous avons finalement laissé apparaître obsolète le clivage entre droite et gauche, donnant ainsi le sentiment que nous avions rallié l'approche de LO.
     Et pour quel résultat ? Un refus brutal de LO ! Pour la seconde fois depuis les européennes, la logique des concessions unilatérales répétées se solde par un échec. Il est grand temps d'en tirer les conclusions et de reprendre l'initiative. Une politique en direction de LO est nécessaire, mais n'implique pas que nous devancions ses préalables, pour un tête-à-tête exclusif. Les municipales l'ont démontré : l'ouverture d'un grand espace à gauche de la gauche plurielle, le déclin accéléré du PCF et la montée de l'exaspération sociale offrent de nouvelles possibilités pour poser, avec plus de crédibilité qu'auparavant, la question d'une nouvelle représentation politique et d'un parti large de changement radical. Mais pour commencer à agir dans cette voie, encore faut-il retrouver le projet qui était jusqu'alors le nôtre. Renouer avec notre ligne de rassemblement des forces disponibles à la construction d'une gauche de gauche, manifester que notre démarche des municipales n'était pas une parenthèse. A l'inverse de l'immobilisme actuel, nous proposons de reprendre l'initiative :
     - Adressons-nous aux collectifs " 100 % à gauche » (qui ne se résument pas à de simples structures sympathisantes de la LCR), ainsi qu'aux listes larges présentes aux municipales, afin de discuter de l'intervention dans la situation, de la présentation de candidatures aux législatives sur une base " 100 % à gauche ».
     - Adressons-nous à LO, comme à toutes les forces à gauche de la gauche plurielle, nationalement et localement, pour affirmer notre disponibilité à une candidature de rassemblement à la présidentielle, portant les aspirations du mouvement social et une alternative au social-libéralisme.
     - A partir d'une plate-forme politique d'ouverture, proposons que se tiennent des forums régionaux et une rencontre nationale où les forces, courants, militants intéressés pourront débattre, à égalité, des initiatives nécessaires à l'émergence d'une nouvelle force politique.
     - Donnons à la candidature de la LCR l'objectif de défendre cette politique " 100 % à gauche » et cette volonté de rassemblement. Elle occupera ainsi un créneau pertinent et attendu sur le champ électoral de 2002. Et elle répondra à la tentation du renoncement qu'incarnent les camarades proposant que la Ligue s'efface devant A. Laguiller.
     - Sortons enfin du piège que nous avons nous-mêmes construit en semblant oublier que, derrière la gauche et la droite, se regroupent des forces sociales et des électorats aux intérêts opposés. Etre " 100% à gauche », c'est manifester que notre politique est seule à même de battre vraiment la droite et le patronat. Et non de nous faire apparaître responsables d'une éventuelle victoire de Chirac et de son camp l'an prochain.
     En bref, engageons la LCR dans une nouvelle dynamique offensive.

Sophie Camard, Catherine Lebrun, Dominique Mezzi, Christian Picquet

Position D : Pour une présence politique de la LCR en 2002

     L'actualité est marquée par une reprise d'initiative des travailleurs et le développement de leur autonomie politique. Le 9 juin en sera une première concrétisation. L'intervention de l'extrême gauche dans ce processus ne peut se réduire à essayer de pallier l'inertie des directions syndicales. La situation exige de mener un débat de fond sur ce que devraient être les contours d'un projet révolutionnaire adapté aux préoccupations des salariés en lutte.
     Ainsi le mot d'ordre d'interdiction des licenciements, aujourd'hui repris par une fraction importante des travailleurs, ne relève plus de la propagande abstraite. Il nous faut donc avancer sur la question des moyens qui rendraient effective cette interdiction en France et en Europe. Pour casser la logique qui amène les patrons à licencier, il faut une loi. Qui prendrait une telle mesure ? Certainement pas le gouvernement actuel, totalement dévoué au libéralisme : l'interdiction des licenciements pose la question d'un autre gouvernement. Notre problème n'est pas d'offrir une politique de rechange au gouvernement ni de souffler de " bons amendements » au PCF, mais bien d'apporter des armes pour aider les travailleurs à franchir un pas dans la résistance aux attaques capitalistes.
     Il y a un travail de popularisation à refaire sur les capacités politiques du monde du travail. Soulever la question d'un autre gouvernement, du gouvernement de " ceux d'en bas », c'est donner sens aux combats partiels et contribuer à la construction d'une nouvelle force politique. Les élections de 2002 doivent être une occasion de progresser dans ce sens. Le travail que la LCR développe en direction des entreprises, les liens qu'elle a pu renforcer avec de nombreux militants et travailleurs durant la campagne des municipales, son insertion dans les luttes, tout ce capital militant doit y contribuer. Qui assurerait l'application de l'interdiction des licenciements ? Les salariés eux-mêmes, mobilisés, prêts à intervenir collectivement contre les patrons récalcitrants : l'interdiction des licenciements pose la question de l'auto-organisation des travailleurs. Il ne s'agit pas d'appeler au grand soir mais d'apporter une réponse claire, compréhensible à une échelle large, à un problème pratique posé par les luttes. Il n'est possible aujourd'hui d'interdire les licenciements comme le travail précaire, de bloquer les privatisations et le démantèlement des services publics que si les travailleurs s'en donnent les moyens politiques.
     Une campagne politique pour 2002, cela peut être initier un débat public sur l'alternative au capitalisme mondialisé, au Medef et au social-libéralisme ; cela peut être organiser des comités locaux où puissent se retrouver des travailleurs en butte à leur patron, des réfractaires à la " World Company », des sans-papiers, préfigurer ainsi une démocratie anticapitaliste permanente. Réussir une telle campagne, cela exige de l'extrême gauche qu'elle renforce son profil radical, la netteté de son opposition au gouvernement, en abandonnant notamment toute consigne de vote au second tour. Cela suppose aussi de mener une politique unitaire. La candidature d'Arlette Laguiller est aujourd'hui celle qui permettra au plus grand nombre de marquer son opposition à Seillière, Chirac et Jospin : la LCR doit la soutenir, que LO accepte ou non d'en faire une candidature commune.
     Il ne s'agit pas de disparaître. Au contraire, car face au succès prévisible d'Arlette Laguiller, être présent politiquement en 2002 ce n'est pas y être avec un candidat autoproclamé mais avec un projet politique. On ne construira pas un parti avec des voix mais parce que nous saurons proposer des réponses. Il ne s'agit plus d'être l'éternelle voix critique d'opposition, mais une force politique offensive, porteuse d'une alternative. Cela nous permettra de rassembler bien au-delà des franges sympathisantes de l'extrême gauche et ne manquera pas d'avoir des répercussions internationales.

Gérard Combes, Léo Picard
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