31/05/2001 - Rouge : 2002 En débats

     Le 23 juin se tiendra une conférence nationale de la LCR, qui discutera des échances électorales de 2002, présidentielle et législatives. D'ici là, les quatre positions qui se sont dégagées au sein du comité central s'exprimeront dans "Rouge".


position A : Trois questions clés

     Trois questions clés sont au centre de la position de la plate-forme A.
     1. Poursuivre la démarche vis-à-vis de Lutte ouvrière. La proposition d'une campagne commune LO-LCR découle de notre appréciation de la situation politique, qui se caractérise par la combinaison de la résistance sociale depuis l'hiver 1995, de la transformation sociale-libérale des secteurs dominants de la gauche traditionnelle et des Verts, de l'accélération du déclin du PCF, de l'existence de l'extrême gauche comme force politique et électorale.
     Cette combinaison exceptionnelle donne une force particulière à l'extrême gauche en France, qui confirme une tendance qui se déploie dans toute l'Europe, en Grande-Bretagne dans la Socialist Alliance, en Ecosse dans le Scottish Socialist Party, au Portugal dans le Bloc de gauche.
     Ainsi, nos propositions d'actions communes à LO dépassent largement les réalités politiques de LO et de la Ligue. Elles découlent d'une dynamique de la situation. Au-delà de ce qui sépare les organisations, voire les électorats, est-il juste de faire converger toutes les forces de l'extrême gauche et de la gauche radicale sur des objectifs anticapitalistes, contre le patronat et le gouvernement? Notre réponse est oui. Et dans les conditions politiques actuelles, cela passe par une candidature commune LCR-LO à la présidentielle, celle d'Arlette Laguiller, et par une répartition de l'ensemble des circonscriptions sur la base d'une déclaration politique commune qui serait reproduite dans toutes les professions de foi.
     2. En cas de non-accord avec LO, présenter une candidature LCR à la présidentielle et le maximum de candidats aux législatives. Une campagne commune, c'est la convergence de deux organisations, de deux politiques avec leurs points communs mais aussi leurs spécificités, de deux profils, de deux styles.
     Si LO refusait, elle tournerait le dos aux responsabilités qui incombent à l'extrême gauche. Il serait alors de notre propre responsabilité de faire vivre cette orientation avec une candidature propre, sa politique et son profil car LO, au-delà de la popularité d'Arlette, ne peut prétendre au monopole de la représentation de l'extrême gauche. Ce sera difficile, mais l'expérience nous a appris que l'absentéisme est la pire des politiques. Et ce ne sera pas une candidature par défaut. Cette candidature défendra un programme d'action contre le chômage et les inégalités, une politique de répartition des richesses, une démocratie radicale, une campagne liée aux mouvements sociaux, aux expériences de luttes des nouvelles couches de salariés, aux expériences de mobilisation antimondialisation.
     Pour agir efficacement et peser sur les rapports de forces, il faut exister politiquement. Etre absent à la présidentielle, c'est être absent lors de la principale échéance électorale qui, de plus, se situe 6 semaines avant les législatives. Croire que nous pourrons être massivement présents aux législatives en étant absents à la présidentielle est une pure illusion.
     3. Au deuxième tour, les électeurs jugeront. Le deuxième tour est pour nous une question tactique. La question décisive, c'est le programme que nous défendons au 1er tour. Au deuxième tour, nous prenons en compte l'évolution de l'électorat populaire depuis quelques années, qui lors des dernières élections a connu un vrai décrochage vis-à-vis de la gauche plurielle.
     Nous sommes résolument contre la droite et l'extrême droite, et si nous avions des députés à l'Assemblée nationale, ils signeraient sans hésiter une pétition pour traduire Chirac devant les tribunaux. De même, nous ne mettons pas sur le même plan les électeurs de droite et ceux de gauche. Mais la gauche plurielle ne peut pas faire une politique proche de la droite et espérer un report automatique des voix qui se sont portées sur les candidats de la gauche radicale et antilibérale. C'est aux candidats de la gauche plurielle de faire la démonstration qu'il est encore utile d'aller voter pour elle. Ce sera aux électrices et aux électeurs qui ont voté pour nous au 1er tour de juger.

Léonce Aguirre, François Ollivier, Maroussia

Position B : La LCR doit être candidate, et 100% à gauche

     Depuis 4 ans, les partis de la gauche plurielle pratiquent le grand écart entre leur politique au gouvernement et les exigences des électeurs de gauche portées par une vague de résistance au libéralisme. Plus vive que lorsque PC et PS sont dans l'opposition, cette contradiction a profité à la gauche révolutionnaire. Unie aux européennes, à plusieurs voix aux municipales, elle a pu faire entendre une autre politique, et trouver l'assentiment de secteurs significatifs de l'électorat populaire.
     A nouveau, pour 2002, la LCR n'a pas ménagé ses propositions d'unité en direction de LO. Mais la réponse est aujourd'hui sans ambiguït;é. Dans la lettre qu'elle nous adresse, LO exclut, y compris dans le cadre d'un accord de répartition aux législatives, d'appeler à voter pour des candidats "100% à gauche", "étiquette qui pourrait laisser croire que nous sommes une extrémité de la gauche gouvernementale". LO ne veut discuter que si la LCR se rallie clairement à sa position abstentionniste, ni gauche ni droite. Quant à une candidature commune, LO se dit "pas convaincue qu'une candidature d'Arlette soutenue par nos deux organisations obtiendrait plus de voix que (...) soutenue par notre seule organisation". Et puisqu'"il n'y a pas d'enjeu, (...) pas de chance d'être élu", à nouveau, LO ne voit pas l'utilité de répondre à la nécessité unitaire. En 2002, elle préfère, une dernière fois, mettre en avant la figure populaire d'Arlette, mais sans la volonté que cette candidature soit l'occasion d'un rassemblement, dans lequel la LCR et d'autres forces auraient pu prendre leur place.
     Comme nous l'avons fait aux municipales, avec succès, il nous faut prendre nos responsabilités. Nous présenterons une autre candidature d'opposition au gouvernement, qui répondra à l'attente de nombreux électeurs autour de questions absentes du discours de LO: la pratique démocratique et unitaire des luttes, la lutte contre la mondialisation capitaliste, l'affirmation d'une écologie anticapitaliste, le combat pour une démocratie radicale opposée à la ve République, le combat contre la droite, les revendications de la jeunesse, une pratique de rassemblement pour une force politique à la gauche de la gauche. Cette candidature "LCR-100% à gauche" doit rassembler autour d'elle, tisser des liens avec les secteurs critiques de la gauche et les secteurs les plus militants du mouvement social, préparer l'avenir. Ces idées doivent commencer à s'affirmer à la présidentielle pour permettre le maximum de listes "100% à gauche" aux législatives.
     Mais en annonçant, même de manière alambiquée, une nouvelle position "ni-ni" sur le second tour, la direction de la LCR nous a fait tomber dans un piège: faire parler de nous sur le second tour un an avant la présidentielle, au détriment de nos propositions pour le premier tour, qui sera notre bataille principale. Or nous ne sommes pas, et les salariés non plus, indifférents à un retour de la droite et à la réélection de Chirac. Regardons l'Italie de Berlusconi. Si nous nous voulons "100% à gauche", c'est pour manifester que nous défendons une politique opposée au gouvernement mais permettant de battre la droite et le patronat. Sur ce plan aussi, nous ne faisons aucune confiance à la gauche plurielle. Nous voulons "sanctionner Jospin, éliminer Chirac". En rejetant toute attitude qui renverrait droite et gauche dos à dos, nous pourrons gagner plus efficacement à nos idées l'électorat de gauche.
     La conférence nationale doit trancher notre politique électorale. Il n'y a pas d'enjeu pour élire une direction, à la différence d'un congrès. Notre plate-forme permet aux militants de faire pencher la balance dans le bon sens, en affirmant trois idées clés: poursuivre la politique de rassemblement "100% à gauche", présenter notre candidature à la présidentielle et aux législatives, ne pas se retirer du combat pour battre la droite.

Christophe Gilbert, Françoise Guyot, Françoise Lamontagne, Alain Mathieu, Cyril Rousseau, Laurence Ruimy
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