2002

Présidentielle 2002 - les textes de la campagne


La profession de foi d'Arlette Laguiller

Travailleuses, Travailleurs,

     Je m'adresse donc une fois de plus à ceux des électeurs qui appartiennent au monde du travail, aux ouvriers, aux employés, aux travailleurs retraités, que ce soit du privé ou de la Fonction publique, aux enseignants, au personnel des hôpitaux, aux petits artisans et paysans qui n'exploitent qu'eux-mêmes.
     Oui, vous tous, vous êtes le monde du travail, ceux sans qui rien d'utile ne se ferait, ceux qui produisent toutes les richesses du pays mais qui n'en récoltent que la plus petite part. Et aujourd'hui cette petite part est une part insuffisante.
     La pauvreté s'accroît. Le nombre des sans-logis augmente d'année en année. L'hiver, les restaurants du coeur ne désemplissent pas.

C'est pourquoi je suis toujours dans le camp des travailleurs

     Cela fait des années que je mène le même combat, que je défends les mêmes idées. Je n'ai jamais retourné ma veste. On me le reproche assez chez les bien-pensants et dans la presse du patronat.
     Et si je défends toujours ces idées, c'est que la situation du monde du travail n'a changé que pour empirer.
     Ce qui est nouveau, aujourd'hui, c'est l'augmentation du nombre de travailleurs qui sont concernés par la misère. En effet, pendant ce temps-là, les profits ont explosé et la fortune personnelle de quelques milliers de privilégiés n'a fait qu'augmenter. Dans l'ensemble des revenus du pays, la part de la bourgeoisie a augmenté.
     Ce sont les plus riches qui se sont le plus enrichis tandis que le nombre des plus pauvres n'a cessé de croître jusqu'à atteindre plusieurs millions à l'heure actuelle. Six millions de personnes vivent sous le seuil officiel de pauvreté, c'est-à-dire ont un revenu inférieur ou égal à 3 400 F par mois, 518,32 euros pour parler comme aujourd'hui. Et ce sont neuf millions qui doivent se contenter de 4 200 F ou moins, mensuellement, pour survivre. Et là je ne parle pas seulement de chômeurs. Je parle aussi de gens qui travaillent, qui sont salariés et qui sont pauvres quand même. Ce sont ceux qui travaillent à temps partiel, à des horaires qu'on leur impose et on leur dit que c'est à prendre ou à laisser. Ou bien il s'agit de travailleurs qui ne trouvent que des emplois précaires, qui ne peuvent travailler que par intermittence, en fonction des missions d'intérim qu'on leur offre.
     Et comment oser affirmer que ceux qui gagnent le Smic par exemple, ou même plus, mènent une vie heureuse et confortable ?
     Voilà la vie qui est offerte à une énorme partie de la population laborieuse, au XXI e siècle.
     Et cela dans l'un des plus grands pays industrialisés au monde, après quatre siècles de capitalisme.
     Voilà donc pourquoi, n'ayant pas changé de camp, celui des travailleurs, j'ai toujours, sur le fond, les mêmes choses à défendre.

Dans quelques jours, nous allons être appelés à voter

     Voyez ceux qui se présentent au nom de la droite ou de la gauche.
     Mais pour changer quoi ? Diminuer le chômage, empêcher les licenciements collectifs ? Améliorer le système de soins ? Améliorer les salaires, les retraites et les revenus les plus faibles ?
     Vous savez bien que non !
     Permettre aux profits de s'afficher cyniquement ? Permettre au patronat de jouer au jeu de vendre, d'acheter, de revendre des entreprises avec, à chaque fois, des travailleurs qui restent au bord du chemin où roulent ceux qui profitent de ces injustices ? Cela oui, sûrement ! Quel que soit l'élu !
     On me dit que je ne fais pas de différence entre la droite et la gauche. Si l'on ne juge que sur les détails, il y en a peut-être une. Et encore. La principale différence est qu'ils n'ont pas les mêmes électeurs, mais la principale ressemblance est qu'ils mènent tous une politique au service des possédants.
     En effet, sur tout ce qui concerne fondamentalement le monde du travail : conditions de vie, salaires, retraites, petits revenus, quelle différence y a-t-il ?

Chirac et Jospin, on les connaît !

     Chirac est Président depuis 7 ans. Auparavant il a été Premier ministre et encore avant il a été Maire de Paris. Nous avons pu largement le juger : c'est un homme du patronat. Même lorsqu'il parle de « fracture sociale » ou tient d'autres propos démagogiques, nous avons pu voir que c'étaient de simples mots pour tenter d'abuser les victimes de cette société et se faire élire.
     En face, il y a Jospin, qui dirige le gouvernement depuis cinq ans. Cinq ans où la condition des travailleurs n'a fait qu'empirer. Oh, elle avait commencé à empirer avec la droite. Avec Jospin, loin de s'améliorer comme on aurait pu l'attendre d'un gouvernement de gauche si on avait eu des illusions, la situation sociale des classes laborieuses n'a fait qu'empirer encore.
     Nous avons, sous ce gouvernement, connu une vague, jamais vue encore, de licenciements collectifs, appelés abusivement « plans sociaux ». Des usines entières ont fermé. Les actionnaires qui ont encaissé des profits pendant des années, voire des dizaines d'années, se sont retirés fortune faite. Ou bien ils ont placé ailleurs leurs capitaux. Mais il ne reste aux travailleurs qui les ont enrichis par leur travail, pendant des années, que leur yeux pour pleurer, sans la perspective de pouvoir retrouver du travail. Et cela va continuer.
     Quand tout allait très bien pour les entreprises, ils licenciaient pour que cela aille mieux encore et que leurs actions montent à la Bourse.
     Aujourd'hui, ils nous annoncent le contraire : la Bourse baisse, des grandes sociétés voient le prix de l'ensemble de leurs actions – ce qu'ils appellent leur capitalisation boursière – s'effondrer. En France, presque toutes les grandes sociétés sont touchées.

Et à qui le futur élu, qu'il soit de droite ou de gauche, va-t-il contribuer à faire payer cette gabegie de l'économie capitaliste ?

     Vous le savez comme moi, c'est au monde du travail qu'ils essaieront de la faire payer.
     Alors, ce n'est pas cette élection qui va résoudre nos problèmes. Bien évidemment, je ne serai pas élue, je n'ai même aucune chance de pouvoir être présente au deuxième tour. Contrairement à ce qu'on nous dit, les puissances d'argent, les grands groupes capitalistes, ont plus de poids dans les élections que les électeurs.
     Et même si j'étais élue, je ne pourrais rien sans le soutien actif du monde du travail.
     C'est-à-dire qu'après les élections, de toute façon, il faudra nous unir. Il faut que les travailleurs non seulement s'unissent mais s'organisent pour peser sur le patronat, sur les hommes politiques, sur les événements et transformer leur condition sociale. Oui, il faut absolument imposer au gouvernement et au patronat des revendications vitales pour nous.

Rendre publiques les comptabilités des grandes entreprises

     Il faut que les travailleurs, les consommateurs, la population, puissent connaître la situation financière exacte des entreprises, quels sont les bénéfices réels, quelle est la nature des dépenses, d'où vient l'argent et où il va. Car les licenciements ne sont jamais justifiés par la situation réelle des entreprises. Quand les bénéfices sont de 10 %, les actionnaires en veulent 20. Et le meilleur moyen qu'ils aient trouvé, au lieu d'augmenter leurs ventes en baissant leurs prix par la baisse de leurs profits, c'est au contraire de licencier des travailleurs tout en exigeant le même travail. Et de cela, toute la population s'en ressent.
     C'est pourquoi il faut abolir le secret bancaire et le secret commercial.

Il faut interdire les licenciements collectifs et les délocalisations

     Oui, il faut interdire tous les licenciements collectifs, tous les plans sociaux des grandes entreprises. Et cela sous peine de réquisition. On dit que c'est impossible, mais ce n'est impossible que si l'on ne veut pas toucher aux profits du grand patronat. Lorsqu'une entreprise licencie, les travailleurs sont au chômage puis, souvent, au RMI. Mais les profits continuent. Et lorsqu'une entreprise ferme, comme Moulinex et tant d'autres, les actionnaires qui ont engrangé des profits pendant des dizaines d'années gardent leur fortune. Mais les travailleurs, eux, n'ont plus rien. Souvent cela ruine une ville ou une région. C'est pourquoi il faut que les comptablilités des entreprises soient transparentes. Il faut pouvoir connaître les véritables raisons des licenciements ou des délocalisations.

Empêcher les services publics de se dégrader et cesser leur privatisation

     Il faut cesser de subventionner les grandes entreprises. Des centaines de milliards de francs ont été consacrés chaque année à des subventions, soi-disant pour créer ou maintenir des emplois, mais cela n'a servi qu'à maintenir les profits.
     Il faut augmenter les impôts sur les bénéfices des sociétés et sur les revenus des plus riches au lieu de les diminuer, comme on le fait depuis des années.
     L'impôt doit servir à la collectivité, en améliorant en priorité les services publics : hôpitaux, Education nationale, logements populaires, environnement urbain, amélioration des moyens de communication et d'échange dans les campagnes. Et tout cela directement, sans enrichir les grandes entreprises au passage.
     Pour augmenter les bénéfices, le patronat, et en particulier le grand patronat, a fait pression sur les salaires et le gouvernement a fait pression sur les retraites. Le retard pris par les uns et les autres est considérable. C'est pourquoi il faut contrôler les fortunes des plus riches et les comptes des grandes entreprises et que ce contrôle soit rendu public, et nous verrons qu'il est possible de rattraper le retard pris par les salaires. Contrôlons aussi ce que l'Etat verse aux entreprises et nous verrons qu'il est possible d'équilibrer le budget s'il économise l'argent ainsi dilapidé.

Rétablir le fonctionnement de la Sécurité sociale


     Pour cela, il faut rétablir les cotisations patronales à leur niveau antérieur. Il faut supprimer la CSG sur les revenus les plus faibles mais l'augmenter sur les revenus les plus élevés, y compris sur ceux du capital et avec une plus forte progressivité.

Il faut la révocabilité des élus par ceux qui les ont élus

     Il ne faut plus permettre qu'un élu ne tienne pas les promesses qu'il a faites avant d'être élu. Aujourd'hui un élu, en particulier s'il est haut placé, peut tourner le dos à ses engagements, voire puiser dans les caisses publiques ou recevoir des pots-de-vin sans que la population puisse le contrôler, voire le renvoyer. Ce n'est pas cela la démocratie.
     Il faut aussi supprimer le scrutin majoritaire qui fait qu'une majorité à la Chambre peut n'avoir été élue que par une minorité d'électeurs. Voyez le scrutin présidentiel. La loi impose qu'il n'y ait que deux candidats au deuxième tour. Et celui qui sera ainsi élu, le sera mal car il aura recueilli au maximum 25 %des voix au premier tour, lorsque les électeurs ont un choix relatif, mais élargi.
     De plus, des millions de travailleurs, les travailleurs étrangers, sont exclus de tout droit démocratique. Qu'ils soient ouvriers et parmi les plus exploités, tout petits commerçants ou artisans, ils paient comme les autres des cotisations sociales et des impôts. Leur refuser le droit de vote c'est écarter une grande proportion des travailleurs de tout scrutin. Ce qui augmente relativement le nombre d'électeurs de la bourgeoisie et favorise l'élection de représentants du patronat. De plus personne n'empêche un capitaliste étranger d'acheter des chaînes de télévision ou de grands journaux qui lui donnent bien plus de pouvoir sur les hommes politiques qu'un bulletin de vote.
     Bien sûr, votre vote ne fera pas que ce programme se réalise automatiquement.
     Mais en vous prononçant, par ce vote, pour ce programme, vous direz à la face du pays qu'il fait partie de vos exigences.
     Plus vous serez nombreux à le faire, plus nous nous sentirons forts face au patronat et aux hommes politiques à son service. Et plus nous nous sentirons forts, plus nous serons capables de nous unir pour résister, voire pour imposer ces revendications au patronat et à l'Etat.
     On prétend que, d'après les sondages, plus de voix vont se porter sur ma candidature que sur celle de Robert Hue, le candidat du Parti communiste.
     Mon but n'est pas de diminuer les voix du PCF, mon but est de défendre le programme que celui-ci a abandonné. Mon but est de défendre réellement le camp qui est le mien, le camp des travailleurs.
     Mais si les sondages qui me donnent un score important se révélaient exacts, la question se poserait alors de recréer un Parti communiste qui défende réellement, politiquement et matériellement, le camp des travailleurs.
     Un parti qui ne trahisse pas leurs intérêts en échange de quelques strapontins ministériels. Un parti qui organise et unifie leurs luttes pour, enfin, changer le rapport de forces entre les travailleurs d'un côté, et le patronat et l'Etat de l'autre. Cela je ne pourrai pas le faire sans vous. Il faut d'abord vous exprimer sur cela par votre vote.
     Mais en plus de voter, il faudra qu'un certain nombre d'entre nous donnent un peu de leur temps pour se rencontrer, se réunir, s'organiser. Mais c'est bien moins difficile que de subir les sacrifices que vont nous imposer, si nous nous laissons faire, le patronat et celui qui sera élu, quel qu'il soit.
     En effet, si nous ne faisons pas cet effort, les attaques contre nous continueront et s'amplifieront. On nous dira que les entreprises perdent de l'argent, et que c'est à nous d'en faire les frais alors que nous n'avons pas été ceux qui profitaient des bénéfices.
     C'est pour tout cela que je me présente à vos suffrages.

Arlette Laguiller

Appel d'Arlette Laguiller au meeting du 17 mars à la Mutualité à Paris

Travailleuses, Travailleurs de la région parisienne,

     Je m'adresse, comme toujours, essentiellement à tout le monde du travail, à ceux, ouvrières et ouvriers, employés du privé, enseignants, fonctionnaires, travailleurs de la Fonction publique ou des services publics, des hôpitaux, et même petits commerçants et petits paysans, qui travaillent de leurs mains et n'exploitent personne d'autre qu'eux-mêmes.
     Depuis que je monte dans les sondages, on dit beaucoup de mensonges sur mes idées, Lutte Ouvrière et moi-même. Cela ne me gêne pas vraiment car je suis fière de déranger ceux qui sont essentiellement des adversaires des travailleurs et qui n'ont rien d'autre que le mensonge pour répondre aux idées que je défends.
     Mais je voudrais vous inviter, vous, à m'entendre personnellement et directement, lors de mon meeting parisien, le 17 mars.
     J'ai toujours été et je suis toujours dans le camp des travailleurs. Cela fait des années que je mène le même combat. On me le reproche assez chez les bien-pensants et la presse du patronat.
        Je défends les mêmes idées et je n'ai jamais retourné ma veste. Et je défends ces idées parce que la situation du monde du travail n'a absolument pas changé depuis ma première candidature. On peut même dire qu'elle a empiré. Dans l'ensemble des revenus du pays, la part des revenus du monde du travail a diminué et celle de la bourgeoisie a augmenté.
     Ce qui est nouveau, aujourd'hui, dans la situation des travailleurs, c'est l'augmentation du nombre de travailleurs qui sont concernés par la misère.
     Pendant ce temps-là, les profits explosent et la fortune personnelle de quelques milliers de privilégiés ne fait qu'augmenter.
     Ce sont les plus riches qui se sont le plus enrichis tandis que le nombre des plus pauvres n'a cessé de croître jusqu'à atteindre plusieurs millions à l'heure actuelle. 6 millions de personnes vivent sous le seuil officiel de pauvreté, c'est-à-dire ont un revenu inférieur ou égal à 3 400 F par mois. Et ce sont 9 millions qui doivent se contenter de 4 200 F ou moins, mensuellement, pour survivre. Et là je ne parle pas seulement de chômeurs. Je parle aussi de gens qui travaillent, qui sont salariés et qui sont pauvres quand même. Ce sont ceux qui travaillent à temps partiel, à des horaires qu'on leur impose. C'est à prendre ou à laisser. Ou bien il s'agit de travailleurs qui ne trouvent que des emplois précaires, qui travaillent par intermittence, en fonction des missions d'intérim qu'on leur offre.
     Et comment oser affirmer que ceux qui gagnent le Smic par exemple, ou même plus, mènent une vie heureuse et confortable ?
     Voilà la vie qui est offerte à une énorme partie de la population laborieuse, au XXIe siècle, dans l'un des plus grands pays industrialisés au monde, après quatre siècles de capitalisme.
     Voilà pourquoi, n'ayant pas changé de camp, celui des travailleurs, j'ai toujours, sur le fond, les mêmes choses à défendre.
     La campagne électorale officielle va s'ouvrir prochainement : c'est pourquoi je vous invite à venir m'entendre.
     A bientôt, je l'espère.

Arlette Laguiller

dimanche 17 mars à 15 heures
Théâtre de la Mutualité
24, rue Saint-Victor - PARIS Ve
(Métro Maubert-Mutualité)

Appel d'Arlette Laguiller au meeting du 14 avril au Zénith de Paris

Travailleuses, travailleurs,
     Oui, vous les ouvriers qui produisez tout, qui bâtissez tout ce qui est nécessaire à la collectivité, vous les employés, les ingénieurs, sans qui rien ne fonctionnerait, vous les enseignants, le personnel soignant, les petits commerçants, les petits paysans, c'est à vous que je m'adresse.
     Vous faites tout dans la société et pourtant c'est d'autres que vous qui profitent de votre travail, en particulier ceux qui ne font rien d'autre que de tirer profit de leurs capitaux, qui profitent de votre travail, ceux qui bien souvent aujourd'hui n'hésitent pas à licencier, à fermer ou déplacer des entreprises pour que leurs profits boursiers montent de 10, 15, voire 20 % .
     Alors, c'est de vous tous, c'est de vos intérêts, c'est de votre place dans la société dont je veux parler et que je veux continuer à défendre.
     Depuis que je monte dans les sondages, j'ai la fierté d'être la plus attaquée, la plus calomniée, la plus diffamée même de tous les candidats. Des journalistes qui m'interviewent d'une façon qu'ils n'auraient jamais employée avec un autre candidat et surtout un homme, jouent les chiens de garde du pouvoir et des possédants.
     Je suis fière de cela parce qu'en réalité ce n'est pas moi qu'on attaque, c'est vous, le monde du travail. Ce n'est pas vraiment moi qu'ils craignent, c'est le fait que vous êtes de plus en plus nombreux à ne plus croire les promesses et les discours creux de tous ceux qui vous ont trompés.
     Ce qu'ils craignent c'est vos colères et vos possibles réactions futures.
     Le fait que vous soyez de plus en plus nombreux à déclarer vouloir voter pour moi, que de nombreux travailleurs ne soient plus disposés à jouer le jeu qu'on leur demande de jouer, c'est-à-dire baiser la main qui les opprime, ils trouvent cela insupportable. Pour eux, les travailleurs sont faits pour travailler aux conditions qu'on leur impose et, le jour d'une élection, pour dire merci à ceux qui gouvernent contre eux.
     Aucun des hommes politiques qui ont été au pouvoir depuis des années, aussi bien ceux de gauche que ceux de droite, ne représente réellement les intérêts du monde du travail, quels que soient leurs discours et leurs promesses.
     Si je monte dans les sondages, c'est parce que nombre d'entre vous se rendent compte que je suis la seule qui soit réellement, depuis des années, dans le camp des travailleurs.
     Evidemment les sondages peuvent ne pas refléter la réalité. Ils peuvent ne pas représenter ce que sera le scrutin. mais en attendant, vous avez tous pu juger comment rien que les sondages dérangent et inquiètent tous ces hommes politiques, de Chirac à Jospin et Robert Hue.
     Comme je le disais, on dit beaucoup de mensonges à mon propos et lors de la campagne officielle à la radio et à la télé, je n'ai qu'une dizaine de minutes, découpées en tranches d'une à quatre minutes, pour m'exprimer.
     Alors, si vous voulez vous faire une opinion par vous-mêmes, entendre tout ce que j'ai à vous dire, m'entendre expliquer pourquoi je monte dans les sondages et, surtout, vous dire ce que, ensemble, nous pourrions changer pour le monde du travail et dans la société, si les résultats des sondages se maintiennent et surtout se transforment en véritables suffrages le 21 avril, jour du scrutin.
     C'est pourquoi je vous fixe rendez-vous pour le plus important meeting de ma campagne dimanche 14 avril à 15 heures Au Zénith de Paris.

Arlette Laguiller
Extraits du discours d'Arlette Laguiller au Zénith, le 14 avril

Travailleuses, travailleurs, camarades et amis,

     Eh bien, pour ma part, je ne prétends pas parler au nom de tous les Français. Je ne prétends pas représenter à la fois les intérêts des patrons licencieurs et de ceux qu'ils licencient. Je ne prétends pas représenter à la fois le baron Seillière et les travailleurs de Valeo ou d'AOM-Air-Liberté dont il s'est débarrassé quand ils ne lui rapportaient pas les 15 ou 20 % de profit qu'il escomptait.
     Mon camp à moi est celui des travailleurs.
     (..)
     Jusqu'à présent, le Parti Communiste suffisait à rassembler les voix des travailleurs autour du Parti Socialiste, Jospin n'avait alors pas à se soucier de ces électeurs dont le PC lui amenait les voix sur un plateau.
     La politique du PC depuis des années et, en particulier, sa politique de soutien au gouvernement, lui a fait perdre une grande partie de ses voix, déjà bien diminuées par rapport au passé. Alors, il n'est plus capable d'apporter les voix des travailleurs en paquet-cadeau à Lionel Jospin, sans même que celui-ci s'engage un tant soit peu vis-à-vis des travailleurs. Jospin réalise que les voix qu'il a tenté de gagner sur sa droite, il va les perdre sur sa gauche.
     Mais si Lionel Jospin gauchit peut-être un peu son langage pré-électoral, cela ne le fera pas, s'il est élu, changer de programme. Il gouvernera, comme ces cinq dernières années, en loyal gérant des intérêts du grand patronat et des financiers.
     Jospin promet de ne pas toucher aux retraites. Mais tiendra-t-il parole ?
     Jospin n'a pas aggravé la mesure rétrograde de Balladur sur les quarante annuités, mais il n'est pas revenu dessus. Il n'est pas revenu non plus complètement sur la hausse de la TVA et a encore moins supprimé cet impôt injuste sur la consommation. Pas plus qu'il n'est revenu sur le plan Juppé contre la Sécurité sociale ou sur la vision comptable de la Santé, aussi bien dans les hôpitaux publics qu'au niveau des médecins généralistes. Il n'a pas fait machine arrière par rapport à ce qu'un gouvernement de droite avait fait.
     Lors de son meeting récent, ici même au Zénith, Robert Hue s'est vanté de « la période la plus longue » de participation communiste à un gouvernement. Il prétend qu'il faut être au sein du gouvernement pour pouvoir jouer un rôle utile et infléchir sa politique et que les votes en sa faveur serviront à gauchir celle-ci.
     Il affirme que les voix qui se porteront sur ma candidature seront des voix perdues. Mais, à quoi ont servi les siennes ?
     À l'élection présidentielle de 1995, Robert Hue avait obtenu 2 632 936 voix, soit 8,64 % des suffrages exprimés. Qu'a-t-il fait de ces voix-là ? Il s'en est servi pour obtenir, pour le Parti Communiste, quatre fauteuils de ministre. Des strapontins plutôt ! Cela a servi évidemment aux dirigeants du PC, mais à quoi est-ce que cela a servi aux travailleurs ?
     (..)
     Qui pourrait citer le nom des quatre ministres communistes qui participent au gouvernement et dire ce qu'ils ont fait ? Marie-George Buffet a peut-être fait quelque chose pour le sport, mais qu'est-ce qu'elle a fait pour les travailleurs ?
     Et un nom que les travailleurs connaissent parfaitement, mais pas en bien, c'est celui de Gayssot. Il faut demander aux cheminots ce qu'ils pensent de leur ministre. Il faut demander la même chose aux chauffeurs routiers. Il faut demander aussi aux habitants autour du tunnel du Mont-Blanc...
     Bien des travailleurs, ne serait-ce que ceux de la Snecma, pour prendre le dernier exemple en date, sont sûrement comblés de voir la signature de Gayssot sur le décret de l'ouverture de leur entreprise aux capitaux privés, c'est-à-dire le début de sa privatisation.
     Les a-t-on entendus, ces ministres du PC, se prononcer sur les licenciements ? On a entendu Robert Hue grogner un peu. Et se dire fier d'avoir obtenu un amendement dérisoire à la loi d'orientation sociale, qui a été arrêté par le barrage du Conseil constitutionnel. C'est cela, le « positif », en cinq ans de gouvernement ?
     Et quant aux deux autres ministres communistes, il n'est pas sûr que, dans cette salle, beaucoup puissent dire leur nom, avec la fonction qu'ils exercent en citant leurs actes positifs.
     En échange, le Parti Communiste au gouvernement a cautionné la gestion de ce gouvernement malgré l'évolution dramatique de la situation sociale des travailleurs.
     Alors, les ministres communistes d'un autre éventuel gouvernement de gauche feront comme les précédents, ils se tairont quoi qu'il arrive.
     (..)
     Mais à quoi servira le programme de Robert Hue ? Est-ce qu'il a une chance d'être appliqué ?
     Car, à votre avis, lequel des deux programmes, un éventuel gouvernement de gauche appliquera-t-il ? Celui de Robert Hue ? Ou celui de Jospin ?
     (..)
     C'est Robert Hue qui a entraîné le Parti Communiste dans une impasse politique, qui a démoralisé une grande partie de ses militants et lui a fait perdre énormément d'électeurs.
     Ce n'est pas moi qui suis responsable de cette évolution, c'est la politique des dirigeants du Parti Communiste.
     C'est pourquoi je m'adresse aussi à tous ces militants du Parti Communiste qui ont, pendant des années, donné beaucoup d'eux-mêmes pour défendre le monde du travail et les conquêtes passées des travailleurs, qui ont été déboussolés par l'alignement de leur parti derrière la politique antiouvrière de Jospin et qui sont démoralisés aujourd'hui devant le nouveau recul électoral que leur parti risque d'enregistrer.
     Ce n'est pas de leur faute à eux si la direction du Parti a mené cette politique suicidaire. Alors, je n'ai qu'une chose à leur dire : vous pouvez juger que la seule politique qui corresponde aux intérêts des travailleurs, qui peut permettre de redonner vie à des organisations communistes dans les quartiers populaires, redonner vie aux organisations syndicales, c'est celle que je défends. La seule politique qui peut inverser le rapport de force entre le patronat et les travailleurs, c'est celle que je défends.
     Alors, pour être fidèles au combat que vous avez mené dans le passé et que vous menez encore pour beaucoup, rejoignez-nous et, ensemble, nous reconstruirons un véritable parti communiste et nous ferons payer au baron Sellière et à tous ses défenseurs politiques leur avidité et leur hargne contre les travailleurs.
     Je leur dis aussi que la meilleure façon de contrebalancer l'influence de Le Pen, ce sont les voix qui se porteront sur ma candidature. Il faut que, face à l'électorat qui s'exprime sur le nom du millionnaire réactionnaire, xénophobe et antiouvrier, s'affirme un électorat d'extrême gauche qui défende fièrement les intérêts politiques et les valeurs de la classe ouvrière !
     Les médias annoncent périodiquement comme une révélation que je me revendique des idées communistes.
     (..)
     Alors oui, je répète que je suis pour une transformation radicale de l'économie et de la société. Je suis pour l'expropriation du grand capital. Je suis pour que les principaux moyens de production de l'humanité soient contrôlés démocratiquement par l'ensemble de la société, au lieu de les laisser sous le pouvoir dictatorial de quelques grands groupes financiers, voire de quelques individus. Et mettre fin à la domination du grand capital, c'est la seule façon de mettre fin à l'impérialisme qu'il est à la mode de désigner, de façon bien impropre, sous le terme de mondialisation.
     Et mes idées communistes, je ne les ai jamais cachées, même si certains, par malveillance ou par stupidité, feignent de les découvrir.
     (..)
     Eh bien, tout en disant clairement que je suis communiste, je ne demande pas aux électeurs de voter pour le communisme mais pour un programme de défense de leurs intérêts vitaux.
     Et il est de l'intérêt vital de tout le monde du travail et finalement, d'une grande partie de la population, d'arracher aux grands groupes industriels et financiers le droit de gérer leurs entreprises avec comme seul impératif la hausse des profits et du cours des actions.
     C'est pourquoi il faut qu'on mette en lumière les finances de ces grandes entreprises, qu'on rende publiques leurs comptabilités et voir ainsi ce qu'elles gagnent et comment, d'où vient leur argent et ce qu'elles en font, si c'est de l'argent utile à la société comme elles le prétendent ou si elles le dilapident en spéculations boursières.
     Il faut aussi rendre publics les comptes en banque de leurs dirigeants et de leurs principaux actionnaires. Il faut savoir quelle est la fortune que ces gens-là gagnent sur le dos des travailleurs.
     Pour cela, il faut abolir le secret bancaire et le secret commercial pour toutes les grandes entreprises qui ont une influence considérable sur la vie publique, de celles qui peuvent acheter des groupes de presse entiers, ou des chaînes de radio et de télévision.
     Il faut interdire ces licenciements collectifs quand il s'agit de grandes entreprises qui font des bénéfices et licencient quand même. Le gouvernement fait appel au civisme de la population mais soutient de tels agissements.
     (..)
     Il faut augmenter les impôts des grandes sociétés et des contribuables les plus riches. Il faut que l'État se serve de l'argent ainsi récupéré pour créer des biens collectifs, des logements sociaux, des équipements, des transports qui puissent servir à tous, c'est-à-dire élever le niveau de vie des moins riches. Il faut embaucher autant qu'il est nécessaire dans les hôpitaux, dans l'Éducation nationale, dans les transports publics.
     Il faut, en revanche, supprimer les impôts indirects comme la TVA. Ces impôts indirects sur les produits de consommation sont profondément injustes. Ils ne sont pas proportionnels aux revenus. Une famille ouvrière paie 19,6 % sur ses achats indispensables ou sur des appareils ménagers, c'est-à-dire le même taux qu'un riche paie sur un yacht ou un jet privé.
     Il est indispensable, aussi, d'arrêter la dégradation continue du pouvoir d'achat des classes laborieuses. Il faut une augmentation générale, uniforme et conséquente des salaires, mais aussi des pensions de retraite, des minima sociaux, des allocations de handicapés.
     Il faut rendre plus transparents qu'ils ne sont le budget de l'État à ses différents niveaux et les budgets des grandes villes et les rendre largement accessibles au public.
     Et il ne faut plus permettre qu'un élu ne tienne pas les promesses qu'il a faites en étant candidat. Il faut imposer la révocabilité des élus par ceux qui les ont élus.
     Oui, tout cela est possible si vous, le monde du travail, proclamez que vous savez que la droite vous opprime et que la gauche vous trahit.
     Les scores qu'on me prête expriment sûrement ce mécontentement et peut-être une telle prise de conscience. Ce ne sont que des sondages pour le moment. Mais cela suffit à provoquer la hargne de la classe politique et j'ai bien conscience qu'au fond, à travers moi, c'est vous qu'ils craignent.
     Ils ont peur que ces sondages se transforment en suffrages le soir du 21 avril et que j'atteigne, à ce premier tour, peut-être plus de la moitié des voix de Chirac ou de Jospin. Quel désaveu ce serait pour eux !
     Mais leur crainte la plus grande serait que ce changement de l'opinion populaire entraîne un changement de rapport de force entre les travailleurs et le grand patronat.
     Est-ce que les sondages qui me sont favorables se traduiront réellement en suffrages dimanche prochain ? [...] Ou bien au contraire, ne traduiront-ils pas une montée vraiment significative ?
     C'est que 6 %, 7 % et même 8 %, ne signifieraient pas forcément un changement profond dans l'opinion populaire, tout dépend du nombre réel d'électeurs, et l'on prévoit que les abstentions sont plus importantes qu'à la présidentielle précédente. Et 7 % aujourd'hui ne représenteront peut-être pas plus d'électeurs que les un million six cent mille de 1995 avec 5 %.
     Cela dit, j'espère que l'évolution de la conscience populaire se traduira réellement, le 21 avril, par des votes, c'est-à-dire des gens en chair et en os, en nombre bien plus grand que précédemment.
     De toute façon, au deuxième tour, j'ai déjà dit que je n'appellerai ni à voter pour Chirac évidemment, ni à voter pour Jospin car je ne veux pas cautionner la politique qu'il mène depuis cinq ans.
     Et je n'appellerai pas plus à l'abstention, contrairement à ce qu'on me fait dire. Ceux de mes électeurs qui veulent voter pour Jospin au deuxième tour le feront parce qu'ils le veulent. Et ceux qui ne le feront pas, c'est qu'ils n'ont pas envie de le faire.
     Mais c'est le premier tour qui compte. Si j'atteins les scores que me prêtent certains sondages, et si j'atteins le double d'électeurs qu'en 1995, soit de l'ordre de trois millions, oui, on pourra se dire que quelque chose a changé et que nombreux sont ceux qui ont pris conscience qu'il manque aux travailleurs un instrument pour se défendre, et que le Parti Communiste a fait la preuve qu'il n'est plus cet instrument.
     On saura alors s'il est peut-être possible de construire un nouveau parti communiste, un parti qui ait la volonté de défendre réellement les intérêts économiques et surtout politiques du monde du travail et qui, surtout, ait la force de le faire.
     Un parti qui soit une force d'entraînement et qui attire à lui non seulement des travailleuses et des travailleurs, mais une partie importante de la jeunesse, y compris de la jeunesse intellectuelle.
     Un parti qui soit présent dans toutes les entreprises, qui ait des militants dans les organisations syndicales de travailleurs.
     Un parti qui soit présent dans tous les quartiers populaires et dans toutes les banlieues.
     Un parti qui puisse s'opposer par le nombre de ses adhérents aux dérives racistes, chauvines ou xénophobes. Un parti qui puisse aussi s'opposer à l'intégrisme de quelque bord qu'il soit.
     Un parti démocratique, bien sûr, où les travailleurs, les jeunes, puissent faire l'apprentissage de la démocratie, de la liberté, du respect des autres, puissent aussi se cultiver et trouvent auprès des autres militants le moyen de le faire.
     Oui, il manque un tel parti et je voudrais convaincre plusieurs milliers de ceux qui auraient voté pour ma candidature, de participer à la création de ce parti qui manque tant pour la défense du monde du travail.
     Je ne peux pas le créer, contrairement à ce que disent certains, d'un simple appel à la télévision.
     Un tel parti, cela veut dire, je le répète, plusieurs dizaines de milliers de personnes qui y adhèrent. Plus mon score sera élevé, plus il y aura de chance que, parmi ceux qui auront voté pour ma candidature il s'en trouve 30, 40 ou 50 000 qui adhèrent à une telle idée et à un tel parti.
     Ce n'est pas une prévision, c'est un espoir. Mais l'espoir, c'est déjà beaucoup !
     Alors, le 21 avril, choisissez votre camp. Censurez tous ceux qui représentent le patronat, même si c'est avec des langages différents.
     Votez pour votre propre camp, le camp des travailleurs !


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