2002

Après les présidentielles de 2002.


21/04 - 20h15 - Intervention télévisée d'Arlette Laguiller

     Jospin éliminé du 2ème tour par Le Pen c'est inattendu. Mais le début de sa campagne était tellement orienté vers les électeurs du centre et du centre droit qu'il a perdu une grande partie des voix de ceux de gauche. A force de tourner le dos aux intérêts et aux revendications des travailleurs, il a, en 5 ans de pouvoir, déçu et trahi l'électorat populaire.
     C'est une défaite lamentable dont il est entièrement responsable.
     Si cela devient définitif, il pourra accuser la multiplication des candidatures, mais la multiplication existait à droite comme à gauche. Ce plus, ce n'est pas la multiplication des candidatures qui éparpille les voix. La multiplication des candidatures permet à la diversité des opinions de s'exprimer et ce n'est pas en ne permettant pas cette diversité de s'exprimer qu'on la supprime et qu'on supprime les problèmes.
     Robert Hue paie apparemment la participation du PC au gouvernement et Noël Mamère, bien qu'en faisant bien plus que Dominique Voynet en 95, le paie aussi.
     Ce n'est pas l'extrême gauche qui est responsable de cette situation. Pas plus que le fait que les Verts aient eu un candidat en la personne de Mamère, ou que Robert Hue ce soit présenté. Ceux qui pensent que c'est la diversité des candidatures qui a provoqué le recul de Jospin pourraient d'abord le reprocher à ses alliés.
     Du côté de l'extrême gauche, je maintiens son score de 95 et le dépasse même un peu.
     Olivier Besancenot réalise un très bon score, mais nous savons et nous avons dit depuis les Municipales que la LCR avait manifestement un électorat bien à elle. Mais qu'elle ne s'adressait pas au même électorat que nous.
     De toute façon, nous n'appellerons pas à voter Chirac. Nous voulons combattre Le Pen mais il ne peut se combattre que sur le plan social, par d'autres moyens que ceux qu'ont proposé Chirac ou Jospin.
     Ce n'est pas en reprenant la politique sécuritaire comme ils l'ont fait peu ou prou dans la campagne qu'on fera reculer les idées de Le Pen.


21/04 - 21h30 - Intervention télévisée d'Arlette Laguiller

     Tout d'abord, je remercie les 6% d'électeurs qui m'ont, une fois de plus, montré leur confiance et soutenu mes idées.
     Je comprends le désarroi probable des classes populaires de la possibilité de voir un homme comme Le Pen se trouver au 2ème tour.
     Personne ne veut voir Le Pen être élu, mais s'il l'était c'est-à-dire s'il obtenait 51 % des voix au 2ème tour, cela est peu probable, mais cela signifierait une modification majeure de l'opinion, un basculement d'une importance telle, que nous devrions nous défendre par de tous autres moyens que le bulletin de vote.
     Ce n'est pas en votant pour Chirac que nous changerons une telle situation.
     Car Chirac, une fois élu, ne fera même pas sa propre politique, il cherchera à plaire avant tout aux 20 % d'électeurs qui auront voté Le Pen.
     Je m'adresse une fois de plus au monde du travail pour dire : la montée de l'extrême droite dans l'opinion est préoccupante. Mais, en dehors des urnes, le monde du travail est le plus fort et personne ne sera capable de lui imposer ce qu'il refusera.
     Ce n'est pas en soutenant Chirac et en lui donnant un certificat de bonne conduite qu'on combattra les idées de Le Pen et qu'on combattra son poids dans l'opinion.
     Alors, nous devons rejeter la politique du grand patronat, qu'elle soit menée par Chirac, par Jospin ou par le Pen.
     Par ailleurs, la politique du Parti Communiste de participation au gouvernement a été radicalement censurée.
     Ce qui montre que l'extrême gauche, au-delà de son score, peut être forte de son poids dans les classes populaires.


26/04 (LO #1761)- On ne combat pas Le Pen en soutenant Chirac

        Le fait que le deuxième tour de l'élection présidentielle voie s'opposer les seuls Chirac et Le Pen a fait naître une émotion parmi bien des sympathisants de gauche, jeunes et moins jeunes. Des dizaines de milliers de jeunes lycéens ou étudiants sont descendus dans la rue pour faire connaître leur rejet des idées de Le Pen. C'est tant mieux, et Lutte Ouvrière a été, et continuera bien sûr de l'être, totalement partie prenante de ces manifestations.
     Mais du côté des partis de la gauche plurielle - PS, PCF, Verts -, la seule perspective proposée est celle du vote Chirac au second tour en se contentant, en guise de raisonnement politique, de ce choix électoral : voter Chirac empêchera Le Pen de passer, disent-ils, en oubliant que cela veut dire aussi cautionner sa politique passée et à venir, dont rien ne nous garantit qu'elle ne rivalisera pas avec celle de Le Pen sur le terrain de la réaction, et dont on est assuré en tout cas qu'elle s'attaquera au monde du travail et à la population laborieuse, aux retraites, aux salaires, aux services publics.
     C'est en fait parce que les partis de la défunte "gauche plurielle" n'ont pas d'autre politique à proposer qu'ils voudraient enfermer l'électorat de gauche dans ce piège. Et pourtant, le choix, pour faire réellement barrage à l'extrême droite et à ses idées, ne peut pas être seulement de plébisciter le 5 mai prochain celui qui opprimera demain les classes populaires. Que l'on baptise cette union nationale derrière le candidat de la droite du nom pompeux de "front républicain" ou autrement, c'est lier par avance les mains à la population, la désarmer et la démoraliser, puisque "c'est elle qui aura choisi" son futur président.
     Pourtant faire campagne contre Le Pen n'implique pas obligatoirement d'appeler à voter Chirac ! Cette position, en fait, est, sur le plan électoral, l'aveu que les partis de la gauche plurielle ne se sentent même pas capables de s'adresser aux électeurs de Le Pen du 21 avril pour les convaincre de ne pas renouveler leur vote.
     Bien sûr, parmi les électeurs de Le Pen il y a de fieffés réactionnaires qui rêvent de mettre la classe ouvrière au pas, et accessoirement tous ceux qui se réclament des idées progressistes ; mais il y a aussi malheureusement de nombreuses personnes issues des milieux populaires qui sont trompées par la démagogie de Le Pen, et qui ne voient pas qu'en réalité Le Pen est aussi leur ennemi et même leur pire ennemi. Il est vrai que si l'électorat Le Pen se maintient à un niveau élevé c'est bien souvent parce que la politique menée depuis des années par les partis de gauche les a déçus... et ces partis sont donc mal placés aujourd'hui, entre deux tours d'élection présidentielle, pour changer de langage et de politique et pour trouver le moyen de s'adresser à tous ceux qu'ils ont déçus en menant au gouvernement une politique complètement étrangère aux préoccupations des classes populaires.
     Chirac, quant à lui, est le représentant attitré de la grande bourgeoisie, formé et propulsé en politique pour être son représentant zélé dans les allées du pouvoir et le défenseur intransigeant des intérêts particuliers du grand patronat.
     Dire qu'on peut s'opposer à Le Pen et à ses idées en votant Chirac, c'est une duperie qui ne peut que renforcer la fausse image du leader du Front National, contribuer à lui donner l'auréole d'un opposant radical au système dans son ensemble, lui le milliardaire chef d'entreprise qui n'est autre que l'ultime rempart du monde des possédants. C'est d'autant plus une duperie que Chirac peut très bien, demain, reprendre lui-même à son compte tout ou partie de la politique de Le Pen. Il n'y a pas de cloison étanche entre la droite et l'extrême droite. Les choix entre l'une et l'autre que font les politiciens sont bien souvent affaire de circonstances et d'opportunités politiques.
     Il faut rappeler que Chirac a construit son ascension politique en faisant revivre le mythe de l'ancien parti d'extrême droite de De Gaulle, le Rassemblement du Peuple Français, (RPF), en fondant en 1976 le Rassemblement Pour la République (RPR), qui se présentait comme le représentant d'une droite dure et radicale face au laxisme de Giscard à qui il reprochait de reprendre à son compte les idées de la gauche. Pour plaire à l'électorat raciste et xénophobe il mit en avant les valeurs de "la patrie", parla "des bruits et des odeurs" des immigrés dans les HLM, leur cuisine et le reste... Et c'est bien à dessein, quand Chirac revint au pouvoir en 1986, que son ministre de l'Intérieur Pasqua organisa démonstrativement des charters pour expulser les immigrés et qu'une série de lois répressives furent préparées.
     Alors Chirac est tout à fait capable de reprendre à son compte, une fois au pouvoir, la politique qui vise à plaire aux secteurs à l'électorat de Le Pen, en généralisant la chasse aux immigrés et en édictant des lois répressives xénophobes. Sans parler des lois anti-ouvrières qu'un plébiscite en sa faveur l'encouragerait à prendre, en se sentant "légitimé par la nation toute entière".
     Rappelons aussi que toute une partie de l'encadrement des partis d'extrême droite d'aujourd'hui vient du RPR ou de l'UDF, certains comme Madelin, eux, ayant fait le chemin inverse. Le passage d'un bord à l'autre n'a jamais posé de problèmes dans ces milieux où l'on se combat surtout pour des raisons d'influence électorale et de choix politiciens. Alors, présenter Chirac et ses compères comme un rempart contre Le Pen et ses idées serait une douce plaisanterie, si les choses n'étaient pas sérieuses.
     En réalité, certains à gauche voudraient se servir de cette sorte d'union nationale dans le vote Chirac, pour cacher leur véritable politique, qui refuse de s'attaquer au pouvoir du grand patronat et à sa dictature économique qui pèse sur les conditions de vie de la population laborieuse
     Faire cause commune avec un tel ennemi avéré des travailleurs, ce n'est pas faire barrage à la pire des réactions, c'est au contraire faire son lit.

26/04 (LO #1761)- Après le premier tour de la présidentielle

     A en juger par les titres à la Une des journaux au lendemain du premier tour de la présidentielle -le "séisme", le "choc", la "bombe Le Pen"-, la présence de Le Pen au deuxième tour de cette élection n'est pas seulement une surprise, mais serait aussi un événement politique majeur.
     Le fait qu'un représentant de l'extrême droite soit au deuxième tour de l'élection présidentielle est, en effet, une nouveauté. Est-elle pour autant l'expression d'une poussée de l'extrême droite ?

Voyons d'abord les chiffres

     L'électorat de Le Pen atteint en effet 4.805.307 votants (16,86 %). C'est un électorat numériquement important mais il était déjà de 4.571.138 votants (15,00 %) lors de la précédente présidentielle, en 1995, et 4.375.894 (14,39 %) en 1988.
     Si, à l'électorat de Le Pen, on ajoute celui de Mégret, qui a obtenu 667.123 voix (2,34 %), cela fait donc en 2002 un électorat d'extrême droite de 5.472.430 votants (19,20 %). Pour mesurer ce même électorat en 1995, il faut ajouter aux votes obtenus par Le Pen ceux de de Villiers qui jouait à peu près sur le même registre que Le Pen : le repliement national, la démagogie anti-immigrés avec une bonne dose de xénophobie, mais sur une partition un peu plus châtiée, chère au personnage de ce marquis sorti d'une autre époque. Le total des voix obtenues par Le Pen et de Villiers a été à l'époque de 6.014.373, soit 19,74 % de l'électorat.
     En l'occurrence, l'audience de l'extrême droite, bien qu'à un niveau très élevé, ne s'est pas élargie et se serait même quelque peu rétrécie. Tout au plus, peut-on dire qu'après avoir traversé la crise que l'on sait et qui a divisé le Front national entre Le Pen et Mégret, le premier a très nettement pris le dessus par rapport à son concurrent.
     La presse cite sur le ton de l'affolement le pourcentage important des votes obtenus par Le Pen dans certaines régions, comme par exemple en Alsace. Elle "oublie" d'ajouter cependant qu'aussi bien dans le Haut-Rhin que dans le Bas-Rhin, Le Pen obtient moins de voix cette année qu'en 1995.
     Le recul important de l'électorat du Parti communiste dans un département où son influence était naguère déterminante, en Seine-Saint-Denis, fait dire à la presse que ce département est l'expression du progrès important de l'extrême droite. Mais si, dans ce département, Le Pen recueille 70.232 voix, il en avait recueilli 91.776 en 1995.
     La nouveauté donc, si nouveauté il y a, n'est pas un progrès de l'extrême-droite mais le recul de Jospin. Malgré ce recul important, l'écart qui sépare Le Pen de Jospin n'est que de 194.558 voix (0,68 %). Et s'il a suffi de cette mince différence pour écarter Jospin du deuxième tour, c'est en raison de la loi électorale qui ne laisse en présence au deuxième tour que les deux premiers arrivés du premier tour, même si la différence entre le deuxième et le troisième est tout à fait minime.
     Mais le ton catastrophé de la quasi-totalité de la caste politique et de la grande presse ne vient pas d'une erreur d'appréciation. Il s'agit purement et simplement de mensonges ou, si l'on veut, de propagande intéressée.
     Chirac et son camp ont évidemment intérêt à se présenter comme des "sauveurs de la République et de la démocratie" face à la menace de l'extrême droite. Chirac, cet homme du patronat, ce politicien avec de multiples casseroles accrochées à ses basques, peut ainsi escompter une élection quasi-plébiscitaire alors que deux jours avant il n'était pas en situation d'en espérer autant.
     Du côté de la gauche, brandir la "menace fasciste" permet de justifier son honteux alignement derrière Chirac et, par la même occasion, de tenter de faire oublier sa responsabilité dans le maintien d'une extrême droite électoralement forte dans le pays depuis pas loin d'une vingtaine d'années.
     Personne ne peut penser sérieusement que Le Pen puisse être élu face à Chirac. Bien que Chirac ait perdu quelque 700.000 électeurs entre les premiers tours de 1995 et de 2002, les 5.660.440 voix qu'il a obtenues sont cependant supérieures aux voix qui se sont portées sur Le Pen et Mégret. Autant dire que rien qu'avec l'apport de la droite parlementaire réunie derrière son nom, il ne courra aucun risque et est certain d'être réélu.
     Mais, du Parti socialiste au Parti communiste, en passant par les Radicaux de gauche et les Verts, tous les partis de la Gauche plurielle, qui ont choisi de ne pas donner leurs voix à Jospin au premier tour, ont choisi de les donner à Chirac au second.
     Ainsi donc, Chirac, déjà soucieux de l'opinion publique de l'extrême droite pendant la campagne électorale et qui le sera encore plus une fois réélu, pourra prendre des mesures réactionnaires, avec la caution de toute la Gauche plurielle.
     L'avenir dira si la préoccupation de Chirac de plaire à l'extrême droite se traduira par une politique anti-ouvrière plus ouverte et par des mesures d'extrême droite (en matière de sécurité, vis-à-vis des travailleurs immigrés, etc) ou en cherchant à associer l'extrême droite directement au pouvoir. Dans les deux cas cependant, l'arrivée de Chirac à la présidence de la République ne sera certainement pas un barrage contre les idées de cette dernière, mais des voies possibles pour celle-ci d'accéder aux sommets de l'Etat.

Le recul du Parti socialiste...

     C'est le recul de l'électorat socialiste qui est le fait marquant de cette présidentielle, et pas un prétendu progrès de l'extrême droite. Il suffit de comparer le nombre des votes recueillis par Jospin cette année, 4.610.749 (16,18 %) à ceux de 1995, 7.097.786 (23,30 %) pour mesurer le recul. Sans même évoquer les 10.367.200 votes (34,10 %) recueillis par Mitterrand au premier tour de l'élection de 1988. Malgré les rodomontades des dirigeants socialistes qui, malgré leur débâcle électorale, continuent à vanter leur gestion gouvernementale, Jospin a payé cinq ans de politique anti-ouvrière et pro-patronale.
     S'il y a une chose qui apparaît clairement au vu de la baisse des voix en faveur de Jospin et de l'accroissement du nombre d'abstentions, c'est qu'une grande partie de l'électorat populaire ne voulait plus de Jospin et de la politique qu'il incarnait. Et l'image de Jospin, annonçant son abandon de la vie politique en même temps que le constat de sa déroute lamentable, pourrait passer pour le symbole de ce Parti socialiste veule, lâche, qui, à force d'être attentif aux intérêts, aux aspirations et même aux qu'en dira-t-on des classes possédantes, a été organiquement incapable de sentir le ras-le-bol montant dans la population laborieuse. Même au lendemain de sa défaite, ses responsables n'ont pas pu s'empêcher d'en accuser les abstentionnistes, les "extrémistes", voire cet électorat qui n'a pas su apprécier tout ce qu'ils ont fait au gouvernement.

... entraînant la chute du Parti communiste

     De toutes les autres composantes de la Gauche plurielle, c'est le Parti communiste qui paie le plus cher en influence électorale sa participation au gouvernement Jospin. En 1995 où, pourtant, l'électorat du Parti communiste était déjà sans commune mesure avec ce qu'il avait été il y a vingt ans ou plus, Robert Hue avait recueilli 2.632.460 votes (8,64 %). Cette fois, Robert Hue se retrouve avec 960.757 votes (3,37 %). C'est une véritable débâcle. C'est aussi l'expression du fait que le rejet du gouvernement Jospin vient en partie de l'électorat du Parti communiste et, en particulier, de son électorat ouvrier.
     Si les Verts ont tiré leur épingle du jeu malgré toutes les couleuvres avalées par leurs ministres dans le domaine de l'écologie, c'est que leur électorat se recrute dans des milieux qui ont moins souffert de la politique de Jospin que le monde du travail.
     Quant aux Radicaux de gauche, leur meilleur atout a été que personne ne connaît leurs ministres, ni même sans doute leur participation au gouvernement, et qu'ils ont choisi une candidate qui n'est même pas membre de leur parti.
     En revanche, même si certains ministres du Parti communiste ne sont pas plus connus du public que les ministres radicaux de gauche, il n'en est pas de même de la participation du Parti communiste au gouvernement. Car c'est cette participation qui a servi de caution au gouvernement Jospin auprès du monde du travail pour toutes les mesures anti-ouvrières ou pro-patronales, des privatisations aux 35 heures, en passant par la continuation des mesures prises par la droite pour les retraites, la Sécurité sociale, la politique des quotas en matière de santé, etc.
     La déroute électorale de Robert Hue sanctionne toute la stratégie du Parti communiste, basée sur le sacrifice des intérêts du monde du travail pour quelques strapontins ministériels.
     Tout au long de la campagne, Robert Hue a opposé le "réalisme" de sa politique à l'utopie des objectifs défendus par Arlette Laguiller, les rares fois où le Parti communiste évoquait un argument politique au lieu de se contenter d'injures ou de calomnies. Qu'il soit dit en passant que, s'il est bien difficile de dire dans quelle mesure les calomnies véhiculées par la presse du Parti communiste ou par certains de ses militants dans les quartiers ou dans les usines ont pu nuire aux résultats d'Arlette Laguiller, ce qui en tout cas est évident, c'est qu'elles n'ont pas suffi à sauver Robert Hue du naufrage.

La faute à l'extrême gauche ?

     L'idée que c'est l'extrême gauche qui a fait chuter Jospin est non seulement véhiculée dans les milieux du Parti socialiste mais, comble du cynisme, même dans d'autres milieux de la Gauche plurielle, en particulier parmi les Verts. Passons sur le fait que les Verts ayant participé au gouvernement Jospin sont co-responsables de la politique menée et qui s'est traduite par la chute des votes en faveur de Jospin. Mais si les Verts tenaient tellement à ce que Jospin passe bien le premier tour, pourquoi donc ont-ils présenté -ainsi que le Parti communiste et même les Radicaux de gauche- un candidat à eux, opposé à Jospin ?
     En ce qui concerne Lutte ouvrière, la Ligue communiste révolutionnaire ou le Parti des travailleurs, nous n'avons pas été des alliés de Jospin. Il était normal que nous nous présentions contre lui.
     Les quatre candidats de la Gauche plurielle -sans compter le cas particulier de Chevènement- ont totalisé 7.727.983 voix, c'est-à-dire un nombre de voix supérieur de 2.200.000 par rapport à l'ensemble des voix de Le Pen et de Mégret. Si ces quatre composantes de la Gauche plurielle, qui ont été alliées au gouvernement, avaient été solidaires de la politique de celui-ci et avaient soutenu Jospin, non seulement celui-ci aurait été au deuxième tour mais, au premier tour, aurait largement dépassé Chirac. S'ils ont choisi de se présenter indépendamment, ce n'est même pas pour des raisons politiques puisqu'ils ont mené la même pendant cinq ans et qu'ils avaient annoncé que, de toute façon, ils soutiendraient Jospin au deuxième tour, rejoignant ainsi sa politique. Ils l'ont fait dans un but très intéressé de boutique : se mettre dans la meilleure situation pour négocier avec le Parti socialiste des circonscriptions éligibles pour les législatives et, en cas de victoire de la gauche, des sièges de ministre. De surcroît, pas plus que le Parti socialiste, ils n'ont vu que la désaffection de l'électorat à leur égard était telle que Jospin, concurrencé par son propre camp, risquait de ne pas passer le premier tour. Outre sa propre politique, le Parti socialiste ne peut s'en prendre qu'à la trahison de ses propres alliés.

L'extrême droite et le monde du travail

     La droite regroupée derrière Chirac, comme la Gauche plurielle, chacune à sa façon, essaie de faire oublier sa politique passée en agitant la menace de l'extrême droite. Il ne faut pas tomber dans ce piège.
     Au-delà du jeu de ces partis, la présence et la consolidation de l'extrême droite dans ce pays sont bien sûr préoccupantes pour le monde du travail. Elles sont préoccupantes en raison de la démagogie que ce milliardaire réactionnaire véhicule et des effets nuisibles de cette démagogie dans le monde du travail lui-même. Malgré ses quelques flatteries verbales en direction des "ouvriers", des mineurs, des métallos et des petits, cet homme est un adversaire féroce de la classe ouvrière. Le seul avenir qu'il lui réserve est de la faire marcher au pas. Il se présente en homme du changement, mais sa politique est de servir le grand patronat, tout autant que le fait ouvertement Chirac ou hypocritement Jospin, mais avec des méthodes plus autoritaires si possible.
     Mais, pour contrebalancer l'influence de Le Pen dans les couches populaires, il ne s'agit pas de soutenir ce "front républicain" qui est en train de se dessiner avant le deuxième tour derrière Chirac et après peut-être sous d'autres formes. Le Parti socialiste comme les partis de la droite sont aussi responsables les uns que les autres de la persistance d'une extrême droite influente dans ce pays. Les prendre pour des sauveurs, c'est au contraire favoriser la montée future de l'extrême droite.
     Combattre l'extrême droite, c'est au contraire contribuer à ce que les travailleurs, dégoûtés des trahisons des uns et des autres, retrouvent confiance en eux-mêmes, reprennent le chemin de la lutte et retrouvent les valeurs du monde du travail. Et c'est cet avenir que l'extrême gauche doit préparer.

26/04 (LO #1761)- Les résultats d'Arlette Laguiller, Olivier Besancenot et Daniel Gluckstein

     Arlette Laguiller a recueilli, lors de la présente présidentielle, 1 630 244 voix, soit 5,72 % de l'électorat. Le nombre d'électrices et d'électeurs qui se sont prononcés sur son nom est donc du même ordre qu'en 1995, où elle avait obtenu 1 615 552 voix, soit 5,30 % de l'électorat. C'est une très légère progression en voix et un tout petit peu plus en pourcentage.
     La stabilité de cet électorat depuis plusieurs années maintenant, au moins depuis 1995, est d'autant plus remarquable qu'il se retrouve sur des revendications radicales comme le contrôle du monde du travail et de la population sur le fonctionnement des entreprises, la suppression du secret des affaires, l'interdiction des licenciements et un certain nombre d'autres objectifs du même type qu'Arlette Laguiller et Lutte ouvrière défendent et popularisent depuis plusieurs années.
     C'est aussi un électorat qui sait qu'Arlette Laguiller se revendique du communisme et n'en est pas gêné, même quand il n'y adhère pas.
     Contrairement à 1995, cette fois-ci les électeurs pouvaient choisir entre trois candidats qualifiés "d'extrême gauche", avec, en plus d'Arlette Laguiller, Olivier Besancenot, présenté par la Ligue communiste révolutionnaire, et Daniel Gluckstein, présenté par le Parti des travailleurs. Contrairement à toutes les stupidités véhiculées sur le "vote protestataire", non seulement les électeurs d'Arlette Laguiller ont fait un choix politique par rapport aux partis de gouvernement et les abstentionnistes mais ils ont aussi fait un choix parmi les différentes politiques représentées par les trois candidats d'extrême gauche.
     1 210 694 voix recueillies par Olivier Besancenot, soit 4,25 % de l'électorat, confirment l'existence d'un électorat LCR significatif, qui s'est déjà manifesté lors des municipales de 2001. Si cet électorat ne s'est pas manifesté depuis l'élection présidentielle de 1974, c'est qu'il n'a pas pu le faire car, aux élections présidentielles de 1981, 1988 et 1995, la LCR avait fait le choix de ne pas présenter son propre candidat mais de soutenir des candidats divers, en 1995 par exemple indistinctement Robert Hue, Dominique Voynet ou Arlette Laguiller. Mais cette absence de candidat à l'élection présidentielle ne signifie pas que l'électorat n'existait pas potentiellement, et l'on peut dire qu'en refusant de se présenter, la LCR n'avait peut-être pas voulu prendre ses responsabilités.
     Les résultats de Daniel Gluckstein sont moindres mais 132.702 électeurs, 0,47 %, ont tout de même fait ce choix.
     Les journalistes additionnent les trois votes pour constater la progression globale de l'électorat d'extrême gauche. Cette progression est incontestable, bien qu'elle soit surtout frappante en comparaison du recul du Parti communiste.
     Mais le fait que les électeurs ayant eu le choix de le faire se soient répartis entre les trois candidats est au moins aussi significatif. Il ne s'agit pas, contrairement à ce qu'affirme stupidement une certaine presse, d'une course à "l'hégémonie sur l'extrême gauche", mais de choix entre différentes politiques proposées à l'extrême gauche. Pour notre part, nous avons toujours considéré que, dans toutes les élections où il n'y a pas d'autres enjeux - comme peut l'être, par exemple, à certains moments le fait d'envoyer des représentants au Parlement -, la présence de plusieurs candidats d'extrême gauche représentant des politiques différentes et s'adressant à des milieux différents n'est pas un handicap mais une richesse. Et nous nous réjouissons du fait que, forte de son électorat qui atteint un niveau significatif, presque du même ordre que celui d'Arlette Laguiller en 1995, la LCR puisse prendre elle-même l'initiative, qu'elle nous avait recommandée alors, de proposer la construction d'un parti "à la gauche de la gauche" ou "100 % à gauche" aux différentes forces politiques, associatives, anti-mondialisation, etc., avec lesquelles elle a l'habitude de travailler.
     Ce qui va compter pour l'avenir, c'est la capacité de ces différentes composantes de l'extrême gauche, au-delà de leurs scores électoraux, de représenter un poids croissant dans le monde du travail et dans ses luttes futures.

26/04 (LO #1761)- La faillite de la politique de Hue n'est pas celle des idéaux communistes

     La chute électorale du PCF constitue une sanction sans appel de la politique de sa direction, politique qui s'est traduite par sa participation au gouvernement durant ces cinq dernières années. Mais ce n'est pas tant la participation gouvernementale en soi qui est sanctionnée, c'est surtout ce qu'elle a signifié : la soumission du PCF au PS et la caution qu'il a, de ce fait, accordée à sa politique, le soutien sans faille que ses parlementaires ont pratiqué à l'égard de ce gouvernement dès qu'il s'agissait de l'aider à atteindre une majorité pour qu'une mesure, même critiquée par le PCF, puisse passer à l'Assemblée nationale .Ce fut le cas, par exemple, lorsqu'il s'est agi d'adopter les mesures dans la continuité du plan Juppé sur la maîtrise comptable des dépenses de santé, ou encore lors de la mise en place des 35 heures à la sauce Aubry, autant dire à la sauce patronale.
     Dans le bilan qu'a tiré Marie-George Buffet du résultat de Hue, publié dans l'Humanité du 24 avril, cet aspect n'est pas du tout abordé. La secrétaire nationale du PCF se borne, se cantonnant à des généralités, à faire le constat que le recul atteint l'ensemble de la gauche gouvernementale, ce qui est une évidence.Et d'ajouter que le PCF n'a pas su faire comprendre sa démarche de "mutation". Une manière de dire que ce sont les électeurs qui n'auraient rien compris, et qu'il faudrait, en mieux, continuer dans la même voie.
     Et si justement les électeurs avaient trop bien compris ?
     Juste avant que le PCF ne décide d'entrer de nouveau dans un gouvernement socialiste, en 1997, Robert Hue répétait à qui voulait l'entendre qu'il ne s'agissait pas de "recommencer ce qui avait échoué entre 1981 et 1984" , période ou déjà les ministres communistes avaient cautionné, au sein des gouvernements Mauroy, les pires attaques contre les travailleurs : le blocage des salaires, le plan acier se traduisant pas des dizaines de licenciements dans la sidérurgie , etc. Mais ça n'a pas manqué : le PCF a recommencé. Et cela a de nouveau échoué.
     Hue a beau dire aujourd'hui qu'il avait averti ces derniers temps le gouvernement que s'il n'infléchissait pas à gauche sa politique, ou du moins son discours électoral, cette "gauche plurielle" irait dans le mur, ces avertissements de pure forme n'ont rien changé. Mais en même temps qu'ils se démarquaient mollement, tardivement et verbalement de Jospin, les dirigeants du PCF ont multiplié les attaques contre "Arlette". Ils ont consacré une partie des pages de l'Humanité à des bobards contre elle et Lutte ouvrière et ils ont chosi d'utiliser l'énergie de leurs militants à faire coller et à faire circuler des photocopies de la tribune libre diffamatoire des frères Cohn-Bendit parue dans Libération. Il ont chargé Fodé Sylla de déverser des mensonges délibérés sur l'attitude d'Arlette Laguiller au parlement européen ou Gérard Miller de faire son numéro de comique contre les votes d'Arlette.
     Tout cela n'a pas évité au PCF de se retrouver dans le mur, en même temps que le PS, mais pire que ce dernier. Il eût mieux fait d'utiliser sa campagne, ses temps de parole, le dévouement de ses militants, à dénoncer les idées de l'extrême droite et les dangers qu'elles constituent contre le monde du travail ; mieux fait de faire campagne pour dénoncer la politique de cette droite incarnée par ce Chirac que l'on présente aujourd'hui comme le sauveur de la république et de la démocratie. Et pour qui la direction du PCF appelle à voter. Voilà à quoi aboutit la politique des dirigeants du PCF. Après avoir choisi Jospin, ils en sont à présenter ce réactionnaire affiché comme le garant des libertés et des droits. La faillite électorale se conclut par cette lamentable capitulation.
     La dénonciation de la droite aurait du avoir pour pendant une claire dénonciation de la politique que Jospin s'apprêtait à mener s'il avait été élu, avec ou sans ministres du PCF. Mais cela aurait signifié que Hue se critiquait lui-même...
     Oui, Hue s'est retrouvé dans le mur. Ce n'est rien d'autre que le résultat de la politique de la direction du PCF. Malheureusement, du même coup, les militants du PCF qui n'ont eu pas eu le choix et qui pour beaucoup se montraient de plus en plus réticents , ne serait-ce que parce qu'ils entendaient ce qui se disait autour d'eux dans les entreprises et les quartiers, y sont allés eux aussi. Et beaucoup en sont sonnés.
     La démonstration vient d'être faite de ce que la politique choisie par la direction du PCF, non seulement ne correspond pas aux intérêts de la population laborieuse, mais n'est pas payante au plan électoral. Mais, dans le même temps, la démonstration a été faite qu'en se revendiquant clairement des idéaux communistes et en défendant des mesures radicales qui puissent mettre un coup d'arrêt à l'offensive patronale, on pouvait être entendu par une fraction importante du monde du travail. C'est ce que montrent les résultats d'Arlette Laguiller.

27/04 - Communiqué d'Arlette Laguiller sur le second tour

     Arlette Laguiller, porte-parole de Lutte Ouvrière réaffirme qu'elle n'appellera pas à l'abstention et que pas une voix du monde du travail ne doit se porter sur Le Pen. Mais elle se refuse à appeler à voter Chirac comme le fait toute la gauche qui s'enchaîne elle-même au char de Chirac, ce qui est grave pour le monde du travail, car cela laisse les mains libres à un homme qui représente ouvertement le patronat pour prétendre, à l'avenir, qu'il aura été plébiscité par l'ensemble de l'électorat. Ce ralliement à Chirac montre le peu de cas que les partis de gauche font de la différence entre eux-mêmes et les partis de la droite.
     C'est pourquoi Lutte Ouvrière n'appelle pas à l'abstention mais appelle à se rendre aux urnes pour voter blanc ou nul. Ce qui comptera c'est que Le Pen obtienne le moins de voix possible, et Lutte Ouvrière y contribuera par une campagne contre Le Pen et ses idées dans la rue, dans les quartiers populaires et dans les entreprises.

29/04 - Editorial des bulletins d'entreprise

CONTRE LE PEN MAIS PAS POUR CHIRAC : UNE ENVELOPPE VIDE DANS L'URNE

     Tous les partis de la gauche plurielle, cette gauche qui dirige encore le gouvernement, se sont enchaînés eux-mêmes derrière le char de Chirac pour lui faire un triomphe.
     François Hollande, le premier secrétaire du PS, vient de dire que le 5 mai doit être "un référendum contre l'extrême droite" et que Chirac ne sera pas élu sur son programme, mais "sur un mandat simple qui sera d'écarter toute dérive d'extrême droite". Pourtant, au premier tour, il y a déjà eu un référendum contre Le Pen puisque 80 % des votants n'ont pas voté pour lui.
     Pour Hollande, à partir du 6 mai "le choix entre la gauche et la droite reprendra toute sa valeur". On ne peut mieux se moquer des idées qu'on peut mettre au vestiaire un jour et reprendre le lendemain.
     Chirac pourrait être largement élu avec les voix de la droite, sans celles de la gauche. Mais en faisant cette campagne, le PS, le PC et les Verts évitent d'avoir à discuter leur politique passée.
     Si Chirac gagne avec un pourcentage écrasant, la différence politique entre la droite et la gauche socialiste sera bien faible. De fait, c'est la gauche elle-même qui l'affirme.
     C'est pour cinq ans que Chirac sera élu. Et son programme, il y tient et le répète dans chaque meeting, est loin d'être favorable aux travailleurs. S'il est élu avec leurs voix, il pourra dire "vous avez à 80 % voté pour moi et pour mon programme".
     Si, dans cinq semaines, au soir des Législatives, une majorité de gauche est envoyée au Parlement, ce sera une nouvelle cohabitation, mais peut-être pas pour longtemps car Chirac, qui a la dissolution facile, pourrait très bien renvoyer les députés de gauche devant les électeurs.
     Et pourquoi ne sortirait-il pas des Législatives une majorité de droite, puisqu'il y aura des candidats de Le Pen partout et que le même raisonnement pourrait faire dire qu'il faut faire front contre Le Pen en se rassemblant derrière les candidats du Président.
     Si les voix de Le Pen ont augmenté, c'est bien parce que le gouvernement de la gauche plurielle n'a pas su répondre aux aspirations du monde du travail.
     Le chômage ne fait pas monter que la délinquance, il fait aussi monter la peste brune. Chirac et Jospin ont fait une grande partie de leur campagne sur l'insécurité, ils ont repris les thèmes chers à le Pen et une partie des électeurs a préféré l'original aux copies.
     Alors dimanche, Le Pen ne doit absolument pas avoir de voix des travailleurs. Il faut que tous ceux qui ont voté pour lui au premier tour comprennent que ce serait dramatique que l'extrême droite devienne une force importante.
     Le Pen fait sa campagne contre les immigrés, contre les étrangers mais en fait, parsemée de quelques propos démagogiques pour les ouvriers, il est fondamentalement contre tous les travailleurs.
     Il faut se souvenir qu'aussi bien les fascistes italiens que les nazis allemands tenaient, parmi tous leurs slogans réactionnaires et racistes, des propos tirés du programme des socialistes.
     Alors il ne faut pas penser qu'à dimanche, il faut penser à ne pas compromettre l'avenir. Que Chirac soit élu avec les voix des travailleurs, les voix de toute la gauche, ou qu'il soit élu seulement avec les voix de la droite, cela peut changer l'avenir.
     C'est pourquoi nous disons qu'il faut aller voter dimanche. En se gardant de le faire pour Le Pen, mais sans contribuer à plébisciter Chirac car, après, il se servirait de nos voix pour justifier une politique anti-ouvrière et pro-patronale.
     Le Parti Socialiste n'est pas trop gêné de cela car ce qu'il regrette c'est ses places. Mais le sort des travailleurs il s'en moque. Il l'a montré pendant cinq ans au gouvernement et il le montrera à nouveau, s'il sort une majorité de gauche des élections législatives de mai.
     Pas une voix pour Le Pen !
     Mais une enveloppe vide en guise de vote pour Chirac.

Arlette Laguiller

29/04 - Brèves des bulletins d'entreprise

CE QU'ILS DISENT... ET CE QU'ILS FONT
     Avant le 1er tour, les dirigeants du PS, du PC, des Verts ainsi que la plupart des journalistes accusaient Arlette Laguiller de dire que "la gauche et la droite, c'est pareil".
     Aujourd'hui, c'est la gauche gouvernementale elle-même qui ne fait aucune différence entre la gauche et la droite.
     La preuve : elle se rallie comme un seul homme à Chirac.

AUCUNE RAISON DE S'ENCHAINER A CHIRAC
     Si l'on ajoute aux votes recueillis par Chirac le total de ceux qui se sont portés sur les autres candidats de la droite (Bayrou, Saint-Josse, Madelin, Corinne Lepage), on atteint 10,34 millions de voix. C'est le double des suffrages de Le Pen additionnés à ceux de Mégret (5,45 millions de voix).
     Bref, l'électorat de droite assure à Chirac deux fois plus de voix que Le Pen. On le voit, Chirac peut gagner sans la gauche, et il le sait bien.
     Quand la gauche prétend qu'il faut voter Chirac pour "faire rempart à Le Pen", c'est un mensonge qui ne servira qu'à renforcer Chirac.
     Et cela, pas tant en face de Le Pen, qu'au détriment du monde du travail.

QUESTION DE PRIORITE
     Durant la campagne du 1er tour, la majeure partie des journalistes, surtout ceux de gauche, n'ont cessé de calomnier et diffamer Arlette Laguiller.
     Jour après jour, tout y est passé : les calomnies sur le "magot d'Arlette", les mensonges sur ses pleurs, les ragots sur Lutte Ouvrière.
     Les journalistes roulant pour le PS avaient un objectif : noyer ce que nous disions sous un déluge d'injures et de mensonges pour empêcher que les travailleurs n'expriment, en votant pour Arlette Laguiller, leur rejet du gouvernement de Jospin et de ses alliés.
     Ces journalistes auraient mieux fait de s'en prendre à Le Pen. Mais ce danger n'était pas celui qui les inquiétait.
     Résultat, ils se réveillent après la bataille et en sont réduits à faire voter Chirac.

EFFET PSYCHOLOGIQUE
     Certains disent que si les votes nuls ou blancs (que nous préconisons) étaient nombreux, cela augmenterait le pourcentage de Le Pen et que l'effet psychologique serait désastreux.
     Pour mesurer l'importance de l'extrême droite dans le pays, ce qui compte en réalité, c'est le nombre de voix qu'aura Le Pen, pas le pourcentage.
     Et si Chirac est élu avec les voix de la gauche, c'est pour les travailleurs que l'effet psychologique sera néfaste !
     C'est pourquoi il faut que les électeurs de gauche votent blanc.
     Chirac sera quand même largement élu, mais uniquement avec les voix de son camp.

JOSPIN ELIMINE PAR SES PROPRES ALLIES
     Il a manqué 200 000 voix à Jospin pour être présent au 2ème tour. C'est un dixième des suffrages recueillis par Mamère, Hue et Taubira, candidats de partis qui siègent au gouvernement Jospin.
     Les Verts, le PC et les Radicaux de gauche ont été solidaires de Jospin durant cinq ans et ils avaient annoncé s'y rallier au 2ème tour de la présidentielle.
     Mais ils l'ont empêché d'y arriver en présentant leurs propres candidats. Et cela, pour une question de partage des places car ces partis voulaient échanger leurs voix du 1er tour contre les postes de ministres qu'ils escomptaient de l'élection de Jospin.
     Sans Mamère, Hue et Taubira, Jospin serait passé haut la main.

DIS-MOI QUI SONT TES AMIS...
     Le meeting de Chirac à Lyon, jeudi dernier, rassemblait les ténors de la droite avec, au premier rang, Millon et Blanc.
     Aux élections régionales de 1998, ces deux-là ont pris la présidence de conseils régionaux en passant un accord avec le Front National et en donnant des postes de vice-présidents aux hommes de Le Pen.
     La gauche présente Chirac comme un rempart contre Le Pen. Mais Chirac, lui, n'attend même pas d'être réélu le 5 mai pour s'afficher aux côtés de ceux qui frayent avec Le Pen.

MANIFESTONS LE 1er MAI
     Partout où des manifestations sont prévues le 1er Mai, Lutte Ouvrière appelle à y participer.
     Pour faire entendre la voix et les revendications du monde du travail, pour affirmer que pas une voix de travailleur ne doit aller à Le Pen, pour dire aussi que, puisque le candidat du grand patronat Chirac sera réélu, autant qu'il le soit sans notre approbation.

30/04 - Appel d'Arlette Laguiller aux manifestations du 1er mai

     Arlette Laguiller porte-parole de Lutte Ouvrière appelle à participer largement aux manifestations du premier mai, pour affirmer qu'il est plus que jamais nécessaire de défendre les intérêts politiques et sociaux du monde du travail et, qu'à quelques jours du 5 mai, il est important d'affirmer que pas une voix ne doit se porter sur cet ennemi juré de la classe ouvrière qu'est Le Pen, mais aussi que le second tour ne doit pas être un plébiscite pour cet homme ouvertement au service du grand patronat qu'est Chirac.


01/05 - Appel d'Arlette Laguiller pour le second tour

LE 5 MAI, SURTOUT PAS LE PEN, MAIS PAS CHIRAC NON PLUS !

Travailleuses, Travailleurs,

     Depuis le premier tour de la Présidentielle, les partis de gauche, comme un seul homme, se sont rangés derrière Chirac et ont demandé de voter pour lui au deuxième tour pour faire, paraît-il, barrage à Le Pen.
     Ils n'ont pas honte ! Si Le Pen a augmenté ses voix, c'est en grande partie parce que ceux qui étaient au pouvoir ces dernières années, n'ont pas réduit le chômage, la cause de la paupérisation du monde du travail et de la petite délinquance.
     Et aujourd'hui que Jospin a été éliminé, il faudrait que tous les travailleurs votent pour Chirac, pour un homme de droite qui est un représentant avoué et officiel du patronat !
     Même le Parti Communiste s'y est mis. Non content d'avoir défendu pendant cinq ans la politique du gouvernement Jospin et s'être ainsi déconsidéré auprès de ses électeurs, voilà maintenant qu'il nous demande de plébisciter Chirac. Les partis de gauche s'aplatissent devant Chirac.
     Le Pen est le pire ennemi des travailleurs.
     Mais c'est une escroquerie de le présenter comme pouvant être élu au deuxième tour. Rien que les voix de la droite du premier tour, c'est-à-dire celles de Chirac, de Bayrou et de Madelin représentent près de deux fois celles que Le Pen et Mégret ont obtenues.
     Pourquoi donc Chirac devrait-il être élu avec les voix de la gauche ? Celles de droite devraient lui suffire ! C'est que Chirac va être élu pour cinq ans. Et en cinq ans, il peut se passer bien des choses. Que les élections législatives de juin prochain amènent une majorité de gauche ou une majorité de droite, nous aurons à subir la politique de Chirac, directement ou indirectement pendant cinq ans.
     Alors, pourquoi nous demande-t-on de cautionner, à l'avance, tout ce qu'il pourra faire contre les travailleurs ?
     S'il est élu avec 80 % des voix, il pourra nous dire "vous avez tous voté pour moi, vous étiez d'accord avec mon programme". Car, contrairement à ce que disent certains, en votant pour Chirac on approuve qui il est socialement, ce qu'il dit politiquement et ce qu'il va faire. Et ne serait-ce que parce qu'on nous le présente comme un moindre mal, il pourra nous dire "vous m'avez voulu, vous m'avez, et c'est moi ou Le Pen".
     Il pourra même, un jour, dissoudre la Chambre des députés. Il pourrait y avoir, à ce moment là, une majorité qui ne puisse pas gouverner sans l'extrême droite et qui pourrait même appeler Le Pen à diriger le gouvernement, répétant ainsi ce qui s'est passé en Autriche.
     Bien des hommes qui soutiennent Chirac aujourd'hui à droite, ont fait alliance avec Le Pen il n'y a pas si longtemps et pourraient le faire à nouveau.
     Alors, il faut que pas un seul travailleur vote Le Pen et il faut aussi que ceux qui ont voté pour lui au premier tour n'oublient pas qu'avec ce vote il font tort à toute la classe ouvrière.
     Mais il ne faut pas plus voter pour Chirac qui nous préparera de tristes lendemain.
     Une autre forme d'intox, alors que tout le monde voit bien que Chirac sera élu, c'est de nous dire qu'il faut qu'il le soit avec les pourcentages les plus importants pour que ce soit un référendum contre l'extrême droite.
     Mais ce qui importe c'est le nombre d'hommes et de femmes qui n'auront pas voté pour Le Pen. Pas le pourcentage car, au premier tour, il en avait déjà 80 % des électeurs qui n'ont pas voté pour lui.
     Si l'on cherche à faire rejeter Le Pen par 80 % des électeurs, cela ne fera rien de plus qu'au premier tour.
     Il faut qu'il ait le moins de voix possible en valeur absolue, en nombre d'électeurs. Mais les voix pour Chirac venant du monde du travail nous lieraient les mains pour l'avenir, car cela renforcera la droite et le patronat, car il n'y a pas que Le Pen qui soit un danger.
     Chirac n'a pas besoin des voix de la gauche. Qu'il soit donc élu avec les voix de son camp, les voix de la droite. Les travailleurs n'ont pas à le plébisciter..
     Alors, le 5 mai, allez voter et, pour voter contre Le Pen sans plébisciter Chirac, mettez une enveloppe vide dans l'urne, votez blanc.
     Cela comptera autant qu'un vote Chirac pour écarter Le Pen et cela ne compromettra pas notre avenir.

Arlette Laguiller

03/05 - Communiqué d'Arlette Laguiller, à propos de Chirac, de la gauche et du 2ème tour

     Hier à Villepinte, Jacques Chirac a largement commencé la campagne des législatives de la droite.
     Il n'a visiblement pas le souci de sa réélection et il est d'autant plus à l'aise pour commencer sa campagne anti-PS, que la gauche s'est chargée de la campagne anti-Le Pen.
     Du coup, les dirigeants de la gauche gémissent lamentablement de l'absence de la droite dans leur combat contre Le Pen et, surtout, de ses attaques contre le Parti socialiste.
     Chirac a montré hier qu'il n'avait l'intention de tenir compte ni de l'ampleur des manifestations du 1er Mai, ni du soutien apporté par la gauche à sa réélection. Ce qu'il défend, c'est son propre programme de gouvernement.
      Le 5 au soir, les Hollande, les Mamère et les Robert Hue prendront un virage à 180º. Mais on ne peut présenter comme un "sauveur suprême" jusqu'à dimanche 20 heures celui qui sera à partir de 21 heures l'adversaire des masses populaires, ce qu'on a oublié de dire depuis quinze jours..
     La gauche s'est prostituée gratuitement et elle le sait. Qu'elle ne s'étonne pas, par la suite, d'être de moins en moins comprise de l'électorat populaire.



05/05 - Intervention d'Arlette Laguiller sur les résultats du second tour

     Comme il était absolument prévisible, Le Pen n'a pas obtenu plus de voix que celles qu'il avait obtenues, avec son compère Mégret, au premier tour.
     Ce qui signifie, tout d'abord, comme nous l'avons dit et redit, que Le Pen aurait été très facilement battu avec les seules voix de la droite, laquelle avait obtenu au premier tour le double des voix de Le Pen.
     Cela signifie aussi que les digireants de la gauche se sont prostitués pour rien et ont fait de Chirac le président de loin le mieux élu de la Vème République, même De Gaulle n'en a jamais eu tant.
     Les dirigeants de la gauche viennent ainsi de nous dire, de la pire des façons, que la gauche gouvernementale et la droite gouvernementale se ressemblent beaucoup plus qu'elles ne se différencient.
     Les dirigeants de la gauche ont gonflé la baudruche Le Pen en sachant pertinemment que Le Pen n'avait aucune chance, et de très loin, de l'emporter au 2ème tour, mais ils ont agité l'épouvantail Le Pen, comme s'il pouvait être élu. Ils ont agité le spectre du fascisme qui n'était pourtant dans la situation présente qu'un spectre d'opérette même si les idées de Le Pen représentent cette survivance.
     Les dirigeants de la gauche ont réussi, depuis 15 jours, à éviter, vis-à-vis des classes populaires, toute explication sur la cause de la désaffection de l'électorat de gauche à leur égard et sur la baisse des voix du Parti Socialiste et de l'effondrement de celles du Parti Communiste.
     La campagne qu'ils ont menée en faveur de Chirac était aussi honteuse qu'inutile et artificielle, ce qu'ils savaient bien évidemment.
     Pour notre part, nous avons refusé de nous aligner sur cette campagne et refusé de nous abaisser à appeler à voter pour Chirac. On nous accuse souvent de défendre un programme dépassé mais nous sommes fiers d'être fermes sur nos idées et de ne pas retourner notre veste à la première occasion venue.
     Chirac, quelle que soit l'hypocrisie dont on explique le vote pour lui, qu'on parle de prendre son bulletin avec des gants ou avec une pince sur le nez, est un ennemi du monde du travail.
     Il faut savoir qu'en particulier dans les entreprises nombre de travailleurs, de militants ou d'électeurs du PC, se refusaient à voter Chirac. Même si leur nombre n'est pas suffisant pour apparaître dans les statistiques, il comptera sûrement dans les luttes de l'avenir.

06/05 - Communiqué de Lutte Ouvrière sur les législatives

     La LCR nous avait proposé, pour les élections législatives à venir, un accord "technique" de répartition des circonscriptions entre nos deux organisations. Elle se refusait à une prise de position politique commune au travers d'une profession de foi commune. Elle souhaitait simplement qu'il y ait un appel commun à voter l'une pour l'autre mais sans qu'il y ait une base politique commune. De plus, l'accord qu'elle proposait la laissait libre, dans les circonscriptions de son choix, de s'appuyer sur des candidats qui n'appartenaient pas à la LCR, mais sont des "cadres locaux", selon son expression, qui l'auraient soutenue dans la campagne électorale.
     Ces propositions nous laissaient déjà dubitatifs car renoncer à notre présence dans la moitié des circonscriptions sans avoir une profession commune à l'ensemble du pays et en appeler à voter pour des gens que nous ne connaissons pas ne nous paraissait pas être un véritable accord.
     Enfin, nous savions qu'au sein de la LCR, il existait une forte opposition à l'alliance avec nous. Et, étant donné la liberté d'action de ses militants, nous savions qu'un nombre non négligeable n'aurait pas respecté cet accord.
     C'est pourquoi nous avons tardé à donner notre réponse en attendant de voir l'attitude de la LCR vis-à-vis du second tour de l'élection présidentielle.
     Les prises de position respectives de LO et de la LCR par rapport à la campagne visant à gonfler la baudruche Le Pen afin de justifier l'alignement honteux des partis de la gauche plurielle derrière Chirac ont illustré l'étendue des désaccords entre les politiques des deux organisations. Alors que LO a dénoncé, dès le début, la prostitution des partis de la gauche plurielle devant Chirac pour lui fournir un plébiscite afin d'éviter toute discussion sur les causes de leur propre défaite au premier tour, la LCR a reproduit à son échelle mais à l'identique, l'attitude de la gauche ex-gouvernementale.
     Par ailleurs, tout en faisant à LO la proposition d'une répartition des circonscriptions, la LCR a déjà annoncé ses propres candidats dans un certain nombre de départements.
     Dans ces conditions, il n'est pas question pour LO de rechercher un accord avec la LCR qui, quelles qu'en soient les modalités, feraient apparaître les politiques des deux organisations comme proches, ce qui n'est pas le cas. Aux législatives, chacune pourra donc défendre sa propre politique, et Lutte ouvrière sera présente dans toutes les circonscriptions.



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