1927

La plate-forme des bolcheviks-léninistes (Opposition) pour le XV° Congrès du PC de l'URSS. Un domument élaboré par Trotsky et Zinoviev, repris par 13 membres du CC et de la CCC, puis par près de 10 000 communistes.

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Plate-forme pour le XV° congrès du PCUS

Opposition bolchévique unifiée


XII. Contre l’opportunisme, pour l’unité du Parti

Nous avons exposé ouvertement notre point de vue sur les lourdes fautes commises par la majorité du CC dans tous les domaines fondamentaux de la politique intérieure et extérieure. Nous avons montré combien était affaibli, grâce à ces fautes de la majorité du CC, le levier fondamental de la Révolution. Nous avons, en même temps, indiqué, que, malgré tout, la politique du Parti peut être corrigée de l'intérieur. Mais pour la corriger, il est indispensable de poser la question du caractère des fautes commises par la direction du parti.

Ces fautes sont des fautes opportunistes. L'opportunisme dans sa forme développée - selon la définition classique de Lénine - c'est le bloc du sommet de la classe ouvrière avec la bourgeoisie, dirigé contre la majorité de la classe ouvrière. Dans les conditions où se trouve actuellement l'URSS, l'opportunisme poussé à son terme consisterait dans l'aspiration de la couche supérieure de la classe ouvrière à un accord avec la nouvelle bourgeoisie renaissante, avec le koulak et le nepman, ainsi qu'avec le capitalisme mondial, au détriment des intérêts de la masse ouvrière et de la paysannerie pauvre.

Quand nous marquons la présence de telles tendances dans certains cercles de notre Parti, que nous en indiquons les premières manifestations et leur développement, il est absurde de nous accuser, à cette occasion, de calomnier le Parti, car c'est précisément au Parti que nous en appelons contre ces tendances qui le menacent. Il est tout aussi absurde de dire que nous accusons telle ou telle fraction du Parti ou le CC de trahison de la révolution, de trahison des intérêts du prolétariat. Une ligne politique fausse peut être dictée par un souci sincère des intérêts de la classe ouvrière. Les représentants les plus éminents de l'aile droite de notre Parti sont convaincus que l'accord qu'ils sont prêts à conclure avec les éléments bourgeois est nécessaire aux intérêts des ouvriers et des paysans, qu'il représente une de ces manœuvres considérées par Lénine comme absolument admissibles. Même le groupe de droite, qui représente une tendance ouverte à la déviation, repousse l'idée d'un thermidor. Cela s'adresse d'autant plus au « centre » qui fait une politique typique d'illusions, d'apaisement et de leurre.

Staline et ses plus proches partisans sont convaincus qu'en s'appuyant sur leur formidable appareil, ils l'emporteront en ruse sur les forces de la bourgeoisie, au lieu de les vaincre par la lutte. Les staliniens ont, sans aucun doute, pensé sincèrement qu'ils « jouaient » provisoirement avec les généraux chinois et qu'ils les rejetteraient ensuite comme des citrons dont on a exprimé le jus, après les avoir utilisés, dans l'intérêt de la Révolution, Staline et les staliniens ont pensé sincèrement qu'ils « jouaient » avec Purcell et non que Purcell « jouait » avec eux. Staline et les staliniens pensent sincèrement qu'ils peuvent « librement » faire des concessions à « leur » bourgeoisie et qu'ils pourront retirer ensuite ces concessions sans aucune conséquence.

Dans leur suffisance bureaucratique les staliniens « facilitent » la manœuvre en éliminant en fait le parti de toute participation aux décisions afin d'éviter sa résistance. La direction stalinienne décide, agit et laisse au Parti le soin d'« avaler ». Mais cette façon d'agir affaiblit, sinon paralyse, les forces qu'une manœuvre politique juste, si elle est nécessaire et opportune, pourrait utiliser. Ou bien elle les affaiblit et dissimule les conséquences des manœuvres manifestement fausses de la direction. C'est ainsi que s'accumulent les résultats des tendances opportunistes de l'aile droite du CC du Parti et des manceuvres de son groupe centriste résultats qui dans leur ensemble signifient : affaiblissement de la situation internationale de l'URSS, affaiblissement de la situation du prolétariat par rapport aux autres classes de l'URSS, aggravation relative de sa situation matérielle, affaiblissement de sa liaison avec la paysannerie pauvre, menaçant par là l'union avec les paysans moyens ; affaiblissement de son rôle dans l'appareil d'État ; ralentissement du rythme de l'industrialisation. Ce sont ces conséquences de la politique de la majorité du CC et non ses intentions qu'avait en vue l'Opposition lorsqu'elle posait la question des dangers thermidoriens; c'est-à-dire le glissement de la politique prolétarienne vers une politique petite-bourgeoise.

L'immense différence politique et de nature qui sépare notre parti de ceux de la II° Internationale est claire pour tout le monde. Le PC de l'URSS a été forgé au feu de trois révolutions, il a conquis le pouvoir contre un monde d'ennemis, il a organisé la III° Internationale. Sa destinée, c'est la destinée de la première révolution prolétarienne triomphante. C'est par la Révolution elle-même que se définit le rythme de sa vie intérieure. Tous les processus idéologiques de la Révolution, qui s'accomplissent sous l'influence d'un mouvement de classe élevé, ont une tendance à un développement et une maturation rapides. C'est pourquoi il est particulièrement nécessaire que dans notre Parti une lutte résolue soit menée à temps contre tout écart de la ligne léniniste.

Les dangers opportunistes dans le PC de l'URSS ont, dans les conditions actuelles, des sources objectives profondes :

  1. L'entourage bourgeois mondial, la stabilisation temporaire et partielle du capitalisme créent un état d'esprit de « stabilisation ».
  2. Indiscutablement nécessaire en tant que chemin vers le socialisme, la Nep, par le fait qu'elle fait renaître partiellement le capitalisme, anime par là même les forces ennemies (hostiles plutôt) au socialisme.
  3. L'élément petit-bourgeois dans le pays qui compte une grosse majorité de paysans ne peut pas ne pas se répercuter non seulement dans les soviets, mais aussi dans le Parti.
  4. La situation de parti unique qu'occupe le PC de l'URSS, situation absolument indispensable à la Révolution, crée aussi une série de dangers particuliers. Le XI° Congrès, du vivant de Lénine, indiquait ouvertement qu'il existait à cette époque déjà des groupes importants de gens (parmi les paysans riches, les couches supérieures de fonctionnaires, les intellectuels) qui appartiendraient aux partis socialistes-révolutionnaires, menchéviks, si ces partis étaient légaux.
  5. L'appareil d'État, que dirige notre Parti, y introduit à son tour beaucoup d'esprit bourgeois et petit-bourgeois, l'infectant d'opportunisme.
  6. Les spécialistes, les catégories supérieures des fonctionnaires et des intellectuels, indispensables à notre édification, font pénétrer dans nos appareils d'État, économique, et du Parti, une influence non prolétarienne.

C'est là la raison pour laquelle l'aile léniniste oppositionnelle du Parti sonne l'alarme avec tant d'insistance à propos des déviations évidentes et de plus en plus dangereuses dit groupe stalinien. Il est criminel et puéril d'affirmer que le passé héroïque du Parti et ses vieux cadres sont immunisés, pour tous les temps et dans n'importe quelles circonstances, contre les dangers de dégénérescence opportuniste. C'est là un point de vue qui n'a rien de commun avec le marxisme. Ce n'est pas cela que nous a enseigné Lénine. A l'occasion du XI° congrès, il disait : « L'Histoire connaît des conversions de toutes sortes ; s'en rapporter aux convictions, à la fidélité et autres qualités morales est une chose peu sérieuse en politique » (T. XVIII ou XXIII, 2° partie, page 42).

Les ouvriers, qui formaient la grosse majorité des partis socialistes de l'Occident, avant la guerre, étaient incontestablement adversaires des déviations opportunistes. Mais ils n'ont pas su vaincre à temps des fautes opportunistes peu importantes à l'époque. Ils en ont sous-estimé l'importance. Ils n'ont pas compris que le premier et sérieux ébranlement historique, survenant après une longue période de développement pacifique qui avait créé une forte bureaucratie ouvrière, obligerait non seulement les opportunistes, mais même les centristes, à capituler devant la bourgeoisie et que la masse pouvait, à ce moment-là, se trouver désarmée. Si l'on peut accuser les révolutionnaires marxistes, représentant l'aile gauche dans la II° Internationale avant la guerre, de quelque chose, ce n'est pas d'avoir exagéré le danger opportuniste quand ils le qualifiaient de politique nationale-libérale ouvrière, mais bien de s'être reposés sur la composition ouvrière des partis politiques de l'époque, sur l'instinct révolutionnaire du prolétariat, sur les antagonismes de classes. Ils ont en fait sous-estimé le danger et n'ont pas mobilisé assez énergiquement les masses révolutionnaires contre lui. Nous ne répéterons pas cette faute révolutionnaire.

En nous posant comme tâche de redresser à temps la ligne de la direction, nous détruisons par là même le reproche qu'on nous fait de travailler à la scission du Parti el à la création d'un nouveau parti. La dictature du prolétariat exige impérativement qu'il n'existe qu'un seul Parti prolétarien uni, comme dirigeant des masses ouvrières et paysannes. L'unité du Parti, une unité non affaiblie par les luttes de tendances, est une chose absolument nécessaire au prolétariat pour l'accomplissement de sa mission. Cette unité ne peut être réalisée que sur la base des enseignements de Lénine.


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