1929

Le 29 novembre 1929, La Vérité, organe hebdomadaire de l'Opposition communiste, titrait en manchette La vraie défense de l'"Humanité", et publiait cet article en "une".

Le gouvernement à l’assaut de l’« Humanité »

Le gouvernement Tardieu vient de procéder à une nouvelle attaque contre l’Humanité. Celle-ci était débitrice de plusieurs millions envers la B.O.P. Par le canal des administrateurs judiciaires placés par le gouvernement à la B.O.P., celle-ci réclame le versement immédiat par l’Humanité d’environ 2.600.000 francs. C’est un moyen pour mettre l’Humanité en faillite et permettra à n’importe qui de la racheter. Contre cette attaque gouvernementale, les milliers de travailleurs de la région parisienne qui lisent l’Humanité s’émeuvent.

L’Humanité s’intitule elle-même « le journal de la classe ouvrière ». Si cela veut dire que c’est le journal que lisent les ouvriers révolutionnaires, c’est vrai. Il n’y en a pas d’autre qui soit quotidien. Si cela veut dire que c’est un journal qui défend bien la classe ouvrière, nous disons non.

L’Humanité mène une politique qui n’est presque jamais juste et que nous dénonçons et dénoncerons chaque fois qu’il le faudra. Sur la plupart des problèmes nationaux et internationaux, sa position, qui est celle que lui impose l’Exécutif de l’Internationale est fausse. Elle trompe la classe ouvrière constamment. Elle sert de moyen d’agitation superficielle, mais nullement de propagande. Cependant, elle s’occupe des intérêts des travailleurs. Malgré ses erreurs continuelles, son rayonnement est considérable. Chaque ouvrier révolutionnaire, même celui qui comprend déjà les fautes constantes et grossières de l’Humanité, la lit. Voilà ce dont il faut tenir compte. Tardieu le sait bien, et c’est pour cela qu’après avoir beaucoup fait pour effriter et morceler le parti, il s’attaque directement à l’Humanité. Mais les travailleurs ne le laisseront pas faire. Ils montreront qu’ils veulent défendre l’Humanité.

Mais nous ne leur cacherons pas la responsabilité du parti et de l’Humanité dans la crise qui les agite aujourd’hui. Pourquoi l’Humanité pouvait-elle avoir un découvert de plusieurs millions à la B.O.P. sans que ses lecteurs en soient informés ? Pourquoi le gouvernement tente-t-il aujourd’hui sa manœuvre contre l’Humanité, c’est-à-dire au moment où le parti est affaibli, où les masses suivent difficilement le parti, et où règne une certaine passivité chez les ouvriers ? C’est parce que l’Humanité et le parti ne s’occupent de l’opinion de leurs adhérents que lorsqu’il faut leur demander des sous ! Parce que le seul travail que le parti réclame aujourd’hui de ses membres, c’est de lui récolter de l’argent, pour remplacer tout celui qui est gaspillé en fonctionnaires, éditions, etc., sans aucun contrôle de qui que ce soit ! En un mot, cet état de choses est le résultat de toute la politique intérieure du parti depuis plusieurs années.

Aux camarades qui versent leur obole pour la défense de l’Humanité, nous disons : Camarades, cela ne suffit pas ! Il ne suffit pas d’argent pour sauver un journal que toute sa fausse politique pousse sous les coups de Tardieu et Cie ! Ce qu’il faut, c’est un nettoyage complet de la maison : hommes, méthodes et politique. En défendant l’Humanité contre le gouvernement, en défendant contre la bourgeoisie un journal auquel les travailleurs ont tant donné de leur soutien et de leurs forces, il faut prendre l’engagement de le défendre contre ceux qui le mènent à sa perte en l’administrant sans contrôle, en lui faisant faire une politique fausse, qui n’éduque pas les prolétaires, qui sème le mensonge dans la classe ouvrière !

Pour l’Humanité, oui ! Mais pour une Humanité communiste, débarrassée de tout l’appareil qui la défigure. L’Humanité doit être le journal communiste qui guide vraiment les travailleurs, au lieu de les jeter dans une impasse et de leur faire faire des faux-pas. Une Humanité communiste, Tardieu n’oserait pas y toucher. Le gouvernement ne pourrait pas l’atteindre en se bornant à manœuvrer les rouages, tout ce qu’il y a de plus légaux, d’une banque !

Ce n’est pas d’aujourd’hui que se produit la première attaque du gouvernement contre l’Humanité. Mais, après chaque alerte, ceux qui l’ont soutenue se rendorment, ils laissent les mauvais chefs à la tête de leur journal, ils n’organisent pas le contrôle de la base, ils n’exigent pas la reddition de comptes nécessaire. Quelques bonnes paroles et tout est dit.

En défendant l’Humanité aujourd’hui, il faut que chaque ouvrier se dise qu’une fois l’alerte passée, il doit réclamer une nouvelle gestion de l’Humanité, une nouvelle politique, une information honnête. Il doit aider l’opposition communiste à mener sa lutte contre les cadres bureaucratisés du parti, contre ses méthodes, contre sa politique de compromis, contre son action qui ne fait pas ce qu’il faut pour rallier les masses ouvrières et, au contraire, trop souvent, les décourage et les démoralise.

L’Humanité ne cesse de dire que Tardieu frappe parce que les masses ouvrières réveillées menacent le pouvoir bourgeois. C’est faux. L’Humanité doit savoir, au contraire que si la classe ouvrière n’avait pas été préalablement affaiblie, Tardieu n’oserait pas l’attaquer avec une telle impudence.

L’opposition communiste appelle les travailleurs à renforcer leur action par une politique prolétarienne juste, sans bluff, mais vigoureuse et précise. Alors, les travailleurs pourront recréer une Humanité qui soit vraiment leur journal, et qui les entraîne avec succès dans la lutte.

Pour une véritable presse communiste ! Voilà ce que veulent les travailleurs. De l’Humanité, ils exigeront, avec l’opposition, une nouvelle politique. C’est la seule condition qui puisse rendre leur aide efficace pour l’avenir du mouvement révolutionnaire.