1928

La lutte de l'Opposition communiste en U.R.S.S. : lettres diverses.


Lettre à Trotsky

Koté Tsintsadzé

27 juin 1928


Cher L.D.,

Nous avons reçu votre lettre. Il nous a été très agréable d'apprendre que vous allez mieux. La santé est nécessaire aux bolcheviks‑léninistes, surtout maintenant ! Nous vous prions amicalement de veiller sur la votre, qui  ne vous est pas seulement nécessaire à vous !

Nous comprenons votre inquiétude pour la santé de votre fille. Mais en tant que tuberculeux ayant une expérience personnelle, je crois que son état n'est pas désespéré. Combien en ai‑je vu, de malades atteints de phtisie galopante qui, bien soignés, s'en sont tirés ? Nombreux sont nos camarades et amis qui sont condamnés à quitter la vie en prison ou en déportation, mais tout cela servira en fin de compte à enrichir l'histoire révolutionnaire qui éduquera de nouvelles générations. La jeunesse prolétarienne, éclairée par la lutte de l'Opposition bolchevique contre l'aile opportuniste du parti, comprendra de quel côté était la vérité.

On nous écrit de Tiflis qu'au lendemain du départ du camarade Okoudjava, on a procédé à des arrestations. Il y en a eu quinze. On leur a proposé de renoncer aux idées de l'Opposition et de déclarer juste le "cours a gauche". Sinon, on les menaçait d'une longue peine de prison. Les copains ont refusé tout net. On se demande à quoi sert un renoncement aux idées de l'Opposition, obtenu par une pression administrative aussi brutale. On cherche visiblement par ces méthodes fabriquer un semblant de victoire idéologique sur l'Opposition.

Jusqu'au XV° congrès, les chefs ont préparé ‑ et ils y sont arrivés ‑ notre destruction systématique. Mais en même temps ils préparaient ‑ et ils y sont arrivés aussi ‑ leur propre destruction idéologique. En ce sens, leur situation est bien pire que la nôtre. Une destruction en tant qu'organisation est une chose pénible, mais réparable quand on a une ligne et des idées justes, alors que la destruction idéologique est irréparable. Ils spéculaient sur les Oppositionnels "responsables" à la Piatakov, Krestinsky, Ovseenko, Zinoviev et compagnie. Mais ils se sont vite aperçus qu'il n'est venu qu'une personne et demi à la suite de Piatakov. C'est pourquoi ils doivent recourir à une manœuvre plus profonde. L'objectif du cours à gauche, en plus du reste (ce que vous indiquez dans vos lettres), c'est de liquider l'Opposition.

Les lettres du camarade Préobrajensky démontrent, qu'il nourrit de dangereuses illusions [1].

Nous avons lu vos deux lettres "à un ami" et nous sommes tout à fait d'accord avec votre appréciation de notre po­sition et de notre tactique. Nous sommes aussi d'accord que le moment est venu où l'organisation doit dire son mot et le faire précisément au Vi° congrès, collectivement, au nom de l'Opposition bolchevique et notamment dans la forme que vous proposez, c'est‑à‑dire de façon que et les masses communistes ouvrières se rendent compte que c'est nous qui a­vons raison.

Nous sommes entièrement d'accord avec votre appréciation du télégramme du camarade Radek [2]. J'ai toujours eu une mauvaise  opinion des zinoviévistes et de Zinoviev lui-même.

Je n'ai pas oublié ma promesse de vous faire passer pour cela en commission de contrôle !

Notre vie à Bakhchi‑Sarzil s'écoulé paisiblement. Les traits caractéristiques de Bakhchi‑Sarzil sont les vents et la poussière "permanente" ( pourvu que ce mot ne fasse peur à personne !). L'été il fera sans doute une chaleur insuppor­table. On manque de pain, il y a de longues queues, on en donne une livre. Nous vous saluons chaleureusement, notre cher camarade et ami L.D. Nous vous serrons fortement la main.

Votre Koté Tsintsadzé


Notes

[1] Préobrajensky se préparait à capituler.

[2] Radek avait alors officialisé sa capitulation.


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