1946

Manifeste de la IV° Internationale aux travailleurs, aux exploités, aux peuples coloniaux opprimés du monde entier
Source : brochure IV° Internationale, 1946.

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Des révolutions socialistes victorieuses peuvent seules empêcher la troisième guerre mondiale

IV° Internationale


Le rôle de la bureau­cratie stalinienne.

« La défense de l'U.R.S.S. coïncide en principe avec la préparation de la révolution prolétarienne mondiale. Nous rejetons absolument la théorie du socialisme dans un seul pays, cette élucubration du stalinisme ignorant et réactionnaire. Seule la révolution mondiale peut sauver l'U.R.S.S. par le socialisme. Mais la révolution mondiale entraîne inévitablement l'éviction de l'oligarchie du Kremlin. »

Depuis 1924, date où pour la première fois cette funeste théorie fut proclamée par Staline, la politique du Kremlin a servi à empêcher l'établissement du socialisme, dans tout pays. En fait, cette théorie fut inventée pour justifier la consolidation d'une caste privilégiée de bureaucrates nationalistes. Tirant ses origines de l'isolement dans lequel se trouva le jeune Etat soviétique au cours du déclin de la première vague révolutionnaire dans l'Europe capitaliste, et de la fatigue provoquée en Russie même par les années de guerre civile, la bureaucratie chercha à s'assurer une position privilégiée aux dépens des masses sur les épaules desquelles elle monta au pouvoir. Rejetant la politique internationaliste de Lénine qui, avec l'aide des travailleurs de tous les pays, sauva l'U.R.S.S. dans ses premières années contre l'intervention impérialiste, la clique stalinienne se servit de l'Internationale Communiste qu'il avait fondée pour ruiner toute une série de possibilités révolutionnaires.

Ainsi, en 1926, au moment de la grève générale en Angleterre, elle se livra à des marchandages opportunistes avec le conseil général des Trade Unions, afin d'empêcher le développement révolutionnaire de la grande vague de grève. En Chine, de 1925 à 1927, elle livra le Parti Communiste pieds et poings liés à la politique du Kuomintang bourgeois, ce qui aboutit à la dictature de Tchang Kaï‑Chek, bourreau du prolétariat chinois. De 1929 à 1933 elle répandit l’idée du « social­-fascisme », mettant dans le même sac sociaux‑démocrates et nazis, empêchant un Front Unique de combat des organisations ouvrières et permettant ainsi à Hitler d'accéder au pouvoir. En 1936, quand la vague d'occupation d'usines posa en France la question du pouvoir, Ie Front Populaire qu'elle avait créé avec les réformistes, transigeait pour attacher la classe travailleuse au capitalisme. Quand, la même année, la guerre civile éclata en Espagne, elle fit tout ce qui était en son pouvoir pour freiner l'action révolutionnaire des masses et les maintenir dans le nœud coulant de la démocratie bourgeoise, rendant ainsi possible la victoire de Franco. Le développement de toute cette politique, était commandée par le désir de parer aux attaques de l'extérieur et de permettre à la bureaucratie de se consolider à l’intérieur de l'U.R.S.S. en quêtant les faveurs des dirigeants capitalistes et de leurs agents petits‑bourgeois dans les masses. Au cours de ce processus, les partis communistes furent transformés en simples instruments de la politique étrangère du Kremlin. Les staliniens conduisirent de défaite en défaite les alliés naturels de l’U.R.S.S., les masses de tous les pays capitalistes.

Dans l'Union Soviétique elle‑même, l'oligarchie du Kremlin lança une violente vague de répression contre l'opposition de gauche dirigée par Léon Trotsky. Car Trotsky enregistrait chacun des pas de la trahison grandissante, depuis la proclamation de la théorie du « socialisme dans un seul pays » jusqu'à l'étranglement de la révolution espagnole. Seuls des militants communistes d'avant‑garde dans tous les pays, ralliant la bannière de Trotsky et de l'opposition de gauche internationale pouvaient au début saisir la portée contre‑révo­lutionnaire de l'évolution de cette clique qui avait usurpé, le pouvoir dans le premier Etat ouvrier. Mais les procès de Moscou et l'épuration sanglante, menée en 1937 contre toute la génération des compagnons de Lénine, commença à ouvrir les yeux de couches toujours plus larges d'ouvriers sur le rôle contre-révolutionnaire du stalinisme.

Le pacte Hitler‑Staline fut accompagné du partage de la Pologne et d'une propagande destinée à blanchir l'impérialisme nazi en le représentant comme « ami » de la « paix ». Le fascisme est devenu selon Molotov « une affaire de goût ». De larges masses de travailleurs furent partout écœurées par cet abaissement volontaire et vil du Kremlin. Lorsque, pour prix de ce service qui inaugura la guerre, Hitler paya la clique de Staline en déchaînant toute sa machine de guerre contre l'Union Soviétique, le Kremlin fit une complète volte‑face. Dans une campagne de chauvinisme le plus sauvage, Staline stigmatisa non seulement la bande nazie, hier encore « amie de la paix », mais tout le peuple allemand pour les crimes d’Hitler.

Aujourd'hui, les opérations militaires terminées, l'Armée Rouge, sous les ordres de Staline, a pour mission de ravager, de piller l'industrie et les foyers en Allemagne, en Autriche et dans toutes les parties de l'Europe Orientale conquises. Le but prétendu est la reconstruction de l'industrie soviétique ruinée. Mais c'est un mensonge infect. Les pillages ne sont entrepris que pour couvrir la banqueroute du régime stalinien, auquel les masses soviétiques sont de moins en moins dociles.

La politique extérieure actuelle du Kremlin, qui sert seulement la bureaucratie et ses privilégiés, a ostensiblement pour but de renforcer l'U.R.S.S. contre l'impérialisme, tout comme l'ensemble de sa politique avant la guerre avait pour but de « neutraliser » les Etats capitalistes et d'empêcher la guerre. Mais le bloc, avec les bonzes des syndicats anglais, la capitulation devant Tchang Kaï‑Chek, la trahison des révolution française et espagnole, la possibilité donnée à Hitler d'arriver au pouvoir sans combat, et pour finir le pacte Hitler-Staline, toutes ces « habiles » manœuvres n'ont pas empêché la guerre d'Hitler et la ruine de la moitié de l'industrie en Union Soviétique. Elles ont considérablement affaibli l'Union Soviétique et ont arrêté ses progrès pour des années. De la même façon, la politique contre‑révolutionnaire actuelle de pillage de l'Europe Orientale et en Asie, et de complète suppression dans ces pays du mouvement des masses ne peut que conduire au renforcement inévitable de l'Amérique et des préparatifs qu'elle fait pour écraser définitivement l'U.R.S.S.

En 1940, Trotsky écrivait :

« Comme conséquence de la première période de la guerre, la position internationale de l'U.R.S.S., en dépit de ses succès apparents, a déjà notablement empiré. La politique étrangère du Kremlin a aliéné à l'U.R.S.S. de larges couches de la classe ouvrière et des peuples opprimés... Dans le même temps, l'Allemagne a obtenu la partie la plus industrialisée de la Pologne, et a acquis une frontière commune avec l'U.R.S.S., c'est‑à‑dire une porte ouverte sur l'Orient. »

Un an plus tard cet avertissement s'était complètement réalisé !

Aujourd'hui, la IV° Internationale prévient que, en dépit des acquisitions territoriales apparentes et des pillages massifs, la politique du Kremlin a, dans cette dernière phase de la guerre, encore plus affaibli la position internationale de l’U.R.S.S. Les peuples de l’Europe orientale souffrent de la criminelle politique du Kremlin et, comme les élections en Autriche et en Hongrie l'ont mon­tré, se tournent vers les partis les plus arriérés pour exprimer leur colère. En Extrême-Orient, l'état d'esprit insurrectionnel des masses se fait sentir non seulement dans les territoires placés sous la domination anglaise et améri­caine, mais aussi en Corée, en Mandchourie que contrôle l'Armée Rouge. Cepen­dant, l'impérialisme américain a partout pénétré jusqu'aux avant‑postes mêmes de l'U.R.S.S., encerclant stratégiquement son territoire depuis l'Europe occiden­tale jusqu'à la Chine, sur toute l'étendue du globe.

L'oligarchie du Kremlin favorise ainsi les desseins de l'impérialisme contre l'U.R.S.S. elle‑même et en même temps entreprend la tâche de supprimer directement les mouvements indépendants des masses pour leur émancipation, mouvements dont elle partage la haine et la crainte avec les dirigeants capitalistes.

Seule l'action révolutionnaire des masses peut contrecarrer les plans de rapine de l'impérialisme, défendre en étendant le bouleversement social d'octobre 1917. Mais l'action révolutionnaire des masses n'est possible que dans une lutte pour le renversement du régime stalinien contre‑révolutionnaire en U.R.S.S. et son remplacement par des Soviets librement élus par les ouvriers et les paysans. Ainsi la défense de l'U.R.S.S. implique directement la défense de la révolution européenne et mondiale contre le stalinisme.


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