1945 |
Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! LA LUTTE DE CLASSES Organe de l'Union Communiste (IVème Internationale). |
LA LUTTE DE CLASSES nº 53
24 octobre 1945
Avec l'énergie et la cruauté des brigands, les Etats-majors impérialistes coalisés lancent leurs troupes à l'assaut pour mater le soulèvement des peuples coloniaux.
Comme en 1917 contre la Révolution prolétarienne de Russie, les capitalistes anglais, français, japonais et autres, la veille encore ennemis "mortels", ont fait un front commun contre les peuples en lutte pour leur liberté.
Mais malgré la guerre d'extermination des cannibales impérialistes, malgré les bombardements, les incendies et les massacres, les masses insurgées tiennent bon.
D'où leur vient cette volonté irréductible ?
Au Congrès syndical mondial, Rojas, parlant au nom des colonies anglaises des Indes occidentales, a dépeint "le régime abominable qui y sévit, régime de meurtre, de suicide, de sous-alimentation, de racisme. Nous tirons du pétrole de notre sol, a-t-il dit, mais c'est pour emplir les poches de capitalistes de Londres".
Le général de Hauteclocque (Leclerc), le jour où il faisait incendier les villages au nord de Saïgon, "recevait une délégation des planteurs de caoutchouc dont M. Sansen, directeur des Terres Rouges", et les valeurs de la Banque d'Indochine montaient en Bourse de 50 points.
Les peuples coloniaux luttent pour secouer le joug de l'esclavage. Leur courage et leur héroïsme est à la hauteur de leurs souffrances. Est-il une meilleure preuve que les 25.000 travailleurs indochinois de France faisant la grève de la faim pour se solidariser avec leurs représentants jetés en prison ?
Churchill vient de déclarer à Londres : "Je partage le sentiment de beaucoup de gens qui envisagent l'avenir avec une profonde appréhension et il me semble que les toutes prochaines années décideront de notre place dans le monde. C'est une place qui, une fois perdue, risque de n'être jamais retrouvée" (Monde, 23-10).
Le sinistre représentant de la Compagnie des Indes et des Banques de la City a raison : dans le soulèvement des centaines de millions d'ouvriers et de paysans des colonies se joue le sort de la domination impérialiste : de la continuation des guerres, de l'esclavage et de la barbarie, ou d'une entente pacifique sur la base des Etats-Unis Socialistes du Monde, sans les vampires des trusts et de la finance internationale.
Les ennemis des peuples coloniaux sont nos propres ennemis. Ceux qui commandent l'assaut contre Saïgon sont les mêmes qui font marcher la troupe contre les grévistes de Londres. Ceux qui commandent le corps expéditionnaire français d'Indochine, ce sont le général cagoulard et membre des Ligues fascistes d'Argenlieu, et le général réactionnaire de Hautecloque, baptisé Leclerc pour mieux camoufler ses attaches et ses origines.
Les peuples exploités des Métropoles doivent profiter des immenses difficultés suscitées à l'impérialisme par le soulèvement des peuples coloniaux, pour asséner un coup mortel aux "classes dirigeantes".
Opposons-nous à la guerre impérialiste pour les colonies, en soutenant la guerre des colonies contre l'impérialisme ! Secouons l'incurie des organisations ouvrières qui ne font de la solidarité qu'un vain bavardage. Faisons revivre les temps héroïques où les marins de la Mer Noire faisaient échec à l'intervention des de Wendel et des Schneider contre la révolution russe. Si Marty vieux a oublié Marty jeune, si Tillon-ministre bourgeois envoie des avions pour servir au cagoulard d'Argenlieu, les ouvriers, les marins, les dockers français ont d'autres moyens d'agir. Notre devoir est de suivre l'exemple des dockers d'Australie et de Nouvelle-Zélande qui refusent de charger les navires transportant des troupes et des armes contre les peuples coloniaux !
Le sort des peuples d'Occident et d'Orient est intimement lié. Si le prolétariat occidental doit suivre l'exemple magnifique de courage et de volonté que lui prodiguent les travailleurs coloniaux, l'avant-garde révolutionnaire des peuples coloniaux doit se mettre à l'école du marxisme occidental pour mener à bien la lutte d'émancipation socialiste des colonies.
C'EST POURQUOI, DANS LE REVEIL DES PEUPLES COLONIAUX, NOUS SALUONS L'AUBE DE LA REVOLUTION PROLETARIENNE MONDIALE TRIOMPHANTE.
Sur à peu près 19.500.000 électeurs ayant participé au vote du 21 octobre, seulement 18.500.000 environ ont répondu au référendum : soit 1 million de bulletins blancs.
Il n'y a pas de meilleure preuve que ce référendum est anti-démocratique que ce chiffre.
En effet, aucun parti ayant participé à la campagne électorale n'a engagé les travailleurs à prendre une attitude hostile vis-à-vis de cette duperie. Au contraire, c'est contre l'avis des Partis pour lesquels ils ont voté que 5% des votants ont boycotté le référendum !
Il n'est pas douteux d'autre part, que si les masses avaient été soutenues davantage dans cette voie, une bien plus grande proportion de travailleurs auraient rejeté le référendum et De Gaulle serait aujourd'hui dans l'impossibilité de se prévaloir de "l'approbation du peuple".
De toute façon, la classe ouvrière n'est pas dupe de ces tromperies anti-démocratiques.
La lutte de classe s'approfondit et s'aggrave tous les jours, malgré "l'union sacrée" proclamée par la bourgeoisie et met infailliblement à l'ordre du jour la création du pouvoir réellement démocratique pour les masses, le pouvoir des Comités (Soviets).
Et l'orage révolutionnaire emportera, avec les chiffons de papier des OUI-OUI, le représentant sénile qui, aujourd'hui, symbolise si bien la domination de la bourgeoisie.
[ici 2 citations extraites de La lutte de classes 52 : Pour une assemblée Constituante souveraine. Boycottage du référendum pétainiste !]
Quand ces lignes paraîtront, les résultats des élections et du "référendum" seront connus.
Tous les Partis ayant fait miroiter aux yeux des masses travailleuses l'espoir d'un changement, d'une voie ouverte vers le mieux-être, celles-ci attendent avec une grande impatience de voir l'Assemblée nouvelle "à l'oeuvre". C'est pour cela, comme l'ont indiqué déjà les élections municipales et cantonales, qu'elles votent à gauche. Cependant, plus que jamais, elles se méfient de Messieurs les Politiciens et "Officiels" ; beaucoup de travailleurs, en quête de solutions radicales, sont dégoûtés même de voter. C'est pourquoi, c'est dans les usines, et non par les urnes, qu'on peut comprendre l'attitude réelle des ouvriers vis-à-vis du Parti qu'ils soutiennent de leur vote.
Il s'agissait précisément, pour un Parti ouvrier réellement au service des masses travailleuses, de les guider hors du labyrinthe du référendum plébiscitaire où les a enfermées la bourgeoisie, de détruire la confiance qu'ont les masses (d'ailleurs de plus en plus minime) dans le système parlementaire ; faute de quoi au lieu de les mener vers une issue on les expose à de nouveaux coups, à de nouvelles désillusions qui engendrent finalement la défaite, inévitable quand les travailleurs se cognent la tête là où les Partis ouvriers leur montrent une issue. Le pire pour la cause ouvrière et socialiste, c'est une politique bourgeoise cachée derrière les "phrases avancées", "démocratiques" et même "révolutionnaires". Il n'est donc pas de tâche plus constante pour les ouvriers conscients que celle d'examiner la politique de ceux qui mènent ou veulent mener la classe ouvrière dans le conflit de plus en plus aigu entre les travailleurs et la bourgeoisie.
De Gaulle face à un "Front Populaire" de capitulards
Au nombre des capitulards devant le plébiscite pétainiste de De Gaulle est venu s'ajouter une nouvelle recrue. Le Parti Communiste Internationaliste, qui agit comme section officielle de la IVème Internationale en France [*], justifie ainsi son attitude : "Par peur de rompre la collaboration ministérielle avec les agents des trusts, socialistes et communistes français se sont inclinés devant le plébiscite de De Gaulle. Dans ces conditions, le boycottage du référendum et l'absentionnisme ne peuvent que renforcer les partisans de la dictature et leurs dupes... Vous irez donc tous voter (OUI-NON) le 21-10 pour transformer la manœuvre du nouveau Bonaparte en une cuisante défaite de la réaction capitaliste." (Souligné par nous).
Cette explication ne fait que répéter celle de... Cachin : c'est "L. Blum et Francisque Gay qui ont contribué à imposer au peuple de France un référendum inutile et tendancieux" (L'Humanité, 11-10-45). Blum, au nom de De Gaulle, réplique que la faute en est aux Radicaux qui veulent le retour à la Constitution de 1875 !
Voilà pourquoi, du P.C.I. aux Radicaux en passant par les Staliniens, le NON à la 2ème question a créé un "Front populaire" de capitulards devant De Gaulle.
Si les chefs staliniens prétendent défendre la démocratie par les méthodes du Parti radical, la direction du P.C.I. prétend lutter contre le bonapartisme par la méthode stalinienne : voter OUI-NON, réponse qui, d'après le P.C.I. lui-même, n'est dictée que par "la peur de rompre" avec De Gaulle.
Des gens qui attendent, pour mener une politique révolutionnaire que le Parti stalinien (et socialiste !) "n'ait pas peur de rompre" avec les agents des trusts, feraient mieux de renoncer à la doctrine marxiste pour étudier les miracles de l'Ancien et du Nouveau Testament.
Le P.C.I. reproche aux chefs staliniens de compromettre leur OUI-NON en s'alliant avec les Radicaux, et souligne l'intransigeance de son propre programme : mais si le NON à la 2e question "barre" la route à Bonaparte (ne fut-ce que pour l'étape actuelle), alors ce sont les chefs staliniens et non pas la direction du P.C.I. qui ont raison. Dans l'urne tous les NON à la 2e question seront des NON ! Et c'est de la réponse sur un chiffon de papier à la 2ème question que, suivant le crétinisme parlementaire, doit "surgir" Bonaparte !
Mais en réalité, vouloir transformer la manœuvre du nouveau Bonaparte en une défaite cuisante de la réaction capitaliste, par le OUI-NON c'est aussi intelligent que vouloir se défendre d'un bombardement aérien à l'aide d'un parapluie.
En quoi consiste la manœuvre de De Gaulle ?
La véritable manœuvre de De Gaulle, c'est de poser aux masses deux questions qui n'ont aucune influence sur les rapports réels entre les travailleurs d'une part et la monstrueuse machine de l'Etat d'autre part dont chaque organe (police, bureaux) représente un instrument d'asservissement et d'oppression du peuple. Le référendum ne pose pas aux masses des questions vraiment démocratiques comme par exemple : voulez-vous le remplacement de la police par une garde ouvrière ? Les deux questions posées doivent au contraire camoufler l'oppression étatique en faisant croire que la question cruciale se trouve dans les rapports entre le Chef du gouvernement et l'Assemblée contrôlée par la bourgeoisie.
Or, comme l'a montré le sort de la Chambre souveraine élue en 1936, par crainte des ouvriers, la majorité bourgeoise se dessaisit de toute façon de son "droit de regard" en faveur du chef du gouvernement.
Ne voyons-nous pas en ce moment, même en Angleterre, un gouvernement travailliste obligé de demander à la Chambre les mêmes pouvoirs que De Gaulle demande en France "au peuple", et les obtenir aussi bien que Churchill lorsqu'il était au pouvoir !
Laissant "généreusement" aux masses le soin de décider suivant quel rite juridique il continuera d'exercer le pouvoir souverain et irresponsable, De Gaulle couvre ainsi d'oripeaux démocratiques la dictature sanglante des 200 familles sur les travailleurs français.
Une majorité de NON s'accompagnerait en même temps d'une autre manœuvre contre les libertés des travailleurs, il ferait endosser toutes les responsabilités de l'anarchie capitaliste grandissante à la "démocratie", et compromettrait ainsi définitivement le système représentatif en faveur de la dictature militaire et policière et du fascisme.
La manœuvre de De Gaulle, c'est d'avoir jeté de la poudre aux yeux des masses (aidé en cela par notre "Front populaire" de capitulards) en les faisant participer à un "référendum" truqué. On trompe ainsi souvent les enfants en leur proposant le jeu suivant : pile tu perds, face je gagne ; tu dis OUI, tu auras De Gaulle (chef de l'Etat) ; tu dis NON, tu auras l'Etat (avec De Gaulle pour chef) ! Où est la "défaite cuisante de la réaction capitaliste". Où sont les dupes ?
Du "Marxisme" à la sauce opportuniste
Le P.C.I. propose au P.C. et P.S. le Front unique pour faire élire partout les "Comités de défense de la Constituante" parce que "une Constituante contrôlée par les masses ne pourrait pas être manœuvrée par les trusts, ni dissoute par un nouveau Bonaparte". (Brochure, page 13).
Il est triste de constater un reniement aussi brutal d'une des bases fondamentales du léninisme chez des gens qui agissent officiellement au nom de la IVème Internationale fondée par Léon Trotsky ! "Mille barrières empêchent les masses travailleuses de participer à un parlement bourgeois (et d'ailleurs, dans la démocratie bourgeoise, ce n'est jamais lui qui résout les questions capitales, c'est la Bourse, les banques qui les décident), et les travailleurs savent et sentent à merveille, ils voient et ils touchent du doigt cette vérité, que le parlement bourgeois est une institution étrangère, un instrument d'oppression des prolétaires par la bourgeoisie, l'institution d'une classe hostile, d'une minorité d'exploiteurs". (Lénine : La Révolution prolétarienne et le renégat Kautsky).
Comment faire contrôler une telle Assemblée par les masses ?
Nous ne sommes plus en 1792 quand le contrôle des masses (guidées par la Commune) sur la Convention n'était possible que parce que cette dernière était elle-même l'instrument de la bourgeoisie révolutionnaire alliée au peuple pour balayer le féodalisme.
L'Assemblée qui sortira des prochaines élections sera l'Assemblée de la bourgeoisie impérialiste ; les Comités de masses, élus par les ouvriers en lutte représente le pouvoir naissant de l'Etat prolétarien : il ne peut y avoir entre eux et l'Assemblée des députés bourgeois d'autre contact possible que la guerre civile. Les Comités ne peuvent pas arracher l'Assemblée de la bourgeoisie au contrôle des trusts (!), mais la détruire.
Un appel aux Comités (Soviets), pour en obtenir une Constitution équivaut en réalité à proclamer le boycottage des élections bourgeoises pour la Constituante. Une telle position peut se défendre. Mais l'appel du P.C.I. pour le contrôle de l'Assemblée, élue le 21 octobre par les Comités (Soviets), réduit ces derniers à une caricature, tandis qu'il embellit aux yeux des masses le parlementarisme bourgeois, ce cadavre puant !
Peut-on donc s'étonner que la direction du P.C.I. a été amenée à réclamer la révocabilité, par les électeurs, des députés élus au suffrage universel, c'est-à-dire que, en allant plus loin que le contrôle de l'As-semblée par les Comités, il faut soviétiser l'Assemblée bourgeoise elle-même !
Voilà où on en arrive quand on a peur de s'arracher aux préjugés petits-bourgeois sur le parlementarisme et qu'on essaie honteusement, à l'aide de ces préjugés, de populariser en contrebande les Comités (Soviets).
L'opportuniste allemand Kautsky voulait, lui aussi, marier le feu des Comités (Soviets); avec l'eau de l'Assemblée Constituante bourgeoise, élue au suffrage universel, mariage basé sur une "utile" division du travail. C'est donc de ce dernier que devrait se réclamer la direction du P.C.I. et non pas de Léon Trotsky !
Pour la victoire de la IVème Internationale
Dans leur réunion du 13 octobre (14ème arrt), un représentant du P.C.I., à une interpellation stalinienne : "...qu'il ne faut pas parler à tout bout de champ de la grève générale", a répondu : "Ce n'est pas nous qui le disons, c'est La Lutte de Classes". Moins d'une semaine après, le 18 octobre, dans le 5e arrt, un orateur de ce Parti s'est exclamé : "Nous irons jusqu'à (!) la grève générale".
Voilà comment le désarroi idéologique pousse les militants du P.C.I. à une attitude lamentable sur une question aussi décisive.
Il est, en effet, capital de savoir dès maintenant si le P.C.I. est décidé à mettre à l'ordre du jour la grève générale, quel rôle il lui assigne dans le déroulement des événements, et quels sont, par conséquent, ses objectifs. Car, si nous n'avons pas pu empêcher le référendum pétainiste de De Gaulle, il faut néanmoins poursuivre la lutte pour la défense des libertés ouvrières en préparant la grève générale, ce qui sera d'autant plus facile que la situation économique, par l'autre bout, met elle aussi à l'ordre du jour le même moyen de lutte.
Le P.C.I. doit entièrement et sérieusement réviser sa position actuelle qui n'est faite que de contradictions et d'équivoques et qui le met à la remorque des événements et du stalinisme ; ou alors, les révolutionnaires doivent lui tourner le dos pour former un autre Parti capable de défendre avec décision le programme de la IVe Internationale en France.
Si le P.C.I. révise sa position et adopte une perspective nette sur laquelle nous puissions nous mettre d'accord, nous sommes prêts, dans ce cas, à constituer avec lui un Comité de coordination, pour, en commençant par une action commune et en frappant sur le même clou, faire échec à la politique de trahison du P.C., et regrouper tous les révolutionnaires dans un même Parti.
Ce n'est que par cet essai de coordination que l'on peut réduire les divergences entre les deux organisations à des différences strictement réelles et apprécier à leur juste valeur les procédés qui ne résultent que de "l'instinct de concurrence" entre organisations.
L'avenir, en France et dans le monde, appartient à la IVème Internationale !
[*] Cependant, la seule autorité pouvant statuer à ce sujet, le Congrès mondial de toutes les organisations de la IVème Internationale, n'a pas eu lieu depuis sept années, le dernier s'étant réuni en 1938. Or, les organisations de la IVème en France se sont regroupées après cette date.
Leçon d'un meeting ...
Si toutes les tendances du mouvement ouvrier pouvaient s'exprimer librement, il y a bien longtemps que le stalinisme serait apparu aux yeux des ouvriers comme une trahison de leurs intérêts.
Aussi, Messieurs les agents de la clique bonapartiste de Moscou en France (lisez : les chefs du P.C.F.) recourent-ils depuis des années à des méthodes de gangsters pour empêcher les "Trotskystes" (tous ceux qui veulent honnêtement servir la classe ouvrière) de parler.
Tous les moyens sont bons pour leur imposer silence. Quand on peut, on les fait "disparaître" afin d'éliminer les meilleurs ou simplement, pour effrayer les "autres". Mais comme on ne peut terroriser des militants qui sont décidés à mourir pour le socialisme et comme il est difficile de les assassiner tous, alors, on les empêche de parler dans leurs propres meetings par la méthode bien connue de Hitler qui, comme le raconte Benoist-Méchin, avec 20 tueurs empêchait un meeting de plusieurs centaines de personnes d'avoir lieu.
Voilà les procédés que les Staliniens ont employé dans la plupart des meetings tenus par le Parti Communiste Internationaliste pendant la période électorale. Des équipes staliniennes, conduites par des agents du Guépéou (police politique de Staline) envahirent leurs salles ; ils chassèrent à coups de poings les militants du P.C.I. malgré l'indignation du public, et L'Humanité écrivait le lendemain que c'était la population du quartier qui avait chassé les "Hitléro-Trotskystes" ! Comment se fait-il alors que dans le 14è arrondissement, par exemple, dans un meeting du 13 octobre, la soi-disant "population" du quartier était conduite par un nommé Potier, stalinien, ancien "zazou", habitant Malakoff ?
Nos camarades du P.C.I. ont publié des tracts pour dénoncer à la population ces agissements de gangsters et la conclusion c'est qu'ils vont intenter un procès.
Mais contre de telles méthodes ce ne sont pas les tribunaux qui seront de quelque secours.
Combat raconte par ailleurs que "le camarade Baufrère" a renoncé à faire appel à l'aide de la police pour tenir un meeting, en déclarant que jamais on n'avait vu des révolutionnaires demander l'appui de la police pour parler (mais malheureusement il renonça aussi à tenir le meeting). Mais si on refuse la police pourquoi adopter les tribunaux ? Nous avons pu comprendre ce pourquoi dans un meeting du 19 octobre tenu dans le 14ème.
Les Staliniens ont jeté des militants du P.C.I. à la porte, sans aucune résistance de la part de ceux-ci. Nos camarades présents au meeting adoptèrent une tactique d'opposition et aidèrent des camarades du P.C.I. qui, eux aussi, avaient préféré la lutte, à se dégager. Un fait nous a permis de voir jusqu'à quel point les camarades du P.C.I. restent moralement désarmés en face des brutes staliniennes : deux de nos camarades qui, en se bagarrant contre les Staliniens avaient été jetés dehors, en essayant de rentrer dans la salle se heurtèrent à l'opposition... des camarades du P.C.I. : "Ne donnons pas prétexte à la provocation, camarades"...
Il n'est pas douteux que les organisateurs du meeting auraient pu – s'ils avaient été décidés à défendre leur position (au lieu de l'abandonner sans aucune résistance pour éviter les incidents !) – briser l'intervention stalinienne. Si les dirigeants quittent la salle, ce ne sont pas les ouvriers, malgré leur sympathie pour nous et leur dégoût pour les Staliniens, qui peuvent prendre l'initiative et la responsabilité de répondre aux Staliniens.
Il faut donc opposer aux équipes de gangsters staliniens des équipes ouvrières de protection avec la consigne de rester sur le carreau, plutôt que d'abandonner une salle qui les appuie, parce que des énergumènes staliniens viennent semer la terreur, brûler le drapeau rouge, hisser les drapeaux "alliés" et chanter La Marseillaise contre L'Internationale.
LA LUTTE DE CLASSES
LE COMBAT QUI APPROCHE
Dissimulée provisoirement par la bataille électorale, l'âpre bataille des salaires que les ouvriers livrent depuis des mois va reprendre avec plus de vigueur.
En effet, en même temps que les fondés de pouvoir du capitalisme français préparent la dévaluation du franc qui doit entraîner une nouvelle hausse des prix, ils proclament s'opposer à toute augmentation de salaire. "Car, a déclaré Parodi, si des augmentations de salaire ont été accordées ces derniers temps, c'est parce qu'on nous a en quelque sorte forcé la main. Mais dorénavant il faut qu'on s'en tienne aux salaires actuels et pour longtemps.
Ainsi donc, malgré les dernières hausses des prix qui ont annulé
les augmentations de salaires, malgré les nouvelles hausses qui se
préparent, la bourgeoisie déclare être décidée
à abaisser les salaires à un niveau de famine.
Pour empêcher la riposte des ouvriers, la bourgeoisie et ses agents
les réformistes ne cessent de répéter qu'après
les effroyables destructions de la guerre, les ouvriers doivent bien se garder
de troubler la "reconstruction pacifique", qui est notre seule tâche.
Mais il n'y a là qu'un mensonge. Une reconstruction pacifique devrait avoir pour résultat d'améliorer progressivement, en tout cas de ne pas aggraver un instant la situation des classes laborieuses. Si cependant notre situation empire relativement de jour en jour, c'est parce que la guerre capitaliste se poursuit, ayant seulement changé de forme : le conflit armé a fait place à la guerre économique, dont les différents aspects sont les murs douaniers, l'inflation, l'accroissement des dépenses gouvernementales et des dettes, la lutte pour les marchés, les matières premières et les colonies, etc...
La presse capitaliste relate jour après jour les péripéties de ce conflit acharné.
"La chute du franc (la dévaluation) est nécessaire pour activer la reprise de nos exportations", explique Le Monde. Mais par quoi cette dévaluation a-t-elle été rendue nécessaire ? Par "l'importance du déficit budgétaire, provoqué notamment par l'excès des dépenses militaires et la politique des subventions", c'est-à-dire par l'inflation, répond le même journal. Et il précise aussitôt que "ce déficit budgétaire est incompressible".
En effet : les dépenses militaires, c'est la lutte pour les colonies et les marchés, ce sont les corps expéditionnaires d'Indochine, d'Afrique du Nord, d'Allemagne ; c'est la fabrication intensifiée de tanks et de bombardiers, c'est l'achat de canons à l'étranger (100 millions de dollars, rien qu'en Suède), etc...
Les subventions aussi doivent être continuées et même augmentées, car la spéculation, encouragée par l'inflation, a créé d'immenses difficultés à l'élargissement de la production, étant donné que la cherté des matériaux, des machines, etc., progresse par bonds et empêche les échanges normaux.
Ainsi, l'inflation ne fera que croître, rendant nécessaires de nouvelles dévaluations. Celles-ci ne sont d'ailleurs que la consécration d'un état de fait (avilissement de la monnaie provoquée par l'inflation) et en outre l'occasion pour des opérations fructueuses de la finance internationale, et pour annuler les impôts sur les gros revenus à peine établis.
Suivant l'expression d'un agent des capitalistes, Mendès-France, "nous allons au-devant d'une cascade de dévaluations", et ceci signifie non seulement l'affamement des ouvriers, mais aussi la ruine catastrophique des classes moyennes.
Il faut tirer la conclusion suivante : quelle que soit l'opération, inflation ou dévaluation, le gouvernement capitaliste ne peut pas s'attaquer aux gros monopoleurs, car toutes ces opérations sont au contraire destinées à maintenir leurs profits sur la base de la misère générale.
Mais si pour le gouvernement capitaliste "le déficit budgétaire est incompressible", on peut compresser les salaires.
D'après une statistique officielle, l'impôt sur les bénéfices industriels et commerciaux malgré l'inflation et la spéculation, est tombé de 4.859 millions à 1.256 millions et l'impôt général sur les revenus de 3.461 millions à 637 millions. Mais l'impôt cédulaire sur les traitements et les salaires passe de 7.604 millions à 10 milliards 220 millions (de 1944 à 1945).
C'est pourquoi, quand les ouvriers réclament un abattement des impôts
sur les salaires ou une augmentation, la bourgeoisie s'écrie qu'augmenter
les salaires, c'est nous mener à la ruine !
Les capitalistes mènent la guerre économique et c'est une guerre
contre les travailleurs. C'est pour cela que la situation économique
s'aggrave, que la "reconstruction pacifique" s'accompagne dans tous les pays
de grèves, qu'en Angleterre et en Amérique on fait intervenir
la police et l'armée contre les grévistes.
Dans ces conditions, l'argument de l'union sacrée pour la production ("battre la concurrence américaine") vaut autant que l'argument de l'union sacrée pour la guerre. "On croit mourir pour la patrie, on meurt pour les capitalistes". Les social-chauvins disent : "aidons nos capitalistes à lutter contre les capitalistes américains par des bas salaires". Les ouvriers doivent répondre : "luttons ensemble avec les ouvriers américains contre le patronat de nos pays".
Notre organisation vient de rééditer une brochure de Lénine intitulée : "La catastrophe imminente et les moyens de la conjurer". Les moyens indiqués pour sortir l'économie du marasme en la soustrayant aux spéculations capitalistes, Lénine les dit universellement connus et faciles à réaliser : nationalisation des banques et des grandes industries, monopole du commerce extérieur, suppression du secret commercial, réglementation de la consommation ; à condition que ce soit le peuple travailleur qui ait les leviers de commande.
De leur côté, les dirigeants de la C.G.T. viennent de publier un programme de revendications ouvrières et des mesures radicales, telles que les nationalisations, pour la réalisation desquelles ils vont s'adresser... au gouvernement.
Ainsi ils cachent aux ouvriers que la possibilité ou l'impossibilité de réaliser ces revendications est une question de rapport de forces qui ne peut être résolue que par la lutte. Et au lieu d'unifier les mouvements ouvriers pour leur donner la plus grande force, toute la politique de ces prétendus dirigeants consiste à les freiner et à les paralyser.
Cependant, par suite de la politique menée par la bourgeoisie, les grèves, les protestations, etc., sont tout à fait inévitables dans la situation actuelle et leur importance ne fera que croître. Le gouvernement se prépare à leur faire face : au dernier Conseil de ministres, la question de la réquisition des Services Publics en cas de grève devait être envisagée.
Pour ne pas se laisser battre dispersés, il faut unifier les mouvements ouvriers en une puissante grève générale, qui doit imposer à la bourgeoisie les mesures préconisées par Lénine et reprises dans le programme de revendications de la C.G.T.
Mais il faut éviter que cette nouvelle grève générale ait le sort de celle de 1936. Car si le grandiose mouvement gréviste de 1936 a finalement échoué, c'est parce que les ouvriers ont laissé à l'Etat bourgeois la sauvegarde des conquêtes arrachées aux capitalistes, au lieu de dresser des organismes propres à garantir la classe ouvrière contre le retour offensif inévitable de la bourgeoisie. Il faut être capable de dresser à tout moment le puissant barrage des masses travailleuses, de les remobiliser, de les ramener à la lutte : il faut pour cela que les ouvriers se soudent entre eux, créent des organismes de liaison et de défense – Comités, piquets de grève, et que ces organes prennent un caractère permanent, persistent, s'unifient.
Les ouvriers communistes, socialistes et de toute autre tendance doivent comprendre la responsabilité qui leur incombe : pas d'incurie là où se joue notre sort !
Il faut que la classe ouvrière sache viser loin : elle trouvera l'appui nécessaire pour son action dans "l'atmosphère de révolution ouvrière" qui règne à l'heure actuelle dans tous les pays, dans la sympathie que lui accordent les classes "moyennes" et paysannes écrasées par le capitalisme français et qui cherchent une issue. Si elles ne trouvent pas cette issue dans l'action de la classe ouvrière, elles la chercheront du côté du fascisme.
CAPITALISME DE MONOPOLE
"Dans la période de l'entre deux-guerres le nombre des cartels – dans le monde – s'élevait à 300. Les formes en étaient diverses : cartels-association, consortium, cartels exploitant des brevets. Dans tous les cas, LA FIXATION DES QUOTAS DE PRODUCTION, LA DIVISION DES MARCHES, L'ETABLISSEMENT DES PRIX DEPENDAIENT DE L'INTERET PRIVE DE CES CARTELS." (Le Monde, 29-9-1945).
Londres, 23 octobre. – Une importante personnalité britannique vient de faire savoir que le Gouvernement français avait essayé, il y a quelques mois, de saisir toutes les actions en livres sterling appartenant à des Français (les 200 familles).
Le Trésor britannique n'a pas donné suite à la demande de Paris, en s'appuyant sur le fait que si le ministère des Finances avait réquisitionné les actions en livres appartenant à des Français, il aurait pu ainsi obtenir 50% des actions des affaires de mines, ce qui ne pouvait évidemment satisfaire, ni le Trésor britannique, ni les compagnies de mines anglaises.
Le même personnage a fait remarquer que les possesseurs français d'actions anglaises n'avaient pas lieu de s'inquiéter (du gouvernement français). Il a rappelé que les dividendes des actions n'avaient pas été payés depuis 1940.
Cette personnalité a ajouté que les Français détiennent au moins 25 millions de livres correspondant aux dividendes non payés (15 millions pour les mines, 10 millions pour les autres valeurs) (donc un capital de l'ordre de 30 milliards de francs d'avant-guerre). (Combat, 24-10-45).