1946 |
Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! LA LUTTE de CLASSES Organe de l'Union Communiste (IVème Internationale) n°59 - 4ème année |
LA LUTTE DE CLASSES nº 59
22 mars 1946
Quand, il y a trois mois, c'étaient les députés "socialistes" et M.R.P. qui collaboraient à la confection d'une Constitution, les chefs staliniens trempaient leur plume dans l'encrier démocratique pour dénoncer leur œuvre réactionnaire : "EST-CE DONC QUE LA LIBERTE PARAIT TELLEMENT DANGEREUSE POUR LES PRIVILEGES ET LES OPPRESSIONS, QUE L'ON NE VEUT MEME PLUS DES INSTITUTIONS PARLEMENTAIRES, DES FORMES DE DEMOCRATIE QUI ETAIENT DEVENUES POUR LA FRANCE COMME SON VISAGE MEME ?" interrogeait Hervé dans L'Humanité du 13 décembre.
Mais la phraséologie démocratique des chefs staliniens n'était que du jésuitisme : ils protestaient contre la CONSECRATION JURIDIQUE d'un état de choses qu'ils avaient eux-mêmes contribué à instaurer : L'ECRASEMENT DES CLASSES LABORIEUSES PAR L'ETAT BUREAUCRATICO-POLICIER DE LA BOURGEOISIE (voir Lutte de Classes n° 56, décembre 45, "HERVE LE JESUITE").
Or la marche réelle de la lutte entre classes possédante et exploitée qui sépare tôt ou tard, mais infailliblement, le vrai du faux, le réel de l'apparent et vérifie ainsi les positions de chaque Parti, nous apporte aujourd'hui la confirmation de notre position à l'égard du "démocratisme" stalinien.
Les mêmes causes qui ont provoqué le départ de De Gaulle ont amené un déplacement de l'axe gouvernemental du P.S.-M.R.P. (appuyé sur De Gaulle) au P.S.-P.C. Le projet de constitution est élaboré actuellement par une majorité "socialiste-communiste".
Or que voyons-nous ? Le nouveau projet de Constitution ressemble comme deux gouttes d'eau à celui élaboré par le P.S.-M.R.P.. (la seule question litigieuse, celle de "l'école libre", ayant constitué un point de divergence également entre P.S. et M.R.P. du temps de leur collaboration). Cette continuité est tellement évidente que, pour détourner l'attention du caractère peu reluisant de leur activité "constitutionnelle", Duclos et Hervé, qui auparavant ne trouvaient pas de mots assez forts pour critiquer l'œuvre du P.S.-M.R.P., affectent maintenant l'indifférence ("ce qui compte, c'est voter une Constitution au plus vite") et écrivent (Huma 17-2) : "...si le fascisme devait par nos erreurs menacer la République, ce n'est pas une Déclaration quelconque qui nous sauverait de sa tyrannie".
Bien entendu, ce n'est pas la manière de formuler une Constitution, qui consacre la propriété capitaliste, qui peut nous défendre contre le fascisme, instrument politique du Capital. Mais la Constitution en question mesure néanmoins la déchéance du parlementarisme bourgeois et démasque le véritable visage de ses auteurs.
Car si les Duclos et les Hervé peuvent minimiser l'importance d'une Constitution "qui ne peut plus avoir l'esprit de celle de 1789" (c'est-à-dire BOULEVERSER les rapports de propriété), ils ne pourront pas tromper les ouvriers sur le fait que la loi électorale qu'ils préparent, constitue un attentat anti-démocratique REEL contre les masses.
UN PROJET DE LOI ELECTORALE BONAPARTISTE
Lors des élections du 21 octobre, quand M.R.P. et "Socialistes" instituaient la garantie de 20.000 frs. par candidat (ce qui portait à 200.000 francs la caution exigée pour une liste à Paris), L'Humanité protestait contre ce retour au parlementarisme CENSITAIRE. Aujourd'hui, la majorité P.S.-P.C. aggrave à tel point le cens électoral – par l'exigence de la présentation D'AU MOINS 20 LISTES pour faire acte de candidature – (ce qui porte la caution à environ 1.500.000) qu'en fait elle supprime le parlementarisme "démocratique", ce parlementarisme bourgeois "qui était devenu pour la France comme son visage même".
De ce parlementarisme d'avant 1939, les masses étaient en réalité séparées par mille barrières – et il n'était en fait que l'instrument des capitalistes et des spéculateurs.
Mais les chefs ouvriers traîtres, dont tous les efforts visent à maintenir les masses exploitées dans la résignation et la soumission, afin qu'ils puissent conserver leur situation privilégiée, leurs sinécures de députés, de ministres, de maires, de conseillers, ont peur même de ce parlementarisme : ils craignent que, dans les prochaines élections, les ouvriers, qui se détournent d'eux, n'aient la possibilité de voter pour des fractions prolétariennes non-inféodées à la bourgeoisie. C'est pour empêcher ce revirement qu'ils veulent supprimer la liberté de candidature et limiter le choix aux Partis actuels. SI DE GAULLE A UTILISE LE PLEBISCITE POUR ARRIVER A SES FINS BONAPARTISTES PERSONNELLES, CONTRE LES PARTIS OUVRIERS, LES BUREAUCRATES OUVRIERS VEULENT INSTAURER LE MONOPOLE DES ELECTIONS COMME UN INSTRUMENT BONAPARTISTE CONTRE LES TENDANCES PROLETARIENNES REVOLUTIONNAIRES. Car à droite, les partis réactionnaires, le P.R.L. par exemple, avec l'appui de la bourgeoisie, peuvent assurer leur candidature, quelles que soient les conditions exigées.
La bourgeoisie s'accommode aujourd'hui de la domination parlementaire des Partis "ouvriers" parce qu'ils remplissent par ailleurs, dans les usines, le rôle d'étrangleurs du mouvement ouvrier et parce qu'ils peuvent seuls, dans la situation présente, imposer des sacrifices à la classe ouvrière. Mais ce travail – l'écrasement du mouvement ouvrier – ne peut être mené d'une façon conséquente et définitive que par le fascisme, qui réalise la suppression de tout système représentatif, de tous les Partis, de toutes organisations indépendantes. Aujourd'hui, le fascisme est encore trop faible pour que la bourgeoisie puisse y avoir recours. Mais en étranglant, d'un côté, le mouvement ouvrier et en supprimant, de l'autre côté, le parlementarisme représentatif qui était la base et la justification des Partis, les chefs "ouvriers" ouvrent la voie à la montée fasciste dont le but est la destruction des Partis par la dictature d'un "homme à poigne" ou d'un Parti fasciste : "A quoi bon plusieurs Partis, puisque le Parlement ne sert à rien ?"... La suppression de la libre candidature par des Partis visant à faciliter leur réélection, facilite à son tour la suppression des Partis qui se forment et existent sur le terrain du parlementarisme.
LA CLASSE OUVRIERE ET LES ELECTIONS
Le rôle anti-démocratique des Partis "ouvriers" est tellement évident, que nombre de travailleurs se demandent comment exprimer leur protestation, car – pensent-ils – voter pour les mêmes n'avance à rien (ils ont déjà fait leurs preuves), ne pas voter, c'est laisser des voix à la réaction. Poser la question de cette façon, c'est se laisser enfermer dans un cercle vicieux.
Le fascisme bénéficie non pas des votes, mais de l'appui que lui accorde la bourgeoisie pour qu'il fournisse ses troupes de choc contre le prolétariat. Aujourd'hui que le P.R.L. est encore trop faible, il fait ses meetings sous la protection de la police du "socialiste" Le Troquer. Demain, quand le P.R.L. s'attaquera aux meetings ouvriers, la police NE VIENDRA PAS PROTEGER CEUX-CI.
Le fascisme ne peut, d'un autre côté, gagner la sympathie populaire et croître en tant que mouvement de masses, que parce qu'il est alimenté par la politique des chefs "ouvriers" dirigée contre les masses travailleuses, qui discrédite et compromet les Partis ouvriers.
Céder au chantage des chefs "ouvriers" ("votez pour nous"), c'est leur permettre de se prévaloir des votes ouvriers pour justifier la continuation de leur politique. Mais si nous nous désolidarisons des dirigeants traîtres en leur signifiant un vote de blâme, et QU'EN MEME TEMPS NOUS BRISONS ET DESARMONS LES BANDES FASCISTES, nous pouvons sortir de l'impasse.
D'un côté, organiser contre les bandes fascistes la lutte physique et les empêcher de se réunir ; d'un autre côté, empêcher nos propres dirigeants pourris d'étrangler le mouvement ouvrier, lutter avec esprit de conséquence contre le capitalisme affameur, pour les revendications ouvrières, c'est là la seule façon d'écraser la réaction. Par contre, si nous ne menons pas cette lutte directe contre le patronat et le fascisme, aucun vote au monde ne nous sauvera, comme l'ont bien montré l'exemple de l'Allemagne et de l'Italie.
Si nous ne cédons pas au chantage des dirigeants pourris, si nous nous désolidarisons d'eux, si nous leur signifions notre mécontentement par un vote de blâme, si nous protestons par un vote blanc contre leur système électoral anti-démocratique, qui vise à éliminer les combattants prolétariens, et qu'en même temps nous détruisons par la force les bandes fascistes et luttons avec esprit de conséquence pour nos revendications, nous écraserons la réaction en même temps que nous nous débarrasserons des dirigeants traîtres dont la politique prépare la voie du fascisme.
Le discours provocateur de guerre de Churchill contre l'U.R.S.S. vient d'enlever aux masses leurs derniers faibles espoirs d'une entente possible entre les grands pays.
La guerre que Londres et Washington ont menée contre l'Allemagne n'a été qu'une étape dans leur lutte pour la domination du monde, leur lutte contre Hitler n'a visé qu'à établir leur propre barrage contre l'U.R.S.S. Aujourd'hui le discours de Churchill donne le signal du regroupement des forces capitalistes contre l'U.R.S.S. au nom de la "démocratie". Mais derrière ce masque, c'est la même lutte qu'a menée Hitler : celle du capitalisme pourrissant contre le système de l'économie planifiée.
Dans sa réplique à Churchill, Staline, la veille encore son "ami", se souvient des millions d'opprimés du monde entier, que Churchill appelle les "braves gens", et s'adresse à eux comme le rempart le plus sûr de l'U.R.S.S. et de la paix menacée.
Déjà devant l'intervention allemande, tandis que Staline faisait appel à Churchill et à Roosevelt, nous disions aux travailleurs : "Les ennemis de l'Union Soviétique sont les capitalistes du monde entier et leur soutiens... Les alliés de l'Union Soviétique sont en premier lieu les ouvriers des pays impérialistes... Aux ouvriers... incombe la tâche... d'écarter les dangers futurs que l'impérialisme prépare à l'U.R.S.S., par la prise du pouvoir dans leur pays respectif. Les paysans, partout écrasés par le militarisme, aideront les ouvriers à émanciper pour toujours la société, des guerres que l'impérialisme fait naître...
L'appui militaire décisif viendra à l'U.R.S.S. de la lutte des peuples coloniaux et opprimés contre leur impérialisme, avant tout des magnifiques peuples chinois et hindou... Seule une véritable politique révolutionnaire peut sauver l'Union Soviétique, en faisant de sa lutte la lutte des peuples coloniaux et opprimés contre l'impérialisme." (Tract du 30 juin 1941).
Mais ce n'est pas Staline, qui restaure en U.R.S.S. le monde bourgeois (popes, maréchaux, ministres), ce ne sont pas les partis staliniens, qui ne sont plus dans tous les pays que des partis bourgeois de "gauche", qui peuvent obtenir l'appui des forces révolutionnaires.
Seule la IVème Internationale peut soulever et soulèvera les forces révolutionnaires, prolétariennes, paysannes et anti-colonialistes du monde entier.
Les représentants de la bourgeoisie et la clique bonapartiste de Moscou peuvent comploter contre la IVème Internationale et présenter ce complot – parce qu'ils détiennent encore tous les moyens entre leurs mains – comme une lutte de la "légalité" contre "l'illégalité". Mais parce que la politique de la IVème Internationale représente les intérêts des classes opprimées, ce dont les ouvriers se rendent compte tous les jours davantage, les complots de la minorité exploitante contre l'union entre les masses travailleuses et la IVème Internationale échoueront.
La lutte entre la paix et la guerre est une course de vitesse entre la révolution et la contre-révolution, entre la IVème Internationale et les maîtres du monde capitaliste.
– J'ai parlé de nos discussions à un camarade de mon usine, d'après lui tu dois être de la IVème Internationale, est-ce vrai ?
– Oui, et qu'en penses-tu ?
– Tu crois que tu arriveras à quelque chose ? Vous êtes combien ? Si notre politique était aussi fausse que tu le dis, crois-tu que le P.C. aurait un million d'adhérents ?
– Alors, d'après toi, il faut être beaucoup pour avoir raison ? Toi qui prétends que les Allemands étaient fascistes, il y en avait donc plus d'un million, ils avaient donc raison ? Tous les ouvriers sont-ils d'accord, et ceux qui doutent ont-ils le droit de le dire ? Si je critique, c'est en connaissance de cause.
– Vous critiquez tout dans votre journal, vous voulez faire la révolution et bien faites-la, vous verrez si les ouvriers suivront.
– Ta réponse ne fait que me confirmer la politique néfaste de ton parti, vous qui êtes un parti de masses vous ne devriez pas nous objecter de pareils arguments, car si les ouvriers qui, d'après toi, vous suivent aveuglément, ne sont pas prêts, c'est donc de votre faute : quant au journal L'Humanité, elle ne critique pas, pour cause, elle ne dit rien.
– On ne peut pas faire des articles de combat tous les jours.
– C'est pour cela qu'elle ne fait que des articles sur "l'unité nationale", la nécessité de "produire" ? et le calendrier de L'Huma que tu as sur ton mur, crois-tu que Lénine aurait accepté de se laisser photographier avec deux représentants des pays capitalistes, le tout avec "unité dans la paix comme dans la guerre", et tu te mets cela à ton mur, et tu te prétends communiste, et tu t'étonnes que j'en doute ?
– Mais d'abord, prouve-moi que Trotsky n'était pas de la Gestapo.
– Toi, prouve-moi qu'il en était, vous le pouvez, maintenant, puisque vous avez retrouvé les archives du parti nazi à Nuremberg.
– Pourquoi s'est-il sauvé de Russie ?
– Déporté, devrais-tu dire, et chassé de tous les pays et bien que comme tu le dis, de la Gestapo, l'Allemagne ne l'a pas recueilli.
– Il a bien été au Mexique, et puis tout ce que nous savons, ce n'est que par les livres.
– L'avantage que j'ai sur toi, c'est de connaître tes livres, alors que tu ignores les miens.
– Il faut que tu me prêtes d'autres livres, je veux me rendre compte, je voudrais du Trotsky.
– Oui, tu en parleras aux autres et on te dira de ne pas les lire.
– Je te promets de les lire
– Alors, je veux bien t'en apporter.
– Au revoir, quoiqu'on en dise, je suis certain que nous sommes du même côté de la barricade.
–Des Staliniens dans les boîtes, essaient pourtant de nous traiter à coups de poing.
– Que veux-tu, il y a des abrutis partout. Ce n'est pas une méthode. J'aime mieux discuter d'homme à homme ce que nous avons à nous dire, sans en venir aux mains. Les capitalistes seraient trop contents.
Les capitalistes aiment cacher leurs menées sous des étiquettes idéologiques.
Alors que les financiers et les banquiers du pétrole tirent les ficelles de leurs gouvernements dans l'affaire de l'Iran, d'après le ministre anglais Bevin, "les philosophies de la Grande-Bretagne, des Etats-Unis et de l'U.R.S.S., si différentes qu'elles soient, pourraient s'adapter si les nations étaient patientes...". Le ministre américain Byrnes prétend que, "dans un conflit idéologique, il est assuré de la victoire"...
Au sujet de l'Espagne, on peut lire dans Le Monde du 15-3 : "Il paraît capital pour les Etats-Unis d'éviter le danger de voir l'Espagne redevenir un champ de bataille entre deux idéologies ennemies..." La note des Alliés contre Franco déclare : "Il n'est pas dans les intentions des trois gouvernements d'intervenir dans les affaires intérieures de l'Espagne... et ils espèrent que le peuple espagnol ne tombera pas de nouveau sous le coup des horreurs et des amères expériences de la guerre civile..."
Idéologie, philosophie, pacifisme...
Mais tandis qu'au sujet de "l'idéologie" de l'U.R.S.S. on parle déjà d'une troisième guerre mondiale, comment "l'idéologie" de Franco n'est-elle qu'une simple affaire intérieure ? Alors que contre la même "idéologie", dans la guerre contre Mussolini et Hitler les Alliés ont versé le sang de dizaines de millions d'hommes, pourquoi ces scrupules devant Franco ?
Alors même que la note des gouvernements alliés parlait du remplacement de Franco, aux dernières nouvelles, Londres et Washington recherchent un mode d'entente avec lui, celui-ci "ayant donné des gages" (Monde, 15-3). Cette note elle-même, que tout le monde attendait, ne faisait d'ailleurs que favoriser le remplacement de Franco par quelque autre général moins compromis.
Cependant, après la "note alliée" indiquant qu'il "n'est pas dans les intentions des trois gouvernements d'intervenir dans les affaires intérieures de l'Espagne", un républicain espagnol déclare : "On prétend, dans la note, ne pas vouloir se mêler des affaires d'Espagne. Nous sommes convaincus que ce qui a motivé la note, c'est le désir... de mettre la main sur les affaires d'Espagne... Les intérêts économiques et stratégiques ont prévalu sur le principe moral" (Combat, 6-3).
Les déclarations "idéologiques" n'arrivent pas à cacher le soutien par les alliés du fascisme en Espagne, en liaison avec la préparation de la guerre contre l'U.R.S.S., et la nature impérialiste de leurs intérêts en Espagne. C'est ainsi que la question espagnole apparaît comme une affaire diplomatique où il n'est plus question du peuple espagnol livré à son bourreau Franco, du fascisme, plaie de l'humanité, et dont on fait le procès à Nuremberg comme d'une monstruosité.
Le soutien que les Alliés accordent à Franco contre le peuple espagnol est de même nature que celui dont a bénéficié Hitler. Hitler, pas plus que Franco, n'était le produit du peuple allemand ; c'est le capitalisme international qui a nourri Hitler contre le peuple allemand et contre l'U.R.S.S.
"Certes, la libération de l'Espagne sera l'affaire des Espagnols eux-mêmes, écrit L'Humanité du 5-3... Ce que les nations unies ont à faire, c'est de cesser leur aide à Franco contre l'Espagne." C'est ainsi que, du côté des Staliniens, on abandonne également le peuple espagnol à Franco, en prétendant l'éliminer par voie pacifique avec l'aide des "démocraties" qui, elles, nous l'avons vu, ont un intérêt primordial à le maintenir. Ils font appel aux Alliés comme aux amis du peuple espagnol, quand ils ne sont que ses étrangleurs (de même qu'en son temps, ils faisaient passer l'anti-communiste Churchill pour un démocrate ami de l'U.R.S.S.) – parce que pour ces messieurs aussi l'affaire espagnole n'est qu'une affaire "diplomatique".
Eux aussi voudraient remplacer Franco sans toucher au régime franquiste : le gouvernement "démocratique" de Giral projette l'établissement de la "république" par l'élimination de Franco et de la phalange et l'établissement (comme "première étape") d'un gouvernement militaire composé de généraux de toutes nuances politiques" (Monde, 9-1). Une "démocratie" réactionnaire, tel est l'idéal non seulement des "Républicains", mais aussi des "Socialistes" et des "Communistes" ; c'est ainsi que pour réaliser "l'unité nationale" contre le fasciste Franco, le P.C. espagnol s'allie à des fascistes aussi notoires que Gil Roblès et aux monarchistes. Le seul moyen de renverser Franco, c'est de soulever le peuple espagnol contre le régime de terreur et de famine sur les bases duquel se maintient non seulement Franco, mais le capitalisme et tous ses soutiens.
Léon Trotsky écrivait déjà en 1937 : "Le fond social de la révolution espagnole, au cours des six dernières années, avait été l'offensive croissante des masses contre le régime de la propriété semi-féodale et bourgeoise. C'est précisément la nécessité de défendre cette propriété par les moyens les plus extrêmes qui avait jeté la bourgeoisie dans les bras de Franco – et qui l'y maintient, doit-on ajouter".
Tournant en rond, les Staliniens font des meetings pour invoquer l'aide des gouvernements capitalistes contre Franco. Pendant ce temps, il y a à l'intérieur de l'Espagne un mouvement gréviste, des guérilleros, des partisans aux prises avec la terreur franquiste. Que fait le prolétariat international pour soutenir ses frères grévistes ? Que fait la classe ouvrière organisée dans tous les pays pour aider ses camarades combattants d'Espagne ? Le problème urgent de l'aide à l'Espagne ouvrière, seuls les travailleurs, par-dessus la tête des "démocraties", peuvent le résoudre.
La classe ouvrière organisée peut et doit réaliser cette aide. Elle doit reprendre la politique de solidarité : "Des canons, des avions pour l'Espagne ouvrière !" Seule cette aide peut faire échec à la politique réactionnaire des Churchill et des Truman, protecteurs du fascisme et promoteurs d'une nouvelle guerre mondiale.
Suite de la publication du texte de l'allocution prononcée par James P. Cannon, Secrétaire national du Socialist Workers Party, à l'occasion du 28ème anniversaire de la Révolution bolchevique russe, devant 300 ouvriers au meeting de la section de New-York du S.W.P., tenu à l'hôtel Diplomat, le dimanche 4 novembre 1945.
Reproduction de l'article paru dans "La Lutte de Classes n°11 du 27 mars 1943"