1947

Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! – LA LUTTE de CLASSES – Organe de l'Union Communiste (Trotskyste) n° 89 – 5ème année – bimensuel (B.I.) le n° 4 francs


LA LUTTE DE CLASSES nº 89

Barta

26 avril 1947


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Les travailleurs rejettent les renégats

"Les choses allaient elles mieux quand De Gaulle était le maître absolu de notre politique ?" Voilà tout ce que Thorez, dans son discours du 24 avril, peut opposer aux arguments et à la démagogie de "sauveur" de l'ancien Président du Gouvernement.

Non, les choses n'allaient pas mieux sous De Gaulle. La même gabegie, la même corruption, le même manque de démocratie et les mêmes privations que maintenant étaient endurées par le peuple. Mais Thorez n'était-il pas, lui aussi, dans le Gouvernement de De Gaulle, n'avait-il pas endossé toutes les mesures que De Gaulle a trouvé bonnes de prendre, ne nous l'a-t-il pas vanté comme un véritable démocrate ? Et ce que les masses travailleuses auraient voulu, c'est précisément que les prétendus dirigeants de la classe ouvrière, les Partis qui se disent communistes et socialistes, fassent AUTRE CHOSE que ce que De Gaulle a fait, qu'ils présentent un bilan de réalisation qui représente tant soit peu UN PROGRES par rapport à l'ancien Gouvernement.

Depuis plus de deux ans, la bourgeoisie, qui condamne les masses aux plus dures privations pour continuer son pillage en France et dans les colonies, utilise les services des soi-disant communistes et socialistes pour empêcher le peuple de se révolter. Tout d'abord, les Thorez ont trompé les espoirs que les ouvriers avaient mis en eux avec des promesses pour l'avenir ; maintenant que ces promesses ont fait faillite, ils utilisent l'épouvantail de la réaction ; "contentez-vous, avec nous, de serrer votre ceinture, car sans nous, vous recevrez par-dessus le marché la trique de De Gaulle".

Seulement, si les masses se résignaient à se serrer la ceinture "démocratiquement", elles finiraient par avoir aussi, par-dessus le marché, la trique de De Gaulle.

Car, quel est le véritable danger ? Le véritable danger, c'est que les travailleurs soient réduits physiquement et moralement à un point où ils ne puissent plus opposer leur action DE CLASSE aux entreprises de la bourgeoisie, qu'elles soient économiques ou politiques. De Gaulle n'est pas parti faute d'une majorité électorale ; au contraire, il avait recueilli au premier référendum une majorité écrasante de "oui-oui" ; il a dû partir parce que les travailleurs, comme ils l'ont montré depuis, SONT ENCORE CAPABLES DE LUTTER CONTRE LE PATRONAT ET SES ENTREPRISES et par conséquent aussi de mener une action de classe contre les essais de dictature personnelle. C'est cette capacité et cette volonté des travailleurs de s'opposer à un régime totalitaire qui, au 3ème référendum, ont déterminé le M.R.P. à se séparer provisoirement de De Gaulle pour poursuivre, à l'aide des Duclos et des Frachon, l'oeuvre de démoralisation de la classe ouvrière jusqu'à ce que celle-ci se trouve dans l'incapacité de se défendre efficacement.

Car ce n'est pas le rappel de l'action passée de De Gaulle qui peut mettre en danger son en-treprise réactionnaire. En régime bourgeois, les représentants de classe de la bourgeoisie peuvent toujours trouver une majorité électorale. Les chiffres même du 3ème référendum montrent qu'il suffit d'un déplacement de voix relativement faible pour que De Gaulle ait à nouveau une majorité pour la révision de la Constitution. Et la situation actuelle, due à l'incurie gouvernementale, réduit trop de gens au désespoir pour que De Gaulle ne puisse pas trouver le supplément de voix qui lui manque.

Hitler non plus n'a pas recueilli du premier coup 99% des voix pour s'emparer du pouvoir, mais une simple majorité. Cependant, ce n'est que parce que la classe ouvrière allemande, trahie par sa direction et démoralisée, ne fut plus capable de lui opposer une action de classe, que Hitler réussit, à l'aide du pouvoir étatique et de ses troupes fascistes, à l'écraser définitivement et à faire consacrer son pouvoir par "l'unanimité du peuple".

C'est en organisant les travailleurs dans leur lutte anti-capitaliste qu'on peut combattre la réaction fasciste. Mais il n'y a pas de lutte anti-capitaliste sans lutte de la classe ouvrière, sans action revendicative. "Produire" pour que les capitalistes puissent récolter des bénéfices énormes, tandis que ceux qui produisent tombent dans le dénuement et la maladie, parler démocratie tandis que cette "démocratie" met à la disposition de tout représentant de la classe bourgeoise, comme De Gaulle, tous les moyens pour mener librement son action totalitaire fasciste, tandis que les travailleurs qui se mettent en grève sont menacés d'être mis à la porte, c'est cela le régime qui assure la victoire de la réaction.

Mais on ne peut pas mener la lutte revendicative sans s'opposer à l'Etat capitaliste qui est au service du patronat. C'est parce qu'il est ministre que Thorez en est réduit à dire, pour toute défense, que De Gaulle ne vaut pas mieux que lui.

C'est ce que les travailleurs comprennent tous les jours davantage sans que vous ayez besoin de l'avouer, messieurs les ministres "ouvriers", et c'est pourquoi, quand ils engagent une action de classe, ils vous rejettent hors de leur lutte comme des renégats au service de la bourgeoisie.


C'est la véritable lutte pour le minimum vital qu'entament les travailleurs de chez Renault
qui décident la grève pour arracher LES 10 FRANCS DE L'HEURE

Les représentants de la C.G.T. ont abandonné toute défense des travailleurs devant l'offensive patronale dirigée contre leur pouvoir d'achat et leur niveau de vie.

Même les travailleurs dont le salaire a été officiellement reconnu comme "anormalement bas" sont obligés de recourir à l'action directe pour obtenir l'augmentation de quelques francs qui leur a été, en principe, accordée ; c'est ce qui se passe pour les ouvriers blanchisseurs qui ont été obligés de faire grève pour une augmentation de 15% (leur salaire variant de 29,70 frs. à 33 francs).

Mais l'ensemble des travailleurs ayant constaté que la "baisse des prix" n'était qu'une autre duperie pour les détourner de leurs justes revendications, restent prêts à entrer en lutte directe par l'action gréviste qui seule leur permettrait d'arracher la garantie d'un salaire minimum vital sans lequel ils sont réduits à la misère.

Alors que le salaire des ouvriers ne leur permet même pas d'entretenir décemment leur force de travail et que le faible pouvoir d'achat des masses provoque la raréfaction des denrées de consommation (comme la crise du blé), le patronat, fort de la capitulation de la C.G.T. en ce qui concerne le relèvement général des salaires (minimum vital), poursuit, par l'intensification du rendement, son offensive pour l'abaissement des salaires au-dessous de leur niveau actuel. Comme nous l'avons montré dans l'article "IL N'Y A PAS DE TREVE" (dernier numéro de La Lutte), en prenant l'exemple de l'usine Renault.

Mais l'offensive patronale n'est pas restée sans riposte ouvrière. Depuis plusieurs semaines, des grèves partielles éclataient dans l'usine (entretien, modelage-fonderie – une semaine de grève), artillerie (revendications équivalant à la suppression du travail au rendement). Le 23 avril, au département 6, les mille ouvriers environ du secteur Collas ont décidé à l'unanimité moins 36 voix, de se mettre en grève pour LES DIX FRANCS DE L'HEURE, qui correspondent à la revendication mise en avant par la C.G.T. pour le "minimum vital" et abandonnée par elle (le relèvement général des salaires au niveau du minimum vital revendiqué par la C.G.T. se serait traduit par une augmentation de 10 francs de l'heure pour les ouvriers de la métallurgie sur la base du salaire actuel).

L'importance toute particulière de ce mouvement est dans le fait que les travailleurs de ce département, tirant la leçon de l'expérience faite par les autres secteurs, ont donné comme but à leur action une revendication générale et commune à tous les ouvriers, qu'ils sont passés outre à toute revendication particulière à leur propre département, qu'ils ont délibérément désigné leur lutte comme faisant partie de la lutte de l'ensemble de la classe ouvrière pour sa revendication légitime et indispensable du mi-nimum vital.

La deuxième leçon que les travailleurs de ce département ont tirée de l'expérience de l'ensemble de leurs camarades de chez Renault, c'est la nécessité, pour les ouvriers, d'imposer leur volonté. Et cela face à ceux qui se disent leurs dirigeants, même quand ils trahissent la lutte et les intérêts ouvriers, comme le font les dirigeants actuels de la C.G.T. Les travailleurs du secteur Collas, réunis en Assemblée générale de tous les ouvriers pour décider de l'action à entreprendre, ont élu, à cet effet, dans leur sein, un Comité de Grève, c'est-à-dire qu'en fait, ils sont passés par-dessus la tête de la direction syndicale ! Ils ont ainsi prouvé que l'action de classe organisée peut être menée même quand certains dirigeants l'abandonnent. Car, des rangs mêmes de la classe ouvrière, surgissent de nouveaux éléments dévoués, énergiques et intelligents ; de son propre sein, des travailleurs, qui, autrefois, ont mené l'action gréviste et la lutte ouvrière, et que la succession des trahisons des organisations officielles avaient même rejetés hors de la C.G.T., reviennent à la lutte sous l'impulsion de la volonté ouvrière. Il est certain, et les ouvriers du secteur Collas le savent comme nous, qu'une semblable lutte ne peut aboutir dans le cadre d'un mouvement d'un seul secteur même d'une grande usine. Il faut que l'action gréviste décidée par les camarades de chez Renault s'étende aux autres secteurs de l'usine qui ont déjà soutenu récemment des mouvements isolés, et à l'ensemble de l'usine, qui, en raison de son importance, doit donner le départ de l'action ouvrière généralisée. La classe ouvrière sera victorieuse en renouant avec la tradition de juin 1936. Mais que cette généralisation de la lutte se fasse actuellement ou que les efforts de dirigeants pourris réussissent encore à la contrecarrer, les travailleurs du secteur Collas, en entrant en lutte à l'avant-garde pour la défense d'une revendication commune à tous les travailleurs et décidés à la faire aboutir, ont relevé le véritable drapeau de la lutte ouvrière, de l'initiative, du courage et de la solidarité prolétariennes.


LA FACADE LEZARDEE DE LA DEMOCRATIE BOURGEOISE

Bien que les lois parlementaires confèrent l'immunité aux élus, immunité qui ne peut être abolie que pour des faits relevant du droit commun, les députés malgaches à l'Assemblée ont été arrêtés sous le prétexte officiel d'avoir déclenché l'insurrection à Madagascar... au moyen d'un télégramme appelant au calme.

Venant après ces arrestations, pendant que la guerre fait rage en Indochine, pendant que, non loin de là, l'insurrection malgache est réprimée dans le sang par tous les moyens (bombardements aériens, etc...), la déclaration de M. Vincent Auriol affirmant :

"A ceux qui douteraient de la France, qui prétendraient qu'elle opprime des hommes et leur impose sa domination par la force, à ceux qui outragent ainsi les faits et qui calomnient la France, j'oppose la vérité : jamais, en aucun temps, en aucun pays du monde, les territoires d'outre-mer n'avaient élu de représentants pour collaborer avec les élus de la mère patrie à la Constitution de la République", apparaît comme une sinistre plaisanterie, une lamentable tentative pour tromper les populations indigènes.

Sans aucun doute les peuples coloniaux n'ont pas besoin de cette preuve supplémentaire, pour mesurer l'étendue de leur misère, pour connaître la dictature des banques, les brimades de l'Administration, de la police ou de l'armée. Ils savent fort bien, et pour cause, que leur situation matérielle ne s'est pas améliorée avec la création de "l'Union Française", que cette "Union" n'est que le vernis qui recouvre aux yeux de tous, mais pas aux leurs, l'ancien colonialisme. En France, avant la guerre, il y avait certaines libertés parce que les conditions économiques permettaient à la bourgeoisie de faire bénéficier chaque habitant du travail de dix ou quinze esclaves coloniaux ; mais dans le pays de ces esclaves, où la bourgeoisie les fait travailler pour quinze francs par jour lorsqu'elle leur vend onze francs le kilo de riz, peut-il y avoir même un semblant de démocratie ?

Mais l'arrestation des députés malgaches prouve non seulement le mensonge des Auriol, ne fait pas seulement justice de toutes les promesses que l'on avait pu faire aux peuples coloniaux sur leur "émancipation dans le cadre de l'Union Française" par l'envoi de représentants siégeant "avec les élus de la mère patrie" mais encore nous montre, à nous, la valeur de la Constitution pour nous-mêmes. Car en violant sa propre légalité parlementaire par cette arrestation, l'Etat-gendarme nous montre son mépris pour son parlement et ses institutions au travers desquelles il n'hésite pas à passer dès que ses intérêts l'exigent. C'est ce qu'on a déjà vu en septembre 1939 où il a suffi que les quelques cinquante députés staliniens marquent leur opposition à la politique extérieure de Daladier, au moment où la bourgeoisie avait besoin d'avoir les mains libres pour mener sa guerre, pour qu'ils soient expulsés du parlement, pour que leurs journaux, que les militants ouvriers de toutes tendances soient traqués et emprisonnés, malgré l'immunité, la constitution et la légalité.

Durant des mois, on a expliqué aux ouvriers qu'accumuler des bulletins de vote était le meilleur moyen de lutte contre la réaction. La classe ouvrière a envoyé une majorité d'élus "ouvriers" au parlement, et n'a rien vu venir sinon une exploitation sans cesse accrue, et [elle] n'a pas vu [non plus] s'améliorer sa situation alimentaire. De tout ce qu'on lui avait promis il ne restait que la façade : la "constitution démocratique" ; aujourd'hui jusqu'à cette façade s'écroule.

Maintenant que le seul des députés malgaches non arrêté est giflé et molesté en plein parlement, L'Humanité rattachant ce fait à la campagne anti-parlementaire du R.P.F., écrit : "Il ne peut faire aucun doute que nous sommes au début d'une campagne dirigée contre les institutions parlementaires".

En fait, le Parlement n'a jamais été qu'une machine à enregistrer les lois bourgeoises, que la bourgeoisie brisait dès qu'elle en avait besoin (comme en 39) et n'a jamais servi qu'à orienter les luttes de la classe ouvrière vers une voie de garage. Mais sur des questions secondaires, la bourgeoisie maintenait une certaine démocratie dans la métropole, tandis qu'aujourd'hui que la décadence du régime capitaliste s'accentue, qu'il ne peut plus faire de concessions aussi minimes soient-elles, toutes les questions se posent d'une manière aigüe et le caractère bourgeois et anti-démocratique du Parlement apparaît nettement aux yeux de tous. Le régime bourgeois même à forme parlementaire ne permet plus la manifestation de la démocratie la plus élémentaire.<

Cependant, l'aile la plus réactionnaire de la bourgeoisie met à profit l'effondrement du parle-mentarisme pour déclencher une campagne contre "le régime des partis", sous prétexte que c'est ce régime qui est cause de tous nos maux. Mais nous savons que les fascistes mènent uniquement la lutte anti-parlementaire et se gardent bien de toucher aux fondements du régime capitaliste qui, lui, est la vraie cause de tous nos maux, car ce qu'ils veulent, c'est le même régime, moins le Parlement.

Par conséquent, s'accrocher au Parlement, c'est se vouer à la défaite avant même de combattre. Il faut ouvrir une voie nouvelle à la démocratie en rejetant le système parlementaire, non pas pour conserver le régime comme les fascistes, mais pour le détruire, en créant dans la lutte des organismes nouveaux, représentation immédiate de la volonté des masses en lutte, sur lesquels s'appuiera le Gouvernement ouvrier et paysan.


HOMICIDE INVOLONTAIRE

Mercredi 16 avril, chez Renault, une meule à ébarber a éclaté, tuant net un ouvrier dont elle a emporté la moitié du visage, en blessant gravement un autre. "LA MEULE N'AVAIT PAS DE CARTER" a dit l'un de ceux qui emportaient le blessé sur un brancard.

Les ouvriers qui travaillent aux alentours de l'infirmerie centrale chez Renault sont maintenant habitués à voir défiler sur des brancards les "victimes du travail". Un jour, c'est un tourneur qui brandit un moignon ruisselant de sang : ce qui lui reste de la main ; un autre jour, une ouvrière évanouie, la moitié de la chevelure emportée par un forêt ; ou une autre prise d'une crise de nerfs à cause de la cadence.

Il y a les cas graves entraînant la mort, il y a le train coutumier des bouts de doigts coupés, mais il y a surtout ce qui n'est pas visible dans l'immédiat : ceux que les machines tuent à petit feu.

Quelles sont les meules affûteuses, les rectifieuses, qui sont munies d'un aspirateur pour la poussière ? Elles sont rares. Ce que les ouvriers savent, c'est que la poussière donne soif et abîme les yeux. Aussi, réclament-ils des ventilateurs. Mais la plupart ignorent les dangers bien plus grands qu'ils courent ; c'est pourquoi ils se contentent des promesses de la direction : tous les 15 jours, on vient prendre les mesures ; "une enquête est en cours", dira le bulletin patronal. Pendant ce temps, les poumons continuent à se charger de poussières. Quand la silicose tuberculeuse se déclarera, l'ouvrier sera loin. Il aura "trouvé autre chose"... le sana quand ses moyens le lui permettront ; mais personne ne lui dira que cette tuberculose dont il est atteint a pour origine les poussières qu'il a respirées des années auparavant, quand il travaillait sur les meules, les rectifieuses ou bien encore au sablage. Les médecins fouilleront ses antécédents héréditaires pour y découvrir une prédisposition à la maladie.

Au moment où toutes les organisations syndicales font du battage autour de la sécurité sociale qui "donnera aux travailleurs la sécurité des vieux jours", il serait plus important de savoir si les ouvriers auront le loisir d'être vieux un jour, ce qui est de moins en moins sûr.

En l'absence d'une lutte pour des conditions de travail meilleures, les patrons poussent la cadence au maximum aux dépens de la sécurité des travailleurs. Les moyens de protection contre les machines sont pratiquement inexistants. Autrefois, l'ouvrier qui faisait un travail insalubre recevait du lait, les plus favorisés touchent un supplément d'un franc de l'heure, aujourd'hui.

Les ouvriers américains qui se sont mis en grève après l'éboulement de la mine à Centralia nous montrent la voie à suivre. Ce ne sont pas des larmes ou des quêtes qui empêcheront les meules d'éclater ou les mains de rester dans l'outil et la pièce. Notre lutte contraindra nos patrons à faire plus de cas de notre vie, à cesser de pratiquer l'homicide "involontaire".


TEXAS-CITY, UN AVERTISSEMENT

Après six semaines de pourparlers, la Conférence de Moscou finit par une aggravation de la situation qu'elle était appelée à résoudre. Elle s'était réunie pour trouver une solution au "problème allemand", pour empêcher que l'Allemagne ne devienne à nouveau un "arsenal de guerre", une "menace pour la paix".

Mais c'est la recherche d'un modus vivendi entre les grandes puissances dans le monde entier qui était l'objet réel de la Conférence. Le problème allemand ne pouvait être envisagé par eux qu'en fonction de leurs propres rapports.

L'occupation de l'Allemagne par les Alliés avait abouti pratiquement à l'intégration de sa partie orientale dans la machine de guerre russe, et celle de sa partie occidentale dans la machine de guerre impérialiste des Anglo-américains. Par conséquent, l'échec de la Conférence et le resserrement des liens entre les trois puissances occidentales en vue d'une politique commune dans l'Allemagne occupée par eux, consacre sur le plan diplomatique la séparation du monde en deux blocs antagonistes.

Le fait que les "Conférences de paix" des Alliés aboutissent en réalité à des épreuves de force entre les participants, confirme entièrement le point de vue marxiste que nous exprimions il y a deux ans dans La Lutte de Classes (nº 46). Face aux vantardises de la Conférence de Yalta, nous expliquions que la politique des trois gros (Roosevelt, Churchill, Staline) signifiait non seulement "l'impossibilité d'arriver à une paix juste qui exclue de futurs conflits, MAIS AUSSI L'IMPOSSIBILITÉ D'ARRIVER A UNE PAIX QUELCONQUE, SERAIT-CE DU TYPE VERSAILLAIS" (Lutte de Classes, nº46, 2 mai 1945).

La défaite de l'Allemagne et du Japon apparaît aujourd'hui, contrairement aux mensonges débités aux peuples pendant des années par la propagande alliée, comme un simple épisode de la lutte des impérialistes pour dominer le monde ; et c'est l'Amérique de Truman qui prend, dans le monde, la place qui était celle de Hitler en Europe.

La troisième guerre mondiale est ainsi à l'ordre du jour.

C'est ce que révèle également l'explosion de Texas-City. Le rythme de la production de guerre et l'importance des stocks accumulés sont aussi grands qu'en temps de guerre. Car, techniquement, une telle catastrophe n'est possible que si des quantités inaccoutumées de matériel sont entassées au même endroit.

La course aux armements, en tenant compte du fait qu'il n'y a pas de conflit ouvert, rend le fardeau militaire aussi lourd qu'il l'était pendant les années de guerre. C'est cela qui, deux ans après la fin du conflit, fait que les restrictions et la famine restent le lot des populations de tous les pays.


"LE MUR D'ARGENT"

Une tapageuse propagande nous a présenté le plan Marshall comme la clé de voûte du relèvement de l'économie française. Mais à peine ce fameux plan, si lourd de promesses et d'espoirs, devrait-il entrer en exécution, que déjà les économistes bourgeois expliquent que l'Etat "manque d'argent" et ne peut ainsi mettre en oeuvre les tâches de la reconstruction. Nous lisons même, dans Le Monde (20-4-47) que, malgré le nombre et l'importance des travaux à réaliser, on pourrait en arriver au chômage...

Qu'est-ce à dire ?

Le fait que l'Etat "manque d'argent" est-il un obstacle déterminant à la restauration de l'économie délabrée ?

En France, il y a des usines, des machines, des mines, de la main d'oeuvre et... des banques. Autant d'instruments que possèdent industriels et banquiers et qui pourraient être mis immédiatement au service des besoins urgents de la reconstruction. Mais, au lieu d'être utilisés au redressement de l'économie, dans l'intérêt général, ces puissants moyens continuent à être utilisés à la fabrication d'objets de luxe, d'automobiles, etc..., dans l'intérêt de quelques profiteurs. Chaque capitaliste cherche, avant tout, à faire fructifier au maximum ses capitaux. Si les bars américains rapportent davantage et dans un plus bref délai que ne le feraient les maisons d'habitation, eh bien l'ouvrier peut rester sans toit, le capitaliste n'hésitera pas à aménager des bars et c'est ainsi que "les maisons des sinistrés céderont le pas aux bars américains", comme l'affirme Le Monde (20-4). Et si un tel gaspillage généralisé entraîne la ruine de l'économie à l'échelle nationale, comme c'est le cas en France actuellement, ces profiteurs ne changent pas leur politique malfaisante d'un iota. Alors les économistes bourgeois de s'incliner devant cet obstacle infranchissable au redressement économique du pays qu'ils baptisent du nom mystérieux de "mur d'argent".

Mais qu'est-ce, en réalité, ce "mur d'argent" ?

Que les moyens de production fassent retour aux seuls producteurs, que les ouvriers dirigent l'économie dans l'intérêt de toute la société et le fameux "mur d'argent" s'écroulera. Il n'y aura plus d'obstacle à la reconstruction et au rééquipement. Toute la puissance et la malfaisance des capitalistes viennent précisément du fait qu'ils ont entre leurs mains tous les moyens de production.

DAN


LES LUTTES OUVRIERES AUX COLONIES


LA SITUATION A MADAGASCAR

Tandis qu'en Indochine existe déjà un prolétariat riche d'une longue tradition de lutte, il n'y a pas, à Madagascar, de "mouvement ouvrier", bien que les travailleurs soient assez nombreux dans les ports et aient prouvé dernièrement leur combativité par la grève. Quant aux paysans malgaches, qui forment l'immense majorité de la population, leur situation est désastreuse, et ils ne possèdent pas les instruments de travail qui permettraient de donner un rendement meilleur à leurs exploitations.

Les productions de l'île sont, pour la plupart, destinées à l'exportation. Mais les Malgaches n'ont, pratiquement, pas droit aux licences d'exportation qui sont réservées aux grandes Compagnies françaises et étrangères de Madagascar. En produits manufacturés, Madagascar est totalement tributaire de l'extérieur. Les produits importés (tissus, etc...) sont d'abord répartis à la population française de l'île (30.000 sur 4.000.000 d'habitants). Enfin, les devises malgaches sont entre les mains de la Caisse Centrale de la France d'Outre-Mer, qui les distribue sans tenir compte des nécessités réelles du pays.

Le niveau de vie est extrêmement bas, car le pouvoir d'achat ne correspond en rien à la hausse constante du coût de la vie. Des coopératives de production, d'achat et de vente se sont constituées, mais les techniciens malgaches sont encore en trop petit nombre pour les animer.

Ces conditions particulières font que le Mouvement Démocratique de la Rénovation Malgache est un mouvement populaire, qui a des appuis dans toutes les couches de l'île, kovas ou sakalaves, ouvriers, paysans, commerçants ou intellectuels. Il représente plus de 100.000 Malgaches organisés.

Ce mouvement, auquel appartiennent les députés et conseillers malgaches arrêtés, revendique l'indépendance complète de la République Malgache, associée librement à la France. Mais son programme ne s'arrête pas là. Il comprend notamment, au point de vue économique, la socialisation des entreprises d'intérêt national (mines, électricité, navigation, banques), le développement extensif de l'instruction publique, la législation du travail, l'institution d'une organisation municipale moderne (communes libres, avec municipalités élues).

Lucien


LES REVENDICATIONS DES SYNDICATS DES TRAVAILLEURS AFRICAINS

La conférence panafricaine a réuni à Dakar les représentants de vingt-quatre organisations syndicales groupant un million de travailleurs des colonies françaises et belges. Elle s'est prononcée pour les revendications suivantes : régime de sécurité sociale, extension de la loi sur les accidents du travail, octroi du droit et de la liberté syndicale dans les colonies, l'échelle mobile des salaires, le développement de l'éducation, l'égalité des droits des diplômés sans distinction de race, une politique de la santé et du logement, etc.

MM. Bouzanquet et Tollet représentaient la C.G.T. à Dakar (extrait du Monde).


LE FRUIT DES COMPROMISSIONS

Le personnel du journal L'Ordre, de M. Buré, est en grève. En annonçant la nouvelle, les journaux se sont tus discrètement sur la raison de ce mouvement. Et pour cause...

Lors de la grande grève du mois dernier, on laissa croire que les ouvriers de la presse avaient repris le travail sans avoir obtenu satisfaction. En fait, un arrangement verbal était intervenu entre patrons et ouvriers, accordant des augmentations en "dessous de table". Pour les grévistes, l'essentiel n'était-il pas d'obtenir satisfaction à tout prix, de sauvegarder les intérêts de leur corporation, fut-ce au détriment de ceux de l'ensemble des travailleurs ? C'est pourquoi ils se sont rendus complices de ce mensonge, appuyant par leur attitude l'offensive patronale et gouvernementale contre les salaires de tous les travailleurs, pour obtenir un avantage qui s'avéra précaire.

Aujourd'hui, on se rend compte combien cette "victoire" cachée était illusoire. M. Emile Buré refuse de se conformer aux accords intervenus. Qui peut l'y obliger ? Il a la loi pour lui. Demain, les patrons des autres journaux peuvent adopter la même attitude s'ils le désirent.

Et quel recours reste-t-il aux ouvriers ? Ils sont dans l'impossibilité de dévoiler l'objet de leur grève, ils se sont interdit de faire appel à la solidarité des autres travailleurs puisque leur syndicat a piétiné lui-même cette solidarité.


...ECHOS...


RENAULT


Nous publions ci-dessous le récit d'un participant à l'Assemblée du 23-4, chez Renault (secteur Collas), où fut décidée la grève pour les 10 francs :

A 12 h.30, lorsque j'arrive, le trottoir (large d'au moins 8 mètres) est encombré d'ouvriers qui sont là, par dizaines et discutent ; tandis que, par paquets, les ouvriers sortant de la cantine continuent d'affluer. Toutes les conversations roulent sur le même sujet : ce qui va se passer tout à l'heure. Et le mot de grève circule. Un tract diffusé dans la matinée, de la main à la main, nous a fait savoir que le Comité de grève, élu à l'Assemblée générale précédente par 350 ouvriers contre 8, a tenu à nous réunir afin de nous mettre au courant des démarches qu'il a effectuées auprès de la direction.

Une heure donnée doit être respectée, et, à 12 h.30 précises, un camarade, qui est déjà sur la fenêtre, commence à parler. Au premier rang de cet auditoire, bien plus nombreux que la fois précédente, où se retrouvent presque tous les ouvriers des deux départements faisant la "normale", soit quelque 700 ouvriers, des coups d'oeil significatifs s'échangent ; les visages sont plutôt gais, quoique les esprits soient tendus. Le camarade explique brièvement, en termes clairs, l'échec de la délégation, auquel d'ailleurs on s'attendait. Et, devant l'auditoire ouvrier attentif, il démontre que l'arme gréviste reste le seul moyen permettant d'obtenir satisfaction. Au milieu des cris d'approbation qui fusent de toutes parts, il explique que la grève à venir sera une lutte des plus sérieuses qu'il faudra mener avec résolution jusqu'au bout. "Il ne sera plus question de jouer de l'accordéon ou de rester les bras croisés à attendre que ça tombe, mais il faudra s'organiser pour faire connaître le mouvement dans toutes les usines, faire des piquets de grève et défendre les issues de l'usine au besoin."

Répondant d'avance aux objections que pouvaient faire certains sur la perte d'argent que cela occasionnerait, et l'intervention toujours possible de la police, il indique que le paiement des journées de grève sera exigé ; quant aux "lacrymogènes" de la police, pendant plus de six ans nous avons reçu des bombes sur la gueule et on n'a rien dit. On s'est continuellement serré la ceinture avec les sacrifices que la bourgeoisie nous a imposés pour défendre ses coffres-forts. Et aujourd'hui, nous n'aurions pas la force et le courage d'en faire au moins une infime partie pour nous ?" Appuyant ces paroles de cris bruyants, les ouvriers marquaient leur approbation.

Passant au vote, le camarade demande aux ouvriers de se prononcer sur la grève en tant que moyen à envisager dans les délais les plus courts. Tandis que quelques voix seulement votent "contre", les ouvriers votent "pour". C'est alors que le délégué cégétiste, littéralement poussé par ses "copains" qui lui ont frayé un chemin, s'avance pour exposer son point de vue, ainsi que le camarade venait de le demander, invitant les opposants à émettre leur point de vue. Malgré le calme relatif, les ouvriers étant curieux de connaître ses objections, il ne put éviter de s'attirer la réplique d'un ouvrier : "Tu vois, ici au moins, il y a de la démocratie". Grimpé sur la fenêtre, parlant à voix basse et ne sachant pas trop quoi dire, le délégué entreprit d'expliquer aux ouvriers la "situation réelle en ce qui concerne les salaires" ; pour son malheur, il se mit à parler d'une délégation qui était allée voir Lefaucheux (avec la demande d'établir une égalité de salaires entre les ouvriers d'ici et ceux de chez Citroën, avec effet rétroactif), que d'ailleurs, ajouta-t-il, elle ne trouva pas. Manifestement, les ouvriers vomissent les délégations et, à peine le délégué achevait-il ses dernières paroles que sa voix était couverte d'exclamations plus ou moins significatives. "Les délégations, on en a assez". "Jusqu'où comptez-vous nous mener en bateau ?". "On n'en veut plus de tes délégations, maintenant, ce qu'il faut, ce sont des actes". J'ajoute moi-même : "Egalité avec Citroën, mais là-bas ils crèvent de faim aussi". Abrégeant son exposé, le dé-légué lança un "appel au calme" et une mise en garde "contre les démagogues" fut non moins huée que les "délégations". Après quoi, il dut descendre pour céder la place à un ouvrier d'une trentaine d'années qui, grimpé sur la fenêtre, expliqua, en quelques mots, ce qu'il pensait et des délégués et des délégations : "Camarades, depuis des mois, on nous fait attendre des augmentations qui doivent toujours arriver demain. On nous a déjà fait l'histoire en février et on nous a dit que l'absence de Lefaucheux, à l'époque, avait empêché les revendications d'aboutir. Cela a recommencé hier et, une fois encore, il n'était pas là. Et les délégués sont repartis, comme avant. Cela ne peut plus durer. Jusqu'à quand allons-nous nous laisser mener ? Maintenant, ce n'est plus des parlottes qu'il faut, ce sont des actes".

Complétant dans le même sens ce que l'ouvrier venait de dire, le premier camarade parla du Minimum vital qui fut mis à l'ordre du jour de la C.G.T., en novembre et qui devait être appliqué avec effet rétroactif également. "Mais la C.G.T., dit-il, capitula sur le minimum vital et l'on ne parla plus ni du minimum vital ni de son effet rétroactif. Comment pouvons-nous croire à présent des personnes qui ont capitulé de la sorte ? Qu'est-ce qui nous prouve qu'ils ne capituleront pas de la sorte demain, avec leurs délégations ?" Cet incident clos de la bonne manière, le camarade demande alors, pour clore la réunion, que les ouvriers manifestent par un second vote leur confiance au Comité de Grève afin de l'habiliter à déclencher la grève au moment opportun. Si la grande majorité qui accorda sa confiance au Comité de grève fut la même que précédemment, il n'en fut pas de même des "contre" qui voyaient leur nombre ramené à 8. Lorsque la majorité vota, un ouvrier qui se trouvait près du délégué lui cria à l'oreille : "Tu les vois, tous ceux qui sont pour l'action, rince-toi l'oeil !".


POUR QUI TRAVAILLENT LES OUVRIERS ?

Pour justifier ses refus successifs d'augmenter les salaires, M. Lefaucheux, directeur de la Régie Renault, a prétexté le bilan déficitaire de la Régie Renault : "Nous ne pouvons pas vous payer, parce qu'il n'y a plus d'argent..."

La production aurait-elle diminué pour expliquer ce déficit ? En 1945, 12.000 véhicules ont été fabriqués ; en 1946, 30.000, et en 1947, le programme s'accentue de semaine en semaine.

Oui, mais le personnel a augmenté, nous rétorque-t-on. Fort bien... Mais alors, n'est-ce pas une preuve que les affaires (celles des patrons) marchent à merveille ?

Au moment de la "bataille des 25%", la section syndicale Renault déclarait que, pour une Juva 4, 10.000 fr. de salaires étaient déboursés, alors que cette voiture était cataloguée à 107.000 fr. Admettons qu'avec l'inflation ces chiffres soient périmés. Il n'y a cependant aucun doute que leur écart ne se soit agrandi depuis.

Les Juva 4 sont revendues à l'étranger avec 20.000 francs de perte. Seulement, l'effort des ouvriers qui les ont réalisées a été payé en francs Schuman, alors que c'est en devises que les acquéreurs étrangers les ont réglées. Quelle est la destination de ces devises ? En premier lieu, le compte en banque des actionnaires, le financement de l'armée, tout ce qui concerne "les intérêts bien compris" de nos capitalistes, et, en second lieu, l'achat de l'outillage.

Or, la direction, qui est étrangement silencieuse sur la première destination des fonds de la Régie, l'est beaucoup moins sur la seconde. Elle est même très loquace : les usines du Mans, de Saint-Etienne, d'Orléans, d'Annecy, de Vernon, de Saint-Michel, etc..., ont été reconstruites et tournent à pleins bras ; 1.500 machines neuves ont été achetées, et surtout, surtout, la 4 CV !... Tout est mis en oeuvre pour sa réussite. La substance des ouvriers n'est pas ménagée. Pensez donc, il est même question que les ouvriers pourront en acheter ! Encore faudrait-il qu'ils puissent acheter le pain quotidien et payer le loyer !...

En attendant, il faut produire sans revendiquer. Et quand la 4 CV sortira, les bénéfices subiront le même sort : actionnaires, achat de machines avec un nombre plus grand d'ouvriers pour les faire marcher. Ceci, si les affaires "tournent rond". Mais si les voitures ne se vendent plus, il ne nous restera plus qu'à aller chercher du travail ailleurs... Voilà la perspective pour demain si nous continuons à nous soumettre aux "arguments" du patronat.


A la Régie Renault, des ouvriers font des semaines de 60 heures. Transformés en véritables robots, ils travaillent sur deux ou trois machines à la fois. Mais chez Caudron, Hispano et ailleurs, on débauche. Les ouvriers vont enfin récolter les fruits du mot d'ordre "produire". Pour 500 d'entre eux qui sueront sang et eau en usine à des salaires de famine, 1.000 autres crèveront de faim aux portes des bureaux d'embauche.


LA SÉCURITÉ SOCIALE

La C.G.T. et la C.F.T.C. ont engagé la bataille électorale pour la Sécurité Sociale. De nombreux ouvriers se disent : "Il va falloir encore voter, pourquoi ?"

La Bourgeoisie, aidée par son Etat, a réduit notre pouvoir d'achat à un tel point que tous nous vivons au jour le jour.

La Sécurité Sociale, qui garantirait l'ouvrier contre la misère, le chômage ou la maladie, serait une belle conquête sociale.

Mais actuellement, comment parler de sécurité pour les travailleurs quand l'ouvrier en bonne santé, qui travaille à la cadence maximum, avec de longues journées, n'arrive pas à joindre les deux bouts.

"La Sécurité Sociale, c'est la liberté garantie par la suppression du souci du lendemain", dit un tract de la C.G.T. "Vous n'aurez pas le minimum vital, peu importe, vous avez la Sécurité Sociale".

Nous faire croire, dans le but d'obtenir quelques places dans une administration, qu'une loi bourgeoise peut nous garantir "contre le souci du lendemain", à un moment où l'inflation ruine chaque jour davantage les classes pauvres, où le chômage et la guerre sont de plus en plus menaçants, c'est le comble de l'impudence et du cynisme.

La C.F.T.C. et la C.G.T. essaient de nous détourner de nos revendications en nous donnant un os à ronger. Nous ne voulons pas d'aumônes de la Sécurité Sociale ; nous exigeons un salaire qui nous permette de vivre.

(Extrait de La Voix des Travailleurs, de chez Renault, 16-4-47).


PRODUCTION "NON RENTABLE"

Une petite entreprise de la banlieue parisienne fabriquant des cafetières est en train de se ruiner parce qu'elle ne peut soutenir la concurrence avec Peugeot qui, on le sait, lance de grandes quantités de cette marchandise sur le marché, à bas prix. Et ce cas particulier n'est qu'un exemple d'une généralité de plus en plus répandue.

Or, depuis deux ans, de tous côtés, on n'a qu'un seul mot d'ordre : produire. Toutes les entreprises, de la plus petite fabrique de cafetières à Peugeot ou Renault, ont produit à pleins bras. Le résultat, aujourd'hui, c'est que les grosses industries, qui ont produit uniquement pour l'exportation, ont reçu, en retour, des devises étrangères et se sont enrichies ; tandis que les petites industries, produisant des articles de consommation courante, de première nécessité comme des cafetières, des casseroles, des matelas, etc..., sont en train de se ruiner parce que la masse de la population française a un pouvoir d'achat trop faible.

Alors qu'on nous a présenté la production à outrance comme le seul moyen de relever le pays et d'améliorer notre standard de vie à tous, après la guerre, nous voyons qu'en réalité l'effort de production, fourni par les ouvriers, n'a profité qu'aux gros patrons.


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