1947

PRIX : 3 francs – 24 SEPTEMBRE 1947
L'EMANCIPATION DES TRAVAILLEURS SERA L'ŒUVRE DES TRAVAILLEURS EUX-MÊMES
La Voix des Travailleurs – ORGANE DE LUTTE DE CLASSE


Voix des Travailleurs nº 20

Barta

24 septembre 1947


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LA MAIN DANS LE SAC

Tandis que sur le devant de la scène, C.G.T., patronat et gouvernement – les trois larrons – pour tromper les travailleurs, se rejettent réciproquement les responsabilités, dans les coulisses ils agissent la main dans la main, et de temps à autre nous pourrons les surprendre la main dans le sac...

Hier, c'était le mauvais patronat qui gênait le bon gouvernement, aujourd'hui c'est le mauvais gouvernement qui sabote l'application des accords C.G.T.-patronat. Mais cette savante division du travail où l'un (la C.G.T.) fait semblant de lutter avec les travailleurs, tandis que l'autre (le gouvernement) prend le masque antipatronal ("l'application des accords C.G.T.-C.N.P.F. provoquerait la hausse des prix" dit Ramadier) est complétée par un soutien mutuel direct contre la démocratie ouvrière. En effet, celle-ci pour peu qu'elle existe réellement, amène automatiquement à la tête des travailleurs des ouvriers conscients et constitue par conséquent la plus grave menace pour nos larrons : si à la tête de la C.G.T., les bureaucrates actuels venaient à être remplacés par des ouvriers élus à la base, que deviendraient leurs combinaisons ?

Or, on se souvient de la piteuse aventure arrivée aux chefs de la C.G.T. le printemps dernier, aux élections pour la nomination des administrateurs de Caisses primaires à la Sécurité sociale. Pour vaincre l'antipathie des travailleurs contre l'appareil syndical et le système antidémocratique, on leur accorda le maigre droit de panachage : c'est-à-dire d'élire non pas automatiquement les têtes de liste, mais de choisir parmi les candidats d'une même liste. Résultat de ce droit : les chefs de la C.G.T., les Hénaff, Costes, Reynaud, etc. furent mis par les travailleurs en queue de liste !

Nos "démocrates" ont dû recourir à un subterfuge : obliger les candidats de base à démissionner pour prendre leur place.

Il a suffi d'un droit démocratique aussi maigre que celui de choisir parmi les propres candidats de la C.G.T. pour que les combinaisons bureaucratiques soient mises en danger par les travailleurs.

Or, le mois prochain doivent avoir lieu des élections du conseil d'administration des Caisses régionales de Sécurité sociale. Un décret paru au "Journal officiel" du 17 septembre, abolit le panachage et le vote préférentiel ! Les candidats présentés en tête de liste par la C.G.T. sont donc assurés d'être élus. Qui signe ce décret ? Daniel Mayer et Ramadier ! Comme on le voit, point besoin que Croizat soit au ministère pour que les lois antidémocratiques (comme celle des élections de délégués) soient votées. CES MESSIEURS COMPRENNENT TRES BIEN LEURS INTERETS COMMUNS.

Et les intérêts des dirigeants de la C.G.T. sont tellement étrangers à ceux des travailleurs, qu'un semblant de droit démocratique que leur avait accordé un Ramadier première version, leur est maintenant retiré par le Ramadier deuxième version.

Mais pour se débarrasser des larrons du gouvernement et avoir un gouvernement qui agisse démocratiquement : c'est-à-dire un gouvernement ouvrier et paysan, il faut au préalable débarrasser le mouvement ouvrier lui-même de la tutelle des bureaucrates.

LA VOIX DES TRAVAILLEURS


UNE MAISON DE FOUS ...

Les exportations sont destinées, nous dit-on, à procurer aux pays exportateurs les devises indispensables à l'importation des produits dont ils manquent. Or, les journaux de cette semaine nous apportent à ce sujet une nouvelle pour le moins curieuse : Tandis que les usines anglaises de textile travaillent activement pour l'exportation, la Grande-Bretagne se prépare à importer de France des tissus pour complets, à concurrence de 1.500.000 livres (c'est-à-dire environ 1 milliard 800 millions de francs). Autrement dit, l'Angleterre exporte des tissus pour complets et, à l'aide des devises ainsi récupérées, elle importe... des tissus pour complets.

Serait-ce une histoire de fous ? C'est, en tout cas, l'illustration de la folle gabegie dans laquelle nous plonge le règne capitaliste.

Les capitalistes anglais fabriquent des tissus que, par suite des salaires trop bas, les ouvriers anglais, et avec eux toutes les couches pauvres de la population, ne peuvent acheter. Ces tissus sont donc exportés vers des pays à niveau de vie supérieur : Etats-Unis, Canada, Australie. Mais alors se pose un autre problème : comment vêtir les ouvriers anglais, incapables, avec leurs salaires, d'acheter les produits qu'ils ont eux-mêmes fabriqués ? La solution est simple : d'abord instituer un rationnement sévère (en Angleterre les points de textiles subsistent), afin de réduire artificiellement les besoins au minimum. Puis, pour satisfaire ce minimum indispensable, se procurer des tissus meilleur marché que ceux de la production nationale. Et où trouver ces derniers : là où la main-d'oeuvre est encore moins chère.

Puisque la monnaie française est fortement dépréciée, puisque les salaires français sont réduits à un taux de famine, il est évident que, pour les possesseurs de livres, les produits français sont très avantageux.

C'est pourquoi l'Angleterre, gros producteur de tissus se prépare à importer pour 1 milliard 800 millions de tissus français.

Pendant ce temps, la moitié de la France porte des haillons.

L'ouvrier français, tout comme l'ouvrier anglais, est incapable de payer, avec son salaire, les produits qui sortent de ses mains. Mais si les ouvriers anglais, par suite de la détresse encore plus grande de leurs frères français, ont pu voir satisfaire, jusqu'ici, une partie de leurs besoins, vers qui la bourgeoisie française pourrait-elle se tourner pour faire la même opération ? Le niveau des travailleurs français est un des plus bas. Où chercher les produits à portée de leur bourse ?

Pour que les travailleurs français puissent acheter ce qui leur faut, la production doit être orientée vers les besoins intérieurs du pays. L'exportation vers les pays à monnaie forte n'est que l'organisation de la misère des travailleurs français, les devises elles-mêmes ne servant, comme l'a révélé le dernier scandale, qu'aux besoins de luxe et à la politique de spéculation de la bourgeoisie.


Les services du Ravitaillement communiquent "qu'une importante quantité de morue salée permettrait cet hiver d'améliorer le ravitaillement". Si le salaire de l'ouvrier ne lui permet pas d'acheter la viande qui existe en abondance, il pourra bien se contenter de manger de la morue salée.

La ration de sucre ne pourra pas être sensiblement améliorée, pas au-delà de 750 grammes, car "si les prévisions en matière de sucre sont sans doute assez bonnes", il faudrait, pour améliorer la ration, "supprimer des attributions de sucre à la distillerie et à la confiturerie" qui travaillent pour l'exportation et la consommation des riches.

"En ce qui concerne l'huile, il n'y a également aucune décision arrêtée". On espère en distribuer 250 grammes... avant la fin de l'année.

Si on exporte à bon prix le beurre, l'huile, le vin, le sucre, etc., les ouvriers français en échange, peuvent manger... de la morue.

LUCIENNE


LE SYNDICAT DEMOCRATIQUE RENAULT ENTAME LA LUTTE

CONTRE LA VIE CHERE
POUR L'ECHELLE MOBILE

En dépit des accords C.G.T.-patronat, nulle part les ouvriers n'obtiennent l'augmentation des 11% sans être obligés de faire grève. Ces accords, qui n'étaient qu'une duperie organisée avec le concours des dirigeants cégétistes, reconnaissent pourtant qu'il était possible au patronat d'accorder cette minime augmentation. Mais le patronat se refuse à augmenter les salaires et ne veut pas davantage baisser ses prix. Il augmente toujours plus l'écart entre prix et salaires, mettant les ouvriers dans l'impossibilité de se suffire avec ce qu'ils gagnent. En se refusant de payer aux ouvriers un salaire qui leur permette de vivre, il les met dans l'alternative soit de crever de faim, soit de se mettre périodiquement en grève.

Une statistique du ministère du Travail estime que 7.176.183 journées de travail ont été perdues par suite des grèves en cours du premier semestre 1947. La satisfaction des revendications ouvrières aurait représenté une perte moins grande pour les capitalistes que la perte de ces millions de journées de travail. Le patronat ne peut pas invoquer son impossibilité de supporter les revendications ouvrières, quand il peut se permettre de supporter la perte des bénéfices que représentent ces millions de journées de chômage.

Cette politique du patronat est uniquement justifiée par son intention d'épuiser les ouvriers dans les luttes incessantes, jusqu'à ce qu'ils finissent par se résigner à leur sort. Car si les ouvriers ne peuvent pas se résoudre à mourir de faim, il n'est pas moins pénible pour eux, de soutenir continuellement de dures luttes grévistes.

C'est pour mettre fin à cette alternative que le S.D.R., de même que les grévistes de Peugeot, opposent au patronat la revendication du salaire minimum vital calculé en fonction de l'indice des prix (échelle mobile). Le minimum vital, en défendant le salaire contre sa continuelle dépréciation, permet à la classe ouvrière de contrecarrer la politique de vie chère du patronat et du gouvernement.

Le sentiment de tous les ouvriers : c'est qu'il faut un nouveau juin 36. Il est encore temps, aujourd'hui que la lutte ouvrière bat son plein, de parer à la contre-offensive que prépare la bourgeoisie. L'unification de leurs luttes se fera, si les ouvriers se concertent et organisent l'action dans chaque usine sur les revendications communes à toute la classe ouvrière. C'est vers ce but que tend l'action, entamée par le S.D.R., que nous relatons par ailleurs.


"LIBERTE DU TRAVAIL"

par Pierre BOIS

Lorsque des camarades du S.D.R. ont interdit l'accès des ateliers aux délégués des départements 6 et 18, non parce qu'ils voulaient les empêcher de travailler, mais parce que les ouvriers ne les voulaient plus comme délégués et que ceux-ci refusaient de donner leur démission, la direction cégétiste et la direction patronale ont accusé nos camarades de commettre une "entrave à la liberté du travail" et les ont menacés de peines d'amende et d'emprisonnement.

Au nom de la "liberté du travail", ils entendaient imposer la volonté de trois délégués à celle de douze cents ouvriers qui ne voulaient plus d'eux comme représentants. Mais les ouvriers, pour pouvoir se défendre contre le patronat, ont toujours dû expulser les jaunes ou mettre à la raison les éléments inconscients qui sabotent leurs intérêts.

La mise à la porte des délégués qui s'étaient comportés en jaunes, était une action décidée par la majorité des ouvriers. La direction a invoqué la loi sur "la liberté du travail" pour CONTRECARRER LE DROIT DES OUVRIERS D'AGIR DE FAÇON CONCERTEE de la même façon que le patronat invoque cette loi quand, au moment d'une action gréviste, il cherche à introduire des jaunes et des briseurs de grève.

Cette loi a, en effet, pour unique but, de permettre au patronat de s'opposer à l'action commune des ouvriers, et de lui donner l'appui de la force publique pour briser cette action.

Si le patron peut invoquer contre les ouvriers la "liberté du travail" pour introduire parmi eux ses agents, les ouvriers, par contre, ne peuvent pas avoir recours à cette loi quand le patron, pour son bon plaisir, met à la porte quelques-uns d'entre eux sans aucun motif professionnel, les mute d'un département à l'autre, se débarrasse des plus combatifs, etc. Le dernier exemple en date est celui de notre camarade Lopez, qui a été renvoyé sous le prétexte qu'il n'avait pas de carte de travail.

Le patronat, obligé de reconnaître aux ouvriers le droit de se coaliser, de se syndiquer et d'agir d'une façon concertée pour la défense de leurs intérêts, cherche, en invoquant la loi sur la "liberté du travail", à annuler les effets de ce droit, en faisant agir contre les ouvriers des jaunes et des briseurs de grève, en opposant par exemple à une action gréviste décidée par la majorité des ouvriers, une minorité d'inconscients ou d'éléments étrangers à l'usine, chômeurs, etc...

La loi sur la "liberté du travail" n'est donc autre chose qu'une RESTRICTION AU DROIT DE COALITION DES OUVRIERS  .

Contre cette liberté patronale, les ouvriers, au contraire, luttent pour défendre LEURS libertés : celle de se coaliser et de se concerter pour défendre leurs droits dans des actions communes, celle de faire respecter leurs décisions en faisant la chasse aux jaunes.

Et ce n'est pas d'aujourd'hui que la classe ouvrière agit en ce sens. Avant la guerre, dans le bâtiment, par exemple, nous allions bien souvent, après nos réunions syndicales, en compagnie de membres des comités de chômeurs, chasser de leurs chantiers ceux qui, au nom de la liberté du travail, travaillaient le samedi, sabotant ainsi la semaine de quarante heures qu'il fallait imposer au patronat, et retirant le pain de la bouche à de nombreux ouvriers en chômage.

La C.G.T. elle-même ne revendique-t-elle pas le contrôle sur l'embauche et la débauche, ce qui une atteinte, du point de vue patronal, à la "liberté du travail" ? Mais en fait, pour la C.G.T., cette revendication signifie uniquement le monopole de ce contrôle à son profit. Pour les ouvriers cependant, le contrôle sur l'embauche et la débauche est effectivement une revendication élémentaire, entrant dans le cadre de leur droit de coalition et de leur droit de se défendre, dans le travail, contre l'arbitraire patronal.

En fait, la "liberté du travail", en dehors de son utilisation antiouvrière par le patronat, n'est qu'un vain mot. Le travail, pour celui qui doit vendre sa force de travail, n'est pas une liberté, mais une pénible nécessité.

Dans la société capitaliste, la liberté du travail pour les ouvriers consiste à avoir le droit de faire des heures supplémentaires, de travailler dix heures par jour à une cadence forcenée pour un salaire de famine. La "liberté du travail" est la liberté pour le patron d'exploiter l'ouvrier dix heures tous les jours, et aussi la liberté de le mettre à la porte quand il n'en a plus besoin, de le renvoyer ou de le muter quand il ne fait pas une cadence "suffisante". La "liberté du travail", c'est encore le droit pour le patron d'employer des jaunes quand les ouvriers veulent user de leur droit de grève. La "liberté du travail", c'est le droit pour ceux qui travaillent de crever de faim, et la possibilité pour ceux qui ne font rien, de jouir et de gaspiller le travail des ouvriers.


Les dernières révélations sur la bombe atomique

LES SAVANTS S'OPPOSAIENT A SA FABRICATION ...

Il y a deux ans, le 10 août 1945, le gouvernement américain, par deux bombes atomiques lancées successivement, faisait anéantir les villes japonaises de Hiroshima et Nagasaki. Il a été démontré à l'époque et prouvé depuis que le but du lancement de ces bombes n'était pas de faire capituler le Japon (celui-ci ayant fait une offre de paix dès le 22 juillet), mais d'expérimenter l'effet d'un bombardement atomique sur de grandes agglomérations humaines et, surtout, d'effrayer les masses populaires de tous les pays par la puissance de cette nouvelle arme que possédait la bourgeoisie.

Nous apprenons cependant aujourd'hui, par les révélations d'une personnalité américaine, publiées dans Le Monde du 7 septembre, que la bombe atomique n'a pas été lancée sans qu'auparavant une forte opposition se soit manifestée. En effet, devant l'immensité du crime que l'on préparait, les savants qui avaient participé aux recherches sur la désintégration atomique et accompli docilement, jusqu'alors, les tâches prescrites par la bourgeoisie, reculèrent d'effroi. Eux qui avaient travaillé à mettre l'énergie atomique au service de l'humanité se refusaient à voir le fruit de leurs efforts utilisé à massacrer des milliers d'êtres humains. A la nouvelle que le gouvernement américain avait réellement l'intention de fabriquer une bombe, "une crise morale sévit parmi les savants", rapporte Le Monde. Nombreux furent ceux qui abandonnèrent leurs travaux (quel sacrifice énorme cela signifiait pour eux !) d'autres souffrirent de dépression nerveuse...

Pour apaiser ces consciences et parvenir à ses fins, le gouvernement américain fit venir spécialement d'Angleterre Niels Bohr, une célébrité, qui, joignant à ses talents de docteur ceux de "philosophe" s'employa à démontrer aux savants scrupuleux la valeur morale de la fabrication et de l'utilisation de la bombe atomique : "puisqu'elle existait en fait, tôt ou tard la guerre rendrait son utilisation inévitable.

Plus tôt on ferait une démonstrations de sa puissance effroyable, mieux ce serait, pour les Etats-Unis..."

La majorité des savants durent s'incliner ? Depuis des années, seuls les canons avaient parlé. Que pouvait maintenant, au fond des laboratoires, la faible voix de la conscience de ces savants ? Face aux capitalistes, marchands de canons et autres partisans de la continuation de la guerre et de l'utilisation de tous les moyens qu'elle comportait, il n'existait aucune opposition, aucune force sur laquelle ils puissent s'appuyer. Il n'existait donc aucune autre issue, pour les savants, que l'emploi de la bombe atomique ; encore le comité chargé d'en décider, dont ils faisaient partie, mit-il trois mois à s'y résoudre...

Seule la classe ouvrière, par une lutte organisée et résolue, pouvait s'opposer à la poursuite de la guerre impérialiste et à l'utilisation de la bombe atomique. Seule aujourd'hui, encore, la classe ouvrière du monde entier peut mettre un obstacle à la troisième guerre mondiale qu'est en train de préparer la bourgeoisie. Et l'exemple des savants américains prouve qu'elle trouvera l'appui nécessaire pour réussir, parmi les éléments même sur qui la bourgeoisie nous paraît exercer le plus solidement son autorité.

Note. – Nous devions publier cet article il y a quinze jours dans le numéro 18 de La Voix. Le manque de place nous en a empêchés jusqu'ici.


EN ITALIE... COMME EN FRANCE !

Il y a huit jours, en Italie, la vague gréviste atteignait son point culminant : au million de travailleurs agricoles en grève dans le Nord, venaient se joindre, le 17 septembre, plusieurs centaines de milliers de métallurgistes et d'ouvriers de diverses branches d'industrie, tandis que menaçaient d'arrêter le travail, si satisfaction n'était pas donnée à leurs revendications, des dizaines de milliers d'ouvriers des manufactures de tabac et du textile, de cheminots et de fonctionnaires.

En Italie, comme en France, les travailleurs se sont mis en grève pour protester contre la politique de vie chère et de bas salaires du gouvernement.

Les dirigeants du parti "communiste" et du parti "socialiste" italiens, eux-mêmes effrayés par l'ampleur de ces mouvements de masse, se sont empressés de rassurer la bourgeoisie. "Il n'y aura pas de révolution, ni de pré-révolution", déclarait Pietro Nenni, leader "socialiste", au nom des deux partis. Et pour endiguer le mouvement et le détourner de son but révolutionnaire, les bureaucrates ont organisé des manifestations monstres, comme "la marche de la faim", à Rome (genre manifestation Champ-de-Mars), pour demander... que "socialistes" et "communistes" reviennent au gouvernement. Comme si cela allait mieux pour les masses quand ils y étaient, il y a quelques mois !

Pendant ce temps, d'autres "sauveurs" accouraient à l'aide du régime en péril : aux Etats-Unis, de hautes personnalités en appelaient à la nécessité d'accorder d'urgence des crédits spéciaux pour l'Italie, afin de soutenir, d'un autre côté, le gouvernement menacé par le mouvement ouvrier.

C'est ainsi que, épaulées d'un côté par les social-traîtres, de l'autre par les dollars américains, les classes dominantes réussissent à maintenir un régime pourri.

Depuis quatre ans qu'ils ont renversé Mussolini et le fascisme, les travailleurs italiens s'épuisent en des grèves incessantes pour améliorer leurs conditions de vie. Depuis quatre ans, la bourgeoisie et les réformistes conjuguent leurs efforts pour briser ces mouvements et maintenir, à leur profit, un régime qui ne survit que par l'inflation, la faillite monétaire, l'oppression étrangère et plonge les travailleurs et les populations pauvres dans une misère de plus en plus atroce.

En Italie... comme en France !


LE TRACT DU SYNDICAT DEMOCRATIQUE RENAULT

Dans une lettre à la direction de la Régie, la C.E. du S.D.R. a demandé une entrevue pour la matinée du jeudi 25-9, pour entamer des négociations sur la question des salaires.

Pour appuyer cette démarche, le S.D.R. a diffusé un tract adressé aux ouvriers de l'usine. Bien que les autres organisations syndicales aient montré une carence complète, il s'adresse également à elles pour qu'elles se joignent à sa démarche auprès de la direction.

En effet, la direction prétend que les ouvriers n'ont plus droit à aucune augmentation après celle accordée depuis le mois de mai. Les ouvriers ne peuvent accepter cette prétention. Depuis la vie a augmenté de 50%. De plus, les 11%, selon les accords C.G.T.-C.N.P.F. entérinés par le gouvernement, concernent une augmentation sur le salaire effectivement payé au mois de juillet. L'attitude de la direction n'est donc qu'un essai de rogner le salaire ouvrier, en comptant sur la carence des organisations syndicales et l'indécision des ouvriers.

Dans sa lettre à la direction, le S.D.R. demande à "régler la question des salaires de façon que les ouvriers ne soient pas mis devant l'alternative, soit de se mettre périodiquement en grève, soit de crever de faim", comme c'est le cas actuellement.

Le S.D.R. demande que soit garanti aux ouvriers un salaire minimum vital calculé en fonction de ce que coûtent les objets de première nécessité ; ils ne peuvent pas admettre que leur salaire soit calculé au prix la plus bas, alors que les fabrications de la Régie sont vendues au prix du jour le plus fort. Ou alors que la Régie cesse de fabriquer des voitures pour l'exportation (le récent scandale des devises a bien montré que celles-ci ne servent qu'aux capitalistes) et qu'elle fabrique des camions, des tracteurs, des produits nécessaires à la reconstruction du pays et vendus en proportion du salaire ouvrier. Il n'y a pas d'autre moyen de lutter contre la vie chère.

En outre, pour faire cesser le régime de l'arbitraire dans les conditions de travail, d'horaires, d'hygiène, etc., le S.D.R. fait appel aux ouvriers pour qu'ils dressent par département des cahiers de revendications et qu'ils élisent, dans ce but, des commissions formées de camarades ayant leur confiance.

Tous les ouvriers appuieront le S.D.R. qui entame cette action au nom de tous pour des revendications voulues par tous. Il n'en réclame nullement le monopole. Contrairement aux dirigeants cégétistes qui négocient par-dessus la tête des ouvriers, il appelle tous les ouvriers à participer par leur action à ses démarches auprès de la direction. Il met en avant les chances que les ouvriers ont de faire aboutir leurs revendications, au moment où tant d'autres secteurs de la classe ouvrière sont en lutte.

Jean BOIS


CHEZ RENAULT


LES JAUNES PROVOQUENT LES OUVRIERS

De nombreux ouvriers du secteur Collas, lorsqu'ils ont appris que la C.G.T., à la suite de ses négociations, n'avait obtenu que 0 fr. 05 (1 sou) d'augmentation, sont allés trouver les délégués pour demander des explications. Ces délégués cégétistes, bien que n'ayant été élus que par 168 voix sur 794 inscrits, en raison de la loi électorale sur les délégués, représentent légalement l'ensemble des ouvriers auprès de la direction. Mais aux questions des ouvriers, les délégués cégétistes Leblond et Savoy répondirent que "les salaires ne les intéressaient pas, qu'ils n'étaient pas là pour nous donner des renseignements, qu'ils étaient là parce qu'il fallait y être, uniquement pour nous "em...".

Devant cette attitude de provocateurs, les ouvriers demandèrent aux délégués cégétistes, en meeting public, de donner leur démission de délégués. Les ouvriers ne pouvaient accepter d'être représentés plus longtemps par des gens qui non seulement ne remplissaient pas leur mandat, mais se comportaient à leur égard en jaunes. Persistant dans leur attitude, les délégués répondirent qu'"ils n'avaient pas d'ordre à recevoir des ouvriers et qu'ils feraient ce qui leur plairait".

Il ne restait d'autre solution aux ouvriers que d'interdire à ces jaunes l'accès de leur département.

Ce n'est donc pas en tant que cégétistes mais en tant que gens qui sabotent le mouvement ouvrier que les ouvriers du département décidèrent de les mettre à la porte. Il ne s'agissait pas de leur interdire de travailler. La preuve, c'est qu'un délégué cégétiste, père de six enfants, Poirier, ayant voulu travailler pour ne pas perdre son salaire, a été admis à le faire. Mais les ouvriers refusaient, après leur déclaration, de les avoir en tant que délégués qui parlent en leur nom.

Un autre cégétiste, ancien délégué, Facompré, a été maintenu en dehors de l'usine parce qu'ayant frappé un camarade. C'était donc bien une épuration à l'égard de jaunes.

Les cégétistes refusent de se soumettre à la volonté des ouvriers et osent encore invoquer pour eux la démocratie. Or qu'est-ce que la démocratie, sinon la volonté de la majorité des ouvriers ? S'ils avaient représenté les ouvriers, ils n'auraient pas eu besoin de recourir à la direction pour se défendre. Ce fait, à lui tout seul, prouve qu'ils sont au service de la direction contre les ouvriers. Parce que les ouvriers ne veulent plus se laisser traiter en mineurs, ces gens sont en colère et veulent se venger.


LA DEMOCRATIE CEGETISTE

Au sujet de la prétention de la C.G.T. d'invoquer la démocratie, des camarades nous demandent de publier certains faits récents qui illustrent son comportement.

A la fonderie, atelier 66, un ouvrier du S.D.R. a fait une collecte en faveur d'un ouvrier malade. Les cégétistes, pour manifester leur hostilité à une initiative prise en dehors d'eux, ont arraché la lettre de remerciement que l'ouvrier malade avait adressée à ses camarades.

Au même atelier, ils essayèrent de saboter la réunion d'information du S.D.R., en effaçant sa convocation au panneau d'affichage.

Lors des élections de délégués, ils organisèrent la fraude du vote, en remettant aux ouvriers algériens des bulletins à leur nom.

A l'atelier 46 aussi, les délégués cégétistes ont arraché du panneau d'affichage les affiches de convocation à la réunion du S.D.R.

Au roulement à billes, ils se sont emparés de La Voix, que diffusait une ouvrière, et l'ont brûlée.

A l'atelier 179, ils ont essayé d'empêcher de force un de nos camarades de diffuser un tract.

Au département 6, des ouvriers, indignés de la façon dont L'Humanité informe ses lecteurs, avaient affiché l'article relatant la soi-disant grève manquée du secteur Collas. Des cégétistes ont arraché l'article. Nous n'avons pas peur des calomnies, mais les membres du P.C.F. ont honte de leur presse.


DE CHARYBDE EN SCYLLA !

La C.G.T. avait fait des démarches auprès de la direction pour renvoyer nos camarades, et, forts de son consentement, ils ont fait courir des bruits dans ce sens dans l'usine, allant jusqu'à dire que le camarade Bois était arrêté. Cependant la direction a dû reculer devant l'agitation qui régnait parmi les ouvriers.

Irritée de cet échec, la section cégétiste, perdant la tête, a essayé de recourir à un autre moyen, qui n'a fait que la ridiculiser. Elle a donné l'ordre aux ouvriers du secteur Collas de faire grève pour demander le renvoi des membres du S.D.R. Résultat : sept ouvriers sur douze cents ont débrayé.

S'ils ne l'étaient pas déjà, les ouvriers de l'usine sont fixés maintenant de quel côté est la majorité, et si les dirigeants du S.D.R. ont, oui ou non, agi démocratiquement.


UN SYNDICAT D'EPICIERS

Par suite du système de paie mis en application depuis quelques mois au département 88, les ouvriers de ce secteur se voyaient, cette semaine, obligés de passer une fois de plus leur dimanche sans argent. Le S.D.R. décida de revendiquer la paie pour le vendredi au lieu du lundi, ou le paiement d'un acompte se rapprochant de la valeur de cette paie et apporté aux ouvriers à leur machine.

Le refus de la direction fut catégorique : on ne donnerait des acomptes qu'à ceux qui iraient les chercher après le travail, et pas plus de 2.000 francs. Après négociations, elle accepta de payer l'acompte dans le département, mais pas plus de 2.000 francs. Il est clair que ce que la direction ne voulait pas, c'était capituler sur le principe. Donner l'équivalent de la paie, c'était, en fait, faire la paie.

Devant cette intransigeance, les ouvriers décidèrent d'aller, vendredi, chercher leur paie eux-mêmes.

Invités à participer à la manifestation, les dirigeants cégétistes du département attendirent, pour répondre, d'avoir consulté... les lumières de la rue Yves-Kermel. Des ouvriers, pas question !

Après quoi, ils refusèrent toute participation, prétextant que "puisque la direction donnait un acompte, cela suffisait". Et, "après tout, nous n'avions pas voulu participer à la manifestation du Champ-de-Mars". Autrement dit, ils "nous rendaient la pareille".

Cela ressemble plus à un débat d'épiciers qu'à une attitude de responsables ouvriers.

Ces messieurs, en paroles, sont pourtant opposés au système de paie en vigueur dans notre département. Mais lutter activement contre ce système, c'est autre chose.

La direction, forte de l'appui de la C.G.T., fit pression sur les ouvriers : dès le lendemain matin, les contremaîtres déclaraient que ceux qui se mettraient en vedette pour aller chercher leur paie seraient punis. Ainsi le mouvement a échoué.

Messieurs les cégétistes, si attachés à l'"unité", nous prouvent une fois de plus, dans les faits, que ce sont eux les diviseurs.

DURIEUX


L'ENTREVUE AVEC L'INSPECTEUR DU TRAVAIL

Depuis plus de quinze jours, le S.D.R. avait posé quatre revendications auxquelles il n'avait pas encore été répondu. Mercredi dernier, 17 septembre, dès qu'il eut connaissance de l'agitation qui régnait à Collas et de la menace de grève, l'inspecteur du Travail fit appeler les représentants du S.D.R. à son bureau. M. Vernier-Palliez, neveu et bras droit de M. Lefaucheux, étant entré sur ces entrefaites, l'inspecteur du Travail leur donna rendez-vous pour le lendemain au bureau de l'inspecteur divisionnaire et s'empressa de donner réponse aux revendications restées en souffrance :

1° les cantines sont accordées au S.D.R. dans les mêmes conditions qu'aux autres organisations syndicales ;

2° l'utilisation des panneaux syndicaux est accordée au S.D.R.

Comme nous faisons remarquer qu'une note émanant de notre syndicat n'a pas pu être affichée parce que la direction n'a pas voulu mettre son visa, l'inspecteur du Travail prétend que les informations syndicales ne doivent comporter aucune attaque ni contre d'autres organisations syndicales ni contre la direction.

En somme, la loi du 16 avril prévoit un panneau d'affichage pour les organisations syndicales, mais les informations pour pouvoir être affichées doivent être soumises à la censure de la direction et de l'inspecteur du Travail.

Quant aux deux autres questions, la possibilité d'être associé aux discussions avec la direction, et la possibilité de déposer à date fixe nos revendications, l'inspecteur du Travail prétend que la loi ne nous y autorise pas.

Tant que nous n'avons pas de délégués, nous ne pouvons pas être reçus à la direction. Nos droits se limitent à faire de la propagande pour avoir des délégués aux prochaines élections.

Comme nous faisons valoir que nous pouvons recourir à la grève pour exiger des délégués à nous, l'inspecteur du Travail nous déclare que la grève n'est tolérée que dans les limites des droits reconnus par la loi. C'est ainsi que nous avons appris que des bouchers de Vaugirard s'étaient mis en grève pour une augmentation de salaire, leur patron les attaqua en justice et leur syndicat fut condamné, parce qu'ils avaient fait grève alors que leurs salaires étaient déjà au-dessus du taux légal. Voici une sévère entorse au droit de grève, si ce sont les tribunaux bourgeois qui doivent définir dans quelles circonstances les ouvriers peuvent ou ne peuvent pas faire grève.


COMMENT ILS ENTENDENT LA SOLIDARITE

Au département 6, une collecte a été faite en faveur du camarade Lopez, licencié sous un prétexte de légalité, à la suite de son action pendant la grève. Cette collecte a rapporté la somme de 3.010 francs.

Lorsque nos camarades ont présenté leurs listes aux délégués, ceux-ci ont refusé de verser quoi que ce soit. Ainsi, pour des gens qui prétendent représenter les ouvriers, la solidarité ne s'applique pas aux ouvriers victimes de la répression patronale, sous prétexte qu'ils n'appartiennent pas à leurs organisations.

Il y a quelque temps, au même département, l'ancien délégué qui, pendant la grève avait eu une attitude capitularde, est tombé malade. Malgré cela, les syndiqués du S.D.R. n'ont pas hésité à donner à la collecte faite en faveur de cet ouvrier, car pour eux, s'ils ont une conception différente de la lutte, la solidarité entre les exploités que la misère ou la maladie frappent sans distinction n'est pas un vain mot.

Bien plus, c'est un ouvrier membre du S.D.R. qui a pris l'initiative de la collecte.

Ce n'est pas la peine de clamer partout l'unité de la classe ouvrière si l'on se montre hostile à un simple geste de solidarité.


Dernière minute, L'ACIER N'ETAIT PAS DANS LA LIGNE...

Mardi soir, devant environ 800 auditeurs de Billancourt, Maurice Thorez a tenu un discours électoral. Ceux qui ont dû être étonnés ce sont certainement les gens de L'Acier, en l'entendant parler des ouvriers allemands qu'il ne faut pas confondre avec les capitalistes allemands. Eux, qui se sont donné tant de mal pour baver sur ce sujet contre La Voix, vont peut-être maintenant être obligés de copier sur elle... pour pouvoir être dans la ligne.


Nous demandons aux camarades qui écrivent à La Voix et qui désirent une réponse de ne pas oublier de mettre leur nom et leur adresse. A cette condition, nous nous efforcerons, chaque fois que la question intéressera tous les ouvriers, d'y répondre dans le journal.

Que ces camarades mentionnent également s'ils désirent que l'on publie leur signature.


Comment aider La Voix ? On peut choisir un ou plusieurs des moyens suivants :

   1°)

Acheter chacun un ou plusieurs numéros et les vendre ou les diffuser.

   2°)

Faire des ventes dans l'usine, à la porte de notre usine et d'autres usines.

   3°)

Etablir des liaisons avec des camarades d'autres usines susceptibles de vendre et de diffuser le journal.

   4°) 

Souscrire et recueillir des souscriptions.

   5°)

Afficher le journal partout où passent et se réunissent beaucoup d'ouvriers et encadrer certains articles très importants ou d'actualité.

   6°)

Veiller à ce que La Voix soit bien mise en évidence dans les kiosques autour de notre usine.


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