1948

L'EMANCIPATION DES TRAVAILLEURS SERA L'ŒUVRE DES TRAVAILLEURS EUX-MÊMES
La Voix des Travailleurs – ORGANE DE LUTTE DE CLASSE
PRIX : 4 francs


Voix des Travailleurs nº 33

Barta

4 février 1948


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Publié il y a cent ans,

LE "MANIFESTE COMMUNISTE" AVAIT RAISON !

Quand l'expédient de la dévaluation sera épuisé, ce "coup de fouet" en nécessitera bien d'autres, disions-nous la semaine dernière.

Mais le gouvernement capitaliste Schuman n'a même pas attendu que ce "coup" de la dévaluation soit épuisé pour en monter un autre : le retrait des billets de 5.000 frappe en même temps. Qui ? Toujours les mêmes. Comme la dévaluation, le retrait des billets de 5.000 frs. consomme la ruine de nouvelles couches des classes moyennes et inflige aux salariés de nouvelles souffrances.

Cette mesure ne porte, par contre, aucunement atteinte aux privilèges économiques des gros, dont la fortune est constituée par la possession d'usines, de terres, d'or et de devises fortes. A eux, on leur a donné la liberté de spéculer avec leurs dollars et leur or, car c'est d'eux que le gouvernement Schuman attend le salut ! C'est pour faire marcher quand même le système économique capitaliste qui agonise en engendrant la paralysie et l'effondrement, que les masses reçoivent des "coups de fouet". Cependant, des politiciens qui veulent tirer profit de ces mesures contre les grandes masses s'empressent d'en donner une explication démagogique. Pour les uns, la faute en est aux récentes grèves ouvrières ; pour les autres, c'est le fait du "parti américain"

Mais, est-ce qu'au temps "béni" où gouvernait le "parti français" Thorez-De Gaulle-Bidault et où les ouvriers se résignaient à serrer leur ceinture sans protester, la paupérisation des masses ne s'aggravait pas de jour en jour, malgré la fin de l'occupation et de la guerre et malgré une production revenue à son niveau d'avant guerre ?

Ce n'est pas d'hier, ce n'est pas d'aujourd'hui cependant, que ce qui arrive a été expliqué. Il y a exactement 100 ans en février 1948, que paraissait le "Manifeste communiste", dans lequel Marx et Engels, en tant que combattants pour l'émancipation politique et économique de la classe ouvrière et théoriciens du socialisme scientifique, décrivaient ainsi le sort qui devait être infailliblement celui de l'ouvrier et des classes moyennes en régime capitaliste :

"L'ouvrier, loin de s'élever avec le progrès de l'industrie, descendra toujours plus bas. Il tombera dans le paupérisme", disait textuellement le Manifeste.

"Les classes moyennes se prolétariseront, ruinées par la concurrence des gros capitalistes.

"Les richesses de plus en plus grandes se concentreront entre un nombre de plus en plus restreint de possédants. D'un côté, une concentration inouïe des richesses, de l'autre côté, une misère de plus en plus grande pour le plus grand nombre.

"Tant que les moyens de production sont entre les mains d'une minorité possédante, tout gouvernement n'est que le "comité exécutif" des riches contre les pauvres."

Aujourd'hui, que l'ouvrier en travaillant ne reçoit que ce que recevait un chômeur avant 1938 ; que les classes moyennes ont été ruinées par toutes les opérations financières quelles qu'elles soient (inflation, dévaluation, etc.) ; que tous les gouvernements qui se sont succédés (d'"union sacrée" à la Daladier, du "chef de l'Etat" à la Pétain, d'"union nationale" à la Thorez-De Gaulle-Bidault, ou de Troisième Force) ont tous agi de la même façon : faire de la société un bagne pour les ouvriers et un paradis pour les capitalistes ; qu'est-ce qui s'avère juste ? Les phrases démagogiques des politiciens ou l'explication scientifique marxiste, vieille de cent ans ?

Sont-ce les théoriciens de la bourgeoisie qui saluaient dans le règne du patronat une ère millénaire de progrès indéfini, économique, social et culturel pour toutes les classes qui avaient raison, ou bien le "Manifeste communiste" qui proclamait : "Les prolétaires n'ont que leurs chaînes à perdre".

Mais si le Manifeste a eu raison contre les théoriciens de la bourgeoisie quant aux causes de l'effondrement actuel de la société, c'est encore lui qui a raison quant aux moyens de la relever définitivement : "expropriation des capitalistes", voilà la solution préconisée par Marx et Engels. Il faut que cesse la domination incontrôlée d'une minorité de parasites sur tous les moyens de production ; il faut que les seuls et véritables producteurs, les ouvriers et les techniciens, établissent leur contrôle sur la marche des entreprises et des banques dans l'intérêt du peuple tout entier. Si la classe ouvrière réussit à imposer ce contrôle aux capitalistes, l'avenir de l'humanité est assuré !

Et la classe ouvrière en sera capable car, conclut le Manifeste, dans cette lutte les prolétaires n'ont que leurs chaines a perdre et un monde a gagner.

La Voix des Travailleurs


PLUS LES OUVRIERS BAISSENT LA TETE PLUS LE PATRONAT LEVE LA TRIQUE

Rien que depuis le 31 décembre, le coût de la vie s'est officiellement élevé de 14%. Or, dans la plupart des usines, les ouvriers n'ont même pas touché, au jour d'aujourd'hui, l'augmentation prévue au 1° décembre. Opération fructueuse pour le patronat, que de verser des acomptes de 5 frs. ou même de 2 frs. (comme chez Renault pour les manœuvres), sur une augmentation qui vaudra moins de la moitié, au moment où elle sera versée, par rapport au moment où elle a été "accordée".

Les abus que le patronat ne cesse de multiplier depuis deux mois contre les ouvriers, ne se résument pas seulement à cette escroquerie. A cela s'ajoutent : la complication volontaire du calcul des salaires, d'où écarts considérables entre ouvriers d'une même catégorie, les vols du patron sur cette partie instable du salaire que constituent primes, boni, etc..., la cadence sans cesse augmentée, les vexations et les brimades de toutes sortes, la surveillance policière, la cantine misérable.

C'est devant cette aggravation flagrante de la situation que le syndicat démocratique Renault, par un tract, appelle les ouvriers à résister, car PLUS LES OUVRIERS BAISSENT LA TETE, PLUS LA DIRECTION LEVE LA TRIQUE.

Si cet été, continue le tract, nous avons pu tenir tête à la direction, ce n'est pas parce que nous étions en meilleure posture pour le faire, mais parce que nous avions confiance en nous-mêmes.

Il est vrai que la grève de novembre a été un échec, mais un échec dû à la direction cégétiste et un échec à prévoir : les ouvriers n'avaient pas manqué de manifester leur méfiance "contre un mouvement de grève généralisé dont l'initiative aurait appartenu à la C.G.T." (Tract du S.D.R., 22 octobre 1947).

Mais l'année dernière aussi, avant les luttes de cet été et de cet automne, la situation ne paraissait guère plus favorable.

Il y a un an à pareille époque, le patronat menait contre les ouvriers la même politique de répression : pour diffuser un tract, protestant contre les bas salaires, les chronométrages arbitraires ou le manque total de protection dans le travail, il fallait agir clandestinement, sous peine de se faire mettre sur-le-champ à la porte.

La classe ouvrière pliait sous le joug de la collaboration et de la complicité de leurs soi-disant représentants syndicaux (frachonistes et jouhaussistes "unis" dans la C.G.T.) avec le patronat.

Devant cette coalition unanime contre eux, les ouvriers avaient la sensation de ne pouvoir agir. Ainsi, personne ne "voulait" faire la grève.

Des années de collaboration de classe semblaient avoir définitivement maté les ouvriers. Et cependant la classe ouvrière a été capable d'agir. Elle a voulu, et elle a fait la grève. Le magnifique mouvement de mai a surgi d'en bas, envers et contre tout.

Or, après avoir déjà montré pendant des mois qu'elle sait lutter et se défendre, la classe ouvrière est d'autant plus capable aujourd'hui de le faire.

Ce n'est donc pas un hasard si le S.D.R. dans son tract, fait à nouveau appel à la confiance des ouvriers en eux-mêmes. Comme il y a un an, ce n'est que dans la mesure où ils auront repris confiance dans leur capacité de tenir tête au patronat qu'ils pourront résister à sa politique criminelle.

Même si pendant les luttes de cet été les ouvriers, parce que mal dirigés, n'ont pas obtenu la satisfaction de leurs revendications essentielles, ces luttes leur avaient fait gagner, vis-à-vis du patronat, une certaine liberté sans laquelle ils seraient totalement écrasés sous son talon de fer.

Ce qui doit donner confiance aux ouvriers : c'est ce qu'ils ont été capables de faire dans des circonstances qui ne leur étaient pas plus favorables. Ayons confiance en  nous-mêmes, c'est-à-dire en ce que nous avons déjà fait !

Quels que soient les obstacles que ses ennemis lui opposent, la classe ouvrière repassera à l'attaque. Elle ne doit pas baisser la tête, parce que le patronat ne lèverait que plus haut la trique !


L'EXPERIENCE DES OUVRIERS ET LES REVENDICATIONS DU S.D.R.

Le S.D.R. mène campagne depuis longtemps contre la duperie des primes de toute sorte, allouées aux ouvriers en guise de salaire, tout en maintenant leur salaire de base au même taux. Ces primes mettent l'ouvrier à la merci du patron. Leur montant n'étant pas intégré dans le salaire, elles sont considérées comme des suppléments, des gracieusetés du patron, et ce dernier se réserve le droit de les supprimer quand bon lui semble. Or, quel est l'ouvrier qui, à l'heure actuelle, pourrait se contenter uniquement de son salaire de base pour vivre ?

On se rappelle comment, chez Renault, lors de l'augmentation des 11%, la direction a pu, à la suite de savants calculs, n'accorder aux ouvriers que 0,60 fr... en restant dans le cadre de la loi ! Il lui a suffi de se livrer à un tour de passe-passe : elle a bien accordé les 11% prévus sur le taux de base, mais a supprimé en même temps diverses augmentations que les ouvriers en lutte lui avaient arrachées, mais qui, n'ayant pas été intégrées dans le taux de base, avaient été payées au titre de "primes".

Aujourd'hui, encore davantage, les travailleurs ont pu se convaincre combien ils étaient volés. Les journaux parlent couramment de rajustement de 30 et 40%, mais quand les mensuels font le calcul de ce qu'ils touchent, ils s'aperçoivent que c'est à peine 1.000 ou 1.500 francs de plus que ce qu'ils gagnaient auparavant. Pourquoi cela ? C'est que cette augmentation n'est prévue que sur le taux de base. Toute la partie de salaire constituée par les primes (qui représentent souvent la moitié de ce que gagne un ouvrier) reste inchangée. L'augmentation ainsi se réduit de moitié. Bien plus, la loi prévoit la suppression de certaines de ces primes. La prime de vie chère, par exemple, que l'on touche depuis la grève de novembre, leur est enlevée.

Le patronat peut ainsi, de complicité avec le gouvernement, se livrer au jeu de "qui perd gagne", permettant de maintenir les salaires à un niveau sensiblement égal, tout en lançant dans le public des chiffres d'augmentations importantes.

Mais les ouvriers ne resteront pas indéfiniment passifs devant ces méthodes qui les grugent.

A l'arsenal de Toulon, les primes de rendement sont considérées comme faisant partie du salaire, et les ouvriers malades les perçoivent au même titre que ceux qui travaillent.

A l'usine aéronautique de Billancourt, le samedi 31 janvier, les ouvriers ont empêché le départ du prototype de l'avion-cargo "Cormoran", pour exiger que les primes de rendement versées pour l'achèvement du prototype soient intégrées dans le salaire de base.

Leur propre expérience oblige les travailleurs à lutter pour les revendications essentielles mises en avant par le S.D.R.

Là est la seule voie pour échapper aux manœuvres patronales : suppression des primes qui dupent et divisent les ouvriers ; intégration de ces dernières dans le salaire horaire sur lequel doivent porter les rajustements au coût de la vie. Simplification et unification du calcul des salaires !

Pierre BOIS


Dans le Livre

C.G.T. OU AUTONOMIE ?

Prochainement, les ouvriers et techniciens du Livre doivent se prononcer par un référendum au sujet de l'orientation organisationnelle de leur Fédération : rester dans la C.G.T., rallier "Force Ouvrière" ou devenir autonome.

C'est pourquoi la presse syndicale du Livre est consacrée presque entièrement à la discussion de ce problème décisif.

Les partisans de l'unité dans la C.G.T., les frachonistes, brandissent l'épouvantail de la scission, et pour se faire pardonner leurs erreurs passées, vont jusqu'à renier Croizat, secrétaire de la Fédération des Métaux-C.G.T. qui avait calomnié les grévistes du Livre en février 1947, en les traitant de "collaborateurs" et d'"agents de la réaction". C'était l'époque où, selon Frachon et Cie, la grève était "l'arme des trusts".

La propagande pour "Force Ouvrière", vu le petit nombre de ses partisans et son manque de sympathie à la base, est inexistante dans la presse.

La grosse majorité se prononce pour la création d'un syndicat autonome, comme le seul moyen, dans la situation actuelle, de maintenir l'unité de toutes les tendances.

Il est certain que, si on ne considère pas l'autonomie comme un refuge vers le corporatisme, mais comme un moyen de s'émanciper de l'emprise bureaucratique des deux appareils, frachoniste et jouhaussiste, la position autonomiste est un moindre mal, en attendant le regroupement démocratique de la classe ouvrière dans une C.G.T. révolutionnaire. Les camarades du Livre ont trop de tradition de lutte et suffisamment de maturité pour ne pas se rendre compte que, plus que jamais, le succès de leurs luttes est lié au succès des luttes de toute la classe ouvrière.

UN TYPO


CHEZ RENAULT


ENCORE ET A NOUVEAU : LA CANTINE

Si le prix de la cantine a augmenté, la qualité, elle, n'a pas changé. On peut même dire que, certains jours, elle a baissé. Il y a quelques semaines, les ouvriers du département 30, qui mangent à la cantine, furent tous malades l'après-midi, à cause des mets frelatés qu'on leur avait servis. Le vendredi 23 janvier, ceux qui font équipe, n'ont rien pu manger d'autre, pour leur repas du soir que le "biscuit" (!) du dessert, accompagné de la piquette habituelle, les lentilles étant sures ; c'était les restes de midi qui avaient "mijoté" sur le feu tout l'après-midi. Le lundi midi, à la cantine des mensuels, ce sont encore les mêmes lentilles qui ont été servies, en "vinaigrette". Elles avaient quatre jours ! Toute l'autre semaine, nous avons mangé de la saucisse - de celle que pendant l'occupation on avait dénommée "de chien" - à croire que la Commission des cantines en a acheté un lot de plusieurs kilomètres, "en occasion". La qualité de cette saucisse n'est pas une exception : toute la charcuterie, en général, est du même cru, d'une qualité comme on n'en voit plus dans le commerce, car les charcutiers ne trouveraient pas à la vendre, malgré la misère des ouvriers. Quant à la viande, quand il y en a, les tranches en sont si fines qu'elles arrivent à être transparentes ! Pour légumes : pommes de terre et pois cassés alternent aussi sûrement que le jour et la nuit. Bien sûr, il y a, de temps en temps de la choucroute, mais il est rare qu'elle ne soit pas aigre. L'ensemble du menu ainsi offert à des ouvriers qui travaillent dix heures par jour constitue à peine, en quantité, la ration d'un enfant.

Nous n'exagérons pas en disant que ce repas revient tout au plus à trente francs, vin compris. N'empêche que la Commission des cantines débourse 62 francs...

Que peut-on acheter pour 62 francs ? Un bifteck moyen revient – au détail – à 40 francs. L'usine nous vend 13,50 frs. le kilo de pommes de terre, et il y a loin du kilo dans la bouchée de purée qu'on nous octroie. Une bonne ration de lentilles – toujours au détail – revient à peu près à 20 francs, et sans cailloux.

Ce qu'on nous sert, à l'usine, c'est de la camelote au rabais, achetée en gros, et dont les cantines et autres marchands de soupe sont les seuls preneurs. C'est dire que, quand la Commission des cantines évalue à 62 fr. le prix d'un repas, c'est que la majeure partie de ce prix n'est pas affectée à la nourriture mais aux à-côtés de la cantine : la location des locaux étant la charge la plus lourde ! Car la Régie, qui parle volontiers de ses "œuvres sociales" pour soigner sa publicité, entend bien que, pratiquement, cela lui coûte le moins possible. Elle donne une allocation de 20 francs par repas. Seulement, ces 20 francs, elle les récupère grâce à la dîme qu'elle prélève sous forme de location ou autres, sur le budget des cantines.

L'opération se résume pour elle à un simple jeu d'écritures, mais cela lui permet de se poser en philanthrope qui nourrit "ses ouvriers".

Encore un mot sur le service. Dans les cantines des ouvriers, il y a des assiettes en métal et des gobelets pour la boisson. Et les ouvriers sont obligés, quand ils ont fini, de desservir eux-mêmes et de faire la queue pour rendre leur écuelle. Chez les mensuels, le couvert est mis avec assiettes de faïence et verres. Les tables sont propres, et même – ô luxe ! – il y a de temps en temps des nappes en papier !

Seulement, pour leur faire payer un tel surcroît de "bien-être", une affiche informe aimablement les convives que "le pourboire étant le seul salaire des serveuses, le 10 p.cent est obligatoire". Ce qui augmente de cent sous le prix du repas, exactement le même que celui des ouvriers !

La direction présente l'organisation des cantines comme une "œuvre sociale". Mais les travailleurs n'ont que faire de secours et d'aumônes. S'ils percevaient un salaire décent, ils sauraient bien se nourrir eux-mêmes. Puisqu'ils sont réduits chaque jour davantage à la famine, c'est leur droit d'exiger que ceux pour qui ils triment, assurent leur subsistance. Sans nourriture, pas de travail !

LUCIENNE


Diviser pour régner

La dernière loi sur les salaires prévoit que dans une catégorie, le salaire minimum et le salaire maximum pourront être distants l'un de l'autre de 15%. Comme les nouveaux salaires de base des O.S. seront d'environ 50 francs et que 1% représente 50 centimes et 15% 7 fr.50, il y aura place, avec le nouveau règlement, pour une infinité de salaires, tous fixés à la tête du client. Ce sont là les possibilités nouvelles de division qu'offre la dernière réglementation. Mais les patrons n'ont pas attendu aujourd'hui pour agir dans ce sens, la direction de la R.N.U.R. en particulier.

C'est ainsi qu'au département 6, les ouvriers d'une chaîne se sont vus dernièrement réglés entre 55 et 57 francs, alors qu'une ouvrière ébarbeuse avait 58 fr.80. Aux fonderies, où deux ouvriers inconscients ont fait une compétition à qui produirait le plus, l'un d'eux s'est retrouvé à la paie avec 6 francs horaire de moins (!) qu'à la quinzaine précédente. Le fait est coutumier dans ce département où certains ouvriers (malheureusement assez nombreux) tapent dans la butte et pulvérisent les temps. Seulement les paies n'en augmentent pas pour autant et c'est tantôt l'un qui a 2 francs de plus, tantôt l'autre.

Les salaires inégaux sont la source de divisions entre ouvriers que les patrons entretiennent à dessein. Il faut lutter pour des salaires uniformes, mais lutter contre les patrons.


La direction fait des économies

Emue par les 20 centimes d'augmentation de la prime d'insalubrité qui était passée, il y a un mois, de 1 fr.50 à       1 fr.70, la direction a décidé de ne pas en rester là. Et pour cela, elle contre-attaque en envoyant sur les lieux le "toubib", qui s'empresse, bouc au vent, de constater que, vu les aspirateurs (qui sont là depuis un an), il n'y a plus d'insalubrité.

Bien entendu, il ne veut pas voir la poussière qui recouvre les machines avoisinantes. Il est venu là non pour veiller sur la santé des ouvriers, mais pour veiller sur la bourse du patron et économiser sur les primes. Il faut bien qu'il prouve à la direction son "utilité".

D'ailleurs, qu'importe à la direction que les ouvriers aient les poumons encrassés pourvu qu'elle arrive à rogner 1 fr.70 à chaque ouvrier, ce qui, au total, fait toujours autant à ajouter dans ses coffres-forts !

G. DUVERNET

P.S. – En principe, les primes d'insalubrité sont destinées à remplacer le lait qui fait défaut. Même en payant 1 fr.70 de l'heure, en faisant dix heures par jour, cela fait 17 francs. Or, à la taxe, un litre de lait coûte déjà 40 francs. C'est au moins 50 francs par jour qu'il faudrait donc pour acheter le litre de lait auquel ont droit les ouvriers qui font un travail insalubre.


LA PAYE

Les ouvriers n'ont pas encore touché l'augmentation "accordée" depuis deux mois. Peut-être faudra-t-il encore se mettre en grève... pour faire appliquer la loi ?

La direction attend, paraît-il, la circulaire d'application du ministère du Travail spéciale à la Régie.

Aussi, au mois de février, nous n'aurons qu'un acompte sur une augmentation qui part du 1er décembre. Cet acompte sera de 2 francs de l'heure pour le manœuvre, 4 francs pour l'O.S.1, 5 francs pour le O.S.2, 6 francs pour le P1, etc., suivant la classification hiérarchique, payé du 10 décembre jusqu'à aujourd'hui. De plus, nous toucherons un rappel de 2 fr.50 de l'heure, du 10 décembre (date à laquelle nous avons repris le travail) au 31 décembre. Pour cette période, en effet, la prime de vie chère a été payée à 7,50 frs au lieu de 10 francs.

Quant au reste, attendons que les bureaucrates des ministères et de la direction aient pondu leur circulaire.

Et quand ils se seront décidés à nous donner le rappel, la hausse des prix, l'inflation et la dévaluation nous auront repris le double de ce que nous donne l'augmentation. C'est ainsi que les patrons s'arrangent pour le mieux dans le meilleur des mondes.


AU MATERIEL TELEPHONIQUE

La direction spécule sur tout

La direction du Matériel téléphonique justifie sa réputation de combat : elle joue au plus fin avec les ouvriers.

Sous prétexte qu'il n'y avait pas de travail dans l'usine, elle avait demandé aux ouvriers s'ils acceptaient de partir dans les centraux, en province. Le voyage devait être payé et une indemnité de déplacement leur permettrait de subvenir à leurs besoins sur place. Certains jeunes, séduits par l'attrait du voyage, acceptèrent. Ce qui leur permit d'apprécier très vite "l'occasion" offerte : les frais de restaurant et d'hôtel absorbaient non seulement l'indemnité mais encore une bonne partie du salaire. "On y a mangé de l'argent", concluait un ouvrier.

Mais le manque de travail, dont la direction s'est servie pour expédier des ouvriers en province n'a pas été l'occasion, pour ceux qui restaient, de ralentir leur effort.

Au contraire, les salaires étant tellement bas, certaines ouvrières, pour gagner leur vie, ont dû forcer la cadence au point de crever le plafond et de s'attirer ainsi les observations de la part de leurs compagnes.

Pour voler les ouvriers, tous les moyens sont bons. La direction spécule sur tout : les illusions de la jeunesse, la division des ouvrières et la faim des ouvriers.

A la cantine, elle a réussi à maintenir sa subvention à 5 francs par repas !... alors que les ouvriers, eux, paient actuellement 70 francs pour un repas insuffisant et mal préparé ! Si bien que la plupart d'entre eux apportent leur gamelle (sans d'ailleurs toucher l'indemnité de nourriture que leur doit, en réalité, la direction). "ça me coûte plus cher, mais comme ça, je mange à ma faim", disait une ouvrière.

Au L.M.T. comme ailleurs, les ouvriers doivent se rendre compte que la lutte contre le patron est une résistance de tous les jours.


CHEZ SIMCA

Le plus sûr moyen

Comme dans les autres usines, les ouvriers ont l'habitude, en raison de leur maigre salaire, de réclamer chaque semaine un acompte.

Cette semaine, la direction a eu le cynisme de leur faire savoir qu'elle possédait en caisse 75 millions, mais qu'étant donné le retrait de la circulation des billets de 5.000 francs, elle ne pouvait leur accorder l'acompte habituel.

Il y a 4.000 ouvriers chez Simca qui reçoivent 2.000 francs d'acompte chacun, ce qui porte à 8 millions la somme que la direction doit verser chaque semaine.

Estimant, avec raison, que sur une telle somme, le patron possédait certainement 8 millions qui ne fussent pas en billets de 5.000 frs., les ouvriers arrêtèrent les machines pendant une heure, d'un commun accord. Le patron trouva alors miraculeusement les 8 millions nécessaires, dévoilant de la sorte sa mauvaise foi. Ce n'est pas la première fois, ni sans doute la dernière, que la direction se retranche derrière son hypocrite "je ne peux pas..." jusque dans les plus petites choses. Mais les ouvriers ont désormais la preuve que l'action directe est le plus sûr moyen de débusquer le patron de ses positions.


Et chez les chômeurs...

Les caisses de secours aux chômeurs ont rouvert leurs portes. Mais, pour dérisoire qu'elle soit (70 francs par jour !), l'allocation n'est pas chose facile à obtenir.

Tout d'abord, chaque chômeur doit se présenter au bureau, sans rien toucher, tous les jours pendant cinq jours, délai au bout duquel l'ouvrier doit être casé. Le travail, quel qu'il soit, le chômeur est tenu de l'accepter. Sinon, pas de secours ! C'est ainsi :

Qu'une ouvrière qualifiée à dû accepter un emploi d'O.S. machine (ce qui n'empêche que, par ailleurs, on se plaigne du manque de main-d'œuvre qualifiée...).

Qu'un ouvrier ne pouvant travailler qu'assis est obligé de prendre un emploi où il est obligé de rester debout.

Qu'une ouvrière doit se mettre cireuse de parquets, etc...

Non seulement, on case les ouvriers n'importe où et on les oblige à se soumettre aux conditions de travail les plus désavantageuses, mais encore on leur inflige des humiliations de toute sorte : une ouvrière qui, n'étant pas prévenue, ne s'est pas présentée un jour sur les cinq de pointage obligatoire, s'est vue contrainte de recommencer une nouvelle série de cinq jours, sans être payée.

La bourgeoisie ne se contente plus de faire trimer les ouvriers et de les voler, elle voudrait les réduire à la mendicité. Mais les chômeurs ne se laisseront pas traiter en mendiants !


Adresser toute correspondance, abonnements et mandats par poste à JEAN BOIS, 65, rue Carnot, Suresnes (Seine)
Rendez-vous de 18h à 20h : café-tabac «Le Terminus» 
angle r. Collas av. Edouard Vaillant. M° Pont-de Sèvres


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