1919

Un ouvrage qui servira de manuel de base aux militants communistes durant les années de formation des sections de l'Internationale Communiste.


L'ABC du communisme

N.I. Boukharine


1
Le régime capitaliste


13 : Contradictions principales du régime capitaliste

Maintenant, il nous faut rechercher si la société bourgeoise est bien construite. Une chose n’est solide et bonne que lorsque toutes ses parties sont bien ajustées ensemble. Prenons un mécanisme d’horlogerie : il ne fonctionne régulièrement et sans arrêt que si chaque roue est bien adaptée à la voisine, dent par dent. Considérons, maintenant, la société capitaliste. Nous remarquons sans peine qu’elle est loin d’être aussi solidement construite qu’elle le paraît, et qu’au contraire, elle trahit de très grandes contradictions et montre de graves fissures.

Avant tout, en régime capitaliste, il n’y a pas de production ni de répartition organisées des marchandises; il y a anarchie dans la production. Qu’est-ce que cela veut dire ? Cela veut dire que chaque entrepreneur capitaliste (ou chaque association de capitalistes) produit les marchandises indépendamment des autres. Cen’est pas la société tout entière qui calcule ce qu’il lui faut, mais tout simplement les industriels, qui font fabriquer avec le seul but de réaliser le plus de profits possible et de battre leurs concurrents sur le marché. C’est pourquoi il arrive parfois qu’on produit trop de marchandises (il s’agit, évidemment, de la situation d’avantguerre) et qu’on ne peut les écouler, les ouvriers ne pouvant les acheter, faute d’argent. Alors, survient une crise : les fabriques sont fermées, les ouvriers sont jetés sur le pavé.

De plus, l’anarchie dans la production amène la lutte sur le marché; chaque producteur veut enlever à l’autre ses acheteurs, les attirer à lui, accaparer le marché. Cette lutte prend différentes formes, différents aspects, commençant par la lutte entre deux fabricants et finissant par la guerre mondiale entre les Etats capitalistes pour le partage des marchés de l’Univers entier. Il ne s’agit plus là seulement de parties intégrantes de la société capitaliste qui s’accrochent l’une à l’autre, mais bien d’un véritable choc entre elles.

Ainsi, la première cause de la dislocation du capitalisme, c’est l’anarchie dans la production, qui se manifeste par les crises, la concurrence et les guerres.

La deuxième cause de dislocation est la division en classes. Car, la société capitaliste n’est pas, au fond, une seule société, elle est coupée en deux sociétés : les capitalistes d’un côté, les ouvriers et les pauvres de l’autre. Ces deux sociétés se trouvent entre elles en état d’hostilité continuelle, irréconciliable, ininterrompue; hostilité qui se traduit par la lutte des classes. Nous voyons à nouveau que les différentes parties de la société capitaliste, non seulement ne sont pas ajustées l’une à l’autre, mais, au contraire, se trouvent entre elles dans un antagonisme continuel. Le capitalisme s’écroulera-t-il, oui ou non ? La réponse dépend de l’examen suivant : si, observant le développement pris par le capitalisme au cours des temps, nous trouvons que sa dislocation va en diminuant, nous pouvons lui prédire une longue vie; si nous découvrons, au contraire, qu’avec le temps, les différentes parties de la société capitaliste se heurtent inévitablement de plus en plus fort, et que les fissures de cette société doivent non moins inévitablement se changer en abîmes, alors nous pouvons entonner le De Profundis.

Il nous faut donc étudier le développement du régime capitaliste.


Archives Boukharine Archives Internet des marxistes
Début Précédent Haut de la page Sommaire Suite Fin