1919

Un ouvrage qui servira de manuel de base aux militants communistes durant les années de formation des sections de l'Internationale Communiste.


L'ABC du communisme

N.I. Boukharine


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La deuxième et la troisième Internationales


39 : Le Centre

Un autre groupe des vieux partis socialistes forme ce qu’on appelle le Centre. On l’appelle ainsi parce qu’il hésite entre les communistes d’un côté et les social-chauvins de l’autre. A ce courant appartiennent : en Russie, les mencheviks de gauche, Martov en tête; en Allemagne, les indépendants (Parti social-démocrate indépendant), avec Kautsky et Ledebour; en France, le groupe de Jean Longuet; en Amérique, le Parti socialiste américain, avec Hillquit; en Angleterre, une fraction du Parti socialiste britannique et de l’Independent Labour Party, etc.

Au commencement de la guerre, ces gens se sont prononcés, avec tous les social-traîtres, pour la défense nationale et contre la révolution. Kautsky écrivait que la pire calamité est l’invasion ennemie et que c’est seulement après la guerre qu’on pourrait reprendre la lutte contre la bourgeoisie. Pendant la guerre, l’internationalisme, de l’avis de Kautsky, n’avait rien à faire. Après la conclusion de la « paix », Kautsky écrivit que tout étant démoli, il ne fallait plus penser au socialisme. Ainsi, pendant la guerre, on ne doit pas combattre, car il n’y a rien à faire, mais la paix revenue, on ne peut pas non plus combattre, car la guerre a tout démoli. La théorie de Kautsky est une proclamation d’impuissance absolue qui abrutit le prolétariat. Pis encore, pendant la révolution, Kautsky est parti dans une rage folle contre les bolcheviks. Lui, qui a oublié la doctrine de Marx, il fait maintenant campagne contre la dictature prolétarienne, contre la terreur, etc., sans s’apercevoir qu’il ne fait ainsi qu’aider la terreur blanche de la bourgeoisie. Son programme à lui est d’un vulgaire pacifiste : tribunal d’arbitrage, etc. En quoi il est d’accord avec n’importe quel pacifiste bourgeois.

La politique du Centre oscille, trébuche, impuissante, entre la bourgeoisie et le prolétariat, désire concilier l’inconciliable et, dans les moments décisif, trahit le prolétariat. Pendant la Révolution d’Octobre, le Centre russe (Martov et Cie) se plaignait de la violence des bolcheviks. Il s’efforçait de réconcilier tout le monde, en aidant la garde blanche et en affaiblissant l’énergie combative du prolétariat. Le parti menchevik n’a même pas exclu ceux de ses membres qui avaient comploté avec les généraux et leur avaient servi d’espions. Dans les journées difficiles du prolétariat, ce Centre prêchait la grève au nom de la Constituante et contre la dictature du prolétariat; pendant l’avance de Koltchak, certains centristes lançaient, en pleine solidarité avec les conspirateurs bourgeois, le mot d’ordre de la cessation de la guerre civile (le menchevik Pleskov). En Allemagne, les indépendants ont joué le rôle de traîtres pendant le soulèvement des ouvriers de Berlin, quand ils se mirent euxmêmes à « réconcilier », en plein combat, contribuant ainsi à la défaite; nombre d’entre eux sont pour une action commune avec les partisans de Scheidemann. Mais le plus grave, c’est qu’ils ne préconisent pas le soulèvement en masses contre la bourgeoisie et endorment le prolétariat avec des espoirs pacifistes. En France et en Angleterre, le « Centre » condamne la contre-révolution, « proteste » en paroles contre l’étranglement de la révolution, mais manifeste une incapacité absolue pour l’action de masses.

Actuellement, le Centre est tout aussi nuisible que les social-chauvins. Les centristes ou, comme on les appelle encore, les kautskystes, essaient également de ranimer la II° Internationale, ce cadavre, et de la « réconcilier » avec les capitaliste. Il est clair que sans une rupture complète avec eux et sans lutte contre eux, la victoire sur la contre-révolution est impossible.

Les tentatives pour reconstituer la II° Internationale se sont faites sous le patronage bienveillant de la Société des Nations, association de brigands. Car les social-chauvins sont vraiment aujourd’hui le dernier appui du régime capitaliste en décomposition. La guerre impérialiste n’a pu faire rage pendant cinqannées que grâce à la trahison de classe des partis socialistes. Puis, lorsque vint l’époque révolutionnaire, la bourgeoisie commença à s’appuyer directement sur eux pour étouffer par eux le mouvement du prolétariat. Les anciens partis socialistes sont devenus l’obstacle principale à la lutte de classe pour le renversement du capital. Pendant la guerre, chacun des partis social-traîtres répétait les mots d’ordre de sa bourgeoisie. Après la paix de Versailles, lorsque s’est formée la Société des Nations, ce qui restait de la II° Internationale (c’est-à-dire les social-chauvins et le Centre) se mit à répéter les mots d’ordre lancés par la Société des Nations. Avec la Société des Nations, la II° Internationale reprocha aux bolcheviks la terreur, la violation des principes démocratiques, leur « impérialisme rouge ». Au lieu de mener une lutte décisive contre les impérialistes, elle en soutient les principes.


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