1919

Un ouvrage qui servira de manuel de base aux militants communistes durant les années de formation des sections de l'Internationale Communiste.


L'ABC du communisme

N.I. Boukharine


Avertissement

Cette nouvelle édition de l’ABC du Communisme est, par le nombre de ses pages — 175 au lieu de 375 — inférieure d’une bonne moitié à l’ancienne. Pourquoi cela ? C’est ce que nous devons dire au lecteur.

L’ancienne édition — parue en novembre 1923 et presque aussitôt épuisée que parue, malgré la force du tirage (5.000 exemplaires) — comprenait deux parties bien distinctes, l’une intitulée le Développement du Capitalisme et sa fin, l’autre la Dictature du Prolétariat et l’Edification du Communisme.

La première partie, œuvre de Boukharine, contenait un exposé d’ensemble, très élémentaire et même un peu schématisé, des principes, des modalités et des tendances du régime capitaliste, considéré surtout dans sa période actuelle qui est celle de son déclin. La seconde partie, œuvre de Préobrajensky — à l’exception de trois ou quatre chapitres qu’avait rédigés Boukharine — concernait particulièrement la Russie des Soviets : c’était un commentaire approfondi, article par article, du nouveau programme — adopté en 1918 — du Parti Communiste russe, c’est-à-dire, il ne faut jamais l’oublier, d’un parti qui, maître des organes du pouvoir politique, n’a plus à se poser le problème de la conquête du pouvoir, mais seulement celui de son utilisation par le prolétariat, d’un parti dont la tâche révolutionnaire a dépassé la phase négative et consiste désormais dans la réalisation méthodique et graduelle du communisme.

Nous inscrivions en novembre 1923, au seuil de l’ancienne édition, les observations que voici, ayant précisément trait à cette seconde partie de l’ABC :

Une autre remarque est à faire. L’ABC a été écrit au cours de l’année 1919, à l’époque tragique où la Russie des Soviets luttait farouchement contre la mort. Aux prises avec une guerre civile impitoyable et soudoyée; abandonnée à elle-même par le sabotage d’intellectuels et de techniciens à qui la dictature du prolétariat apparaissait comme la pire des calamités de l’histoire; manquant, du fait des cordons sanitaires et des fils de fer barbelés tendus à ses frontières par les brigands de l’Entente, de denrées alimentaires, de matières premières, de machines et de produits fabriqués, — la Russie des Soviets luttait farouchement contre un monde d’ennemis. C’était l’époque du communisme de guerre, communisme de consommation plus que de production, forcément élémentaire, impérieux, voire parfois brutal. On sent cela à presque toutes les pages de la deuxième partie de l’ABC.
La cessation de la guerre civile, le desserrement du blocus, l’affermissement du pouvoir des Soviets, l’évolution de nombreux techniciens et intellectuels passés au service de la République rouge, un immense et consciencieux effort de développement des forces productives, la fin du régime des réquisitions, l’adoption d’une nouvelle politique économique (la Nep), caractérisée par la réouverture d’un marché libre, — tout cela a clos cette période glorieuse, mais primitive, de la Révolution russe. La Russie soviétique de 1923 ne ressemble plus trait pour trait à la Russie soviétique de1919. C’est dire que maints passages de la deuxième partie de l’ABC sont aujourd’hui soit périmés, soit vieillis. Nous n’avons pas cru, cependant, devoir les supprimer. Si la réalité à laquelle ils se réfèrent s’est modifiée depuis quatre ans, si elle s’est assouplie, diversifiée, nuancée, elle n’en a pas moins existé. Elle appartient à l’histoire du prolétariat russe, du Parti Communiste russe. Elle mérite d’être connue des communistes d’un pays comme le nôtre pour qui de semblables problèmes ne sont malheureusement encore qu’objets d’étude et de réflexion.

Si la Russie de 1923 ne ressemblait déjà plus trait pour trait à celle de 1919, à plus forte raison la Russie de janvier 1925. Aussi n’avons-nous pas hésité à alléger cette nouvelle édition de l’ABC de toute la seconde partie. Non qu’elle fut, encore une fois, d’un intérêt médiocre pour les communistes studieux. Mais elle alourdissait un ouvrage qui, pour mériter son titre, doit être court et s’en tenir à ce qui, dans la vérité communiste, ayant une valeur universelle, peut être confirmé, à l’aide de leur expérience quotidienne, par les prolétaires de tous les pays capitalistes. Il faut donner à ces prolétaires ce dont ils manquent le plus : une vue générale de l’évolution du capitalisme, de son état actuel, des contradictions qu’il porte en lui; il faut surtout étayer en eux cette notion fondamentale que le capitalisme, après un siècle de prospérité et de grandeur, marche aujourd’hui, d’un pas qui s’accélère, vers la décrépitude, la désagrégation et la mort. C’est ce que fait, avec autant de simplicité que de bonhomie, notre camarade Boukharine. Il n’est pas un ouvrier communiste qui ne puisse gagner quelque chose à se mettre attentivement à l’école d’un aussi bon maître.


Amédée Dunois


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