1844

Le 25 mai 1844, le Northern Star [1], organe central des chartistes britanniques, publie un article d’Engels sous le titre "Beer Riots in Bavaria".


Les émeutes de la bière en Bavière

Friedrich Engels

25 mai 1844


La bière bavaroise est la plus célèbre de toutes celles qui sont brassées en Allemagne et les Bavarois sont logiquement accros à cette boisson qu’ils consomment en assez grande quantité.

Le gouvernement a décidé d’une nouvelle taxe de 100 Schilling par Maß (NdT : litre), ce qui a conduit à des émeutes qui ont duré plus quatre jours. La population laborieuse s’est regroupée en masse, a marché dans les rues, a attaqué des bâtiments officiels, brisé des vitres et détruit tout ce qui se trouvait sur son passage pour protester contre la hausse du prix de sa boisson préférée.

L’armée a été appelée, mais un régiment de cavalerie, qui avait reçu l’ordre d’intervenir, a refusé d’obéir. La police, qui est comme partout particulièrement impopulaire dans le peuple, était violemment attaquée, battue et maltraitée par les émeutiers, et chaque poste de garde, d’habitude occupé par des officiers de police, était occupé par des soldats, qui sur la base de leur bon comportement avec la population étaient considérés comme moins hostiles et montraient ouvertement une réticence à intervenir. Ils ne sont intervenus que lorsque la résidence royale a été attaquée, et même dans ce cas, sans avoir une attitude qui retiennent les émeutiers.

Le deuxième soir (le 2 mai), le roi, dont la famille fêtait en même temps un mariage et qui pour cette raison avait réuni de nombreux illustres invités à sa cour, s’est rendu au théâtre ; mais alors qu’à la fin du premier acte une foule humaine se regroupait devant le théâtre et menaçait de tout casser, tout le monde a quitté le bâtiment pour voir ce qui se passait et Sa Majesté et ses illustres invités ont été forcés de les suivre pour ne pas rester seuls sur leurs places. La presse française a prétendu que le roi aurait donné l’ordre aux militaires sur place de tirer sur la foule et que les soldats auraient refusé. La presse allemande n’en a pas parlé, comme on pouvait s’y attendre à cause de la censure ; mais comme la presse française est parfois particulièrement mal informée sur les affaires étrangères nous ne pouvons pas garantir la véracité de cette information.

En conséquence, le roi poète (Louis de Bavière est l’auteur de trois recueils illisibles de poésie, d’un guide du visiteur d'un de ses bâtiments publics [2], etc.) s’est trouvé dans une situation particulièrement embarrassante durant ces émeutes. A Munich, une ville pleine de soldats et de police, le siège de la cour royale, les émeutes ont duré quatre jours malgré la présence militaire, et finalement les émeutiers ont atteint leur but. Le roi a par décret refait baissé le prix du litre de bière de 10 à 9 Kreuzer, ce qui a rétabli le calme.

Maintenant que le peuple a, pour la première fois, pris conscience qu’il pouvait modifier le système fiscal en effrayant le gouvernement,  il apprendra vite qu’il est tout aussi facile de l’effrayer pour des affaires encore plus importantes.

Écrit à la mi-mai 1844

Première publication dans The Northern Star No.341, May 25, 1884, avec une note de l'éditeur : “From our own Correspondent”


1. Une note du volume 3 des MECW décrit ainsi The Northern Star :
Organe central des Chartistes, hebdomadaire, publié de 1837 à 1852, d'abord à Leeds, et ensuite à Londres ; fondé et édité par Feargus O’Connor, George Harney fut l'un de ses éditeurs. Engels y apporta sa contribution de 1843 à 1850.

2. Un des monuments publics de Louis de Bavière, construit en 1841 près de Regensburg, fut nommé par lui “Walhalla”, nom de la légendaire demeure posthume des héros mythologiques allemands. Le palais contenait une collection de sculptures d'hommes célèbres en Allemagne. Le Roi lui-même écrivit un guide touristique : Walhalla's Genossen, geschildert durch König Ludwig den Ersten von Bayern, den Gründer Walhalla's, München, 1842. Les poèmes de Louis de Bavière sont un échantillonage de poésie vide de sens et prétentieuse ; il furent publiés en 1842. [Note de l'édition Lawrence and Wishart des MECW, Vol.3, London, 1975].


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